République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2499-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Pablo Cruchon, Caroline Marti, Salika Wenger, Sylvain Thévoz, Yvan Rochat, Diego Esteban, Jean Batou, Jean Rossiaud, Alessandra Oriolo, David Martin, Thomas Wenger, Jocelyne Haller, Delphine Klopfenstein Broggini, Frédérique Perler, Martin Staub, Marjorie de Chastonay, Pierre Vanek, Grégoire Carasso, Adrienne Sordet, Katia Leonelli, Yves de Matteis, Mathias Buschbeck, Jean Burgermeister, Olivier Baud, Paloma Tschudi, Philippe Poget, Pierre Bayenet : Occupation de Porteous : du socioculturel pas du répressif !

Débat

Le président. Nous reprenons nos travaux avec la M 2489-A.

Une voix. 99 !

Le président. La M 2499-A, vous avez tout à fait raison, Monsieur le député. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Comme le groupe Ensemble à Gauche n'est plus présent dans cette enceinte, le rapport de minorité de M. Olivier Baud ne sera pas présenté. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion avait été déposée il y a fort longtemps par le groupe Ensemble à Gauche et concerne la problématique de Porteous. Vous vous souvenez, il s'agit de ce bâtiment au bord du Rhône, dans la commune de Vernier, en bas de la presqu'île d'Aïre, qui était vide depuis une vingtaine d'années et qui avait été occupé par un collectif qui, de mémoire, s'appelait «Prenons Genève».

Sur ce, le groupe Ensemble à Gauche avait déposé une motion contenant trois invites. Les deux premières demandaient au Conseil d'Etat d'abandonner le site de Porteous pour le développement du programme de réinsertion de détenus - car une partie du périmètre servait de lieu de réinsertion pour les détenus - et de réaffecter le bâtiment administratif - il y a un grand bâtiment vitré que vous voyez quand vous êtes au bord du Rhône, la Verseuse 17, sur le site de l'ancienne STEP d'Aïre. La dernière invitait le Conseil d'Etat «à ouvrir le dialogue avec le collectif "Prenons la ville", occupant les lieux, sur l'usage actuellement envisageable du bâtiment».

Suite aux nombreuses auditions que nous avons eues, cette motion est apparue comme une fausse bonne idée puisque et la commune de Vernier et le Conseil d'Etat, en particulier par l'intermédiaire de Mme Redalié, s'étaient beaucoup investis dans ce dossier. Le rapport a été rendu en décembre 2021, suite à des auditions en 2020 et 2021. Or, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. En effet, depuis 2022, l'association Porteous travaille dur pour remettre en état cet immense bâtiment, qui était donc l'ancienne station d'épuration d'Aïre avant de devenir un lieu occupé.

Maintenant, c'est un grand projet culturel pour toutes et pour tous. Les premiers travaux ont commencé en septembre 2022 - je parle sous le contrôle de M. le conseiller d'Etat -, le projet étant d'ailleurs fort évolutif, puisqu'il y aura une buvette et qu'il sera possible de mutualiser un certain nombre de programmes socioculturels dans cet établissement. C'est pourquoi il convient de refuser la M 2499, qui est devenue obsolète et qui avait rejetée par la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Philippe de Rougemont (Ve). Discuter de cette motion, même plusieurs années plus tard, alors qu'elle est devenue obsolète parce que les propositions ont été concrétisées, reste intéressant, ça donne l'occasion de faire un retour sur un projet en cours et de constater que parfois c'est une impulsion citoyenne qui débloque la situation.

Dans ce cas précis, il y a des citoyens qui voient un bâtiment appartenant à l'Etat totalement inutilisé depuis plus de vingt ans, qui y entrent, y déploient une activité collective culturelle et réhabilitent ensemble les lieux autant qu'ils peuvent. Ils s'adressent à l'Etat, et qu'est-ce qui se passe ? L'Etat écoute, entre en matière, des discussions ont lieu, et ce jusqu'à aujourd'hui; depuis cette période, tous les trois mois, le département de la cohésion sociale, l'office cantonal des bâtiments et le collectif Porteous se rencontrent. Des travaux de réhabilitation sont effectués avec les moyens du bord, de façon bénévole, grâce à l'engagement de l'association.

Ça fait un peu penser à l'engagement qui a mené à la création de l'association des usagers des bains des Pâquis, ou encore à ce qui s'est passé avec les baux collectifs dans les logements appartenant à la Ville. C'est aussi la preuve que la culture alternative et participative, la culture d'en bas, peut coexister avec la culture d'en haut, celle qui est très subventionnée et qui a aussi sa place. Aujourd'hui, le collectif travaille à réaliser une étude de faisabilité à la demande du département de la cohésion sociale. Cette dernière sera rendue publique en septembre et servira, entre autres, au département pour rédiger un projet de loi qui nous sera présenté.

Je pense que c'est une bonne occasion de relever qu'il peut y avoir des interventions par en bas de la société civile et de bonnes collaborations avec l'Etat. C'est un projet à mon avis tout à fait exemplaire, une collaboration réussie, et je lui souhaite bon vent. Les Vertes et les Verts vous proposent de voter cette motion pour confirmer cette approbation du projet. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Oriana Brücker (S), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, nous rejoignons la position des Vertes et des Verts. Nous aussi, au sein du groupe socialiste, nous sommes d'avis que pour une valeur symbolique d'abord, mais pas seulement, ça vaut la peine de soutenir cette motion. Il est vrai, du temps a passé, des actions ont été entreprises et des décisions prises au niveau du département de la cohésion sociale, et celles-ci vont justement dans le sens de la motion.

Il s'agit d'un texte déposé il y a six ans, en 2018, suite à l'occupation par un collectif du bâtiment Porteous, qui se trouve sur le bord du Rhône. Les revendications de ce collectif ont été entièrement reprises par le canton. Voilà pourquoi, à notre avis, ça vaut la peine de soutenir cette motion, avec tous nos remerciements pour le canton et le département pour le grand travail qui a été fait, consistant à mettre sur pied une commission ad hoc pour réaffecter ce bâtiment, qui a une valeur patrimoniale, à un projet culturel.

Cette motion a donc permis de revenir sur une décision qui avait été celle du canton en 2018 d'affecter ce bâtiment à un centre de détention et de le réaffecter pour en faire un projet culturel. Au sein de la commission ad hoc, les associations ont pu siéger, ce qui a permis de mener à bien ce projet et finalement de sauver un bâtiment construit dans les années 60 par l'architecte genevois Georges Brera. Pour toutes ces raisons, nous sommes d'avis que cela vaut la peine de soutenir cette motion, même s'il est vrai qu'elle est dépassée et qu'elle date déjà d'il y a six ans.

M. Alexis Barbey (PLR). Si l'occupation d'un lieu suffisait à sa réaffectation, alors l'université aurait du souci à se faire ! Sera-t-elle bientôt un centre culturel ? Je ne le pense pas. Il faut garder à l'esprit que cette problématique de Porteous est en fait assez ancienne. A la lecture des rapports, ce qui me surprend, c'est de constater le peu de véhémence des gens qui revendiquent l'affectation de Porteous à des fins socioculturelles et qui n'ont demandé aucune urgence et aucune intervention, de 2020 jusqu'à maintenant. Ça fait quand même quatre ans, donc il n'y a pas vraiment d'urgence dans ce dossier, et je le traiterai comme ça.

Il n'y a pas d'urgence exprimée par le parlement, mais il y a un rapport émanant du Conseil d'Etat, déposé le 24 juin 2021, dont je dois dire que pour quelqu'un qui n'est pas membre d'une commission culturelle ou de notre commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, la lecture est un peu difficile, on dira. Je vous cite quelques mots de ce rapport qui évoquent le «recyclage d'un bâtiment à haute valeur patrimoniale comme moteur d'urbanité et de mémoire collective». Alors je défie quiconque de venir m'expliquer en termes simples ce que ça signifie - en tout cas je n'ai pas trouvé.

Porteous, qu'est-ce que c'est ? C'est finalement un projet extrêmement vaste. On a l'impression que les porteurs du projet ont avancé, comme ça, dans ce bâtiment désaffecté, et qu'à chaque nouvelle salle, ils ont inventé une nouvelle activité, une nouvelle affectation et en ont sorti le projet Porteous dans son ensemble. Seulement voilà, ce projet a un certain nombre d'inconvénients. Le premier, et à mes yeux pas des moindres, c'est qu'il a fait l'objet d'une occupation illicite. Le deuxième, c'est que dans ce projet, il n'y a aucune mention de prix, il y a des estimations assez vastes - ça va de 6 à 20 millions de francs -, et je trouve que c'est difficile, en tant que député, de prendre une décision sur une marge de fluctuation aussi grande.

L'autre inconvénient du projet est qu'il n'a aucun sponsor privé, il n'y a aucun soutien en dehors de l'Etat pour faire un nouveau centre socioculturel ou culturel à Genève. Aux yeux du PLR, c'est un élément important qu'il y ait une complémentarité entre le secteur privé et le secteur public dans ce genre de cas.

Je vois que mon temps est presque écoulé, alors je vais aller rapidement sur les derniers éléments. L'autre proposition de réaffectation de Porteous, qui était un projet de centre de détention, nous paraît plus fondée, parce que les prisons sont vétustes et surpeuplées et parce que nous en avons besoin. Par conséquent, je vous invite à refuser cette motion. Je vous remercie.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, sur cette motion, qui date effectivement de 2018, je n'aimerais pas, quel que soit le vote de votre parlement, favorable ou défavorable, que vous ayez des interprétations différentes. La seule conviction que j'ai sur Porteous, c'est que nous allons aller de l'avant ! D'abord parce qu'il y a eu une mobilisation citoyenne intéressante, qui a permis de renouer le dialogue avec l'Etat, ce qui est évidemment important non seulement pour un bâtiment de l'Etat, mais aussi pour construire et co-construire une politique culturelle émergente, qui fait aussi partie du panel que le département de la cohésion sociale soutient. C'est important pour nous de pouvoir soutenir une forme de culture émergente.

Le deuxième élément, c'est qu'il s'agit d'un travail de partenariat entre des privés, la Ville de Vernier et les membres du collectif qui se sont engagés. On peut être fier que des jeunes se mobilisent pour développer une nouvelle infrastructure culturelle. Le dernier point sur lequel je voulais amener un élément, c'est l'invite évoquant la Verseuse 17, l'autre bâtiment à côté de Porteous: la Verseuse 17 est et restera attribuée au département des institutions et du numérique; là-dessus, il n'y a pas de doute à avoir, la réponse du Conseil d'Etat sera claire.

Par conséquent, quel que soit le vote de votre parlement sur cette motion, le Conseil d'Etat est engagé pour poursuivre ces travaux et continuer à faire en sorte que nous puissions proposer dans ce magnifique site, qui a effectivement une valeur non seulement patrimoniale mais aussi culturelle, un lieu très intéressant de développement et d'expérimentation.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote. Vous trouverez à la page 113 du rapport un amendement général du rapporteur de minorité de l'époque:

«Porteous: Oui à un projet culturel !

[...]

invite le Conseil d'Etat

- à poursuivre le projet culturel à Porteous dans le sens du rapport qui lui a été remis le 24 juin 2021;

- à donner un point de situation au Grand Conseil sur le bâtiment de la Verseuse 17, lui aussi mis sous protection.»

Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 53 non contre 29 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 2499 est rejetée par 55 non contre 30 oui (vote nominal).

Vote nominal