République et canton de Genève

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M 2564-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Thomas Wenger, Romain de Sainte Marie, Sylvain Thévoz, Grégoire Carasso, Léna Strasser, Nicole Valiquer Grecuccio, Marion Sobanek, Emmanuel Deonna, Caroline Marti, Xhevrie Osmani, Salima Moyard : Des aîné-e-s connecté-e-s pour plus d'autonomie et une meilleure qualité de vie à domicile
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26, 27 novembre, 3 et 4 décembre 2020.
Rapport de majorité de M. Jacques Apothéloz (PLR)
Rapport de minorité de Mme Léna Strasser (S)

Débat

Le président. C'est le tour de la M 2564-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole échoit à Mme Kämpfen.

Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité ad interim. Merci beaucoup, Monsieur le président. La proposition de motion 2564 invite le Conseil d'Etat à soutenir le recours à la domotique dans les domiciles existants occupés par des personnes âgées en leur octroyant 5000 francs pour l'installation de ces nouvelles technologies, à encourager les entités qui construisent des logements à destination des aînés à les équiper d'outils de domotique, à informer les seniors des possibilités liées à l'utilisation de ces instruments ainsi que des enjeux de protection des données et de respect de la vie privée, et enfin à réaliser un rapport sur les actions mises en oeuvre dans un délai de trois ans.

Tout le monde s'accorde à dire qu'il est souhaitable de retarder la prise en charge des personnes âgées en établissement spécialisé afin de maintenir leur qualité de vie d'une part et de réduire les coûts de la santé d'autre part, mais il ne faut pas se tromper de cible. En dépit de la complexité, il est nécessaire d'opérer une distinction entre domotique technique ou d'infrastructure et domotique connectée, c'est-à-dire communication, sécurité, suivi médical à distance. Il faut déterminer là où il y a des enjeux de protection des données et là où il n'y en a pas, il faut savoir distinguer ce qui représente une véritable aide médicale permettant le maintien d'une personne à domicile de ce qui constitue un simple confort.

A cet égard, le texte reste flou et mélange ces deux aspects, la domotique connectée, comme le mentionne son titre - «Des aîné-e-s connecté-e-s» -, et la domotique technique décrite en détail dans l'exposé des motifs: systèmes de fermeture ou d'arrosage, placards, tables et autres plans de travail télécommandés, réglages automatiques de la climatisation ou du chauffage, etc. Grâce aux diverses auditions, nous avons finalement compris que la motion parlait des outils de domotique technique et non de la domotique connectée. Or c'est cette dernière qui devrait être prioritaire aux yeux de la majorité de la commission, domaine qui est déjà suivi de près et étudié par l'IMAD.

A plusieurs questions sur la mise en pratique des invites, il a été répondu qu'il reviendrait au Conseil d'Etat d'en définir les détails; cela n'est pas satisfaisant lorsqu'on parle d'offrir 5000 francs aux personnes de plus de 65 ans, ce qui représente un coût démesuré si les conditions d'octroi ne sont pas mieux définies. Faisons un simple calcul: 5000 francs fois 87 000 personnes de plus de 65 ans à Genève - ce sont les chiffres de l'OCSTAT de 2018 -, cela fait 435 millions de francs. Au fil des auditions, les commissaires se sont rendu compte qu'une aide ne devrait pas être accordée sans une évaluation préalable des besoins et un accompagnement personnalisé, ce qui renchérit évidemment le coût de ce dispositif, puisqu'il faut y ajouter les personnes travaillant à l'évaluation.

De plus, le seuil de 65 ans questionne. L'âge pivot pour des besoins domotiques afin de rester à son domicile se situe davantage autour de 80 ans que de 65 ans, mais c'est toujours une évaluation individuelle qui permettrait de le déterminer, ce qui rend l'application de la motion malaisée. Lors des auditions, certains ont évoqué le maintien à domicile comme principale justification de l'objet alors que d'autres parlaient de système d'arrosage automatique pour les personnes de 65 ans et plus. Le public cible et les mesures proposées sont à cent lieues du maintien à domicile.

La majorité de la commission estime que la motion est trop vague, que son coût est potentiellement trop élevé et qu'elle ne poursuit pas les bons objectifs. La domotique connectée représente la vraie priorité, et des études sont en cours sous la responsabilité et le suivi de l'IMAD. Pour l'ensemble de ces raisons, la majorité de la commission des affaires sociales vous recommande de refuser la M 2564. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de minorité. Cette proposition de motion peut sembler quelque peu futuriste, car elle touche un sujet dont on n'a pas l'habitude de traiter et qui est encore nouveau. Il s'agit de soutenir l'accès à des technologies encore peu connues - je pense que le rapport de majorité l'a bien montré -, mais qui font petit à petit leurs preuves dans l'amélioration du quotidien des seniors à domicile. La technologie évolue, et avec elle une ouverture des possibles; ces derniers sont à prendre en compte pour une adaptation des conditions d'un maintien à domicile de plus en plus souhaité et nécessaire.

Bien que la domotique ait été mise au service des personnes âgées en Suisse depuis de nombreuses années, son accès reste aujourd'hui assez conditionné aux moyens financiers des bénéficiaires. Les soutiens en la matière sont quasi inexistants. Dès lors, peu nombreux sont celles et ceux pouvant se permettre ce type d'aide technologique. Pourtant, ces outils sont susceptibles de faciliter le maintien à domicile.

Lors des discussions en commission, la domotique a été régulièrement opposée à l'importance des proches aidants, d'une installation sanitaire adéquate telle que la transformation d'une baignoire en douche de plain-pied ou encore d'une gestion optimale des risques. En réalité, la proposition de ce texte visant à rendre accessibles des outils domotiques au plus grand nombre vient en complément aux nécessaires ajustements à opérer dans l'aménagement du domicile des aînés. Il est clair, en tout cas pour la minorité qui soutient cet objet, que la domotique ne remplacera jamais le soutien des proches, l'aide à domicile ou tout lien social qui est précieux, nécessaire et incontournable.

Dans certains cas, Mesdames et Messieurs, la domotique permet également de rassurer les bénéficiaires tout comme leurs proches ou encore les équipes soignantes qui les entourent jour après jour quant à leur état de santé, leur capacité à gérer le quotidien ou leurs possibilités de communication en tout temps.

Cette motion va dans ce sens, et pour cela, la minorité de la commission a jugé opportun de la soutenir en y ajoutant un traitement des demandes au cas par cas, l'idée n'étant pas d'en arriver au tout-domotique ni à la domotique pour tous, mais d'évaluer les besoins et l'intérêt de chaque outil en fonction de la situation des personnes. La minorité de la commission estime que refuser ce texte, c'est aussi refuser de concevoir un renforcement de la prise en charge des personnes âgées à domicile grâce à un coup de pouce technologique que le Conseil d'Etat pourra définir ainsi que les critères d'octroi. C'est pourquoi la minorité vous recommande de soutenir cette motion.

M. André Pfeffer (UDC). Plus d'autonomie et une meilleure qualité de vie à domicile pour les aînés, voilà évidemment quelque chose que tout le monde soutient. Mais les invites posent problème, surtout la première qui propose de favoriser le recours à la domotique dans les logements et d'octroyer une aide financière jusqu'à 5000 francs maximum. Pour vraiment savoir de quoi on parle, Mesdames et Messieurs, je vais vous lire une définition de la domotique: il s'agit de l'ensemble des techniques de l'électronique utilisées dans les bâtiments, l'objectif étant de centraliser le contrôle des différents systèmes des maisons et/ou des entreprises.

Voici les raisons pour lesquelles il convient de rejeter cette proposition de motion. Tout d'abord, cela a déjà été souligné, le texte est flou et mélange plusieurs notions. Et surtout, l'avantage de cette technologie pour les personnes âgées n'a pas - ou pas encore - été démontré. Deuxièmement, cela a été relevé aussi, il s'agit d'un mécanisme d'arrosage: 5000 francs offerts à chaque personne de 65 ans et plus, cela représente environ 430 millions.

Par ailleurs, les auditions ont clairement montré que transformer les baignoires en douches serait bien plus utile pour les seniors que d'installer un système informatique pour centraliser les différentes données - et ce, évidemment, par un dispositif d'arrosage général. Pour terminer, il ne faut tout de même pas oublier le rôle que joue l'IMAD dans ce domaine: l'institution est vraiment impliquée dans l'évaluation des besoins et aides pour les personnes âgées.

Je précise ici que lors des travaux de commission, seuls Ensemble à Gauche et les socialistes ont accepté cette motion, même les Verts se sont abstenus. Aussi, Mesdames et Messieurs, tout comme l'immense majorité des commissaires, je vous recommande de rejeter cet objet. Merci de votre attention.

M. Arber Jahija (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la motion propose d'équiper de nouvelles technologies l'ensemble des logements habités par nos seniors. Les coûts estimés d'une telle mesure sont conséquents, mais il est important que nos aînés puissent bénéficier de l'appui de l'Etat dans l'utilisation d'outils pouvant leur faciliter la vie et améliorer leur confort au quotidien. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons ce texte et vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à en faire de même. Je vous remercie de votre attention.

Mme Emilie Fernandez (Ve). S'il est vrai que notre groupe souhaite favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, l'étude de cette motion il y a quatre ans déjà n'a pas démontré que la proposition louable d'octroyer un montant de 5000 francs pour l'installation d'appareils domotiques répond à cet objectif. Le rapport souligne qu'il existe une confusion entre domotique et outils de communication, et que l'accompagnement des personnes utilisatrices représente une variable importante dont il faudrait tenir compte dans la mise en pratique. Pour ces raisons, notre groupe s'abstiendra, comme il l'avait fait en commission.

Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion vise à mieux équiper en domotique le domicile des personnes âgées afin de garantir leur autonomie. Mais qu'est-ce qui assure l'autonomie des seniors ? «Dis, Siri, ferme les stores, ouvre la porte, mets la tondeuse en route, enclenche le système d'arrosage, descends la température de la climatisation, non, augmente le chauffage !» Cela ne concerne que certains aînés vivant dans des villas, aucun locataire ne peut modifier les valeurs du chauffage ou encore tondre ou arroser la pelouse qui entoure l'immeuble.

Est-ce vraiment ce qui donne de l'indépendance ? Mesdames et Messieurs, l'autonomie ne se mesure pas au nombre d'objets interconnectés ni aux appareils de domotique que l'on peut manipuler depuis son canapé. Quid de la cybersécurité, comment s'assurer que toutes les connexions sont sécurisées, que les mises à jour sont effectuées en temps et en heure, et ce pour chaque système ? Pensez-vous sincèrement qu'en augmentant le nombre d'objets connectés, les personnes âgées seront plus autonomes ? Elles devront alors faire confiance au marchand, à un système de sécurité qu'il faudra payer. Est-ce bien cela, l'autonomie ? La dépendance à des mises à jour, la peur de voir ses données volées ou encore l'introduction dans le système des habitudes et horaires de vie ?!

Soyons concrets: à domicile, qu'est-ce qui rend une personne plus autonome ? Monter dans un ascenseur qui fonctionne, prendre une douche sans risquer une fracture de la hanche en entrant dans la baignoire, pour ne citer que les grands défis du quotidien; des défis contrecarrés par les travaux qui devraient être mis en oeuvre afin de transformer une baignoire en douche. Simple ! Eh bien non ! Le cadre est clair: s'il n'y a qu'une salle de bains dans un appartement, celle-ci doit être pourvue d'une baignoire - mais c'est une autre histoire.

Pour Le Centre, l'autonomie des aînés est primordiale, prioritaire, mais ne passe pas par cette proposition de motion. L'aide à l'indépendance est avant tout liée à l'aménagement et non à la domotique, qui soulève plein de questions. Pour toutes ces raisons, «dis, Siri, allume la lumière de ce parlement et fais-lui comprendre qu'il faut refuser ce texte !» (Exclamations.)

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs, comme l'a excellemment rappelé la rapporteuse de minorité, il ne faut pas faire dire à cette motion ce qu'elle ne dit pas ni en attendre ce qu'elle ne propose pas. On a ici quelque chose d'extrêmement ciblé, d'intéressant et de novateur autour d'une réflexion sur la domotique face à une réalité sociale, une réalité démographique qui est le vieillissement massif d'une partie de la population: à l'horizon 2050, les plus de 80 ans auront quasiment quadruplé.

Ce n'est qu'une motion, avons-nous envie de dire au sein du groupe socialiste, donc il ne faut pas l'abattre, il faut la renvoyer au Conseil d'Etat qui saura en tirer le positif, en suivre l'impulsion et soit en décliner un règlement, une application quelconque, soit nous expliquer pourquoi ce n'est pas le bon outil; mais l'exécuter comme ça, en raillant les nouvelles technologies, c'est à notre sens un peu erroné.

D'autant que la domotique est déjà présente aujourd'hui dans des EMS, dans des foyers d'accueil pour personnes âgées. Par exemple, un corps chute, on fait en sorte qu'il soit détecté, que des alarmes sonnent; les besoins sont anticipés pour des personnes qui perdent leur mobilité. Pourquoi la sécurité serait-elle assurée pour nos aînés dans des foyers et des EMS lourdement financés et équipés, tandis qu'on n'aiderait pas à équiper le domicile de ceux qui font le choix de rester à la maison et qui en payent déjà le prix, parfois en termes de sécurité ? Là, il y a tout de même un enjeu politique important, de la même manière qu'il y a un enjeu à maintenir si possible - et pour ceux qui le souhaitent - les aînés chez eux.

La domotique représente l'un des outils possibles qu'il ne faut pas opposer - Mme Strasser l'a très bien rappelé - à un maintien à domicile, à un service de qualité, à un personnel proche, à mille et une autres solutions. Dans le livre blanc «Pour une politique coordonnée de la vieillesse à Genève», édité par la plateforme du réseau seniors, le point 4 est intitulé «Aménagement de l'habitat et de l'espace public». On retrouve cette nécessité de lever les obstacles afin d'optimiser l'accès aux espaces publics, aux services, aux commerces, mais aussi de créer un fonds cantonal pour l'adaptation et l'accessibilité des logements existants dans le but de favoriser le maintien à domicile jusqu'en fin de vie.

Ce texte, je le concède, ne porte peut-être pas tout à fait sur la domotique, mais quand même, on est dans la cible, on est face à un vrai besoin, à une véritable demande. La proposition du parti socialiste, c'est de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat afin qu'il en tire le meilleur, qu'il revienne vers nous avec une solution concrète pour l'avenir, pour les octogénaires de demain, et que chacun puisse rester à domicile le plus longtemps possible de manière sécurisée et agréable. Merci beaucoup.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je dois dire que j'ai été un tout petit peu surprise d'entendre, parmi les propos de ma préopinante du Centre, qu'il fallait habiter une villa ou une maison à plusieurs étages pour pouvoir se servir de domotique. Il existe des systèmes - et certains ont été installés chez moi alors que j'habite un tout petit logement - qui font que la porte peut s'ouvrir sur simple commande de la voix. Lorsque vous entrez chez vous, la lumière s'allume; lorsque vous sortez de la pièce, elle s'éteint; lorsque vous vous réveillez le matin, vous pouvez dire: «Ok Google» ou «Dis, Siri, quel temps fait-il ?». Vous pouvez demander d'enclencher la télévision, d'actionner la lumière, cela évite de devoir se lever pour appuyer sur un bouton, cela permet toute sorte de choses.

Naturellement, cela ne dispense pas de la nécessité d'installer une douche à la place d'une baignoire lorsqu'on devient âgé et qu'on n'arrive plus à l'enjamber, mais soutenir que c'est inutile, alors là, vraiment, je m'inscris en faux; c'est très utile et si facile à utiliser qu'en priver nos aînés est un petit peu dommage. Maintenant, je laisse à chacun la responsabilité de voter ce qu'il voudra. Merci.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Nous procédons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2564 est rejetée par 46 non contre 25 oui et 14 abstentions (vote nominal).

Vote nominal