République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13249-A
Rapport de la commission sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Jean Romain, Francine de Planta, Patrick Malek-Asghar, Pierre Nicollier, Murat-Julian Alder, Natacha Buffet-Desfayes, Edouard Cuendet, Helena Rigotti, Jean-Pierre Pasquier, Fabienne Monbaron, Jacques Béné, Alexandre de Senarclens, Pascal Uehlinger, Adrien Genecand, Beatriz de Candolle modifiant la loi sur l'instruction publique (LIP) (C 1 10) (Lieu de résidence des collaborateurs du département)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 21 et 22 mars 2024.
Rapport de majorité de M. Souheil Sayegh (LC)
Rapport de première minorité de M. Skender Salihi (MCG)
Rapport de deuxième minorité de M. Pierre Nicollier (PLR)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons à présent le PL 13249-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de M. Skender Salihi sera présenté par M. François Baertschi. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Souheil Sayegh.

M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la commission sur le personnel de l'Etat a traité cet objet lors de ses séances de juin, d'octobre et de décembre de l'année passée et a terminé ses travaux en janvier de cette année sous la présidence de Mme Caroline Marti. De quoi parle-t-on ? Je vous cite le titre: «Lieu de résidence des collaborateurs du département». Pour nos travaux, la commission a reçu le DIP ainsi que le DF. Je vais casser tout suspense en vous donnant déjà les résultats des votes: sept commissaires ont voté en faveur de ce projet de loi, sept contre et une personne s'est abstenue. Les débats seront animés.

Ce projet de loi vient percuter notre actualité. Si vous n'étiez pas connectés depuis quelque temps à votre télé ou radio, en résumé, ce sujet peut vous sembler étrange. Pour tous les autres, toute ressemblance avec des personnages ou des faits ayant existé serait purement fortuite. De quoi parlons-nous ? En 2022, nous apprenions qu'une collaboratrice du DIP, directrice d'établissement, s'était installée à Colmar, en Alsace. Un ancien député, lui-même récemment établi en Valais, s'en était offusqué, et nous le comprenons.

C'est à la suite de cette actualité liée à la mobilité des personnes travaillant au DIP que ce projet de loi nous a été soumis. Selon celui-ci, les collaborateurs du DIP ne pourraient résider au-delà du périmètre défini par la carte géographique annexée. En gros, la zone n'est alignée ni sur un canton, ni sur un pays, ni sur une distance, mais plutôt sur une durée de déplacement maximale.

Quant au fond, le DIP compte 10 500 collaborateurs et à peu près cinq mille auxiliaires qui exercent 155 métiers, et procède à plus de six cents engagements par année. Environ 80% du personnel du DIP habite à Genève; en comparaison, 75% du personnel du petit Etat habite à Genève. 80% du personnel du DIP réside donc à Genève, 15% en France voisine, 5% dans le canton de Vaud et un peu moins de 2% ailleurs en Suisse et France. Il existe un lieu du DIP situé hors de Genève, le foyer l'Ecole climatique Boveau; cet établissement engage une vingtaine de collaborateurs, comptés parmi les personnes habitant en dehors du périmètre prévu par ce projet de loi.

Je vous donne maintenant quelques détails. S'agissant de la France, 75% habitent en Haute-Savoie, 23% dans l'Ain. Tous les autres départements ont un pourcentage inférieur à 1%. Actuellement, un peu plus de 350 collaborateurs du DIP sont domiciliés hors du périmètre prévu par le projet de loi. Il s'agit de 74% d'enseignants - sur 350 -, de 10% de personnel médical et paramédical, de 8% de personnel administratif et de management et de 8% de scientifiques et de personnel technique et manuel. En 2022, moins de 1% du personnel engagé habitait hors du périmètre, surtout en raison des difficultés de recrutement dans le domaine médical.

Quant à la forme, depuis 2008, le règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire précise que «si la fonction occupée ou un intérêt public le commande, le fonctionnaire peut être tenu d'avoir le domicile et de résider effectivement dans le canton de Genève».

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Souheil Sayegh. Merci, Monsieur le président. Cette possibilité existe donc pour le DIP, mais elle n'a jamais été mise en oeuvre.

Par ailleurs, il y a des déménagements: le DIP peut recruter des personnes habitant hors du périmètre qui viennent ensuite s'installer et voir des personnes qui étaient sur place déménager hors du périmètre. Le DIP n'a actuellement pas les moyens de mettre fin aux rapports de service.

Quant aux professions médicales, il est difficile d'engager du personnel: ce sont des postes spécifiques et les conditions salariales ou de travail ne sont pas forcément avantageuses pour les personnes qui habitent ici. On recrute donc un peu plus loin. Accepter ce projet de loi entraînerait des tensions, surtout dans le domaine médical et paramédical, avec des postes qui ne seraient pas pourvus.

Ensuite, on a parlé des deux lois qui régissent le personnel du DIP, la LPAC et la LIP, mais on ne s'est pas entendu sur le fait de savoir à qui s'adressait exactement ce projet de loi: est-ce qu'il s'adressait au personnel soumis à la LPAC ou à la LIP ? Pour finir, cela a été tranché lors des votes.

S'agissant du droit supérieur et des libertés de déplacement, ces mesures seraient traitées dans ce projet de loi.

En conclusion, nous ne sommes pas confrontés aujourd'hui à une situation de pénurie d'enseignants et le nombre de personnes engagées hors périmètre est inférieur à 1%. Il y a des cas, par exemple des postes à temps partiel, pour lesquels la restriction n'est sans doute pas justifiée. Le DIP favorise déjà l'engagement du personnel local dans ses choix de recrutement, puisque seulement 3% des collaborateurs seraient concernés par une obligation de résidence, et il existe déjà des dispositions réglementaires liées au domicile qui lui permettent d'imposer une obligation de résidence.

Pour toutes ces raisons, à savoir le cadre légal existant qui permet de régler des cas particuliers très ponctuels, la pénurie prévisible de personnel spécialisé notamment médical, l'entrave à la libre circulation des personnes, la complication engendrée par ce projet de loi qui ne concerne qu'une minorité de cas, la gestion des déménagements en cours d'emploi, etc., la majorité de la commission vous recommande de rejeter ce texte. Je vous remercie de votre attention.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il s'agit d'une situation particulièrement absurde, qui a scandalisé tout Genève: le cas d'une directrice d'école primaire genevoise domiciliée en Alsace, à Colmar plus précisément. Comment peut-on s'occuper de la direction d'une école primaire dans les Trois-Chêne alors que l'on est domicilié en Alsace ? C'est une situation complètement absurde ! C'est ce cas tout à fait scandaleux qui a donné lieu à ce projet de loi.

Il faut savoir, et nous le savons notamment grâce aux chiffres sortis tout récemment, que plus que d'autres départements, le DIP engage des enseignants frontaliers titulaires d'un permis G. En 2023, il y en a plus de cinquante. Cela devrait d'ailleurs nous interpeller et nous amener à penser que si on n'arrive pas à engager suffisamment de personnes au bénéfice de ce type de formation, c'est parce qu'il y a un véritable dysfonctionnement; cette formation doit être principalement axée sur la population locale.

On a eu aussi tout récemment quelques surprises. On s'est en effet rendu compte que des collaborateurs de l'Etat, du DIP, se trouvaient dans des pays très lointains, dans des espaces très lointains: en Italie, en Espagne. On se demande comme ces personnes peuvent faire leur travail. Il doit y avoir énormément de visioconférences et de télétravail ! Est-ce vraiment souhaitable pour des activités qui doivent être de proximité ?

Nous sommes face à une véritable dérive, qui existe malheureusement depuis des lustres, et on se retrouve avec des enseignants hors sol. Il ne faudra donc pas s'étonner si l'on constate une péjoration de l'enseignement dans le canton de Genève; on doit prendre en compte l'aspect qualitatif ainsi que l'importance d'avoir des talents locaux et de les favoriser. Actuellement, de nombreux jeunes de notre canton doivent trouver des emplois hors de Genève, et ça ne concerne pas spécifiquement l'instruction publique puisque c'est plus général: des résidents genevois, des jeunes, ne sont apparemment pas du tout compétents, alors que d'autres cantons les jugent tout à fait satisfaisants. Je pense qu'un certain nombre d'éléments ne fonctionnent pas au niveau des politiques de ressources humaines. Nous assistons à des changements très importants dans notre société, des changements préoccupants.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Je termine en disant que nous soutenons ce projet de loi et que nous pensons, et nous l'avons dit lors des travaux en commission, qu'il faut voter un amendement. Nous proposons donc un amendement afin d'enlever le petit défaut de ce projet de loi, à savoir la référence à une carte d'engagement de la Ville de Genève qui n'est malheureusement pas satisfaisante. Nous vous demandons et vous conseillons d'adopter ce projet de loi avec l'amendement. Merci.

M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, avec un territoire exigu et des difficultés de logement, il est tout à fait compréhensible que certains collaborateurs de l'Etat décident d'habiter dans le Grand Genève. Toutefois, selon la nature de l'emploi, il existe une distance raisonnable au-delà de laquelle il n'est objectivement plus possible d'effectuer un travail de qualité. Interpellé à ce sujet, le Conseil d'Etat avait indiqué qu'«aucun chiffre ne [figurait] dans les directives actuelles relatives au personnel de l'administration cantonale» concernant la distance entre le lieu de travail et de domicile.

La minorité estime que selon la nature de l'emploi, pour un travail de qualité, on peut légitimement exiger du collaborateur qu'il n'habite pas à une distance trop éloignée du canton. Consciente de cette difficulté, la Ville de Genève a établi un périmètre au-delà duquel il n'est pas raisonnable de résider si on prétend travailler à la municipalité, soit un périmètre d'environ une heure de déplacement en voiture ou en transports publics, que reprend ce projet de loi.

Les cas ont été présentés comme peu nombreux par la magistrate de l'époque lors de son audition. Or, à la fin de l'année 2023, au DIP, 59 collaborateurs étaient domiciliés en Valais, dont 20 ont été mentionnés par le rapporteur de majorité, 5 à Berne, 18 à Fribourg, 2 au Tessin, 30 en France en dehors des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie et 1 en Italie. Si on regarde plus largement les collaborateurs de l'Etat, pour tous les départements, 23 sont domiciliés à Neuchâtel, 87 collaborateurs de l'Etat, donc du canton de Genève, ont leur domicile à Fribourg, 175 en Valais, dont 85 sont membres du corps de police. (Rires.) Oui, certains rient ! Je répète: 175 collaborateurs de l'Etat, du canton de Genève, sont domiciliés en Valais, dont 85 sont membres du corps de police. 10 résident à Berne, 6 dans le Jura, 1 à Zurich, 5 au Tessin, 1 dans les Grisons, 49 en France hors Ain et Haute-Savoie, 1 en Italie, je l'ai déjà mentionné précédemment, et 1 en Espagne. S'agissant du cas présenté, la magistrate d'alors avait indiqué que la base légale n'était pas suffisante pour garantir que ce lien de proximité soit présent.

Il existe des situations qui ne sont pas satisfaisantes et qui ne permettent pas de fournir des prestations correctes. Selon la minorité de la commission, il est de la responsabilité du Grand Conseil de fournir un cadre légal pour régler ces situations. Ce projet de loi est néanmoins imparfait, car il ne concerne qu'une certaine partie des collaborateurs de l'Etat, à savoir ceux du DIP; il doit donc être revu. Pour ces raisons, je vous demande un renvoi en commission.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole aux rapporteurs au sujet de cette demande de renvoi, en commençant par le rapporteur de première minorité.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Nous sommes pour l'instant opposés au renvoi en commission, parce que nous ne voyons pas les arguments qui le justifient.

M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de majorité. J'ai été surpris par les chiffres évoqués par le rapporteur de seconde minorité. Il est vrai que ça permet de s'interroger et j'imagine qu'à la suite de ce qu'on vient d'apprendre, la population peut aussi s'interroger. Pour cette raison, le renvoi en commission peut se justifier et, au nom du Centre, je l'accepte.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13249 à la commission sur le personnel de l'Etat est adopté par 70 oui contre 9 non et 1 abstention.