République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 21 juin 2024 à 14h
3e législature - 2e année - 3e session - 16e séance
R 1037
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la R 1037, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à Mme Bayrak.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Merci, Monsieur le président, mais je préférerais que l'auteur prenne la parole en premier.
Le président. Excusez-moi, Madame Bayrak. La parole revient à M. Genecand.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Si la LRGC pouvait être suivie, ça serait pratique: j'avais droit à quatre minutes en tant que rapporteur de majorité - je remplaçais M. Sirolli - et j'avais ensuite évidemment droit à trois minutes...
Une voix. Non !
M. Adrien Genecand. ...pour parler du renvoi en commission. Si vous décidez que je suis obligé de parler sept minutes d'une traite, il faut l'annoncer, et ça change un peu les règles, car j'ai droit à trois minutes de plus pour parler du renvoi en commission. Donc, la manière dont vous avez mené le débat était fausse.
Le président. Monsieur le député, nous parlons de la R 1037 !
M. Adrien Genecand. Oui, oui ! Si ça vous arrange de faire ça, Monsieur le président, vous pouvez, mais je voulais juste vous rappeler que c'était faux. (Brouhaha.)
Le président. Je vous rappelle que nous traitons la R 1037 !
M. Adrien Genecand. Sur la résolution en question, Monsieur le président... (Brouhaha.)
Le président. Est-ce que vous parlez de la R 1037, Monsieur le député ?
M. Adrien Genecand. Monsieur le président, dans la même veine que ce qu'on a pu discuter, à savoir les prémices de cette question, la VTT, c'est l'obligation faite par le Conseil d'Etat, sans aucune consultation de la députation, de penser ce que sera le développement de ce canton d'ici à 2050. Une très large majorité de la commission a considéré que c'était complètement outrancier de fixer de grands chiffres sans que la commission d'aménagement du canton et plus généralement notre Grand Conseil puissent se prononcer. Raison pour laquelle on doit rappeler quelques éléments.
Premièrement, ce qui va construire l'aménagement de ce canton, c'est le plan directeur cantonal, qui, pour l'instant, court jusqu'à 2030; ce plan directeur cantonal doit être révisé. Il est exclu, Monsieur le président - mais manifestement, vous faites partie d'une majorité qui aime bien ça -, que l'administration fasse ce qu'elle fait dans le cadre du développement de ce canton sans aucun contrôle parlementaire, puis dépose des choses pour accréditer ce qui a déjà été écrit, rédigé, pensé et qui construit le paysage de notre territoire. Avec cette proposition de résolution, il s'agit donc de rappeler la primauté du législatif concernant notamment le développement, ce qui à mon avis est le plus important dans notre canton. On le veut ou on ne le veut pas ? Qu'est-ce que l'on construit ? Où ? Comment ?
A aucun moment toute une série de fonctionnaires, et avant eux le chef du département, ne peuvent se prononcer là-dessus sans que le peuple, à travers la députation, puisse le faire. Il s'agit de dire au canton que c'était faux ! On revient au niveau cantonal et on verra bien ce qu'on décide dans le cadre du plan directeur cantonal révisé; on va déjà voir si on arrive à construire ce que l'on devait construire. On verra. Je vous donne juste ce détail, Monsieur le président: la VTT, c'est 75 000 logements d'ici à 2050, dont 40% en zone villa. Chacun peut ainsi se faire une idée de ce qui est prévu. Si l'exécutif a pensé qu'il n'y avait pas lieu d'avoir une discussion au niveau politique, il est peut-être temps de rappeler que cela doit être le cas. Je vous remercie.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Pour mémoire, VTT ne signifie pas vélo tout terrain - l'auteur ne nous l'a pas rappelé -, c'est la vision territoriale transfrontalière. Il s'agit d'un outil de planification. C'est bien que nous ayons l'occasion de discuter de ce document très important: contrairement à ce qu'a pu dire M. Genecand, la majorité de la commission d'aménagement du canton n'a pas estimé que la VTT n'était pas adéquate ou quoi que ce soit, puisqu'on n'en a pas parlé. On a eu en commission une présentation qui n'était absolument pas protocolée, et j'imagine que la plupart de nos collègues députés n'ont aucune idée de quoi on traite, dans la mesure où ce Grand Conseil n'a pu étudier aucun document.
Au lieu de voter l'urgence et la discussion immédiate sur ce texte, il aurait été intéressant d'avoir une discussion protocolée, avec un procès-verbal, et que nos collègues puissent avoir les informations dont M. Genecand... (Remarque.) Laissez-moi parler, Monsieur Genecand ! ...se prévaut aujourd'hui pour faire voter ce texte en urgence.
Le titre de cet objet nous choque ! Parce que mettre la vision territoriale transfrontalière à la poubelle, ça revient à dire que nous n'avons plus besoin d'organiser le développement de l'agglomération avec nos voisins vaudois et français. Ça ressemble à un non au Grand Genève, et c'est carrément indigne du PLR ! Ça représente un repli, un déni ! La VTT n'est certes pas parfaite, elle ne l'est probablement pas, mais c'est un outil de planification. Elle ne résout pas avec une baguette magique tous les éléments que vous pourriez lui reprocher et les défis - vous avez mentionné les logements, il y en a probablement d'autres, mais pour le savoir, il faudrait une analyse en commission.
Néanmoins, la VTT a le mérite de poser des questions qui fâchent, de mettre ces dilemmes noir sur blanc et d'amener à les traiter d'une certaine manière - mais vous ne souhaitez pas qu'ils soient traités ainsi. Vouloir en discuter, ce n'est pas négatif, Monsieur le député - vous transmettrez, Monsieur le président -, c'est même tout à votre honneur, mais venir avec une résolution, la présenter comme représentative de la majorité de la commission d'aménagement du canton et dire avec vos arguments partiaux que rien ne va, ce n'est pas correct. On aurait dû la traiter en commission, on aurait dû avoir une présentation protocolée, on aurait dû auditionner le Conseil d'Etat.
Pour ces raisons, nous vous invitons à refuser ce texte, à poursuivre le processus de construction de la VTT, peut-être avec une implication plus forte de notre parlement, mais sans jeter le bébé avec l'eau du bain. Je profite de cette occasion pour dire que si le parlement n'est peut-être pas consulté, les partis politiques le sont. Du moins, chacun de vos secrétariats aurait dû être consulté... (Commentaires.) Laissez-moi parler ! ...et s'il ne l'a pas été, c'est à mon avis une erreur. Il faudrait qu'au sein de ce parlement, nous puissions effectivement avoir une position plus engagée au sujet de cette VTT. Mais venir avec un texte comme ça, comme un cheveu sur la soupe, ça ne va pas et ce n'est pas digne de notre travail ! Merci, Monsieur le président.
M. Lionel Dugerdil (UDC). Chers collègues, je ne vais pas répéter tout ce qu'a dit mon préopinant Genecand, car j'abonde dans son sens. La VTT est une vision monoculaire du département et de ses services. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de rappeler à notre magistrat les règles de bienséance dans cet hémicycle: on consulte d'abord la députation, nous élaborons les lois et ensuite le département les applique. C'est l'occasion de rappeler au département les règles de bienséance. Voilà pourquoi le groupe UDC vous prie d'accepter ce texte.
M. Raphaël Dunand (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous sommes amenés à nous prononcer sur une proposition de résolution qui a pour titre: «VTT: abandon immédiat !». Qu'est-ce que la vision territoriale transfrontalière ? La VTT est un recueil d'idées que le département a élaboré de son propre chef afin d'avoir une vision unique, globale et commune pour le Grand Genève. LJS exprime fermement son regret quant à la forme et à sa présentation. Cette VTT est effectivement un document rédigé à la suite d'une consultation toute relative; c'est du reste devenu une habitude du Conseil d'Etat de procéder ainsi. De plus, la VTT contient beaucoup de contradictions et suscite beaucoup de désaccords. Elle n'a aucun cadre légal et ne peut s'élever au-dessus du plan directeur cantonal. Elle fait également abstraction de plusieurs projets majeurs de mobilité.
De ce fait, vous comprendrez que nous avons de la peine avec l'idée de l'ériger au-dessus et comme ligne directrice pour le futur plan directeur cantonal. Le seul point positif, s'il faut malgré tout en soulever un, c'est le fond: avoir une vision avec nos voisins sur des problématiques communes de mobilité, de gestion de l'eau et d'aménagement est plutôt de bon augure. Le groupe LJS vous invite à accepter cette résolution afin que soit respecté le processus légal pour un développement constitutionnel en passant par le PDCn. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC). J'aimerais juste rajouter un point un peu étonnant et qui m'a été rapporté par une association invitée pour la consultation. Ce point est la manière dont figurent les zones de Cointrin-Ouest et Est dans ce document. Rappelez-vous: il y a eu une votation en 2020, et le peuple genevois avait refusé la zone de développement et exigé le maintien en zone villa. C'est pourquoi j'ai une question à poser au Conseil d'Etat: celui-ci ne respecte-t-il pas les votations populaires ? Je vous remercie de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Avec cette vision transfrontalière, nous avons une vision antidémocratique, une consultation bidon où la bureaucratie domine la voie parlementaire. On crée un pays imaginaire, un pays qui n'existe pas ! Nous avons, politiquement, une réalité, qui est également une réalité économique, avec des lois et des monnaies différentes, avec des systèmes économiques différents. Nous avons Genève, canton suisse, et nous avons la France, subdivisée en départements. Voilà la réalité ! Qu'on l'accepte ou non, elle nous reviendra en pleine figure à chaque fois qu'on voudra la nier, et c'est une mauvaise chose.
Nous avons l'impression que cette vision relève plutôt du trouble médical, peut-être d'un trouble de vue. C'est une vision un peu déformée.... (Remarque.)
Une voix. Chut !
M. François Baertschi. ...qui relève de la Faculté. Le groupe MCG refuse la VTT et votera donc, très logiquement, cette résolution qui s'oppose à cette triste VTT.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient à M. Béné.
M. Sébastien Desfayes. Merci, Monsieur le président. On ne devrait pas parler de...
Des voix. M. Béné !
M. Sébastien Desfayes. Ah ! Vas-y !
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Comme on l'a déjà dit, cette VTT n'a aucune portée, c'est une vision d'Etat, ou plutôt la vision d'un département ou d'un conseiller d'Etat, je ne sais pas trop. Quand on regarde l'impressum de ce document, on remarque que l'office de l'urbanisme est très présent; il a suivi des recommandations politiques ou pas, on n'en sait trop rien. C'est en tout cas une vision d'Etat planifiée, orientée, très partisane, qui a d'ailleurs suscité une opposition frontale. Je crois même que le GLCT a refusé l'adoption de ce document en l'état, que les communes genevoises comme françaises, dont de nombreuses communes de gauche, ont aussi refusé ce document et que tous les milieux économiques, qui ont pour leur part bien compris les enjeux de la vision territoriale transfrontalière - qu'on souhaite clairement -, ont également fait part de leur opposition.
On nous a dit que c'était une consultation. Quand on envoie un document de 150 pages en posant simplement la question: «Est-ce que vous désirez des clarifications sur certains points ?» et qu'à la fin de la consultation, la réponse est: «Ecoutez, votre projet, on ne le veut pas du tout ! Il est inabouti, on ne peut rien en faire», il faut quand même se demander si on ne doit pas retirer le projet en l'état.
C'est un projet très conceptuel ! J'en veux pour preuve qu'on parle de «primauté du socle du vivant». Quand je lis ce document, je comprends surtout la protection de la nature, de la biodiversité, des programmes de renaturation des biotopes. Un sens très large ! Et ce, sans prendre en considération les besoins humains ou de la population.
De la façon dont elle est aujourd'hui élaborée, cette VTT ne constitue pas un instrument d'aménagement du territoire, comme on pourrait le croire et comme on le souhaiterait, mais un plan de protection de la nature. Il n'y a strictement rien sur la pénurie de logements. On veut en fait protéger la nature, et j'aimerais bien que le conseiller d'Etat se prononce là-dessus. Est-ce qu'on va dire à la population genevoise: «Ecoutez, désolé ! D'ici 2050, vos enfants ne pourront pas rester dans le canton, parce qu'on va protéger la nature ! On ne pourra plus rien construire !» ?
Mesdames et Messieurs, cette VTT comporte un réel problème de méthode ! Il est urgent de la retirer, de constater qu'elle n'a malheureusement pas abouti à ce que le conseiller d'Etat aurait voulu, c'est-à-dire à une majorité suffisamment large dans ce parlement pour qu'il puisse en tenir compte.
Je répète la question que j'ai posée hier, car ce serait quand même intéressant de connaître le coût de cette procédure: combien cela a-t-il coûté ? Je ne dis pas qu'il faut tout jeter, mais je pense qu'il faut reprendre le projet à zéro. Merci.
M. Sébastien Desfayes (LC). En fait, on ne devrait pas parler de vision territoriale transfrontalière, car en l'occurrence, il n'y a pas de vision, mais une idéologie, tant et si bien qu'on devrait appeler ce texte «L'idéologie intrasectaire».
On bafoue, on dilapide l'héritage de notre famille politique, voilà ce qui nous fâche, et c'est peu dire ! C'est effectivement Le Centre, et même l'Entente, qui ont porté une vision transfrontalière, à savoir le Grand Genève, la région franco-valdo-genevoise. Ils avaient une vision libérale, sociale et humaniste, un peu à l'image de James Fazy au XIXe siècle: il s'agissait de repousser les frontières de Genève et de considérer le canton dans ses relations avec la France et le canton de Vaud. Ils savaient qu'un des piliers de ce développement était l'économie. L'ambition de cette vision est de faire de notre région l'une des plus prospères, des plus importantes, des plus innovantes, des plus dynamiques du monde. C'est cet héritage-là qui est gaspillé par cette VTT, ce qui est absolument inadmissible !
Cette famille politique, ma famille politique, respectait les institutions, respectait la démocratie, respectait les règles de transparence. Ce n'est absolument pas le cas ici; on a une sorte de camarilla, on ne sait pas de qui, mais c'est une camarilla ! Vous qui aimez Diego Vélasquez, on imagine les portraits saisissants de ces individus qu'aurait pu réaliser ce grand peintre. En l'occurrence, ces gens-là n'ont pas respecté nos institutions, n'ont pas respecté les règles de la transparence, n'ont pas respecté les règles de la consultation, et finalement, sur la forme, ont tout raté; mais ils ont également tout raté sur le fond, et ça c'est encore plus grave: au lieu d'écouter et de respecter l'héritage des anciens, ils ont cherché l'inspiration ailleurs. On fait fi de l'économie, on fait fi du logement, on fait fi de la mobilité, tant et si bien qu'on peut se demander si la source d'inspiration de ces gens-là n'est pas le Petit Livre rouge de Mao: les gens se promènent à pied, en sandales, on n'a pas de logements pour eux donc ils dorment dehors, ils n'ont pas de travail donc ils vont dans les champs pour protéger le vivant, étant précisé que ces Genevoises et ces Genevois ne sont même pas considérés par les auteurs de la VTT comme une espèce vivante. C'est absolument absurde !
Bien entendu, il faut mettre immédiatement fin à cette VTT qui non seulement a déraillé, mais qui en plus témoigne d'une politique d'aménagement en roue libre ! Merci, Monsieur le président.
M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, je commence mon intervention en mettant les points sur les i: les images faisant allusion à des handicaps n'ont pas leur place dans ce parlement. (Applaudissements.) Ça concerne M. Baertschi, mais nous sommes toutes et tous concernés.
Mon préopinant faisait appel à l'héritage de M. Fazy. Je pense que son parti et ses alliés souhaitent plutôt convoquer l'héritage de l'époque de 1602, quand Genève tentait de se barricader et de repousser les Savoyards qui essayaient de venir, c'est du moins ce que l'on peut comprendre des propos du MCG.
La droite l'a dit hier par la voix de M. Genecand, elle pense que la volonté populaire est représentée par cent élus dans leur tour d'ivoire et s'étonne donc que d'autres cercles soient consultés, en particulier ceux dont elle est ici le laquais: les milieux économiques. La volonté populaire serait plutôt représentée par moins de cent élus, puisque la gauche, soit le tiers, ne compte pas pour elle, au point que le PLR se montre surpris dans les médias que la gauche lance un référendum sur un autre sujet, tellement il a eu cure de son opinion ! On observe donc que quelques politiciens n'hésitent pas à manquer de respect vis-à-vis d'un travail sérieux et professionnel. C'est de la rancune de petit politicien en soif de pouvoir !
Il est vrai que différents cercles, de même que le Grand Conseil, ont réservé un accueil modéré, parfois critique, à cette VTT justement parce qu'ils ont été consultés, mais tous les autres ont reconnu son apport dans le développement de notre agglomération. Tous les territoires qui la composent ont des plans directeurs à différentes échelles et sous différentes appellations. Or, sans une vision globale commune, existerait-il une seule chance pour que tous ces plans puissent être coordonnés et que l'on construise une agglomération équilibrée ? La droite genevoise, seule, décide de tout rejeter en bloc. Un rejet idéologique ! Un rejet par lequel le PLR et ses alliés font le jeu des populistes et de l'extrême droite ! Une posture dogmatique qui n'a qu'un but: freiner au maximum la mise en oeuvre des objectifs climatiques ! Tout ça au nom de la poursuite d'une croissance effrénée qui se fait au détriment du vivant et de la qualité de notre agglomération, mais au profit de quelques privilégiés. Peu importe si, pour cela, il faut faire fi des velléités de construire une agglomération transfrontalière cohérente ! C'est bien plus simple de la garder ainsi, car ça permet de taper bêtement et méchamment sur les frontaliers et de continuer à jacter en boucle que la vie deviendrait impossible à Genève ! Ce n'est pas la VTT qui est un torchon, comme on l'a dit hier, mais cette résolution rédigée sous l'effet de la rogne, résolution que nous vous invitons à rejeter. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Jotterand que les problèmes de vision sont contagieux et qu'ils ne relèvent pas du handicap mais essentiellement de la Faculté. En tout cas, j'ose espérer qu'à ce niveau-là ils ne relèvent pas du handicap. (Commentaires.) Les dérives de discours sont bien dans la mauvaise foi caractéristique de certains partisans qui ont des visions totalisantes de la société, c'est-à-dire ne correspondant ni à l'humain, ni au canton de Genève, ni aux intérêts de ses habitants. C'est donc la preuve qu'on dérive complètement au niveau de la vision. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Erard.
M. François Erard (LC). Merci, Monsieur le président. Chers collègues...
Le président. Il vous reste dix-huit secondes. (Remarque. Rires.)
M. François Erard. ... on a souvent évoqué l'économie comme ennemie de la VTT, mais les milieux agricoles ont aussi longuement planché sur ce dossier et arrivent à la même conclusion que les milieux dits économiques: la VTT est totalement impraticable. Elle décrit une agriculture... On nous projette vers une agriculture, alors que ce sont déjà des choses que nous faisons aujourd'hui... On nous propose une politique agricole transfrontalière totalement illusoire, car nous vivons dans des mondes totalement différents, malgré notre proximité. Pour ces raisons, nous soutiendrons cette résolution.
M. Matthieu Jotterand (S). M. Baertschi aurait été bien inspiré de s'excuser pour son allusion qui a eu le malheur de blesser un collègue ici présent, plutôt que d'en rajouter une couche. Contrairement à ce qu'il a dit, non, les problèmes de vision ne sont pas contagieux, à la différence de la bêtise ! (Commentaires.)
M. François Baertschi (MCG). Je me demande si la bêtise est contagieuse. Je vous laisse le soin de répondre ! Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, dans un esprit d'apaisement pré-estival, je vous ai fait, au nom du groupe socialiste, une proposition d'amendement sur cette résolution. On a entendu que les milieux économiques n'avaient pas été assez consultés dans le cadre de cette VTT. Pour ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain et tout mettre à la poubelle, nous vous suggérons une petite modification à la première invite: au lieu de tout abandonner, je propose simplement de poursuivre sans délai la consultation sur cette VTT, notamment avec les milieux économiques, pour que soient pris en compte les enjeux économiques de notre territoire du Grand Genève. J'imagine que le PLR pourra aller dans ce sens, puisque c'est avant tout cette demande qu'il formule à propos de cette VTT. On pourra ainsi entamer une consultation générale notamment avec nos milieux économiques pendant nos vacances estivales. Merci, Monsieur le président.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je m'exprime tout d'abord sur la forme. En l'occurrence, j'ai eu l'occasion de le dire hier soir, le droit fédéral donne l'obligation au canton et au Conseil d'Etat non seulement de produire un plan directeur cantonal, plan validé par le Grand Conseil mais adopté par le Conseil fédéral - le plan directeur cantonal est bien un document fédéral -, mais aussi d'anticiper ce plan par une vision qui dépasse les frontières cantonales. C'est le cas pour Genève, puisque notre logique métropolitaine dépasse nos frontières cantonales tant du côté de Vaud que du côté français. Avoir une vision et non un plan, c'est-à-dire avoir une vision cohérente partagée avec nos voisins, est une obligation. L'obligation est telle que c'est ce qui a été fait pour le précédent plan directeur cantonal, celui actuellement en force; cela a été effectivement fait avant son adoption, autour des années 2010-2012. Cette vision transfrontalière s'est ensuite transformée en vision cantonale, qui a donné le plan directeur cantonal - qui, lui, est bien soumis au parlement cantonal.
Alors on pourrait se poser la question suivante: pourquoi ce qui était évident pour tout le monde, à commencer par le PLR, en 2010, 2012, devient-il insupportable du point de vue de la séparation des pouvoirs et de la démocratie en 2024 ? On peut émettre quelques hypothèses, parmi lesquelles le fait que l'aménagement du territoire était tenu à l'époque par deux PLR, Mark Muller et François Longchamp ensuite, qui ont mené ces consultations comme il se devait; qu'au moment du débat sur le plan directeur cantonal, tout le monde était satisfait de savoir que les lignes de tram, dont les tracés arrivaient à la frontière cantonale, se poursuivaient du côté français; que les cohérences en matière d'aménagement étaient considérées dans la vision globale de l'agglomération et non pas que chaque territoire avait limité à ses frontières sa propre logique.
Mesdames et Messieurs, je vous réponds d'ores et déjà que non, le Conseil d'Etat ne va pas retirer ce travail qui est en tout point équivalent à ce que font d'autres cantons avec les mêmes modalités. J'insiste sur le fait que cette vision territoriale transfrontalière n'a pas d'effet légal concret. Elle ne s'applique pas aux tiers et à la population. Ce sont les documents qui en seront issus et qui vous seront soumis en temps utile qui, eux, auront un effet légal concret. Vous demandez au Conseil d'Etat d'arrêter de réfléchir, la réponse est non ! (Exclamations. Commentaires.)
S'agissant de la forme, on peut la corriger, on peut avoir d'autres visions, et c'est très volontiers, mais il n'y a rien que de très normal dans ce qui s'est passé, dans ce qui se passe encore, puisque nous sommes en période de consultation. Nous recevons beaucoup de remarques çà et là. J'ai appris que le pôle métropolitain soutient cette VTT, contrairement à ce qu'a dit le député Béné; ça figurait dans «Le Courrier» d'hier, et c'était d'ailleurs vous, Monsieur le député, qui aviez attiré mon attention là-dessus. Les choses se construisent donc assez normalement et les discussions, les négociations se poursuivent comme dans tout projet, surtout s'agissant de projets complexes.
Mesdames et Messieurs, gérer le territoire, c'est gérer nos contradictions. Tout est légitime ! Pouvoir se déplacer, pouvoir se prélasser, pouvoir habiter, pouvoir bénéficier d'espaces verts, avoir des lieux de travail, de sport, de culture: tout est légitime ! Mais nos mètres carrés, eux, sont limités, et cette VTT met le doigt là-dessus, sur quelque chose que les Verts d'ailleurs portent historiquement. Il ne peut pas y avoir des logiques de croissance permanente et débridée dans des espaces finis. Or, les 282 kilomètres carrés de notre canton sont finis. On ne va pas annexer la France ! On ne va pas annexer le canton de Vaud ! Cette VTT fait donc ressurgir cette contradiction-là, ou cette zone de tension là, c'est-à-dire notre grand succès économique, notre attractivité, comme on l'a souligné, le fait que les multinationales viennent à nous et qu'elles ont besoin de personnel qui vient à nous.
Quant au besoin en logements, comme l'a dit le député Sangdel, il y a la migration, mais pas seulement. Même si le taux de natalité est relativement en berne dans notre pays, la garde alternée est un succès social important, vous avez parfaitement raison, mais, comme un ménage sur deux divorce, elle implique des appartements avec des chambres pour les enfants. Un autre aspect majeur dans le besoin en logements de notre pays, qui a été étudié et qui est complètement sous-estimé, réside dans le vieillissement de la population en bonne santé. Il est excellent que les personnes âgées restent dans leur appartement, mais il faut considérer qu'elles restent souvent dans les appartements familiaux plus longtemps qu'avant. C'est vraiment une bonne nouvelle pour la politique de la santé et du respect du troisième âge, mais ceci amène également une pression sur les logements. Tous ces besoins-là sont légitimes.
Mon métier de conseiller d'Etat, que j'exerce d'ailleurs depuis onze ans, consiste à arbitrer non pas entre des choses bonnes ou pas bonnes, entre le mal et le bien, mais à arbitrer entre des choses toutes parfaitement légitimes. Typiquement, la question suivante: est-ce qu'on aménage une piste cyclable ou est-ce qu'on maintient les arbres qui empêchent d'aménager la piste cyclable ? Ce genre de question, Mesdames et Messieurs, est sous-jacent à cette VTT.
Alors je me suis demandé pourquoi la droite demande le retrait complet, pourquoi elle ne veut pas discuter de cela. Quelle est la gêne ? Pour celles et ceux qui ont lu cette VTT, on est obligé de mettre le doigt sur les contradictions de la droite, Mesdames et Messieurs les députés. Quand j'entends Lionel Dugerdil dire qu'il soutient parfaitement Adrien Genecand... De quoi s'agit-il, Monsieur Dugerdil ? De déclasser encore des terrains agricoles, selon la volonté de M. Genecand ? De demander...
Une voix. Vous devez parler au président !
M. Antonio Hodgers. ...de demander à Berne de nous permettre de baisser nos quotas de SDA afin de bétonner davantage notre zone agricole ? (Remarque.) C'est ça, la volonté du PLR ! C'est ça, la volonté du PLR ! (Remarque.) Est-ce que, quand M. Genecand dit...
Une voix. Il doit s'adresser au président !
M. Antonio Hodgers. Je ne parle pas à M. Genecand, je parle de M. Genecand ! (L'orateur appuie sur la seconde préposition. Rires. Applaudissements.) Quand M. Genecand évoque, à juste titre - c'est là le problème de base -, le fait que, pour accueillir dans cette société ouverte et accueillante que M. Desfayes...
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez dépassé votre temps. (Rires. Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers. Je finis. Où est-ce qu'on va mettre ces 70 000 à 150 000 nouveaux habitants ? Où est-ce qu'on va les mettre ? En zone agricole ?
Une voix. On n'en veut pas ! (Rires.)
M. Antonio Hodgers. Où est-ce qu'on va les mettre ? Sur le lac ? Non ! Où est-ce qu'on va les mettre ? Il n'y a qu'une seule réponse possible, et elle vous fait mal, Mesdames et Messieurs les députés de droite ! Les seuls espaces de construction encore possibles pour de tels volumes sont ceux qui forment la zone villas. (Applaudissements. Commentaires.) Vous aurez à affronter vos propres contradictions, parce que ce qui vous unit ici, c'est la détestation du titulaire du département du territoire !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Antonio Hodgers. Mais quand vous aurez à vous prononcer sur le fond, vous aurez à faire des choix, à dire soit «on ne veut plus construire chez nous»... C'est un choix cohérent venant du MCG et de l'UDC, car ils ne le veulent plus.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.
M. Antonio Hodgers. Mais la droite libérale et humaniste devra faire le choix entre continuer avec cette alliance ou nous dire où l'on doit construire. Ce sera soit en zone agricole, soit en zone villas. (Commentaires.) Et là, Mesdames et Messieurs les députés de droite...
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, vous devez terminer !
M. Antonio Hodgers. ...je pense que la facilité de votre critique atteint gentiment sa fin, il est temps de venir avec des propositions. Le Conseil d'Etat continuera à travailler avec les partenaires, et ce sera peut-être sans vous ! Merci ! (Applaudissements.)
Le président. Monsieur Adrien Genecand, vous avez été mis en cause, je pense.
Des voix. Oui ! (Commentaires.)
Une voix. On a beaucoup parlé de lui !
M. Adrien Genecand (PLR). On a beaucoup parlé de moi, mais pas à moi, apparemment ! (L'orateur rit.) Monsieur le président, au-delà du fait que, je vous le redis, je trouve qu'il n'est pas normal dans le processus parlementaire que le Conseil d'Etat puisse littéralement invectiver l'ensemble de la députation sans que celle-ci ait droit de réponse... Point un ! Point deux, il a au fond raison, il y a une contradiction; c'est l'histoire de l'aménagement du territoire. C'est vrai: actuellement, une très grande majorité du parlement ne veut plus de logements sociaux avec des gens qui ne paieront pas ce qu'ils font, qui ne paieront pas la construction, qui ne paieront pas les prestations publiques qu'ils vont utiliser. (Commentaires.) Que vous le vouliez ou non, la grande majorité des gens a compris aujourd'hui que malheureusement, le fait que deux tiers des gens ne paient pas et un tiers paie ne fonctionne pas. Sociologiquement, ça ne fonctionne pas, ce sont des cités ! Vous voulez des cités, nous n'en voulons pas !
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un amendement de M. Thomas Wenger à la première invite:
«à poursuivre sans délai la consultation sur la VTT avec la société civile notamment avec les associations représentant les milieux économiques pour renforcer la prise en compte des enjeux économiques dans la vision transfrontalière du Grand Genève;»
Une voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 31 oui (vote nominal).
Mise aux voix, la résolution 1037 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 65 oui contre 31 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)