République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 mars 2024 à 18h
3e législature - 1re année - 10e session - 66e séance
M 2842-A
Débat
La présidente. Nous passons au point 42 de notre ordre du jour, le point 41 ayant été traité aux extraits. Il s'agit de la M 2842-A, classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur Nicollier, vous avez la parole.
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je voudrais d'abord vous remercier pour cette magnifique année de présidence - je sais que nous avons encore un peu de temps, mais je profite d'avoir la parole.
La commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport s'est réunie en septembre et en octobre 2022 pour traiter de cette motion qui invite le Conseil d'Etat à mettre en place une charte de la laïcité à l'école publique. La majorité de la commission ne voit pas de plus-value dans la proposition de charte présentée dans ce texte.
La législation genevoise cadre clairement la laïcité au sein de l'Etat. De plus, l'enseignement du fait religieux tout comme la brochure sur la laïcité produite par le DIP permettent largement d'aborder le sujet et de répondre aux questions qui pourraient survenir au sein des écoles. Je vous invite du reste tous à consulter la documentation qui se trouve sur le site de l'Etat: www.ge.ch/document/laicite-ecole. Les élèves peuvent porter des signes religieux apparents, ce que la jurisprudence a d'ailleurs confirmé. Les actions en place à Genève permettent de maintenir l'équilibre souhaité par le législateur sans heurts majeurs. Les exemples présentés par le groupe du motionnaire sont caricaturaux.
En résumé, la majorité estime que la pratique est claire et qu'il serait contreproductif de créer des problèmes dans un domaine qui est actuellement apaisé dans notre canton. Elle salue par ailleurs la qualité du matériel relatif à la laïcité produit par le département. Seul le groupe du motionnaire soutient ce texte. Une large majorité de la commission vous demande donc de bien vouloir le rejeter clairement. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion demande en effet - elle comporte une seule invite - à mettre en place une charte de la laïcité à l'école publique. Au vu de ce qui se passe aujourd'hui un peu partout en Europe, en Suisse et également à Genève, on voit d'ailleurs qu'il y a une montée importante de l'antisémitisme et que les jeunes - de plus en plus jeunes - sont malheureusement confrontés à cette problématique; ce qu'on voit parfois sur les réseaux sociaux fait vraiment froid dans le dos !
Je pense donc que c'est un vrai problème: il ne faut pas qu'on passe à côté. Cette charte demande finalement de renforcer et de garantir la laïcité dans l'école publique genevoise. On enfonce des portes ouvertes, mais c'est pour faire face à une triste réalité. Je reprendrai la parole tout à l'heure, Madame la présidente. Je vous remercie.
Mme Ana Roch (MCG). Cette motion aborde un sujet important pour notre canton, qui est indéniablement bien encadré par la loi sur la laïcité. En outre, je me dois de souligner que la charte évoquée par ce texte ne bénéficie pas d'un statut clair. Nous devons nous en tenir au cadre légal établi, évitant ainsi d'inventer des statuts paralégaux qui pourraient compromettre la stabilité de notre système.
Il est utile de noter que la majorité de la commission ne voit pas non plus de plus-value à la proposition de la charte. La législation genevoise encadre clairement la laïcité au sein de l'Etat et nous disposons déjà d'outils tels que l'enseignement du fait religieux ou la brochure sur la laïcité produite par le DIP, qui permettent largement d'aborder le sujet et de répondre aux questions qui pourraient survenir au sein de nos écoles. Par ailleurs, il est important de rappeler que les élèves ont le droit de porter des signes religieux apparents, une décision qui a d'ailleurs été confirmée par la jurisprudence. Dans cette optique, si la loi sur la laïcité paraît encore lacunaire à certains, le groupe MCG préconise de la modifier en conséquence.
En conclusion, je vous invite à considérer attentivement ces éléments avant de prendre une décision. Nous devons veiller à maintenir un équilibre entre la protection de nos valeurs démocratiques et le respect des libertés individuelles. Merci de votre attention.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à Mme Mach.
Mme Laura Mach (Ve). Déjà ! Bonjour ! (L'oratrice rit.) Pardon, je suis un peu fatiguée ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les chartes sont à la mode mais elles ne règlent pas les problèmes, contrairement à ce qu'écrit le rapporteur de minorité. La laïcité à l'école ne doit pas se muer en rigidité ni en fermeture. Les récents heurts qui ont eu lieu en France sont là pour nous le rappeler. L'école est lieu d'ouverture, de curiosité, où l'on est invité à découvrir l'autre dans toutes ses différences. Les religions font partie de l'histoire des civilisations et c'est en accueillant leur diversité qu'on peut le mieux démontrer qu'elles ne sont qu'un point de vue parmi d'autres. La laïcité de l'école garantit par essence le maintien de ce creuset de tolérance à la diversité; ne venons pas le rigidifier avec une charte et souvenons-nous de l'esprit d'ouverture qui marqua l'histoire des Genevois. Les Vertes et les Verts refuseront donc ce projet de motion. (Applaudissements.)
M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, comme le cadre légal existe déjà, je ne vais pas prolonger la discussion: je vous invite à ne pas entrer en matière sur cette motion. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le cadre légal existe en effet. Une brochure éditée par le département de l'instruction publique existe également: elle est à disposition des enseignants, mais aussi des élèves. On s'aperçoit finalement que, sous couvert du principe de laïcité, cette motion UDC rappelle les autres objets UDC: elle stigmatise toujours la même population. A la lecture de l'exposé des motifs, au vu des exemples qui sont mentionnés, on voit très clairement que la motion stigmatise les personnes de confession musulmane.
En réalité, ce texte se trompe de cible. Quand j'entends le rapporteur de minorité dire - tout à fait honnêtement - qu'il faut lutter contre les discriminations et notamment contre l'antisémitisme, je le rejoins complètement ! Ce qui est malheureux, c'est que cette motion, dans l'exposé des motifs, fait justement de la discrimination, en l'occurrence pas antisémite mais à l'égard de l'islam. Par pitié, essayons donc de lutter contre les discriminations et ayons pour principe - c'est déjà le cas aujourd'hui - une école laïque. Cette charte n'est qu'un prétexte pour l'UDC afin de discriminer comme toujours la même population.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Je rebondis sur ce que vient de dire mon préopinant Romain de Sainte Marie - vous transmettrez, Madame la présidente: j'aimerais bien savoir, à la lecture des considérants, où est-ce que l'islam est attaqué, ou le... (Commentaires.)
Des voix. Dans l'exposé des motifs !
Une voix. Deuxième paragraphe.
La présidente. Continuez, Monsieur le rapporteur.
M. Christo Ivanov. Oui, enfin bon... Enfin bon, on ne va pas... (Commentaires. Rires. Applaudissements.) Un point pour Romain... (Rires.) ...et zéro pour Christo ! Je n'ai pas de problème: j'ai une femme musulmane, ça ne me pose donc aucun problème à titre personnel ! Juste pour votre information ! Et je vais souvent en Afrique; et je n'ai pas de problème à entrer dans une mosquée, dans une synagogue ou dans une église ! Moi, j'ai un profond respect pour la laïcité. (Brouhaha.) Ici, le but était justement de... (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Allez-y, continuez.
M. Christo Ivanov. Ils peuvent aller à la buvette, Madame la présidente, il n'y a pas de problème ! Cette motion part d'une excellente intention: le but était un peu de graver dans le marbre ce qui existe déjà, de renforcer la laïcité dans l'école publique. Elle n'avait aucun autre but que celui-là et la minorité que je représente vous demande donc de bien vouloir l'accepter. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur de majorité, Monsieur... (Remarque.) Non ? Vous aviez enlevé la carte ? (Remarque.) Non, ne vous sentez pas obligé ! (Rires.) Nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2842 est rejetée par 68 non contre 6 oui (vote nominal).