République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 31 mai 2024 à 14h
3e législature - 2e année - 2e session - 8e séance
PL 13275-A
Premier débat
Le président. Nous reprenons l'ordre du jour et traitons à présent le PL 13275-A, en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Laurent Seydoux.
M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi, déposé en mars 2023, n'est rien d'autre qu'une réaction assez forte à une décision de la majorité du peuple suisse d'augmenter l'âge de la retraite des femmes, le faisant passer de 64 à 65 ans. Etant donné que Genève a refusé cette augmentation, un certain nombre de députés ont imaginé le financement d'une rente-pont permettant aux femmes de s'arrêter de travailler à 64 ans. Cette fameuse année supplémentaire serait financée par le canton.
Evidemment, cela pose un certain nombre de problèmes. D'abord, celui du fédéralisme: si Genève n'accepte pas les décisions populaires du pays ou leur trouve des alternatives, ça semble déjà relativement mal parti. Et puis, si Genève, dans sa majorité, a refusé l'augmentation de l'âge de la retraite, certaines communes l'ont accepté. Imaginons donc que les femmes habitant Veyrier, elles, n'auraient pas droit à cette rente-pont puisque leur commune a accepté l'augmentation de l'âge de la retraite !
Ce projet de loi pose d'autres problèmes. Tout d'abord, cette rente-pont ne serait accordée qu'aux personnes qui ont cotisé à l'AVS et au deuxième pilier, deux cotisations obligatoires pour pouvoir la toucher, en sachant qu'un certain nombre de personnes n'ont jamais eu de deuxième pilier, ou en tout cas n'ont pas suffisamment gagné pour pouvoir cotiser. C'est donc aussi un élément de discrimination.
Une autre discrimination - et c'est cumulatif - serait créée dans la mesure où ça ne s'appliquerait qu'aux femmes âgées de 64 ans révolus; si les femmes souhaitent prendre leur retraite de façon préventive, elles ne toucheraient pas cet avantage, cette rente-pont. Cela n'est pas favorable à certains contrats de travail qui offrent la possibilité de prendre une retraite avant 64 ans, notamment liée à la pénibilité de certaines activités.
Puis, le fait que ça touche deux types d'assurances sociales pose également problème, puisque le projet de loi le prévoit sous cette forme, de façon à garantir des rentes conséquentes avec à la fois un revenu lié à l'assurance sociale qu'est l'AVS et un autre lié au deuxième pilier. Or ce sont deux mécanismes complètement différents et surtout traités par des caisses dont c'est l'activité; ce n'est pas le rôle du canton que de procéder à ce financement-là.
Evidemment, un certain nombre d'autres problèmes sont liés à cet objet, notamment pour les personnes qui souhaiteraient prendre une rente plutôt qu'un capital ou à l'inverse un capital au lieu d'une rente. Il pose donc beaucoup de problèmes. C'est un projet de loi et non pas une motion. On constate qu'il ne serait pas possible de le mettre en oeuvre, raison pour laquelle la majorité de la commission des finances vous demande de le rejeter. Merci.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, le peuple, il y a quelque temps, a accepté la réforme AVS 21. M. Seydoux l'a dit, mais il n'a pas rappelé le pourcentage d'acceptation: 50,57%, soit une très, très petite majorité au niveau suisse - majorité quand même, il faut l'admettre. Mais cette réforme a été très largement refusée par la population genevoise, à plus de 62%. Ce résultat nous montre un message absolument limpide de la part des électrices et des électeurs de notre canton: ils et elles sont opposés à une augmentation de l'âge de la retraite des femmes.
C'est pour tenir compte de ce choix très clairement affirmé de la population genevoise que lors de la précédente législature, le parti socialiste, les Verts et Ensemble à Gauche ont déposé ce projet de loi, qui propose la création d'une rente-pont cantonale afin que les femmes qui vivent à Genève puissent continuer à partir à la retraite à 64 ans plutôt qu'à 65, ainsi que le souhaitait la majorité de la population de notre canton, de façon également qu'elles puissent le faire sans perte de prestations.
Il est apparu dans le cadre des travaux de commission - les auteurs du projet de loi sont tout à fait prêts à l'admettre - qu'il était d'une extrême complexité, tant légistique que technique, d'articuler et de mettre en oeuvre cette rente-pont au niveau cantonal. Il nous manquait également, dans le cadre des travaux parlementaires, des informations pour pouvoir réaliser et concrétiser cette volonté à travers un projet de loi, mais les signataires ont formulé la proposition de valider le principe de la création d'une rente-pont cantonale pour permettre aux femmes de continuer à prendre leur retraite à 64 ans et de charger le Conseil d'Etat à travers une motion de formuler un projet de loi de manière à matérialiser cette intention.
C'est face au refus catégorique de la majorité de droite de la commission des finances, qui s'accommode du fait que l'âge de la retraite des femmes va augmenter, y compris dans le canton de Genève, quand bien même la population s'y est opposée, que nous avons décidé de maintenir notre soutien à ce projet de loi, qui aurait effectivement dû être transformé en motion pour qu'on puisse voter sur l'intention, sur le fond, sans s'attacher aux éléments du détail relatifs à la mise en oeuvre. Malheureusement, la majorité n'en a pas voulu.
Dans ce contexte-là, pour marquer cette intention extrêmement claire et aller dans le sens de ce qu'a souhaité la population genevoise, la minorité de la commission des finances vous recommande d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cela a déjà été dit, mais c'est important de le répéter, ce projet de loi fait partie d'un bouquet de textes parlementaires déposés lors de la journée du 8 mars 2023, il y a un peu plus d'un an. Il demande l'introduction d'une rente-pont en faveur des femmes dès l'âge de 64 ans. Il s'inscrit effectivement dans un contexte de votation populaire puisqu'il visait tout d'abord à respecter la volonté des électrices et des électeurs genevois, qui se sont manifestés en grande majorité contre l'élévation de l'âge de la retraite des femmes lors de la votation fédérale du 25 septembre 2022. Le coeur de ce projet de loi est donc d'«assurer, à titre transitoire, jusqu'à l'âge légal de la retraite, une rente-pont aux femmes dès 64 ans». Il s'agit ici essentiellement de conserver la possibilité d'une fin de carrière à 64 ans pour toutes les travailleuses du canton.
Mesdames et Messieurs les députés, le 25 septembre 2022, c'est un vrai coup de massue qui s'est abattu sur les femmes en Suisse et à Genève: désormais, le départ des femmes à la retraite ne se fera plus à 64 ans, mais à 65 ans. Cette volonté d'égaliser l'âge de la retraite entre les femmes et les hommes est et sera toujours une hypocrisie criante tant que la loi proclamant l'égalité ne sera pas concrétisée. Cela fait vingt-huit ans qu'elle existe et que les femmes attendent ! Ce sera une hypocrisie criante tant que les inégalités salariales persisteront ! Ce sera une hypocrisie criante tant que les femmes continueront à toucher des salaires et des rentes inférieurs à ceux des hommes ! Cette égalité de la retraite à 65 ans sera toujours une hypocrisie criante tant que les femmes assumeront toujours plus de travail non rémunéré !
En conclusion, je dirai qu'il est vrai que certains écueils ont été mis en lumière; nous les entendons. Cependant, comme cela avait été proposé par la rapporteuse de minorité, on aurait pu retenir le principe d'une motion sur laquelle nous aurions travaillé ensemble afin justement d'envoyer un texte invitant le Conseil d'Etat à réfléchir à une rente-pont cantonale - c'est ce qui s'est passé concernant la loi sur la maternité au niveau cantonal avant que cela soit concrétisé au niveau fédéral. On aurait donc pu inviter le Conseil d'Etat à réfléchir à une alternative pour une rente-pont puisque la population du canton de Genève s'était vraiment opposée à cette décision. La majorité de la commission des finances n'en a pas voulu. C'est pour ces raisons que je vous recommande quand même de soutenir ce projet de loi. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Zweifel. (Le président prononce le nom «Zweifel» de manière erronée. Remarque.) Ce sera toujours comme ça ! (Hilarité.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Au moins c'est clair ! Merci, Monsieur le président ! (L'orateur rit. Rires.) Mesdames et Messieurs, le projet de loi qui nous est proposé ici fait référence à d'autres textes. Vous le savez, c'est ce qui arrive lorsqu'il y a une votation fédérale sur un objet, accepté ou refusé, peu importe, par une majorité, et qu'il se trouve que Genève vote différemment du reste du pays: évidemment, à Genève, on pense systématiquement que c'est le reste du pays qui a tort et que c'est nous qui sommes beaucoup plus intelligents que les autres. La réalité, c'est que souvent, c'est plutôt le contraire, mais peu importe.
Souvent, quand ce genre de situation se présente, des députés écrivent un projet sur un coin de table en se disant: «Ah, on a perdu au niveau fédéral, mais on a gagné au niveau cantonal ! Alors on va faire quelque chose au niveau cantonal, comme ça on est sûrs de gagner les prochaines élections, et puis ça fait plaisir à absolument tout le monde.» On passe donc outre le vote fédéral, alors que nous faisons partie de ce pays.
Si on en vient maintenant à cet objet précis: Mme Marti et Mme de Chastonay ont un peu fait s'évaporer la question technique et les propositions sous-jacentes. Que demande précisément ce projet de loi ? L'instauration d'une rente-pont tant sur les cotisations AVS que sur les cotisations LPP. Sur les cotisations AVS, on peut en débattre; discuter d'un point de vue technique, pas d'un point de vue philosophique, dans le sens qu'effectivement, l'AVS, c'est finalement une cotisation paritaire de 10,6% - soit 5,3% pour l'employé et pour l'employeur -, c'est valable dans tout le pays, dans tous les cantons et pour tout le monde. Là, il serait donc envisageable de trouver un mécanisme qui pourrait fonctionner.
Pour la LPP, Mesdames et Messieurs, je tiens à rappeler ici que ça dépend de l'employeur, qui est dans une certaine caisse de prévoyance avec un certain plan de prévoyance - d'ailleurs, pour chaque employeur, vous pouvez avoir un, deux, trois, quatre, dix, quinze plans de prévoyance différents. Il faudrait communiquer ces plans de prévoyance. A qui ? A l'OCAS, à une autre institution ? Pourquoi d'ailleurs à l'OCAS plutôt qu'à une autre ? Toutes ces questions demeurent, ces éléments n'ont jamais été précisés, les auteurs mêmes du projet de loi nous ont expliqué qu'ils n'en avaient absolument aucune idée.
Quel serait le cercle des bénéficiaires ? Est-ce qu'on parle ici des gens qui sont à Genève ? Qui travaillent à Genève ? Qui sont à Genève et qui travaillent à Genève ? Rien n'est précisé. Or, ça a de l'importance, parce qu'on pourrait imaginer d'un côté la situation de quelqu'un qui habite à Versoix, qui serait bénéficiaire, et d'un autre, celle de quelqu'un qui travaille à Genève mais habite après Versoix et qui ne le serait pas. On pourrait aussi imaginer le cas d'un indépendant qui, par hypothèse, ne cotise pas à la LPP et ne pourrait pas bénéficier de cette rente-pont AVS. Tout cela est battu en brèche: on crée des inégalités de traitement absolument inadmissibles.
Mesdames et Messieurs, dans ce parlement, on fait souvent face à de fausses bonnes idées. On connaît aussi les vraies mauvaises idées. Ici, on a droit à une idée et fausse et mauvaise. Elle est impraticable, aussi bien techniquement que philosophiquement, en conséquence de quoi je vous invite évidemment à la refuser. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Gabriela Sonderegger (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose d'instaurer une rente-pont en faveur des femmes âgées de plus de 64 ans. Alors que le peuple suisse s'est prononcé à une courte majorité en 2022 en faveur de la parité femmes-hommes concernant l'âge de la retraite à 65 ans, les auteurs de ce texte souhaitent nous faire revenir en arrière en créant de nouvelles dépenses pour financer cette mesure à la charge du canton.
Comme l'a souligné le magistrat, M. Thierry Apothéloz, lors de son audition à la commission des finances, ce projet de loi amène plus de questions que de réponses. Le MCG considère quant à lui que l'idée de cette rente-pont est louable, mais que cette proposition est extrêmement mal ficelée. Elle pose de surcroît un problème de discrimination basée uniquement sur l'appartenance de genre, ce à quoi nous ne pouvons évidemment pas nous associer. Pour plaider en faveur d'une meilleure égalité entre hommes et femmes, le groupe MCG s'abstiendra de voter ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). Cette proposition n'est tout simplement pas sérieuse, les auteurs se permettent de remettre en cause un vote pourtant clair; on ne peut pas interpréter les résultats cantonaux comme bon nous semble. Il faut prendre les votes dans leur globalité, et c'est ce qui a été fait: la loi a été modifiée et désormais, nous avons droit à une vraie égalité de traitement entre hommes et femmes, tout le monde part à la retraite à 65 ans.
Maintenant, si d'aventure certaines d'entre elles veulent partir plus tôt, elles en ont la possibilité malgré tout. Moi, je les invite plutôt à retenir d'autres solutions, comme s'autofinancer via un troisième pilier, ce qui leur permettrait de financer une année de retraite avant l'âge légal et de pouvoir ainsi partir à 64 ans. Quoi qu'il en soit, le groupe UDC votera contre cette mauvaise idée et nous vous invitons à faire de même. Je vous remercie.
Mme Caroline Renold (S). Je vais me permettre de rappeler brièvement le concept du fédéralisme: selon ce concept, il y a des règles communes de base et les cantons peuvent justement décider d'aller plus loin. Ce projet de loi est donc bien entendu complètement conforme au fédéralisme et respecterait la volonté de la population genevoise, qui, à plus de 62%, a refusé le passage de l'âge de la retraite pour les femmes de 64 à 65 ans.
Je me permets aussi de rappeler aux préopinants qui sont contre ce projet de loi que ce mécanisme est indispensable pour pallier le système de retraite actuel, qui aggrave les discriminations entre les femmes et les hommes. Parce qu'en plus du fait que les femmes sont déjà discriminées pendant toute leur vie professionnelle quant à leur revenu - vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a encore un écart salarial de 14% entre les hommes et les femmes et que cet écart est encore bien plus important pour les salaires les plus bas: on est jusqu'à 25% dans les secteurs précarisés, comme les emplois de vendeuse, nettoyeuse, serveuse ou soignante -, elles ont plus souvent des taux partiels et passent par de grandes périodes de rupture de cotisation.
Peut-être que les députés qui sont si fans de la Suisse alémanique ont lu dans la «NZZ» la semaine dernière que les femmes qui ont un enfant subissent une pénalité: elles ont une perte de revenus de 53% après la naissance et elles ne remontent la pente que très faiblement par la suite, contrairement à d'autres pays. On a donc un énorme écart salarial, qui se reproduit ensuite dans les écarts de rentes entre hommes et femmes. En 2022, l'écart de rentes était de 35%.
Les femmes touchent beaucoup plus rarement que les hommes une rente du deuxième pilier: elles sont un peu moins de 50% contre un peu plus de 70% d'hommes. Et lorsqu'elles en touchent une, le montant de cette rente est inférieur de 47% au montant perçu par un homme. Il y a beaucoup de femmes qui n'ont que l'AVS, beaucoup de femmes aussi qui n'ont pas de troisième pilier.
Le système des retraites aggrave les discriminations sociales. Les personnes qui ont une espérance de vie moindre... pardon, une espérance de vie ternie par des années en moins bonne santé, sont celles qui ont des emplois plus précaires et des retraites plus basses.
Pour compenser ces inégalités flagrantes, pour respecter la position de la population genevoise, il faut prévoir un mécanisme de rente-pont pour les femmes entre 64 et 65 ans, et le parti socialiste vous invite à accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Jacques Blondin (LC). Au-delà de la question de principe qui consiste à savoir s'il faut entrer en matière sur l'hypothèse d'une compensation genevoise suite à une décision fédérale, puisque les résultats à Genève étaient différents, c'est bien en raison de ce qui a été dit par Mme Renold précédemment que la commission des finances a pris la peine d'auditionner largement, au-delà du préjugé primaire qui consistait à dire que les carottes étaient cuites et qu'on n'entrait pas en matière. On a donc fait les auditions et on les a faites largement.
Nous nous sommes rendu compte qu'effectivement, ce projet de loi repose sur un constat évident, mais relativement simple, trop simpliste, et qu'en fait, il y avait beaucoup plus de questions et de problèmes qui ressortaient suite à la discussion sur ce projet de loi par rapport à la solution présentée. Même le magistrat, qui prendra la parole tout à l'heure au nom du Conseil d'Etat, a exprimé que lui-même ne pourrait pas entrer en matière sur cette problématique sur la base d'une simple égalité de droit entre les différents cas d'espèce.
Alors pour ceux qui ont lu cette proposition, il y a différents éléments: le fédéralisme - on peut en parler, il y a une décision qui est prise au niveau fédéral et Genève opte pour une solution particulière; à la limite, on pourrait le faire, mais pourquoi ? Par ailleurs, en lien avec les cotisations AVS, il faut se demander comment serait gérée la question d'une personne qui travaillerait à l'âge de 64 ans, d'une personne sans fortune qui cotiserait ou encore d'une personne avec fortune et revenu qui cotiserait. Là, il y a déjà des différences de traitement qui ne sont pas du tout prévues par la proposition qui a été faite.
Ensuite, comme cela a été dit, le texte proposé concerne l'AVS et le deuxième pilier; il n'y a pas qu'une caisse, mais plusieurs. C'est compliqué, il n'y a rien qui est prévu, aucune solution n'est donnée. Et puis, effectivement, il y a les prestations complémentaires qui entrent en jeu et qui amènent un certain nombre de problèmes. Au départ, l'idée était claire, une décision avait été prise au niveau fédéral, qu'on soit pour ou contre le redressement de l'âge de la retraite pour tout le monde à 65 ans. On pouvait s'en tenir à ça. La commission des finances a fait le travail et, objectivement, le constat est là: sur la base de ce projet de loi, on n'a que des problèmes et aucune solution, au-delà de la problématique de savoir s'il faut compenser ou pas.
Alors c'est vrai qu'il y a des inégalités, nous sommes les premiers à le constater, mais cette proposition ne permet en aucun cas de les régler. C'est la raison pour laquelle, quand bien même nous avons fait le travail parce qu'il y a 50% de la population qui est concernée par cette problématique, on en est arrivé à la conclusion qu'il fallait refuser ce texte. Vous remarquez qu'on ne parle même pas du coût que représenterait cette solution; personne ne l'a relevé jusqu'à présent. Je pense que le Conseil d'Etat se fera un plaisir de nous rappeler ce que cela pourrait hypothétiquement nous coûter. Le Centre vous invite à refuser ce projet de loi. Merci.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, oui, ce projet de loi est issu d'un élan faisant suite à une décision populaire, non seulement au niveau suisse, mais également au niveau cantonal. Je peux comprendre l'élan, tant il était animé par le constat - il a été rappelé ici et il est navrant qu'on doive encore le faire en 2024 - d'une telle discrimination à l'égard des femmes dans notre pays, autant pour les salaires que pour les perspectives de retraite. On peut regretter qu'effectivement cette question n'ait pas été plus empoignée par le Conseil fédéral pour trouver des solutions.
La proposition visait en effet à poser les bases du problème. En revanche, comme cela a été dit par le département de la cohésion sociale, lorsque les aspects techniques ont été exposés, des difficultés certaines ont été relevées. Qu'est-ce que nous devons apprendre de l'audition de la conseillère d'Etat à la commission des finances, qui a pris le temps - et je la remercie - d'analyser comme il fallait ce projet de loi ? C'est qu'au fond, les assurances sociales en Suisse et à Genève sont un domaine technique, juridique compliqué et dont la réglementation s'entrecroise, ce qui implique que lorsqu'on parle des prestations complémentaires, du deuxième pilier, du premier et du troisième, en lien avec l'assurance-chômage par exemple, nous sommes confrontés à une vraie difficulté.
C'est la raison pour laquelle, la tentative de la motion ayant échoué, on aurait pu imaginer que le parlement se saisisse non pas d'une motion - qui demande au Conseil d'Etat de faire quelque chose -, mais peut-être d'un acte en amont, qui s'appelle le postulat et qui est une demande d'étude auprès du Conseil d'Etat, lequel est chargé de produire un rapport permettant d'exposer les enjeux, les éléments techniques, voire des solutions. Le postulat est un objet que vous n'avez quasiment pas utilisé ces dernières années, c'est la raison pour laquelle je me permets de vous le rappeler. Lorsqu'on est dans des domaines aussi techniques, ça vaut la peine que nous puissions travailler dans l'administration à faire le point sur une préoccupation qui vous anime puis vous permettre de donner la suite que vous voudrez bien. Le postulat existe dans votre règlement, il figure aux articles 157 et suivants de la LRGC. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous procédons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13275 est rejeté en premier débat par 41 non contre 31 oui et 12 abstentions.