République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 31 mai 2024 à 14h
3e législature - 2e année - 2e session - 8e séance
P 2192-A-I
Débat
Le président. Nous continuons le traitement des pétitions avec la P 2192-A-I. Madame Meissner, vous avez la parole.
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. En résumé, la commission a auditionné les pétitionnaires, les commerçants du boulevard du Pont-d'Arve, l'autorité cantonale et, par écrit, la Ville de Genève. La majorité de la commission estime que la fluidité du trafic sur cet axe majeur doit être assurée de même que l'accès aux commerces, tout en prenant en considération les besoins de parcage et autant que possible la qualité de vie des habitants sur cette artère connue pour être bruyante.
Il est important de souligner, comme l'a fait l'autorité cantonale, qu'un chantier va être ouvert à l'avenue du Mail; celui-ci doit permettre - permettra - de mener des essais qui incluront également le boulevard du Pont-d'Arve. Etant donné les restrictions de circulation que cela va engendrer, l'objectif est de trouver les solutions les plus appropriées pour répondre aux besoins, mais dans le cadre d'une vision d'ensemble.
Dès lors, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission a jugé qu'il fallait accorder aux services cantonaux le temps nécessaire à cette analyse avant de leur imposer une option ne prenant en considération que le boulevard du Pont-d'Arve. Nous vous invitons à suivre cette position et à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai beaucoup entendu les mots «commerçants», «fluidité», «besoins de parcage»; quant à moi, je vais vous présenter la position de la minorité qui essaie d'entendre les habitantes et habitants du canton et de la ville, lesquels se plaignent du bruit. Il s'agit d'un véritable fléau, il faut le rappeler encore et encore. La commission des pétitions du Grand Conseil reçoit un grand nombre de textes concernant la problématique des nuisances sonores. Cela n'arrête pas, il s'agit d'une calamité qui touche 120 000 personnes dans le canton et la ville de Genève.
A travers cette pétition, une fois de plus, les habitantes et habitants se mobilisent pour faire entendre leur voix. Ils sont venus avec des solutions concrètes, proposant notamment de restreindre la circulation à une seule voie: une option pratique, facile à mettre en place, gratuite et efficace. Ils ne demandent pas de diminuer le nombre de places de stationnement, comme l'ont longuement dénoncé les commerçants - ce n'est pas du tout l'objectif -, mais de réduire la part du transport individuel motorisé, puisque c'est ce dernier qui provoque les nuisances sonores, lesquelles deviennent insupportables pour les gens qui résident en ville de Genève et qui souffrent sur le plan de la santé.
En effet, il s'agit d'une question de santé publique. Le bruit peut provoquer du stress et des troubles du sommeil, affecter la concentration et engendrer des problèmes vasculaires cérébraux. Quant à la pollution induite par les transports, elle cause des difficultés respiratoires. Nous, les Vertes et les Verts, considérons qu'il est fondamental de répondre à cette problématique et à ces préoccupations. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons de soutenir cette pétition en la renvoyant au Conseil d'Etat.
Par ailleurs, des questions de sécurité ont été mises en avant en ce qui concerne l'aménagement. Il s'agit d'un axe très dangereux, surtout pour les personnes qui roulent à vélo. Il y a encore la circulation des ambulances, puisque c'est une voie d'urgence. La solution proposée permettrait de prioriser ces déplacements en retranchant une voie dédiée au transport individuel motorisé. C'est aussi une question de qualité de vie.
Nous avons bien entendu en commission les commerçants qui ont mis en avant leurs craintes de voir le nombre de clients diminuer. En réalité, on parle de quelque chose qui relève du ressenti, de l'imaginaire. Aucune étude connue ne montre que les personnes qui viennent de loin vont davantage se déplacer au centre-ville parce qu'il y a plus de voies de circulation, il y a un grand imaginaire là derrière.
Au contraire, toutes les analyses vraiment identifiées concluent qu'un centre-ville apaisé, verdi, où il y a moins de bruit, de trafic et de pollution attire davantage la clientèle, même quand elle vient de très loin, puisqu'elle peut se parquer à l'extérieur et marcher un petit bout.
On sait qu'une grande partie de la population du canton se déplace à pied. La part modale de la marche dans notre canton de Genève est de plus de 40%, donc il n'y a pas d'excuse. On utilise une pétition des habitants qui essaient de lutter contre le bruit pour des raisons de santé pour faire croire qu'il y a un enjeu de diminution du nombre de places de parking alors que ce n'est pas du tout l'objet de ce texte.
D'ailleurs, vu que les travaux d'aménagement à l'avenue du Mail ont été évoqués, j'en profite pour souligner que dans ce projet de la Ville de Genève, aucune place de stationnement ne sera supprimée. Il s'agit d'un prétexte avancé pour refuser cette pétition, ce que nous déplorons. Nous vous invitons plutôt à soutenir cette initiative des habitants qui se sont mobilisés et qui proposent quelque chose de simple, de facile à mettre en oeuvre et de gratuit afin d'améliorer leur qualité de vie. Merci.
M. Jean-Pierre Tombola (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette pétition est légitime; elle est légitime dans la mesure où les habitants demandent que la qualité de l'air soit améliorée; elle est légitime parce que le trafic automobile est très élevé sur le boulevard du Pont-d'Arve - mais pas seulement, il s'agit d'un problème général dans tout le canton. De nombreuses pétitions abordent le même sujet, il y a une convergence sur le fait que le transport individuel motorisé augmente énormément le taux de pollution et les nuisances sonores. Cette pollution atmosphérique pose de sérieux problèmes de santé au niveau pulmonaire, a des conséquences sur le système cardiovasculaire.
D'ailleurs, lors des Assises transfrontalières des élus du Grand Genève, nous avons mené une réflexion sur cette thématique en liant vraiment les problématiques de mobilité et de santé. Les informations qui ont été données - j'attends encore le rapport - montrent que dans les zones avec une intense densité de trafic et une forte pollution, l'espérance de vie diminue de quinze ans. Ce problème est réel, et ce que les habitants demandent, c'est d'assainir la rue en fermant une voie à la circulation.
Nous avons entendu les préoccupations des commerçants, qui ont expliqué qu'ils craignaient une diminution du nombre de leurs clients. Or il n'est pas question de supprimer des places de parking et, de toute façon, toutes les personnes qui passent en voiture ne viennent pas pour acheter. En l'occurrence, il s'agit juste d'étudier une option pour que les habitants retrouvent le calme et la sérénité tout en laissant les commerces fonctionner, il s'agit de trouver une solution intermédiaire qui puisse satisfaire les uns et les autres.
C'est pour cette raison que les députés du groupe socialiste renverront cette pétition au Conseil d'Etat, il convient de trouver des solutions qui conviennent à tous. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de faire de même. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Christian Steiner (MCG). Tout d'abord, Mesdames et Messieurs, il faut rappeler que le boulevard du Pont-d'Arve est un axe routier structurant et que ce genre de voie principale est encore nécessaire en ville de Genève.
Ensuite, j'aimerais revenir sur la forme et la temporalité. On voit très bien l'instrumentalisation faite par la Ville de Genève et par une association qui ne représente qu'elle-même, parce que dans les faits - et cela est aussi ressorti de l'audition des commerçants -, la situation s'est largement améliorée. En effet, l'artère a été refaite et on a surtout fini par régler la synchronisation des feux, donc il n'y a plus d'arrêts et de redémarrages, ce qui était la cause du problème. C'était ça, la cause ! Une espèce de réflexe pavlovien anti-voitures intégré par l'ex-magistrat, qui voulait simplement rendre la vie impossible aux automobilistes en instituant des ondes rouges à la place des ondes vertes. On ne supprimera pas le trafic. 70% des ménages sont encore propriétaires d'une voiture, c'est beaucoup plus que ceux qui sont propriétaires d'un vélo. Par conséquent, ce n'est certainement pas le moment.
Un mot encore sur les commerçants. Certains partis pensent mieux savoir ce qu'il en est que les spécialistes, ils se croient éveillés ou réveillés - c'est ainsi qu'on peut traduire le mot «woke» en français. Il y a une unanimité dans toute la ville de Genève - c'est en tout cas ce que je constate, puisque je suis également conseiller municipal -, on a obtenu des explications, des résultats chiffrés, on voit que les commerces ferment lorsqu'on réduit la mobilité - le dernier en date, semble-t-il, est une boulangerie à Versoix, mais je ne veux pas tirer de conclusion rapide -, les responsables des associations patronales nous définissent en détail le type de clientèle, mais non, certains partis leur disent qu'ils ont tort. Ils connaissent la réalité, ils ont des chiffres précis, mais ils leur disent qu'ils ont tort.
En dernier lieu, vouloir élargir les trottoirs et imaginer que le boulevard du Pont-d'Arve, avec sa situation, peut devenir une promenade où les gens viendraient se détendre, c'est peut-être aller un petit peu loin. Il faut également penser au projet de fermeture de la rue de Carouge que nous estimons inadéquat, le report de trafic n'a pas été pris en compte. Nous allons déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais elle aurait certainement mérité le classement. Merci. (Applaudissements.)
M. Jacques Jeannerat (LJS). Je suis un peu surpris, Monsieur le président, par les propos de votre collègue de parti, parce que ce n'est pas ce que j'ai entendu lors des auditions. Au contraire, les représentants des commerçants du boulevard du Pont-d'Arve ont souligné que cette pétition allait nuire à l'activité des commerces, et de tous les types de commerces, de la librairie qui se trouve tout en bas jusqu'à la boulangerie tout en haut. Aussi, Monsieur Tombola, je n'ai pas l'impression d'avoir assisté à la même audience que vous. C'est bien parce qu'elle va ralentir l'activité économique dans cette rue que les commerçants sont contre l'idée de cette pétition.
Par ailleurs, depuis quelque temps - vous avez peut-être pu le remarquer, notamment depuis la fin des travaux en bas du boulevard qui étaient liés à des fouilles des SIG ou je ne sais quoi -, la séquence des feux a été modifiée: désormais, il y a une fluidité à 30 km/h qui convient à tout le monde. Il ne s'agit pas de rouler à 60 km/h sur cette voie, loin de là, nous ne le demandons pas, mais depuis quelques mois, le trafic est nettement plus fluide. Du coup, il y a moins de bruit, parce que les voitures ne s'arrêtent et ne réaccélèrent plus dans la montée, ce qui est bien pour tout le monde, il y a moins de nuisances sonores, moins de pollution.
Comme mon préopinant, Mesdames et Messieurs, notre groupe vous recommande de ne pas renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, mais d'opter pour son dépôt sur le bureau du Grand Conseil; pour ma part, je serais même en faveur de son classement. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Tombola pour trente secondes.
M. Jean-Pierre Tombola (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, vous aurez compris qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin de résoudre les problèmes, et ce au bénéfice de tous les habitants et opérateurs économiques de cette rue. Merci beaucoup.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'ai mon bureau à la rue Dancet depuis trente-deux ans, je peux vous dire que le périmètre a déjà été bien pacifié. La rue est passée en zone à 30 km/h, un revêtement phonoabsorbant a été installé. Le véritable problème - et cela a été relevé par deux de mes préopinants - était la synchronisation des feux. Or il a été résolu: aujourd'hui, les gens ne s'arrêtent et ne redémarrent plus, le trafic est fluide.
Evidemment, tout n'est pas réglé, il s'agit d'un axe structurant important. Je vous rappelle qu'une grande partie des véhicules qui se rendent à l'hôpital passent par le boulevard du Pont-d'Arve, et les ambulances essaient d'ailleurs de ne pas actionner les sirènes pour ne pas incommoder les habitants. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC votera le dépôt de cette pétition. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de minorité. Cette pétition - je ne l'ai pas indiqué tout à l'heure, mais je pense qu'il est important de le préciser - a trois invites. L'une d'entre elles demande «le respect effectif des normes fédérales en termes de pollution de l'air et de bruit sur [le] boulevard du Pont-d'Arve». Je comprends le besoin de mobilité qui est essentiel et d'ordre constitutionnel, mais ici, il faut aussi entendre le droit constitutionnel à un environnement sain, ce que revendiquent ces habitantes et habitants en proposant une alternative proportionnée qui ne va pas du tout nuire au commerce. De nouveau, des chimères ! On imagine que si on ralentit le trafic, il y aura moins de consommation, ce qui n'est pas du tout avéré.
Par ailleurs, il n'y a aucune instrumentalisation par la Ville de Genève, puisque cette pétition a été transmise au canton et que la Ville de Genève a encore une position différente.
Ce texte a été déposé suite aux travaux qui ont eu lieu en 2023. Les pétitionnaires se sont rendu compte qu'une solution cohérente, facile et gratuite pour tout le monde était possible, tant pour les commerçants que pour les habitants, simplement en réduisant à une voie de circulation.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous recommandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, parce qu'elle est proportionnée, va dans le sens de tous les commerçants et habitants du quartier, et surtout respecte les lois fédérales. Merci. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Je me dois de rappeler un certain nombre de choses. La rapporteuse de minorité a indiqué qu'il était simple de mettre en oeuvre cette pétition en diminuant d'une voie la circulation sur cet axe majeur, que ça n'allait pas poser problème. Il faut souligner que depuis la fin du chantier - vous avez eu raison de préciser que des travaux ont eu lieu -, la situation est apaisée, c'est beaucoup plus calme qu'avant.
Mais n'oublions pas que pendant les travaux, c'était l'enfer à la rue Dancet et partout ailleurs, donc je comprends qu'à un moment donné, le canton de Genève veuille examiner la situation dans son ensemble, on ne peut pas juste considérer le boulevard du Pont-d'Arve comme une rue isolée qu'on pourrait facilement transformer en une promenade pour les vélos. Ce n'est pas demain la veille que cela pourra se réaliser, c'est un fait.
La ville, ce ne sont pas seulement des habitants, ce sont également des commerçants. Et ceux du boulevard du Pont-d'Arve sont venus en commission, ils font tous partie de l'association. Je vous invite à lire leur témoignage, ce n'est pas juste un ressenti, ce sont des faits. Ces commerçants nous ont appelés au secours, nous devons aussi soutenir nos commerces en ville, et cela passe par l'admission qu'il y a des livraisons, qu'il y a des gens qui se déplacent en voiture encore aujourd'hui. Je vous remercie donc de suivre la majorité et de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Madame. Je mets aux voix les conclusions de la majorité, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2192 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 55 oui contre 32 non (vote nominal).