République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 mars 2024 à 18h05
3e législature - 1re année - 9e session - 61e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.
Assistent à la séance: Mmes et M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet et Anne Hiltpold, conseillères d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Thierry Apothéloz, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michael Andersen, Lara Atassi, Jacques Béné, Vincent Canonica, Cédric Jeanneret, Matthieu Jotterand, Charles Poncet, Alexandre de Senarclens, Vincent Subilia, Francisco Taboada, Louise Trottet et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Christine Jeanneret, Uzma Khamis Vannini, Patrick Lussi et Frédéric Saenger.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
La présidente. Nous continuons le traitement des urgences avec la M 2903-A, pour laquelle une demande de lecture du courrier C 4121 a été acceptée. Je donne la parole à Mme Bidaux. (Brouhaha pendant la lecture du courrier.)
La présidente. Je sais que la lecture est longue, mais si on pouvait écouter la personne qui fait l'effort de lire le courrier, ce serait sympathique. Comme d'habitude, n'hésitez pas à sortir pour discuter ! (Remarque.) C'est votre parti, Monsieur Nidegger, qui a demandé la lecture. (Rires. Applaudissements.)
Je vous remercie, Madame Bidaux, de cette lecture. A présent, nous pouvons traiter la M 2903-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole est au rapporteur de majorité, M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Tout d'abord, vous transmettrez mes remerciements à Mme Bidaux pour cette lecture, longue il est vrai, mais fort intéressante au vu des éléments développés, qui nous ont été quelque peu cachés par le département. En effet, à la lecture du rapport, ce qui est développé dans ce courrier est d'autant plus intéressant que cela se retrouve au coeur du problème soulevé par le département, comme cela nous est apparu au cours de nos travaux.
L'élément principal est que le département a fortement appuyé sur les périodes d'étiage: il n'y aurait plus assez de débit, ce serait nuisible aux poissons, ça poserait d'énormes problèmes, alors que, comme on peut le lire sur la dernière page, c'est quand même un élément primordial qui nous a été caché - puisque encore une fois, à aucun moment ça n'a été mentionné -, à savoir la modification du débit des trois canaux le long de la Versoix. Cela a inévitablement eu un impact majeur sur le débit de la Versoix lui-même. Avec un débit constant, sans ces modifications, il est d'une évidence imparable que ça n'aurait eu aucun impact sur l'étiage et une baisse de débit en été d'une rivière comme la Versoix ! Cet élément nous a été caché, je le maintiens et le redis ici.
Pour ce qui est des poissons, les deux usines hydroélectriques ont toujours pris toutes les mesures justement en faveur d'aménagements pour faciliter la vie des poissons. Il est également évident que ce n'est pas un barrage qui est nuisible aux poissons, c'est totalement faux, ce qui nuit aux poissons, c'est justement le genre de travaux qui ont été effectués pour réduire ces fameux débits et qui ont inévitablement pour effet de réchauffer l'eau de la rivière. C'est ça qui est parfaitement nuisible à ces poissons. Encore une fois, ce sont des éléments qui plaident totalement en faveur du maintien de ces deux usines hydroélectriques.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Stéphane Florey. Merci, Madame la présidente. Concernant la motion, il faut se poser deux questions fondamentales: est-ce qu'on peut se passer de production locale et est-ce qu'on en a tout simplement les moyens ? Voilà les deux seules et uniques questions que nous devons nous poser aujourd'hui. La réponse est bien évidemment non, au vu des fréquentes annonces du Conseil fédéral selon lesquelles en cas de forte pénurie, on serait soumis à certaines restrictions - ce qui, pour un pays comme la Suisse, est fortement scandaleux. Nous ne pouvons bien évidemment pas appuyer ce genre de propos, alors que nous avons là un bon outil, certes modeste, puisque ces deux usines hydroélectriques ne couvrent malheureusement que trois cents ménages mais également deux entreprises relativement importantes de notre canton. Nous ne pouvons donc pas décemment dire: «Ok, on ferme, c'est fini !» Non, c'est purement de la démagogie. Il faut donc voter cette motion, soutenir le maintien de la production locale, qui est une des meilleures solutions qu'on puisse apporter pour quelque peu faire face à la pénurie d'électricité.
Dernière chose, même économiquement - et ça, c'est clairement mentionné -, l'impact est relativement important: Jean Estier SA mentionne une perte de chiffre d'affaires de 200 000 francs. Je suis désolé, à un moment donné, soit on prend nos responsabilités et on compense ces pertes... Encore une fois, il faut absolument maintenir ces deux productions locales. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais replacer cette motion dans un contexte plus global. On parle ici d'une production d'électricité de 1 gigawatt-heure: c'est la production annuelle alléguée de ces deux installations sur la Versoix. J'aimerais placer ce chiffre en regard des 30 térawatts-heure que le «Mantelerlass», l'acte modificateur unique, doit permettre d'obtenir d'ici à 2035, soit 30 000 fois plus que ce qui est produit sur la Versoix.
Nous allons voter sur cette loi au mois de juin, et devinez qui s'y oppose, l'UDC et quelques-uns de ses proches. C'est donc assez piquant que les mêmes qui s'opposent à la production de 30 TWh de renouvelable viennent maintenant nous faire la leçon sur 1 GWh. Depuis quarante et un ans, les Vertes et les Verts ont promu les énergies renouvelables et les économies d'énergie, tout en préservant les milieux naturels. Cela alors que d'autres en étaient encore au «tout pétrole» et à la construction d'autoroutes à travers campagnes et forêts.
Toute production d'énergie va d'une façon ou d'une autre impacter les milieux naturels. Tout projet énergétique doit arbitrer entre la production attendue et son impact environnemental. Le «Mantelerlass» respecte cet équilibre en maintenant des standards environnementaux minimaux.
Ce même arbitrage doit être effectué dans le cas de la Versoix. On ne parle pas simplement de maintenir des truites dans la rivière, mais aussi de tout un milieu naturel de faune et de flore largement reconnu au niveau national. Pour maintenir des standards minimaux, il faudrait investir 1,5 million de francs - ça, ça n'a pas été dit tout à l'heure. Qui va les payer ? Les propriétaires ? L'Etat ? Les communes ? Les consommateurs ? Poser la question, c'est y répondre. Sans compter que si on injectait cet argent dans le programme éco21 à la place, on obtiendrait de façon pérenne des économies d'énergie bien supérieures à 1 GWh.
L'arbitrage entre énergie et nature doit être effectué au cas par cas. Dans le cas de la Versoix, la balance penche selon nous plutôt dans le sens de la préservation du milieu naturel. Pour des raisons environnementales tout comme pour des raisons économiques, nous vous invitons donc à rejeter cette motion. (Applaudissements.)
M. Adrien Genecand (PLR). La fin de l'intervention de mon collègue Pierre Eckert, rapporteur de minorité, résume en fait bien le problème, Mesdames et Messieurs les députés. Pour les Verts, à la fin, il y aura toujours une truite ou une autre espèce animale pour empêcher la construction et la production d'énergie renouvelable.
Le groupe PLR, qui soutient fortement la production d'énergie renouvelable, le constate littéralement à chaque fois: des éoliennes sur les crêtes du Jura aux panneaux solaires dans les Alpes, en passant par la production hydroélectrique le long de la Versoix, il y aura toujours pour les Vertes et les Verts - puisqu'ils aiment s'appeler ainsi - la possibilité de s'opposer à la production d'énergie renouvelable.
Eh bien, Mesdames et Messieurs, que ce soit 1 GWh... Présenté ainsi, c'est vrai que cela paraît peu, mais il faut rappeler que ça représente trois cents foyers. Les Vertes et les Verts préfèrent expliquer que trois cents foyers ne doivent pas pouvoir allumer la lumière en hiver ou en été pour sauver quelques truites qui ne peuvent pas redescendre les barrages à poissons. A la fin, Monsieur Eckert, c'est de ça qu'il s'agit. On peut toujours philosopher en amont et en aval du barrage à poissons et de la grille, la réalité, c'est qu'à la fin, vous vous opposez à la production d'énergie renouvelable. Je reprendrai la parole après.
La présidente. Je vous remercie. Je rappelle toutefois qu'on s'adresse à la présidence. La parole est à Mme Bartolomucci.
Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Merci, Madame la présidente. Je ne sais pas si vous avez vu l'information parue dernièrement, mais pour une fois, l'ensemble des médias - que ce soit la RTS, «Le Temps», le «Blick», «Radio Lac», etc. - se sont accordés pour dire la même chose: le mois de février a été exceptionnellement chaud en Suisse et le printemps le sera encore plus. Selon MétéoSuisse, la température entre le 1er et le 13 février a dépassé de 4° à 6° la norme des années 1990 à 2000 sur une grande partie du territoire suisse.
Souvenez-vous également de l'été dernier, qui a vu les 40° régner sur le territoire genevois pour le plus grand malheur des cultures, de la faune, de la flore et évidemment des humains. La problématique autour de la ressource en eau est aujourd'hui partout, et c'est tant mieux, parce que nous avons tendance à oublier qu'il s'agit d'une ressource vitale pour tous et toutes, et pas seulement pour les centrales hydroélectriques. Le bassin versant de la Versoix abrite plusieurs réserves naturelles, la zone concernée englobe les bois et la rivière et est classée à l'inventaire fédéral, ce qui correspond à des dispositions strictes s'agissant de protection de la biodiversité. Plusieurs espèces menacées, dont l'ombre et la truite - que j'aime beaucoup en effet ! - ne se trouvent que dans la Versoix et leur mortalité aujourd'hui de plus en plus forte est directement liée aux divers aménagements que l'on trouve sur ce cours d'eau, aménagements dont les effets délétères sont renforcés par la sécheresse et la hausse des températures.
Le directeur de l'OCEau lui-même a expliqué en commission que les passes à poissons installés sont inefficaces. Les fédérations de pêche ont expliqué que les installations actuelles conduisent à la mort certaine les poissons, qui soit sont trop gros et restent coincés sans savoir où aller, soit sont trop petits, passent à travers les grilles et se font broyer par les turbines. La décision du Conseil d'Etat de fermer ces deux barrages, appuyée par la justice - rappelons-le ici encore une fois -, correspond à une logique non seulement environnementale mais également économique, car les mesures d'assainissement requises par la Confédération sont estimées aujourd'hui à plus de 1,5 million de francs. Serait-il vraiment raisonnable de payer une telle somme pour le maintien d'un barrage obsolète qui alimente seulement trois cents foyers, alors que le programme éco21 des SIG permet à lui seul d'économiser la consommation de 80 000 ménages ? Comme l'a dit le rapporteur de minorité, qui paiera cette somme exorbitante pour un si petit intérêt ?
Evidemment, en tant que Verte, je suis on ne peut plus consciente de la crise énergétique, mais il est important de la traiter de manière efficace avec une pesée des intérêts éclairée. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il existe de multiples possibilités de compenser cette production modeste, notamment avec des mesures de lutte contre le gaspillage, comme le programme éco21. Avec sa décision de démanteler ces ouvrages, l'Etat, soutenu par une décision de justice, a fait son devoir.
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Céline Bartolomucci. Peut-être pourrions-nous essayer de sauver la Versoix de la même réputation que le Rhône, qui est aujourd'hui l'un des pires fleuves européens pour la faune et la flore. Les Verts et les Vertes vous invitent donc à refuser cette motion. (Applaudissements.)
M. Stefan Balaban (LJS). La situation est à notre sens très simple: sur le plan principiel, si on prend en considération le fait que notre production énergétique avoisine les 25%, si on prend également en compte que notre approvisionnement énergétique est incertain, je dirais qu'il est inutile et contreproductif de ne pas vouloir maintenir la concession de cette usine hydroélectrique, tout comme il serait, disons, non convenable de ne pas construire de nouveaux barrages à Genève - comme celui de Conflan, que nous avons proposé. Je tiens également à souligner que les barrages sont le symbole de la Suisse: nos barrages sont une fierté suisse et ils nous fournissent la majorité de notre énergie. Il ne faudrait donc pas retirer cette concession.
Si on nous dit que le projet est de développer l'attractivité et le tourisme de la pêche, j'en prends acte, mais il ne s'agit pas de discuter ici du tourisme local à Versoix ou à Collex-Bossy. Au contraire, il faut que nous maintenions notre souveraineté énergétique. D'ailleurs, cette dernière est un des huit défis du plan directeur de l'énergie, écrit et proposé dans le contexte de l'urgence climatique. Par conséquent, nous vous invitons à maintenir la concession de l'usine hydroélectrique de Versoix. Merci.
M. Jean-Pierre Tombola (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe socialiste s'abstiendra sur cet objet. Je précise les raisons qui le poussent à prendre cette décision. Notre groupe soutient toute initiative visant à développer les énergies renouvelables, propres et de production locale. Tout projet visant la transition énergétique est louable. Dans le cadre du travail en commission, lors des auditions, des éléments techniques et des informations suffisantes qui ont été donnés ont permis de faire la pesée des intérêts par rapport à cette exploitation. Il est évident que le groupe socialiste comprend les préoccupations des propriétaires de la centrale de Richelien dans la mesure où elle permet, selon eux, de produire de l'électricité pour trois cents ménages et de préserver le patrimoine historique.
Toutefois, il a été indiqué que le Conseil d'Etat avait retenu par arrêté le non-renouvellement de la concession. Cet arrêté a été attaqué en justice, et la justice a rejeté le recours. De plus, lors des travaux de commission, il a été indiqué aux commissaires que le principal bailleur de fonds - en quelque sorte - de la centrale avait décidé de se retirer, raison pour laquelle l'invite de la proposition de motion a été amendée pour demander encore au Conseil d'Etat d'intervenir auprès de la commune de Versoix, notamment pour pouvoir racheter cette centrale.
On constate qu'une pesée des intérêts a eu lieu; on comprend bien aussi la volonté de développer les énergies renouvelables, propres et produites localement. Le groupe socialiste a donc décidé de s'abstenir sur cette motion. Je vous remercie beaucoup. (Applaudissements.)
M. Christian Steiner (MCG). J'aimerais mettre en perspective ce que représente le gigawatt produit par cette petite centrale hydroélectrique. Si on devait remplacer ce gigawatt - c'est-à-dire principalement la nuit ou en hiver - avec de l'électricité importée d'Allemagne, cela voudrait dire que notre voisin allemand devrait générer un surplus d'énergie. Ce serait probablement de l'énergie produite avec du charbon; or, ce gigawatt d'électricité produite avec du charbon, c'est 1000 tonnes de CO2. C'est donc loin d'être négligeable.
Un autre élément est la mise en perspective des projets solaires. La Ville de Genève publie quelques chiffres sur les projets solaires menés sur le patrimoine immobilier de la Ville de Genève: entre 2001 et 2019, c'est-à-dire sur près de vingt ans, on arrive à produire l'équivalent de la consommation de 165 ménages. On peut donc sérieusement douter du plan fédéral qui devrait permettre de multiplier par sept la production solaire.
Après, pour ce qui est de la biodiversité, on a appris dans le traitement de cet objet - je précise que je suis plutôt néophyte en matière de biodiversité - que la Versoix reçoit de l'eau relativement polluée depuis sa source en France. On s'aperçoit aussi que chez les truites de la Versoix, il y a du repeuplement, ça veut dire qu'on relâche des truites d'élevage. Pour un néophyte, ça voudrait dire qu'on renonce à 1 gigawatt pour qu'une truite d'élevage puisse remonter et redescendre la Versoix avant d'être pêchée et finir dans le beurre chaud d'une poêle.
Par rapport à ça, si on voit qu'on renonce à ce gigawatt de courant juste pour le plaisir d'un pêcheur, dans une rivière où un barrage existe depuis quand même cent trente-cinq ans, ce qui a dû permettre à la biodiversité de s'adapter, on se dit que les grands objectifs climat du Conseil d'Etat, ça ressemble plus à du «greenwashing» qu'à une réalité. Merci. (Applaudissements.)
M. François Erard (LC). Chers collègues, à nouveau, on marche sur la tête. On marche sur la tête parce que d'un côté, on a des politiques, des demandes sociétales en faveur du renouvelable, pour gagner en sécurité énergétique, et puis, d'un autre, on fusille des installations qui sont là depuis de nombreuses années - cela a été évoqué par mon préopinant - au prétexte qu'elles nuiraient - je le mets au conditionnel - à la biodiversité.
Pour moi, une des solutions au problème est la décentralisation des productions d'énergie. Ça reste très important, mais ça ne plaît pas à notre principal fournisseur d'électricité, les SIG, qui perdent ainsi la mainmise sur la production énergétique à Genève et qui préfèrent investir 1,5 million dans une piste cyclable de 200 mètres de long - qui est d'ailleurs horrible du point de vue de son impact - et faire de la communication là-dessus.
Par conséquent, j'ai l'impression que nous devons rester pragmatiques et nous rappeler l'adage selon lequel quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. A mon avis, nous devons soutenir cette motion, mais je précise que le groupe Le Centre a retenu la liberté de vote. Je vous remercie.
Une voix. Très bien !
La présidente. Merci. La parole est à Mme Meissner pour une minute trente.
Mme Christina Meissner (LC). Merci, Madame la présidente. Vous comprendrez pourquoi Le Centre a la liberté de vote ! (Exclamations.) Eh oui, parfois il faut choisir et c'est quelquefois très difficile; le «en même temps», ça ne marche pas souvent, Monsieur le conseiller d'Etat, vous retiendrez - enfin, vous transmettrez, Madame la présidente. (Rires.) En l'occurrence, en ce qui concerne la Versoix, ce n'est pas quelques poissons, c'est toute une zone d'importance nationale, c'est un biotope de zone alluviale unique, c'est un joyau de notre canton et il faut le prendre comme un tout.
En l'occurrence, la justice a tranché. Elle a fait la pesée d'intérêts et a reconnu que le département avait eu raison, dans sa propre pesée d'intérêts, de choisir pour une fois la nature et ses droits. Alors ayez aussi un peu de respect pour cette nature. Je rappelle que demain a lieu l'ouverture de la pêche et que tous les pêcheurs ne sont pas des gens insensibles à la nature, ce sont des sentinelles des rivières. Il faut les remercier d'avoir sonné l'hallali sur cette rivière, qui mérite d'être sauvée. J'invite donc à refuser cette motion. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Genecand pour une minute quarante.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Madame la présidente. Vu que les gigawatts-heure préoccupaient le collègue Pierre Eckert - vous lui transmettrez -, c'est peut-être l'occasion de rappeler à ce plénum la réalité des flux d'énergie que l'on consomme. Je tiens à dire d'abord qu'un tiers des flux concerne l'électricité, un autre tiers englobe le gaz naturel et le reste, ce sont les énergies fossiles, que vous abhorrez en général dans une large partie de cet hémicycle. Donc nous ne parlons ici que d'un tiers de notre consommation, Mesdames et Messieurs, sans tenir compte du CERN - si on l'incluait, il faudrait rajouter un 1,2 TWh - ni des livraisons de carburant aux avions.
Je veux vous dire ensuite que quand on parle de l'électricité, soit ce fameux tiers de notre consommation, et qu'on entre dans le détail notamment en ce qui concerne la production renouvelable, ce fameux 1 GWh, qu'on estime méprisable au sein du groupe des Verts, représente déjà 20% de ce qu'est la production dans ce domaine-là, qui ne comporte que 6 GWh. Mesdames et Messieurs, les panneaux solaires, c'est 57; Verbois, c'est 3900; et l'ensemble de la consommation de ce canton atteint 2700 GWh. Alors évidemment, ce gigawatt-heure, ce n'est pas grand-chose, mais comme on ne produit pas ou très peu de renouvelable en dehors de l'hydroélectrique au fil du Rhône, du Seujet jusqu'à Verbois, en réalité, si vous ne voulez ni construire de panneaux solaires, ni maintenir en activité des mini-usines hydroélectriques, il faut simplement le dire et assumer.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Adrien Genecand. Peut-être que la solution, Madame la présidente, ce sera de revenir sur cette question philosophique du nucléaire - parce qu'effectivement, on va devoir se la poser. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Lionel Dugerdil pour quarante-cinq secondes.
M. Lionel Dugerdil (UDC). Merci, Madame la présidente. Je vais essayer d'être très bref. J'aimerais ramener un peu de rationalité dans ce débat, vis-à-vis des opposants, qui nous disent qu'il ne faut pas développer l'infrastructure à cet endroit. J'aimerais juste leur rappeler que le barrage existe déjà, que le mal a été fait, qu'on parle juste de maintenir une production existante. Ce sont les mêmes qui veulent du durable qui s'y opposent finalement. Comme l'a dit mon préopinant, il faudrait être clair pour une fois et savoir ce qu'on veut.
On a parlé de ce lieu comme étant le dernier où il y a de l'ombre et de la truite à Genève; il faudrait s'intéresser un peu aux cours d'eau, parce qu'il y en a dans plein d'autres rivières, notamment dans celle qui coule près de chez moi, qui s'appelle l'Allondon. Enfin, utilisons au moins des arguments qui sont justes et non pas des arguments fallacieux. Si vous ne voulez plus d'électricité et souhaitez qu'on vive à l'âge de pierre, dites-le tout de suite. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Je cède le micro au rapporteur de minorité pour trente-cinq secondes.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente, je serai rapide. On l'a dit, il n'y a pas que l'aspect de la truite, c'est un milieu naturel qu'il faut préserver. En tant qu'opposants à cette motion, nous avons le soutien du WWF, de Pro natura et de Mme Meissner ! (Rires.)
Une voix. Merci !
M. Pierre Eckert. J'aimerais encore dire - vous transmettrez, Madame la présidente - que les Verts ne sont pas du tout contre les énergies renouvelables.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Pierre Eckert. Nous soutenons avec enthousiasme l'acte modificateur unique, même si la biodiversité peut en être atteinte. Nous soutenons les éoliennes, le solaire, en montagne et partout. Cela fera partie de la solution. Ce n'est pas vrai que nous nous opposons à toute installation ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Monsieur Florey, vous n'avez plus de temps de parole. Je cède le micro au président du Conseil d'Etat, M. Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour ce débat intéressant. Vous le savez, le département du territoire est constamment appelé à faire ce qu'on appelle une pesée des intérêts. Qu'est-ce qu'une pesée des intérêts ? C'est mettre le curseur entre deux choses souhaitables - voire parfois trois ou quatre. La transition énergétique est souhaitable, la protection de la biodiversité est souhaitable. Il n'y a donc pas de choc de principes ici, mais un arbitrage, ce qui correspond à la réalité qui, souvent, est celle d'un exécutif. Cet arbitrage, vous l'avez entendu, s'est fait cette fois en faveur de la nature, de la biodiversité.
Je dois dire que certains propos tenus lors de ce débat me surprennent. Bien sûr que l'enjeu climatique est une préoccupation majeure, mais la chute de la biodiversité, la sixième grande extinction des espèces, est un enjeu tout aussi important pour l'humanité, Mesdames et Messieurs les députés. On parle du socle du vivant. Il ne s'agit pas, Monsieur Balaban, d'un simple lieu touristique pour faire plaisir aux pêcheurs du dimanche. Lorsqu'on parle de réserve naturelle, on parle des fondamentaux de la vie, dont l'être humain dépend - nous ne sommes qu'une émanation de la nature, nous n'avons pas la maîtrise complète. Je pense qu'un certain regard philosophique s'est exprimé ce soir, comme si la nature était finalement un pot de géraniums que l'on a sur son balcon pour faire joli. Non ! Ce qui se joue ici comme ailleurs, à toute petite échelle ici, à Genève, et à l'échelle globale de la planète, eh bien ce sont les grands équilibres. Si vous aimez la crise climatique, vous allez adorer la crise de la biodiversité que l'on connaîtra, pour les agriculteurs, pour l'accès à l'eau, pour l'accès à la nourriture, pour l'hygiène de vie.
Bien entendu, sur cette question-là, on aurait pu maintenir la centrale, il s'agit d'un petit projet. Mais certains propos entendus ce soir illustrent l'ampleur avec laquelle le grand travail des Verts durant ces quarante dernières années sur la question climatique et énergétique a porté ses fruits, puisque tout le monde est pour la transition énergique, mais démontrent également à quel point ce même parti a encore du pain sur la planche pour la reconnaissance du grand défi de la biodiversité au niveau mondial.
Alors pourquoi, sur cette question-là, l'arbitrage a-t-il été fait par le Conseil d'Etat - qui a eu la liberté de vote ! (Rires.) - en faveur de la biodiversité ? Eh bien, tout simplement parce qu'effectivement nous avons mis en balance la production de ce gigawatt-heure, qui représente un tiers de la consommation du jet d'eau... On fait un jet d'eau un peu plus petit et on obtient l'équivalent ! (Remarque.) Je sais que ce serait une atteinte au symbole un peu viril de Genève. (Commentaires. Rires.) Il s'agit donc d'un niveau de production extrêmement modeste; par contre, s'agissant des intérêts de la nature et de la biodiversité - ils ont été décrits -, il en va de la continuité biologique, de la qualité des étiages, à laquelle on est de plus en plus sensible, y compris dans le secteur agricole, en plus évidemment de la pêche, de la maîtrise des températures, de la diminution des exfiltrations nappe-rivière, du lien avec les affluents. C'est donc tout un écosystème que nous entendons améliorer. Il est vrai qu'au cours du siècle passé, on a parfois eu une emprise trop forte sur la nature. Si on a la possibilité de réintroduire un peu plus de nature sans que ça représente un dégât trop important, on doit le faire.
Cet arbitrage concerne un projet en particulier. Dans bien d'autres dossiers, nous devons, ma foi, sacrifier un bout de nature en faveur ici d'une piste cyclable, là d'une centrale hydraulique, ailleurs d'une zone d'activités. C'est ainsi, notre territoire est exigu, nous devons faire des choix sur chaque mètre carré. Ici, le choix a été fait en faveur de la biodiversité, ce qui a été confirmé par les tribunaux. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat n'entend pas et ne pourra pas revenir en arrière sur cet arrêté. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Nous procédons au vote sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2903 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 20 non et 12 abstentions (vote nominal).
Débat
La présidente. Notre prochaine urgence, soit la M 2995, est classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à son auteur, M. Nicolet-dit-Félix.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous le savez, ces espaces de récupération, les ESREC, sont l'un des rouages essentiels de la stratégie de traitement, de collecte, d'incinération et de recyclage des déchets de notre république. Cette stratégie a été votée... (Brouhaha.)
La présidente. Mesdames et Messieurs, comme d'habitude, dès lors que nous venons de finir le traitement d'un objet, nous sommes passés au suivant; nos débats continuent ! Je rappelle aux membres du groupe UDC que s'ils souhaitent discuter, ils peuvent le faire à l'extérieur. (Remarque.) Monsieur Ivanov...
Une voix. Il n'entend pas !
Une autre voix. Un café peut-être ? (Rires. Un instant s'écoule.)
La présidente. Allez-y, Monsieur Nicolet-dit-Félix.
M. Nicolet-dit-Félix. Je vous remercie. D'autant que l'on parle là également d'environnement et même d'énergie ! Les sujets sont donc interconnectés, comme avec tout ce qui se fait dans notre république. Mesdames et Messieurs les députés, cette stratégie de gestion des déchets, qui est originale vue de Berne, a été avalisée par notre Grand Conseil à la fin de la législature précédente. Comme vous le savez peut-être, les autorités fédérales n'aiment pas trop ce qui est original - surtout quand c'est efficace, serait-on tenté de dire ! C'est bien pour cela qu'une invalidation partielle de cette loi a été retenue. Un recours au Tribunal fédéral a du reste été déposé.
Pour des raisons purement techniques, le fonds destiné à permettre le fonctionnement de ces espaces de récupération s'est tari plus vite que prévu. La seule solution, trouvée un peu dans l'urgence et communiquée par le Conseil d'Etat le mois dernier, consistait à fermer les dimanches et jours fériés ces fameux trois espaces de récupération si précieux qui, comme vous le savez, sont destinés au recyclage des déchets ménagers, domestiques, que tout un chacun produit. Or vous n'êtes pas sans savoir que la plupart des ménages produit ces déchets lors de travaux d'aménagement, de tri ou de jardinage qui, par définition, ont lieu en majorité le week-end et les jours fériés. C'est pour cela que si vous êtes des habitués - et j'en suis - de ces espaces de récupération, vous avez pu constater que les affluences sont particulièrement importantes les fins de semaine, en particulier les dimanches.
C'est évidemment pour cette raison que nous avons eu plusieurs retours de personnes qui se sont émues de cette décision (qui se sont fâchées pour certaines) et que nous avons estimé qu'il était important d'agir et de marquer simplement, au niveau parlementaire, notre émotion ainsi que notre volonté de trouver une solution pour le maintien de ces espaces de récupération le dimanche et les jours fériés.
Nous en avons profité pour proposer une seconde invite, parce qu'il ne vous aura pas échappé, lorsque vous êtes passés dans ces espaces de récupération, qu'un certain nombre d'objets qu'on trouve dans les bennes sont en réalité en excellent état. Ainsi, dans la perspective de circularité que nous défendons toutes et tous, il est regrettable que ces objets soient détruits, même si on en récupère les matériaux. Nous avons donc suggéré que des espaces soient proposés aux usagers pour qu'ils déposent les objets réutilisables et que des organismes sans but lucratif puissent les remettre sur le marché de l'occasion.
Vous avez par ailleurs toutes et tous reçu un amendement du groupe Le Centre. Il s'agit d'une proposition qui va dans le sens de la motion, et nous remercions ce groupe de l'avoir déposée. Par contre, nous estimons qu'elle ferme en définitive la liste des possibles; comme vous l'avez lu, cette liste est ouverte: il est écrit «par exemple» au début de l'énumération. Elle vise simplement à montrer au Conseil d'Etat qu'il y a plusieurs options envisageables. Nous comprenons bien que la droite ne priorise pas l'idée soit d'augmenter la taxe d'incinération soit de demander un crédit complémentaire à la commission des finances, mais nous préférons que cette liste reste ouverte parce qu'il existe d'autres options possibles; on se rappelle - et c'est mentionné dans les considérants de la motion - qu'en définitive, ce serait plutôt aux communes de mettre la main à la poche pour le traitement des déchets. C'est aussi ce qui figure dans la loi. On peut également imaginer d'autres solutions originales, tant que cela permet d'atteindre le but poursuivi.
C'est pour cela que nous recommandons de ne pas accepter cet amendement, mais quoi qu'il en soit, nous nous réjouissons d'avoir ressenti lors du vote sur l'urgence une quasi-unanimité, voire une unanimité absolue derrière les objectifs de ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Léna Strasser (S). Les espaces de récupération et les collaborateurs qui y travaillent jouent un rôle essentiel, dans la mesure où la population peut ainsi éliminer gratuitement ses déchets ménagers. Dans la digne ligne de la loi sur les déchets, que nous avons votée dernièrement, cette motion propose des pistes intéressantes, notamment en ce qui concerne le renforcement de la valorisation de certains objets encore utilisables. Sur cette thématique, nous soutenons sans réserve cet objectif de prolongation de la durée de vie des objets quotidiens.
Toutefois, la réouverture de ces espaces les dimanches et jours fériés, au-delà de la problématique financière, pose quand même à notre sens quelques questions en lien avec le temps de travail des salariés de ces espaces; nous souhaitons donc demander un renvoi à la commission de l'environnement pour les entendre sur ce sujet. Cela ne prendra pas beaucoup de temps: on fait un aller-retour entre la commission et la plénière ! Cela permettra aussi d'entendre le Conseil d'Etat quant à un éventuel approfondissement des invites de cette motion, qui nous semble en effet intéressante. Voilà, merci ! (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Vu que cette proposition de motion n'a pas encore été traitée en commission, le vote sur cette demande de renvoi interviendra à la fin du débat. Je passe maintenant la parole à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Madame la présidente. Cette motion, qu'il faut bien évidemment soutenir, pose des questions fondamentales: d'abord, pourquoi devrions-nous accepter une perte de prestations en faveur de la population ? Parce que finalement, c'est de cela qu'il s'agit. Ensuite, pour quel montant ? Franchement, en termes de gestion, on touche le fond: je n'ai pas l'impression que l'économie réalisée va révolutionner notre canton ni effacer la dette colossale qu'il nous reste à éponger.
Pour ces principales raisons ainsi que pour tous les avantages que procurent ces espaces - apparemment surtout pour M. Nicolet-dit-Félix, qui se dit gros producteur de déchets, puisqu'il semblerait qu'il s'y rende souvent ! -, nous accepterons bien entendu cette motion au vu des explications qui ont été données. En ce qui nous concerne, nous soutiendrons également l'amendement, parce que si sur le principe on est tous d'accord, il est vrai qu'il est quand même un peu ridicule d'énoncer une multitude de suppositions: «On pourrait faire comme ça, comme ça, ou comme ça !» Soit vous dites franchement ce que vous voulez, soit on laisse au Conseil d'Etat un tant soit peu de marge de manoeuvre quant au maintien et à la compensation. Nous voterons donc la motion ainsi que l'amendement, et nous vous invitons à faire de même. Je vous remercie.
M. Raphaël Dunand (LJS). Chers collègues, quelle a été ma surprise quand j'ai lu l'article de la «Tribune de Genève» indiquant que le département avait décidé de fermer les ESREC les dimanches et jours fériés ! C'est l'un des acteurs essentiels pour le recyclage à Genève, et il s'agit précisément des jours que les gens préfèrent pour pratiquer le jardinage ou procéder à des rénovations, comme on l'a relevé. Par conséquent, il est vraiment navrant d'apprendre la fermeture de ces espaces. Le Conseil d'Etat a dit tout à l'heure que le département faisait une pesée d'intérêts lors de chaque prise de décision; eh bien vous transmettrez, Madame la présidente, au conseiller d'Etat Antonio Hodgers qu'il me semble que la pesée d'intérêts a été oubliée dans un placard ! Merci. (Rires.)
Une voix. Elle a été déposée à la décharge !
M. François Erard (LC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, chers collègues, nous apportons un total soutien à cette motion, tant il est vrai que si l'on veut atteindre les objectifs en matière de recyclage, il faut faciliter l'accès aux espaces de récupération. Il s'agit en effet du principal frein: quand ils doivent parcourir des kilomètres et s'y rendre à des horaires impossibles, c'est précisément là que les gens ne font pas la démarche.
Il est d'autant plus important de favoriser l'accès à ces ESREC que des débats ont lieu actuellement sur les décharges bioactives, qui doivent traiter les mâchefers issus des Cheneviers. Pourquoi retrouve-t-on ces problèmes de mâchefers pollués ? Eh bien parce qu'on jette dans nos poubelles des tas de choses qui n'ont rien à y faire ! Par conséquent, inciter les gens à utiliser ces espaces nous semble essentiel. Nous soutenons par ailleurs l'idée de prolonger la vie de certains objets - je crois que c'est très important.
Maintenant, au sujet de l'amendement proposé par Le Centre, il s'agit de faire un transfert, c'est-à-dire d'un côté garder les dimanches comme jours d'ouverture des ESREC, mais de l'autre envisager une fermeture certains autres jours. Cela permettrait d'atténuer d'éventuels surcoûts évoqués par le Conseil d'Etat. Et comme l'a indiqué M. Florey, nous proposons également de supprimer l'énumération des options, car cela nous paraît superflu.
Pour terminer, il nous semble qu'avec cet amendement du Centre, le renvoi en commission devient inutile. Nous vous invitons donc à soutenir cette motion ainsi que notre amendement et à éviter peut-être le renvoi en commission. Je vous remercie de votre attention.
Mme Danièle Magnin (MCG). C'est vrai que j'ai moi aussi lu cette information avec une grande déception, dès lors que nous sommes extrêmement nombreux à faire de l'ordre le week-end dans nos appartements, dans nos maisons, et à apporter les objets en question dans les espaces de récupération. Je voudrais ajouter que dans ces espaces, on trouve effectivement quantité d'objets en bon état, en particulier de l'électronique, mais que les employés qui surveillent ce que l'on apporte et nous indiquent où aller nous empêchent de récupérer les choses dont on pourrait avoir l'utilité. Or j'ai posé la question directement à M. Christian Brunier à l'occasion d'une visite organisée par la commission de l'environnement et de l'agriculture durant la législature précédente, et il m'a répondu que la population pouvait se servir. Alors moi je pense - mais je n'en ai bien sûr pas la preuve - que l'entreprise chargée de surveiller la manière dont se déroule le transport des objets pour la récupération à cet endroit prend ce qu'il y a de mieux et le garde pour elle ! Voilà, c'est une supposition, une hypothèse, je n'en suis pas sûre, mais je ne vois pas pourquoi on devrait nous imposer de jeter des objets en parfait état, ce qui cause ensuite des problèmes pour savoir ce qu'on va faire de ces matériaux, pour définir ce qui pollue et ce qui ne pollue pas, etc. Je pense qu'il faut effectivement faire en sorte que les gens aient la possibilité de récupérer ce qui leur semble utile, ne serait-ce que des câbles: s'ils voient un câble, une prise Mickey ou je ne sais quoi qui puisse leur servir, ils pourraient le récupérer plutôt que d'aller l'acheter quelque part, car pour fabriquer cet objet, on aura puisé dans les réserves minières de la planète. Tant qu'à faire, autant qu'ils puissent le reprendre, vu que cela se fait en plus gratuitement !
Très franchement, fermer ces espaces alors qu'ils étaient ouverts aux moments où la population a le temps de faire du tri et dispose éventuellement d'un véhicule pour apporter ces objets, c'est une hérésie. C'est extrêmement dommage, et je ne comprends pas dans la tête de qui une telle idée est passée ! En conclusion, le MCG vous engage à voter cette motion et à le faire sur le siège. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Yves Nidegger pour une minute vingt.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. Lors du débat sur le programme de législature, je vous parlais du degré zéro de la politique, eh bien on en a une illustration assez intéressante ici, avec un Conseil d'Etat présidé par un magistrat Vert qui se déclare contre la récupération. C'est un peu contre-intuitif ! Alors pas contre la récupération de manière frontale, mais pour une restriction de l'accès à la récupération, et cela juste après un débat sur l'électricité où le même président du Conseil d'Etat, magistrat Vert, s'est déclaré contre les renouvelables, qui constituent pourtant l'un des grands moyens de produire de l'énergie de façon durable !
Je pense qu'il faut évidemment soutenir cette motion, ne serait-ce que pour maintenir l'ouverture des espaces de récupération le week-end afin que le parti des Verts puisse y déposer son programme... (Exclamations.) Avec toutefois une critique et une crainte: il est indiqué dans l'une des invites que les objets déposés peuvent être remis en vente, ce qui m'inquiète un peu, parce que la mise en vente du programme Vert au moment où il apparaît enfin pour ce qu'il est serait peut-être quelque peu risquée ! Cela étant, comme l'a dit M. Florey, nous voterons la motion sans l'amendement.
Une voix. Avec !
M. Yves Nidegger. Avec l'amendement, pardon !
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Julien Nicolet-dit-Félix pour presque deux minutes.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Merci, Madame la présidente. Ce sera bien suffisant. Effectivement, certaines de nos boîtes aux lettres sont parfois encombrées de propagande politique, mais vu les différences de moyens de nos partis, c'est bien plus souvent les flyers au contenu plus que douteux de l'UDC qui finissent dans ce genre d'espace de récupération que le programme des Verts.
Cela dit, de façon plus sérieuse, j'aimerais répondre aux questions parfaitement légitimes qui ont été posées, lesquelles portent sur le coût ainsi que sur la problématique du travail le dimanche. Sur le coût, on obtiendra peut-être plus de précisions, mais ce fonds est doté d'un peu plus de 5 millions par année. Le calcul par la règle de trois nous laisse donc penser que cette fermeture permettrait d'économiser environ 1 million, mais c'est évidemment un chiffre à la louche. Il faut savoir que le traitement et le recyclage des déchets coûtent cher, mais nous avons, ou plutôt vous avez - parce que je n'étais pas encore député - collectivement fait le choix d'offrir la gratuité de ce processus aux citoyens. C'est un choix largement partagé par le corps politique, mais il a un coût, et il est aussi légitime d'imaginer que ce soit l'argent public qui puisse le couvrir.
En ce qui concerne le travail le dimanche, nous sommes évidemment tout à fait attentifs à cette question; cela dit, il ne s'agit pas d'ajouter du travail le dimanche, mais de le maintenir. Et ce n'est pas un travail commercial, mais un service à la population, comme les transports publics, les musées ou d'autres prestations offertes à la population. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous estimons que par analogie, c'est acceptable. Simplement, il se trouve que ce travail est mieux rémunéré le dimanche, qu'il s'agisse de salaire ou de récupération de temps libre. C'est aussi pour cela que nous considérons que l'amendement de M. Desfayes est problématique...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Nicolet-dit-Félix. ...parce qu'on ne peut pas tout bonnement substituer un jour de semaine au dimanche, car les montants ne sont pas équivalents. Je vous remercie.
La présidente. Merci. La parole est à M. Geoffray Sirolli. (Brouhaha.) J'invite les personnes qui sont assises derrière lui à arrêter de parler !
M. Geoffray Sirolli (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, chers collègues, pour le groupe PLR, cette motion est remplie de bon sens. D'abord, ouvrir le dimanche, c'est rempli de bon sens, parce que les Genevoises et les Genevois sont très heureux de pouvoir faire des activités le dimanche. Le PLR soutient depuis des années que le dimanche est effectivement un bon jour pour, par exemple, je ne sais pas, faire des courses, aller dans nos commerces... (Rires.) ...s'occuper en faisant du rangement, pratiquer des activités en famille...
Une voix. Acheter des courges !
M. Geoffray Sirolli. Acheter des courges également, à la fête de la courge, pour ceux qui le souhaitent ! On a l'impression ce soir que tout le monde découvre, comme par hasard, que le dimanche est en fait un jour propice au soutien de nos commerçantes et commerçants, notamment.
La deuxième invite de cette motion est également remplie de bon sens, puisque réutiliser des objets et pouvoir les échanger en leur attribuant une nouvelle vie est bel et bien rempli de bon sens. Finalement, l'amendement proposé par Le Centre est lui aussi rempli de bon sens, puisque si certains jours de la semaine ces employés n'ont pas beaucoup de travail, pourquoi ne pas les échanger avec un jour où ils seraient beaucoup plus occupés ?
Pour toutes ces raisons, le PLR soutiendra ardemment cette motion et vous invite à faire preuve de bon sens... (Rires.) ...en acceptant également l'amendement rempli de bon sens de nos amis du Centre. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. La parole est à Mme Danièle Magnin pour trente secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Madame la présidente. Je serai très brève ! Je voudrais simplement signaler que le dimanche, le dépôt des objets est gratuit, alors qu'en semaine, les entreprises qui apportent des déchets doivent payer une taxe. Par conséquent, si on ferme un jour qui normalement rapporte de l'argent à l'Etat, ça va forcément avoir des conséquences, raison pour laquelle nous ne soutenons pas cette proposition.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat accueille bien volontiers cette motion dans l'une ou l'autre de ses modalités; il s'agira de l'étudier pour finalement aller de l'avant sur ce qui a été une mesure d'économie financière. Je vois que cette petite mesure d'économie financière n'intéresse visiblement pas l'UDC, au vu de tel ou tel propos tenu ici au sujet de cette décision, qui évidemment n'a pas beaucoup de sens sur le plan de l'écologie ou du service à la population, mais qui en a dans une logique de rigueur selon laquelle quand on n'a plus d'argent, on réduit la voilure.
Mais j'entends que telle n'est pas la volonté de la majorité de ce parlement. (Remarque.) Nous devrons investir de l'argent public - ma foi, le contribuable est là pour ça... (Exclamations.) - et nous travaillerons à une solution qui, dans le bon sens, permettra de maintenir les prestations indispensables que sont celles des ESREC. Je vous remercie donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
La présidente. Je vous remercie. Nous votons tout d'abord sur la demande de renvoi à la commission de l'environnement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2995 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 73 non contre 13 oui.
La présidente. Nous nous prononçons ensuite sur l'amendement déposé par M. Desfayes, dont voici la teneur:
«1re invite (nouvelle teneur)
- à tout mettre en oeuvre pour le maintien de l'ouverture des ESREC le dimanche et les jours fériés par la substitution avec un autre jour de fermeture hebdomadaire connaissant des affluences moindres;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 62 oui contre 27 non.
La présidente. Je soumets maintenant à votre approbation la M 2995 ainsi amendée.
Mise aux voix, la motion 2995 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 76 oui et 13 abstentions (vote nominal).
Débat
La présidente. Mesdames et Messieurs, il est 19h15, ce qui signifie qu'il nous reste encore quarante-cinq minutes de séance. (Exclamations.)
Une voix. C'est rude !
La présidente. Eh oui, c'est dur, je sais ! Il reste deux urgences; si une majorité a voté ces urgences, c'est qu'elle jugeait utile de le faire. Je souhaiterais un peu de silence pour terminer nos travaux. Je continue à le dire et à le redire: si vous voulez discuter, ce qui est tout à fait légitime - vous avez certainement plein d'objets à négocier -, n'hésitez pas à le faire à l'extérieur, différentes salles se trouvent à votre disposition. Dans cette enceinte, l'idée est de s'écouter, c'est le principe du débat parlementaire; sinon, nous pourrions bêtement voter en nous taisant.
Voici la prochaine urgence: la M 2996, que nous examinons en catégorie II, trente minutes. Je serai particulièrement attentive dans cette discussion au respect des intervenants entre eux. La parole revient à l'auteur, M. Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la catastrophe humanitaire à Gaza se poursuit avec des centaines de milliers de civils risquant de mourir de faim ou de périr sous les bombes. Environ deux millions de personnes ont été déplacées du nord au sud de la bande de Gaza et se trouvent dans des conditions inimaginables. Plus de trente mille civils sont décédés, dont vingt-cinq mille femmes et enfants. Ce ne sont que des chiffres; derrière, il faut imaginer qu'il y a chaque fois une vie. Et il faut ajouter les plus de 1200 civils assassinés le 7 octobre dans ce qui ressemble à un crime de guerre en Israël.
Mesdames et Messieurs, la situation humanitaire est absolument intolérable. Depuis seize ans, Gaza subit un blocus qui était déjà terrible, mais depuis le 7 octobre... (Commentaires.)
Une voix. Chut !
La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député. Je pense que j'ai été mal comprise tout à l'heure. (La présidente marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Monsieur Nidegger, est-ce que je peux vous demander d'aller discuter à l'extérieur de la salle ? Reprenez, Monsieur Thévoz.
M. Sylvain Thévoz. Merci beaucoup. Depuis le 7 octobre, le blocus s'est aggravé: pas d'eau, pas d'électricité, pas d'alimentation, pas de gaz. Imaginez quelques secondes seulement le contexte de vie actuel pour ces 2,2 millions de personnes; s'y ajoutent les bombardements.
Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas rester silencieux, nous ne pouvons pas ne rien faire. Certains diront: «Une motion, à quoi bon ?» Certes. Mais comment pourrions-nous ne pas agir et accepter la situation ? Nous sommes marqués à Genève par un héritage fort, celui d'Henry Dunant. «Un souvenir de Solférino», 1862: il se trouve sur un terrain de bataille, constate les ravages de la guerre, en témoigne. De là naît ce qui fait aujourd'hui la fierté de notre ville: le droit humanitaire, les Conventions de Genève, la Croix-Rouge, la volonté que les civils soient préservés de toute guerre, un droit qui les protège. Ce droit est aujourd'hui violé, a été violé le 7 octobre et l'est de manière crasse depuis à Gaza.
Cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat, le canton de Genève à intervenir au niveau de la Confédération pour que la Suisse engage les moyens politiques, diplomatiques, économiques, humanitaires à sa disposition - et nous croyons qu'ils sont nombreux - afin de réclamer un cessez-le-feu qui constitue le prérequis à toute paix et à tout apaisement qui pourra en découler ainsi que de déployer toute mesure pour prévenir les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité.
Nous présentons également un amendement demandant au gouvernement genevois d'oeuvrer auprès de Berne pour que notre pays fasse tout ce qui est en son pouvoir afin de libérer toutes et tous les otages de ce terrible conflit, ce qui veut dire l'ensemble des civils. Nous ne souhaitons pas opposer ici les uns et les autres, nous devons nous élever au-dessus de cela.
Il s'agit par ailleurs de renforcer la collaboration avec la Confédération pour tout ce qui relève de l'aide humanitaire, de l'acheminement urgent et massif de secours. Souvenez-vous, nous avons voté 5 millions de francs pour le CICR début novembre, mais depuis, quatre mois ont passé. Enfin, nous proposons de faciliter toutes les démarches administratives pour que des victimes de cet effroyable conflit puissent venir à Genève et y être soignées. Le Dr Salti en a accueilli 17, je crois; il espérait en faire venir 34. Toutes les démarches ont été à sa charge (le financement, les garanties), et cela ne nous semble pas acceptable.
Nous pouvons, nous devons faire plus, nous devons exhorter le Conseil d'Etat à en faire davantage au nom de l'ADN de Genève, au nom du respect de notre héritage et surtout pour préserver toutes les vies humaines, de quelque camp qu'elles soient. Je vous rappelle cette phrase d'Einstein que vous connaissez: «Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.» Nous voulons agir, modestement, mais résolument. Merci de soutenir cette motion avec l'amendement et de la renvoyer au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Marc Saudan (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion ne se veut pas politique, et il serait souhaitable que nos débats s'élèvent afin de ne pas parler du conflit, mais des victimes, victimes nécessitant des soins. Mon préopinant l'a déjà indiqué: dans la ville du CICR, qui a été fondé notamment pour aider les victimes de conflits armés sans prendre parti par rapport aux belligérants, il est important de donner un signal.
C'est pourquoi le groupe LJS soutiendra l'amendement et la motion, particulièrement en raison de la troisième invite, qui est vraiment envisageable pour le canton de Genève, c'est-à-dire favoriser l'accès aux victimes pour que l'on puisse leur prodiguer des soins médicaux dans nos hôpitaux, notamment aux HUG. Merci. (Applaudissements.)
Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Mesdames et Messieurs, une terrible tragédie se déroule sous nos yeux. Chaque jour nous apporte son lot d'horreurs et d'extrêmes souffrances. Les invites de cette proposition de motion ont été rédigées dans le souci de rassembler autour de la question humanitaire à Gaza. J'avoue ma sidération et mon incompréhension en constatant que près de quarante d'entre vous ont refusé hier de voter l'urgence pour Gaza. Pourquoi ?
N'y a-t-il pas urgence lorsque l'OMS alerte sur le risque majeur de famine généralisée et d'épidémies ? N'y a-t-il pas urgence lorsque des otages sont encore détenus ? N'y a-t-il pas urgence alors que la Cour internationale de justice a alerté sur le risque génocidaire il y a déjà un mois sans que la folie meurtrière de Netanyahou fléchisse ? N'y a-t-il pas urgence quand hier encore, quelques heures à peine avant notre séance, plus de cent Palestiniens affamés ont été tués lors d'une distribution alimentaire et plus de cinq cents blessés ? N'y a-t-il pas urgence lorsque même les survivants n'ont tout simplement plus de vie ?
Hier, Mesdames et Messieurs les députés, vous étiez nombreux à refuser l'urgence pour Gaza. Hier, nous n'étions pas à la hauteur de la mémoire d'Henry Dunant; j'espère que ce sera le cas aujourd'hui.
Cette motion, Mesdames et Messieurs, propose d'abord de tout mettre en oeuvre pour favoriser un cessez-le-feu immédiat. Depuis notre résolution votée en novembre, les frappes n'ont pas faibli, la situation humanitaire s'est très gravement détériorée; nous en sommes les témoins quotidiens et impuissants. Devons-nous nous taire pour autant ? Je crois au contraire que nous devons manifester notre indignation autant que nécessaire. Si nos appels ont une portée toute relative, notre silence serait assurément coupable et insupportable.
Ensuite, le texte demande un acheminement urgent et massif d'aide humanitaire et médicale à Gaza. Quand 2,2 millions d'habitants dépendent uniquement de l'aide humanitaire, dramatiquement insuffisante aujourd'hui, quand l'OMS avertit que si rien n'est fait, une famine généralisée à Gaza sera inévitable, il n'y a pas matière à tergiverser. Il y a d'autant moins matière à tergiverser lorsque, parmi les plus fragiles, nombreux sont ceux qui ont déjà succombé, faute d'eau et de nourriture, notamment les enfants en bas âge. On en est là, Mesdames et Messieurs les députés. Comment peut-on être contre cette deuxième invite ? (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Le canton doit par ailleurs jouer un rôle de facilitateur pour les personnes de bonne volonté. Celles et ceux qui accueillent dans leur clinique des enfants victimes de la guerre ne doivent pas être entravés, mais à l'inverse mille fois aidés et infiniment remerciés. Je pense au Dr Raouf Salti, que nous avons pu voir...
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Alia Chaker Mangeat. ...dans un reportage absolument poignant de «Mise au point», qui se démène... (Remarque.) ...et aussi au Dr Razah Raad de la clinique Vert-Pré. Merci à Sébastien de me rappeler qu'il avait oeuvré pour la libération des otages français au Liban dans les années 80.
La présidente. C'est terminé.
Mme Alia Chaker Mangeat. Bref... (Le micro de l'oratrice est coupé. Applaudissements.)
M. Sandro Pistis (MCG). Le MCG a eu l'occasion de le rappeler maintes fois par le passé: il n'appartient pas à notre parlement cantonal d'intervenir en matière de droit international, prérogative qui revient en premier lieu au Conseil fédéral. Néanmoins, à plusieurs reprises, notre Grand Conseil a considéré devoir donner un signal, signal d'autant plus nécessaire que notre cité est dépositaire des Conventions de Genève, elle est le berceau du droit international humanitaire.
Depuis bientôt cinq mois, sous nos yeux consternés, se joue en Israël et à Gaza un drame qui ne peut laisser personne indifférent. Les crimes contre l'humanité - nous les désignons résolument ainsi - commis le 7 octobre 2023 ont constitué le point de départ de la riposte de l'Etat d'Israël, dont les habitants aspirent légitimement à la sécurité. Pourtant, ce qui représentait un acte de légitime défense, certes compliqué par l'identification et la localisation des terroristes recherchés, s'est transformé, jour après jour, en un drame humanitaire sans précédent.
Des dizaines de milliers de morts, des dizaines de milliers de mutilés et de blessés, des villes et des villages rasés, une population détruite par la famine, laissée sans aide sanitaire efficace. Les événements récents nous montrent, s'il le fallait encore, la détresse de cette population, mais aussi la détermination de l'armée présente sur place à ne faire aucune concession. Sans une action internationale forte et rigoureuse en vue d'une trêve humanitaire, la population sera abandonnée, condamnée à mourir de faim. Et cela, Genève, parce que nous sommes la ville où le droit humanitaire est né, ne peut le regarder survenir sans réagir.
Cela étant, si les invites qui nous sont proposées peuvent être suivies, l'argumentaire présenté est truffé de remarques partiales regrettables. C'est la raison pour laquelle certains membres du groupe MCG exprimeront par leur vote non pas leur distance à l'égard d'une situation grave et inhumaine, mais leur réticence quant à la manière par laquelle notre Grand Conseil a été interpellé.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à Mme Gabriela Sonderegger pour vingt secondes.
Mme Gabriela Sonderegger (MCG). Merci, Madame la présidente. Je serai très rapide. Depuis le massacre du 7 octobre qui a pourtant été condamné et a révolté l'opinion publique internationale...
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Gabriela Sonderegger. ...il est triste de constater que la presse ne vérifie plus tous les faits et que le Hamas est désormais considéré comme l'unique source crédible aux yeux des journalistes occidentaux.
La présidente. C'est terminé.
Mme Gabriela Sonderegger. Puisque je dois faire très court, précisons qu'il appartient à chacun à l'avenir de vérifier les sources... (Le micro de l'oratrice est coupé.)
Mme Dilara Bayrak (Ve). Je partage les constats dressés par certains de mes préopinants. Nous aurions pu obtenir l'unanimité, mais les deux dernières interventions ne vont pas dans le même sens. Je remercie ma collègue Alia Chaker Mangeat d'avoir peint une image de la situation, et j'aimerais maintenant vous parler plutôt de moi: je suis née et j'ai grandi en Suisse, j'y ai effectué toutes mes études. Pendant mes 26 ans de vie ici, j'ai été bercée par les valeurs humanistes de ce pays: la Suisse d'Henry Dunant, la Suisse qui vient en aide à celles et ceux qui en ont besoin, la Suisse qui héberge le CICR, la Suisse et la Genève internationale qui tentent de prévenir les conflits mondiaux.
Quand on évolue dans ce narratif, dans cette culture humaniste, on ne peut que se demander combien de décès il faudra encore avant d'agir. Dix, cent, mille ? Aujourd'hui, plus de trente mille personnes, dont la grande majorité sont des enfants, sont mortes sous les bombes du gouvernement israélien, soit près de 6% de la population genevoise. Imaginons une seconde notre canton amputé de trente mille de ses habitants en moins de trois mois ! Quelles organisations doivent encore nous alerter pour que nous daignions enfin regarder ce qui se passe en Palestine ? Amnesty International ? Médecins sans frontières ? Nous sommes témoins d'une souffrance insoutenable, la violence continue de sévir chaque jour.
Nous, parlement genevois, sommes concernés par les violations crasses des Conventions de Genève. Nous ne pouvons détourner notre regard et devons défendre le nom de notre canton, car après les bombes à Gaza, c'est aujourd'hui la famine qui menace et qui tue en Palestine. L'aide humanitaire est bloquée à la frontière tant par les opérations militaires que par des civils qui, je cite, «ne veulent pas nourrir l'ennemi». Les enfants sont des civils, et les civils ne peuvent être considérés comme des ennemis. Nous ne pouvons fermer les yeux sur l'anéantissement de tout un peuple. Je vous rappelle d'ailleurs, comme ma collègue vous en a informé tout à l'heure, que plus d'une centaine de personnes ont été tuées hier lors d'une distribution alimentaire; il s'agit de l'ensemble de cette salle, collaborateurs du Grand Conseil compris.
Les journalistes et maintenant les rapporteurs indépendants de l'ONU (Francesca Albanese et Michael Fakhri) sont interdits d'entrée sur le territoire; ceux-ci alertent toute personne voulant bien les écouter: des civils font l'objet de crimes contre l'humanité. Ce soir, je souhaite que nous écoutions les Genevoises et les Genevois qui demandent un cessez-le-feu; nous devons les écouter, nous devons intervenir, ne serait-ce que pour requérir le respect des Conventions de Genève. C'est pourquoi je vous demande de voter cette proposition de motion. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Caroline Renold pour un peu moins de deux minutes.
Mme Caroline Renold (S). Je vous remercie, Madame la présidente. En novembre, notre Conseil a adopté une résolution dont les invites étaient fondamentalement les mêmes: cessez-le-feu, respect du droit international humanitaire, accès à l'aide humanitaire. Nous étions alors à quelques semaines du début du conflit, les conditions étaient déjà terribles; nous en sommes aujourd'hui à 146 jours, pour être exacte, et la situation dans la bande de Gaza n'a fait qu'empirer, elle est aujourd'hui dramatique.
Je citerai quelques chiffres du point quotidien de l'OCHA du 1er mars, donc de ce jour, que mes collègues ont déjà énoncés pour certains: la quasi-totalité de la population de la bande de Gaza, qui compte pratiquement le même nombre d'habitants que la Suisse romande, est déplacée, une famine inévitable menace la population, un enfant sur six de moins de 2 ans souffre de malnutrition aiguë.
Toutes les denrées de première nécessité manquent. Il n'y a pas d'eau, il n'y a pas eu d'électricité du tout hier. Il n'y a pas de toilettes - on estime qu'il y a une toilette pour cinq cents personnes en moyenne, soit cinq fois moins que dans cette assemblée. Il n'y a pas de matériel médical; le personnel de santé doit examiner cent personnes par jour. Plus de 30 000 Palestiniens ont été tués, soit un sur vingt dans la bande de Gaza, et plus de 70 000 blessés, dont de nombreux enfants.
Notre Conseil ne peut rester silencieux. Nous avons un devoir de solidarité et d'humanité, le devoir de condamner les violations du droit humanitaire et du droit international, d'appeler à la paix et à l'humanité, de rappeler la pensée des visionnaires Henry Dunant, Gustave Moynier et d'autres, de rappeler que la guerre est réglementée, parce qu'à défaut d'arriver à l'abolir, il faut au moins la rendre un peu moins terrible. Il est contraire au droit et à notre humanité d'affamer une population civile, de la priver des nécessités de base, il faut lui permettre de survivre.
Chers collègues, exigeons que les armes se taisent, même si c'est une déclaration, exigeons que l'aide humanitaire puisse nourrir, abreuver, panser les plaies. Faisons ce que nous pouvons pour accueillir et soigner des blessés. Je vous prie de voter cette proposition de motion. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Pour information, deux amendements ont été retirés, celui de M. Marc Saudan et celui de M. Sébastien Desfayes. Il nous reste à traiter une demande de modification présentée par M. Sylvain Thévoz et cosignataires:
«1re invite, 3e sous-invite (nouvelle)
- oeuvrer à la libération de toutes et tous les otages de ce terrible conflit;»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 58 oui contre 9 non et 17 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2996 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui contre 12 non et 18 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
La présidente. Nous passons à notre dernière urgence, la M 3001, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au signataire de la proposition de motion, M. Stefan Balaban.
M. Stefan Balaban (LJS). Je vous remercie, Madame la présidente. A l'image du monopole de fait des SIG, j'ai décidé de déposer seul cette proposition de motion afin de jouir d'un pareil monopole. (Rires.)
Introduction faite, Mesdames et Messieurs, vous avez sans doute pris connaissance ou entendu parler dans les médias de la polémique autour de la surfacturation que les SIG ont infligée aux Genevois. La Cour des comptes parle de 22 millions. Des erreurs peuvent arriver à toute entreprise, on les constate rapidement et on les corrige immédiatement.
Or, dans le cas présent, cette problématique a été dénoncée à de multiples reprises: il y a eu des alertes à partir de 2018, la direction a été avisée, plusieurs hauts cadres ont été avertis à tous les niveaux, mais malheureusement, rien n'a été entrepris.
Ce qui nous dérange, c'est qu'en parallèle, le pouvoir d'achat des Genevois s'effrite, entre le coût des loyers, extrêmement élevés à Genève, la hausse des primes d'assurance-maladie et l'augmentation du prix de l'énergie. Les Genevois souffrent, les PME souffrent, à l'instar de nos boulangers, lourdement impactés par la croissance du coût de l'énergie.
Ce qui nous dérange encore plus, c'est que les SIG ont exprimé leur volonté de ne pas rembourser tout de suite les personnes concernées, mais de le faire ultérieurement, notamment en diminuant les tarifs 2025. Ce que nous demandons avec cette proposition de motion, c'est un remboursement non pas immédiat, mais à tout le moins d'ici le début de l'été, car de nombreuses personnes et PME ont été lésées. Merci.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour commencer, le groupe socialiste remercie la Cour des comptes pour le travail qui a été effectué sur ce sujet. 22 millions, ce n'est pas rien. Nous l'avons indiqué dans les médias, ce montant doit être remboursé au centime près à tous les clients et à toutes les clientes lésées dans le canton de Genève.
Après, s'agissant de la proposition de motion présentée aujourd'hui par LJS, est-elle là pour faire en sorte qu'un remboursement aussi rapide que possible intervienne, est-elle là pour faire un peu de retape politique et qu'on parle de ce sujet sur Léman Bleu ? Je ne sais pas trop.
Pour notre part, la question que nous nous posons est la suivante: est-il matériellement possible de procéder à un remboursement avant l'été 2024 ? La réponse à cette question, à notre sens, ne peut intervenir qu'en commission, à moins que M. Hodgers l'ait ici, mais j'imagine que non, donc... (Remarque.) Peut-être que oui, d'accord. Cela étant, nous sollicitons un bref passage du texte en commission afin de déterminer si cette option est effectivement possible avant de revenir très rapidement devant le Grand Conseil pour le voter. Merci beaucoup.
La présidente. Je vous remercie. Comme il s'agit d'un nouveau texte, nous devons finir le débat avant de voter sur le renvoi en commission. Monsieur Eckert, vous avez la parole.
M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Madame la présidente. Cette proposition de motion est excessive du point de vue de sa formulation. La Cour des comptes a rendu son rapport, il y a ici une interprétation qui en est faite. On évoque une surfacturation, mais ce n'est pas ce qu'elle a indiqué. En fait, il y a simplement une divergence de vues avec le type de tarification que propose l'ElCom. Bien sûr, les consommateurs genevois ont payé trop, mais la manière dont le texte est formulé me paraît tout de même bizarre. On parle également de faute, ce ne sont pas non plus les termes mentionnés par la Cour des comptes. Je pense qu'il y a surinterprétation.
Voici le point auquel j'aimerais en venir: il est inscrit que le montant s'élève à 80 francs par ménage, ce qui est parfaitement faux. En réalité, la somme de 80 francs par ménage constitue une moyenne. Ce que les SIG devront faire, c'est rembourser chaque foyer ou chaque client en fonction de sa consommation. Et la question est précisément de savoir si c'est possible.
La régie n'a pas proposé de remboursement via les factures, mais à travers un abaissement des tarifs de l'électricité en 2025, ce qui est faisable. En revanche, il est bien plus difficile de procéder à un remboursement en analysant ce que chacun d'entre nous a consommé l'an dernier ou les dix dernières années, ce n'est pas la méthode adéquate.
Tout cela me paraît très compliqué, Mesdames et Messieurs. Si vous voulez vraiment opérer un remboursement avant l'été, cette démarche peut représenter une grosse usine à gaz, probablement susceptible de coûter plus aux SIG que les 22 millions en question. Par conséquent, je soutiens la demande de renvoi en commission afin qu'on puisse étudier les options et déterminer si les SIG sont en mesure d'effectuer ce remboursement.
M. François Baertschi (MCG). La Cour des comptes a rendu un verdict implacable: 22 millions ont été pris aux consommateurs, soit 80 millions par ménage...
Des voix. 80 francs !
M. François Baertschi. 80 francs par ménage, oui, pas 80 millions. Quoique, on y est peut-être ! Non, non, on aurait de la peine à y arriver, c'est vrai. Ce sont donc 80 francs par ménage, les éléments sont précis, la Cour des comptes l'a dit. Vous pouvez consulter les documents de la Cour des comptes qui sont très bien réalisés, Mesdames et Messieurs. On constate que les SIG ont tout fait pour ne pas payer, pour ne rien entreprendre. Voilà aussi la réalité.
Quand j'entends mon préopinant Vert, qui est dans la même veine que la direction des SIG, ça me fait peur, je me dis que certaines personnes font tout pour que nos SIG ne fonctionnent pas. Je nourris de grandes inquiétudes à ce sujet, d'autant plus que le nouveau directeur général des SIG est du même parti que ce préopinant. Je m'interroge: où va-t-on ? D'une certaine manière, on court à la catastrophe.
Nous suivrons la proposition du député Thomas Wenger, c'est-à-dire le renvoi en commission. Il est nécessaire d'aller dans ce sens-là non seulement pour soutenir la demande du groupe LJS, mais également pour essayer de trouver d'autres éléments afin de faire toute la lumière sur ce scandale-ci et sur tous les autres.
En effet, cette affaire ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt. Une foule de difficultés au sein des SIG sont à mettre en avant. Nous avons pu prendre connaissance de celle-ci grâce à un lanceur d'alerte - vive les lanceurs d'alerte, c'est vraiment ce qui sauve notre république ! - mais nous devons véritablement effectuer un travail d'introspection dans toutes nos institutions publiques. Voilà ce que nous devons entreprendre, et nous ne pourrons le faire qu'en commission. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Stefan Balaban pour trois minutes.
M. Stefan Balaban (LJS). Merci, Madame la présidente. Je souhaiterais rebondir sur ce que j'ai entendu, car c'est très surprenant. Voici un exemple concret que je présente à M. Wenger - vous transmettrez, Madame la présidente: si un propriétaire venait à facturer un montant surestimé pour un loyer, je le mets au défi de ne pas réagir et d'attendre qu'on réfléchisse en groupe.
Lorsqu'il y a une injustice, il faut la corriger rapidement, et non pas laisser le temps passer, comme le propose M. Baertschi, en faisant une thérapie de groupe ou une psychothérapie. Non, il faut agir vite, ne pas diverger. On ne parle pas de plusieurs milliards, mais de 22 millions: en termes de «cash flow», il s'agit d'un montant que les SIG peuvent sortir et mettre sur la table. Pas besoin de renvoyer le texte en commission, Mesdames et Messieurs, je vous invite à le voter maintenant.
Une voix. Et à l'accepter !
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, M. Balaban a parfaitement raison. La question est toute simple, finalement, et elle est politique: il s'agit de déterminer si nous voulons un remboursement ou non. (Commentaires.) Un renvoi en commission n'est pas nécessaire, on en vient même à se demander si vous ne pratiquez pas du «cachetonnage» alimentaire à force de sans arrêt chercher à tout renvoyer en commission, comme vous le faites depuis le début de la session. La question est de savoir si nous exigeons ou pas un remboursement.
Pour nous, il est évident que les SIG doivent rembourser le trop-perçu dans ce qui, il faut le souligner, ressemble quand même à une arnaque, donc nous sommes entièrement favorables à cette proposition de motion. Nous n'avons pas besoin d'étudier le texte en commission pour prendre cette décision, nous sommes suffisamment grands pour l'adopter sur le siège. Aussi, nous vous demandons de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat afin qu'il prenne les mesures qui s'imposent et qu'on puisse espérer un remboursement d'ici l'été.
Ça tomberait bien, parce qu'en été, on aime bien partir en vacances; si on peut récupérer un petit quelque chose pour les vacances, ce sera bienvenu... (Remarque.) Mais même 5 francs ! Vous savez, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'il s'agisse de 5 francs, de 10 francs ou de 80 francs, il y a malheureusement dans ce canton des gens pour qui ces faibles valeurs ont encore une certaine importance. Alors quel que soit le montant remboursé, il est important de rendre cet argent à qui de droit. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Yves Nidegger pour une minute dix.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, c'est clairement de la procrastination que de vouloir renvoyer cet objet en commission ou de s'imaginer qu'il puisse y avoir une difficulté technique qui nous échapperait peut-être et qui ferait que, dans l'impossibilité de rembourser, il faudrait que ce parlement se ravisât et renonçât à cette intention.
Je vous rappelle un précédent qui n'a pas suscité de discussions très longtemps: lorsqu'on s'est rendu compte que les primes LAMal - on était en 2014 lorsque la décision a été prise - avaient été surfacturées à un certain nombre d'assurés - pas à tous -, on a décrété sur le siège qu'on les rembourserait. Or là, le calcul était compliqué, parce que les primes diffèrent de canton en canton, il y avait un vrai calcul difficile à réaliser. Il a été effectué, le remboursement de petites sommes a été opéré. Il n'existe aucun problème technique si nous en décidons politiquement. M. Florey a raison, il s'agit d'un choix politique, le reste n'est qu'alibi.
M. Adrien Genecand (PLR). Dans le prolongement des propos d'Yves Nidegger, je rappellerai plusieurs choses. Les Genevois ont subi une surfacturation. Le premier élément, et la lumière sera probablement bientôt faite sur cette question, c'est de savoir dans quelle mesure la direction des SIG était au courant et, alertée par la Cour des comptes, n'a pas agi. Voilà le point le plus problématique.
Ensuite, l'erreur concerne 80 francs. Alors certes, il ne s'agit pas d'un montant très important dans l'absolu, mais il faut savoir que le contrôle ne porte que sur 1% de la construction du tarif de l'électricité, donc ce 1% qui a été vérifié a abouti à la somme de 80 francs. On ne peut pas faire de règle de trois, parce qu'on arriverait à 2,2 milliards, ce n'est pas le propos, mais disons que cela permet tout de même de se poser quelques questions. Surtout quand - et c'est ce qui est très dérangeant dans le rapport - la Cour des comptes nous indique en filigrane que la discussion avec l'entité subventionnée auditée n'a pas été très bonne. C'est très problématique, parce qu'on a créé la Cour des comptes précisément dans ce but: il s'agit d'un organe indépendant qui, a priori, sert exactement à découvrir ce genre de choses, et il est réglementé. Une certaine bonne foi est nécessaire de la part de la régie, même si les audits ne sont pas très agréables, chacun le sait. Il n'empêche que c'est comme ça, il faut s'y plier.
Ce qui est par ailleurs très gênant, c'est de constater que... Bon, on verra cela dans le cadre des discussions, mais si effectivement la Cour des comptes s'est rendue auprès de l'autorité fédérale et qu'ensuite, malgré cela, l'entité subventionnée n'entend pas payer tout de suite - ce qu'ils nous expliquent, en gros, c'est qu'ils nous rembourseront en ne nous facturant pas ce qu'ils doivent dans deux ou trois ans -, c'est juste n'importe quoi, Mesdames et Messieurs. Il n'est pas très compliqué pour les SIG de sortir 22 millions et de les verser aux gens d'ici l'été ou l'automne, c'est aussi simple que cela.
Si vous ne voulez pas qu'ils le fassent, eh bien vous pouvez renvoyer le texte en commission, mais si vous souhaitez qu'on traite le problème rapidement, non. M. Eckert - vous transmettrez, Madame la présidente - nous expliquait que les SIG, qui comptent 1300 collaborateurs à plein temps dont le salaire médian se situe au-dessus de 125 000 francs par année, ne sont pas capables de verser 80 francs à tous les ménages genevois, que ce sera compliqué alors qu'ils nous envoient une facture une fois par trimestre. Franchement, il ne faut pas se moquer du monde !
Aussi, soit on décide de rembourser les gens et on vote la motion sur le siège aujourd'hui, soit on procrastine, comme l'a indiqué Yves Nidegger, on la renvoie en commission et à la fin, après avoir dépensé des jetons de présence en réfléchissant bien, on finira quand même par demander que les SIG paient tout de suite. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci à vous. Monsieur Djawed Sangdel, vous avez la parole pour trois minutes.
M. Djawed Sangdel (LJS). Merci, Madame la présidente. Chers collègues, les choses sont assez simples, pourquoi les compliquer ? Je pense que la commission a des dossiers plus importants à traiter que le remboursement de 80 francs aux citoyens genevois. Une proposition de motion a été déposée, la question est simple: je t'ai payé trop, tu me rembourses. Voilà, il n'y a pas besoin de discuter ! (Rires.)
Une voix. Exactement, bravo !
M. Djawed Sangdel. Pourquoi compliquer les choses ? (Applaudissements.) Voilà ! En plus, il s'agit d'une demande sans intérêts, sans dédommagement, c'est-à-dire que tout est très simple, il ne faut pas compliquer les choses. Je vous invite tous à valider cet objet, que l'écran devienne vert et le problème sera réglé, on a d'autres affaires plus importantes que ce sujet. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. La parole va à M. Thomas Wenger pour une minute quarante-cinq.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Madame la présidente. Ce débat est extraordinaire ! Si encore on parlait d'une seule année, des mêmes clients, d'accord, mais ici, il s'agit de consommateurs lésés sur treize ou quatorze ans, de 22 millions ! «J'ai payé trop, tu me rembourses» ? Ouais, mais moi j'ai déménagé, moi j'habite à Genève depuis 2018, moi je n'ai jamais payé d'électricité, Yves Nidegger, lui, consomme dix fois plus parce qu'il fout sa clim tout l'été vu que l'UDC est à fond pour la climatisation alors que moi j'essaie de faire des économies... Non, Mesdames et Messieurs, les choses ne sont pas si simples.
Aussi, soit on établit le calcul entre nous, et dans ce cas, Madame la présidente, je demande formellement une suspension de séance pour que M. Nidegger puisse sortir son boulier, M. Balaban sa calculatrice, qu'on se mette tous ensemble et qu'on essaie de calculer ce qu'on pourrait rembourser aux clients lésés des SIG, soit on renvoie le texte en commission, on y consacre deux séances et on détermine s'il est possible de procéder au remboursement d'ici l'été.
Pour le groupe socialiste, il serait évidemment souhaitable de verser l'argent d'ici l'été, mais on ne peut pas rembourser n'importe qui, n'importe comment en faisant n'importe quoi. Voilà la différence entre du travail parlementaire de fond et du populisme. Je suis désolé, mais nous sommes pour du travail parlementaire de fond: oui, les gens doivent être remboursés, mais il faut que ce soient les bonnes personnes. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements. Commentaires.)
La présidente. Je vous remercie. Nous arrivons bientôt au terme de ce débat... (Commentaires.) S'il vous plaît ! La parole échoit à M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, c'est un plaisir de terminer la session parlementaire sur ce sujet ! Je vais le segmenter en deux points. Le premier concerne l'objectif vraiment très clair de cette motion: contrairement à ce qu'a dit M. Florey, il ne s'agit pas de réclamer un remboursement, c'est déjà décidé. Dès que le département a eu accès au rapport de la Cour des comptes il y a quelques mois et que les faits ont été admis, c'est évidemment la première chose que j'ai exigée, et les SIG ont tout de suite accédé à cette requête.
Ce que je peux vous indiquer sur ce front, parce que j'ai demandé à l'entreprise d'effectuer un rapide travail là-dessus, c'est que le montant a déjà été provisionné sur les comptes 2023. Le réviseur l'a accepté, c'est important. Cela nous permet d'avoir la disponibilité pour, je l'espère, un remboursement rapide dans le premier semestre, ainsi que cela est requis. Voilà qui répond à la motion. Vous pouvez la voter ou pas; si vous le faites, il y aura un phénomène d'enfoncement de porte ouverte, mais je crois que c'est juste, cela a été souligné, il faut que les SIG remboursent le trop-perçu.
Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas se leurrer. On parle d'une différence de 35 centimes sur une facture de 100 francs, voilà la somme dont il est question. Au lieu de 100 francs, on s'est fait facturer 100,35 francs. Alors nous sommes en Suisse, un centime est un centime, et il sera remboursé rubis sur l'ongle, il n'y a pas de souci à se faire.
En revanche, et j'en viens au deuxième volet sur lequel vous avez déjà entamé le débat ce soir - votre commission de contrôle de gestion réalisera un travail un peu plus approfondi, je l'espère, que celui de Léman Bleu -, reste la question de savoir comment nous en sommes arrivés là. De nombreuses contrevérités ont été affirmées ce soir. Tout d'abord, la Cour des comptes n'a dressé son rapport qu'il y a quelques mois, donc ce n'est pas vrai qu'elle était au courant depuis 2018.
Ce qui s'est passé en 2018, et vous le verrez en étudiant le dossier, c'est qu'un choix méthodologique a été fait: il a été décidé de travailler au forfait alors qu'un autre système était possible consistant à examiner la consommation année après année. C'est la différence entre ces deux procédés qui donne 22 millions. Aujourd'hui, la Cour des comptes annonce: «La méthode des frais effectifs est plus pertinente», mais l'autre n'est pas une contrefaçon. La méthode des forfaits n'est pas illégale, et l'ElCom, l'autorité fédérale qui révise chaque année les tarifs des SIG, la validait depuis 2018.
Aussi, j'aimerais qu'on se calme un peu. Je sais que Genève, c'est déjà un peu la France, qu'on adore les polémiques, que les médias versent là-dedans aussi, mais, Mesdames et Messieurs, au-delà du fait que la méthode recommandée par la Cour des comptes est meilleure - c'est pourquoi les SIG et le département ont accepté à 100% le rapport rendu par les magistrats de cet organe -, pour tout ce qui relève du procès d'intention, d'un prétendu enrichissement illicite, de pseudo-mensonges, de chiffres trafiqués, je vous invite à faire preuve de la plus grande retenue. Ce n'est pas ce qui figure dans le rapport de la Cour des comptes, et un minimum de respect pour nos institutions - pour votre institution, surtout - impliquerait de s'en tenir aux faits et à la réalité.
Les faits et la réalité, eh bien c'est un choix - certainement malheureux, mais comme on en fait quand on dirige une entreprise - arrêté en faveur d'un système qui ne s'avère pas le meilleur, quand bien même il n'est pas illégal. L'ElCom le reconnaît également: la méthode retenue par les SIG n'est pas illégale; elle est moins bonne, mais pas illégale. Aujourd'hui, nous adoptons le bon procédé, nous remboursons tout le rétroactif et nous corrigeons la donne pour l'avenir. Voilà en substance ce qui a été décidé. Cette motion, Mesdames et Messieurs, enfonce une porte ouverte; pourquoi pas, ce ne sera pas la première, me direz-vous. Passons au vote et nous pourrons ainsi enfin rentrer chez nous. Merci beaucoup.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous procédons au vote sur la proposition de renvoi à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3001 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 48 oui contre 39 non.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, à la suite de ce débat, nous avons terminé les urgences et, partant, notre session. Je vous souhaite une bonne soirée !
La séance est levée à 19h55.