République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 31 mai 2024 à 18h
3e législature - 2e année - 2e session - 10e séance
M 2813-A
Débat
Le président. Nous poursuivons nos travaux avec la M 2813-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Sophie Demaurex.
Mme Sophie Demaurex (S), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a étudié la proposition de motion 2813 durant sept séances, du 22 mars au 7 juin 2022. M. Pierre Nicollier présente le texte, soulignant que les personnes handicapées comprennent également celles malades et âgées, et qu'un quart de ces individus vivent avec des limitations sévères. Il indique que les 14 000 rentiers AI et 83 000 rentiers AVS composent les personnes concernées en 2022.
Selon lui, de nombreuses prestations pour les personnes handicapées sont offertes par le canton, les communes, les associations et les privés, mais il est difficile pour les bénéficiaires ou leurs proches de repérer l'ensemble des services disponibles. L'offre est plus large que celle proposée par le BIS (Bureau d'information sociale). Il rappelle que la Maison de l'autonomie, qui regroupe huit associations, a été créée à côté de la gare de Lancy-Pont-Rouge et inaugurée en septembre 2021.
L'idée de la motion serait d'instituer un guichet rassemblant les informations sur toutes les prestations existantes, en plus de cette maison, l'objectif étant de fournir un point de contact pour les personnes handicapées où les données seraient centralisées. Il s'agirait également d'un lieu physique où les bénéficiaires et/ou leurs proches pourraient se rendre. M. Nicollier suggère de confier ce mandat à l'une des organisations de la Maison de l'autonomie, par exemple Foyer-Handicap. A ses yeux, cette entité permettrait un accompagnement efficace non seulement des personnes à la recherche de prestations, mais aussi des associations. En effet, une information centralisée économise des efforts à ceux qui la cherchent ainsi qu'aux organisations et services des communes ou du canton.
Les commissaires posent plusieurs questions au sujet de ce guichet de l'autonomie pour les personnes handicapées; la réponse est qu'il s'agirait de centraliser l'information spécifiquement pour ces personnes, que le dispositif inclurait toutes les prestations, qu'elles soient cantonales, communales, associatives ou privées. Il est souligné que tous les rentiers AVS ne sont pas handicapés et que l'accès à internet peut constituer un problème pour certains, mais il est admis qu'il serait intéressant d'entendre un certain nombre de prestataires afin d'obtenir leur feedback.
Des interrogations sont soulevées quant à l'entité qui financerait et piloterait ce service. M. Nicollier relève que les organisations qui fournissent des prestations pourraient économiser sur leur budget de communication grâce à la centralisation des informations. Une commissaire note que la Maison de l'autonomie abrite la plus grande association faîtière - 21 structures actives dans différents domaines spécifiques aux personnes handicapées - et demande si le motionnaire estime que leur travail n'est pas suffisant pour souhaiter créer un nouveau guichet.
Un autre commissaire exprime le besoin d'un système d'accompagnement pour aider les personnes à accéder aux prestations auxquelles elles ont droit. Différents avis sont partagés sur la question: l'idée d'un guichet de l'autonomie est appréciée, mais on se demande où le placer et qui le gérerait. Il est mentionné que la première étape, pour une personne handicapée, est de se rendre à l'OCAS pour s'inscrire et se renseigner sur les différentes prestations avant de s'adresser à une association.
Lors de son audition, Pro Infirmis, qui est impliquée dans la Maison de l'autonomie - laquelle, je le répète, regroupe huit associations - et dont la mission est le conseil social aux personnes handicapées ainsi que l'orientation vers des partenaires spécialisés, émet des doutes quant à la création d'un guichet universel pour les personnes handicapées, préférant les guichets de proximité existants, mais reconnaît tout de même que l'accès à l'information est compliqué.
La FéGAPH (Fédération genevoise d'associations de personnes handicapées et de leurs proches), quant à elle, relève que les petites associations sont souvent moins visibles et ont plus de difficultés à accéder à l'information, qu'il manque des services maîtrisant ces informations et qu'il convient d'améliorer la diffusion des données. La FéGAPH faisait partie d'un projet de maison de l'inclusion, mais celui-ci a été suspendu en raison de la pandémie. Selon elle, il faudrait améliorer l'accès aux informations en regroupant l'entier de celles-ci.
L'association INSOS salue la volonté du législatif de réfléchir à ce sujet, souligne l'importance de reconnaître les droits de ces citoyens et de mettre en oeuvre un dispositif à leur intention, mais formule tout de même quelques réserves quant à un guichet unique.
Egalement auditionnée, Mme Christina Kitsos réaffirme la nécessité de l'autonomie de même que de l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap, mais trouve qu'il règne une certaine confusion quant à la portée d'un tel guichet. Le directeur du pôle assurances sociales insiste sur la complexité du domaine du handicap, sur l'importance d'une communication adaptée et sur l'intérêt de travailler ensemble pour faciliter cette dernière.
Le DCS présente le bilan du projet pilote BIS, qui visait à améliorer l'accès aux prestations sociales en proposant un guichet unique interinstitutionnel. Les problèmes principalement soulevés par les personnes étaient les finances, le logement et le droit des étrangers. Pour l'instant, le BIS ne fournit pas d'informations exhaustives et ne prend pas en compte la question du handicap, mais il est question d'effectuer un travail plus complet.
Suite aux auditions, un amendement est déposé pour réorienter la motion. Il s'agit de supprimer les invites et de les remplacer par: «à évaluer la possibilité d'intégrer la question du handicap dans les réflexions du projet de pérennisation du Bureau d'information sociale», ce qui est refusé. Ensuite, la motion elle-même est rejetée. Aujourd'hui, un amendement est proposé par Le Centre, visant à remplacer l'entier du texte par celui-ci: «pour une intégration de la thématique des personnes en situation de handicap dans le BiS». Nous refuserons la motion et laissons l'amendement au libre arbitre des députés. Merci.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de minorité. J'ai envie de dire qu'avec tout ce qui a été indiqué, la démonstration a été faite de l'utilité, voire de la nécessité, de voter cette motion. On sait que la question de l'information aux personnes en situation de handicap est très importante, qu'il faut pouvoir répondre rapidement et avec efficacité aux demandes et surtout centraliser les différentes informations, que ce soit physiquement ou virtuellement. Tout cela permet de satisfaire les besoins des personnes et de faire avancer rapidement les dossiers, ce qui représente encore un problème à l'heure actuelle: les gens ont de la peine à se retrouver dans la jungle des informations qui leur sont données.
Les différentes auditions ont mis en avant ce qui restait relativement problématique dans cette motion, à savoir la difficulté de savoir comment mettre le dispositif en place. Le PLR rappelle que ce sont des questions qu'il s'agit encore de régler, mais qu'il faut justement entamer les démarches, prendre les choses en main pour pouvoir aller de l'avant et donner une réponse rapide et courageuse à ces interrogations.
Nous entendons avec peine le fait qu'on soulève tous les bons points de cet objet, toutes les nécessités qui sont ressorties des auditions, mais que finalement, on refuse le texte. Mesdames et Messieurs, nous vous encourageons à donner un signal fort au travers de cette motion pour aller de l'avant et répondre le plus efficacement possible aux questions. L'objectif est de centraliser les informations, puisqu'il en existe beaucoup, tout comme il y a de nombreux services; on sait que les différentes institutions et associations qui oeuvrent dans le domaine connaissent elles-mêmes des difficultés pour délivrer l'information au bon moment en raison du nombre de lieux et d'entités impliqués dans le handicap.
Aussi, nous vous invitons une nouvelle fois à faire un pas en avant, à envoyer un signal fort pour soutenir ces personnes qui réclament une information centralisée, et aussi - nous y reviendrons peut-être plus tard - à accepter l'amendement du Centre, qui va dans le sens de ce qui avait été proposé en commission; cela permettrait de confier une nouvelle mission au Bureau d'information sociale pour répondre à toutes ces questions. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Emilie Fernandez (Ve). Comme cela a été mentionné, les nombreuses auditions effectuées en commission ont montré que la proposition de la motion ne répond pas de façon adéquate aux besoins des personnes en situation de handicap; elle a cependant permis d'identifier le besoin de pérenniser le Bureau d'information sociale, ce qui a été fait depuis lors. Nous nous apprêtions ainsi à refuser le texte.
Toutefois, nous avons reçu les amendements de Mme Bidaux, qui nous semblent modifier de façon intéressante le sens de cette motion. Nous les soutiendrons donc, et si ceux-ci étaient acceptés par notre Grand Conseil, nous proposerions un renvoi en commission pour en étudier les nouveaux contours.
Mme Celine van Till (PLR). Chers collègues, 22% de la population suisse est en situation de handicap, soit quasiment un quart de la population. Avec l'augmentation des pathologies et le vieillissement des gens, ce chiffre n'est pas près de diminuer. Le budget dédié au handicap est, lui aussi, de plus en plus important. Les personnes concernées ne parviennent que difficilement aux informations dont elles auraient besoin, c'est une réalité aujourd'hui; cela a été mon cas également, bien que je semble parfaitement autonome.
Ce guichet de l'autonomie serait utile pour dénouer certaines procédures administratives, être redirigé vers les associations appropriées, consulter un interprète en langue des signes ou encore connaître les prestations auxquelles on a droit; le dispositif permettrait d'obtenir des informations plus facilement et donc d'améliorer la qualité de vie.
En commission, nous avons traité deux autres propositions de guichet unique: l'un pour les personnes âgées, l'autre pour celles sourdes et malentendantes. Cela montre bel et bien l'utilité d'un tel service et le besoin existant. Le groupe PLR vous invite donc à voter cette motion. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs, le PLR et Le Centre nous soumettent une motion pour améliorer l'information et l'intégration des personnes en situation de handicap. Cette démarche, qui répond à un besoin, est nécessaire. Dans un premier temps, il s'agit de créer un guichet unique et de l'installer au sein de la Maison de l'autonomie.
Suite aux débats en commission, le PLR a suggéré une autre voie en présentant un amendement que je vous lis: «à évaluer la possibilité d'intégrer la question du handicap dans les réflexions du projet de pérennisation du Bureau d'information sociale». Bien qu'un quart d'heure plus tôt, une commissaire socialiste ait proposé quasiment la même chose, c'est-à-dire une motion de commission sur la pérennisation du BIS et l'intégration de la question du handicap dans le projet, malgré cette intervention quinze minutes auparavant, l'amendement a été rejeté et, au final, le texte également.
Il s'agit d'un objet qui répond à un besoin, qui représente une nécessité. Le Centre vient à l'instant même de déposer un amendement qui va tout à fait dans le sens de ce qui avait été suggéré par la commissaire socialiste un quart d'heure avant d'être refusé, et je viens d'entendre que les Verts seraient prêts à l'accepter, donc je vous invite très cordialement à faire de même, puis à adopter cette motion dont l'utilité n'est pas discutée et qui semble maintenant susciter une adhésion globale. Merci de votre attention.
Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les députés, depuis plusieurs mois, on voit émerger de la part de tous les partis des demandes de création de guichets: guichet unique, guichet universel, guichet de l'autonomie, etc. Ce que relèvent finalement l'ensemble de ces textes, c'est qu'il existe un réel besoin d'information. Là, nous avons une espèce de trou noir, les gens ne savent plus comment obtenir les données nécessaires.
Le Bureau d'information sociale était censé être temporaire; finalement, il a été pérennisé. Ce portail informatique est également un lieu ouvert deux demi-journées par semaine qui répond à certaines problématiques - je vous encourage à aller consulter son site internet - comme celles liées à la famille, aux seniors, au soutien familial... aux personnes en situation de handicap ? Eh bien non ! Aucune mention de cette thématique aujourd'hui, et ce un an et demi après le dépôt de cette motion, un an et demi après que le département nous a dit que cela pourrait être possible.
C'est la raison de mes amendements. Je me suis laissée tenter, j'ai déposé deux propositions que je vous recommande d'accepter. Il s'agit de modifier le titre de manière à ce qu'il corresponde au contenu et de remplacer les invites par celle-ci: «pour une intégration de la thématique des personnes en situation de handicap dans le BiS.» Voilà, le temps passe, rien ne change, et l'information transversale sur le handicap reste invisible. Je vous remercie d'accepter ce texte avec les deux amendements présentés. Merci, Monsieur le président.
M. Arber Jahija (MCG). Cette motion propose un guichet central d'information pour les prestations aux personnes handicapées à la Maison de l'autonomie. Or la majorité des personnes concernées ont déjà accès aux informations à travers divers organismes sociaux. Le texte ne répond à aucune demande émanant de la société civile ou des milieux associatifs, et c'est pourquoi le MCG refusera sa version originelle; en revanche, si les amendements de Mme Bidaux venaient à être votés, nous l'accepterions. Merci de votre attention.
M. Francisco Taboada (LJS). Avant même d'évoquer les amendements, je voudrais demander le renvoi en commission de cette motion. En ce moment, nous fêtons les dix ans de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, convention que la Suisse a signée il y a dix ans. A l'inverse de mes préopinants, je ne vais tenir ni des propos de gauche, ni des propos de droite, ni des propos de Verts: la thématique du handicap n'est l'apanage d'aucun parti de cet hémicycle, mais de l'ensemble d'entre eux.
En effet, Mesdames et Messieurs, chacun d'entre vous peut se retrouver demain dans cette posture, cela peut arriver bien plus vite que ce que l'on pense; évidemment, je ne le souhaite à personne d'entre vous ni à aucun des membres de vos familles, mais de près ou de loin, nous sommes tous concernés. Il n'existe pas un handicap, mais des handicaps. Chaque personne peut se trouver dans une situation bien spécifique.
Je pense que le sujet qui anime cet hémicycle ce soir - et je suis d'ailleurs très content qu'on y accorde autant de temps - mériterait d'être retravaillé en commission afin que d'autres propositions concrètes puissent être abordées au-delà de cette motion, qui a tout de même le mérite d'avoir mis le sujet sur la table, et c'est très bien. Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. En ce qui concerne la demande de renvoi en commission, je cède la parole aux rapporteuses de même qu'au Conseil d'Etat. Allez-y, Madame Buffet-Desfayes.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de minorité. Oui, merci, Monsieur le président. Encore une fois, après tout ce qu'on a entendu, la démonstration a été faite de la nécessité d'aller de l'avant dans ce dossier. J'ai l'impression qu'on nage en pleine contradiction: on nous dit qu'on accepte les amendements, qu'on est d'accord avec la motion, mais qu'on veut quand même la renvoyer en commission alors qu'elle a été traitée en long, en large et en travers pendant sept séances. Revenons-en au bon sens et refusons le renvoi en commission. Merci.
Mme Sophie Demaurex (S), rapporteuse de majorité ad interim. S'il s'agit d'étudier la faisabilité d'intégrer les prestations du handicap dans le BIS, je suis en faveur d'un renvoi en commission. Certes, il est très facile de répertorier les services sur internet, mais au niveau du guichet, disposer des personnes compétentes nécessite un certain effort. Cela étant, je suis complètement favorable à ce que le BIS étende ses compétences et puisse répondre à ces questions-là.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. En effet, Mesdames et Messieurs, nous devons vraiment avancer sur ce dossier; vous l'avez toutes et tous démontré, mais vous préférez tout de même renvoyer le texte en commission alors que les amendements semblent faire sens et que l'idée de demander au Conseil d'Etat d'agir dans ce domaine est pertinente ! Je pense qu'il s'agit d'une perte de temps.
A travers une motion, vous confiez un mandat au gouvernement; c'est le sens même de cet objet parlementaire, qui vous permet de dire: «Voici le message du parlement au Conseil d'Etat; nous, Grand Conseil, souhaitons que vous alliez dans cette direction.» Pour ma part, je préférerais que vous exprimiez une position forte à l'égard de ces amendements. Oui, le dispositif proposé soulève un certain nombre de questions, mais ce n'est plus votre problème, c'est celui du gouvernement.
Une voix. Voilà.
Une autre voix. Très bien.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Pour commencer, nous nous exprimons sur la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2813 à la commission des affaires sociales est rejeté par 49 non contre 23 oui et 11 abstentions.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements présentés par Mme Bidaux. Le premier consiste à remplacer le titre par celui-ci: «pour une intégration de la thématique des personnes en situation de handicap dans le BiS». Je le mets aux voix.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui et 2 abstentions.
Le président. La seconde modification annule l'entier des invites et les remplace par le même libellé:
«Invite (nouvelle, invites 1 à 3 biffées):
pour une intégration de la thématique des personnes en situation de handicap dans le BiS»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui contre 1 non et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2813 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 82 oui contre 1 non et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)