République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 1 mars 2024 à 14h
3e législature - 1re année - 9e session - 59e séance
P 2180-A et objet(s) lié(s)
Débat
La présidente. Nous avançons avec les P 2180-A et P 2181-A. (Brouhaha.) Comme d'habitude, j'invite les personnes qui souhaitent discuter à se rendre à l'extérieur !
Une voix. Je vais dehors.
La présidente. Magnifique, Monsieur Florey, merci ! La parole est à M. Jean-Marie Voumard.
M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur. Oui, merci, Madame la présidente. Ces deux pétitions ont été déposées par la même personne. Vous avez tous reçu encore dernièrement pas mal de messages dans vos boîtes électroniques concernant cette pétitionnaire, Mesdames et Messieurs. Comme vous le savez, la commission des pétitions peut siéger pour examiner des pétitions munies d'une seule signature. Cette personne en a déjà déposé six jusqu'à maintenant...
Une voix. Sept !
M. Jean-Marie Voumard. Sept, pardon ! Une de plus, vous voyez, sept !
Je vais commencer par le premier texte, soit la P 2180. Chacun sait que le Grand Conseil est attaché aux institutions: il respecte les règles propres aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Ici, la pétitionnaire nous demande de réaliser un audit complet du Ministère public, de mettre sous contrôle les procureurs et de ne pas renouveler les procureurs et juges ayant reçu des blâmes. Il a été décidé de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil au motif que le parlement n'est pas habilité à prendre ce genre de décisions.
Concernant la P 2181, c'est la même que la P 2128, qui avait été renvoyée à la commission des Droits de l'Homme à l'époque. La P 2181 n'a fait l'objet d'aucune audition à la commission des pétitions, mis à part celle de la pétitionnaire. Par contre, s'agissant de la P 2128, les membres de la commission des Droits de l'Homme ont entendu le SPMi et les personnes intéressées; un rapport a été rendu, puis la pétition a été déposée sur le bureau. La majorité de la commission préconise également le dépôt de la P 2181. Je vous remercie.
M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il est vrai que cette pétitionnaire revient régulièrement avec des textes, toujours sur le même sujet, à savoir la protection de l'enfance. On parlait de souffrance tout à l'heure; eh bien voilà des années que cette personne souffre à cause de ces histoires. Avant l'intrusion des services de protection de l'enfance dans sa vie privée, la pétitionnaire avait pignon sur rue, elle exerçait sereinement une activité professionnelle exigeant de nombreuses compétences intellectuelles, relationnelles et sociales. Après quelques années de problèmes avec le SPMi, sa situation a terriblement changé.
Comme cette dame, depuis des années, de nombreux parents affirment subir ou avoir subi de la violence institutionnelle, des prises en charge inadéquates et des décisions arbitraires de la part des structures de protection de l'enfance et des tribunaux spécialisés. Ces parents ne sont pas les seuls à se plaindre, il y a également des avocats, des psychologues, des médecins, des pédopsychiatres, des professionnels de la famille, des spécialistes des droits de l'homme, mais également des journalistes ou des parlementaires, lesquels ont déposé nombre de textes pour dénoncer un système brutal qui, sous couvert de l'intérêt supérieur de l'enfant, se permet des abus de pouvoir pouvant aller jusqu'à la destruction des familles et de leur avenir au lieu de leur venir véritablement en aide.
La pétitionnaire estime que les fonctionnaires des services spécialisés dans la protection des mineurs (SPMi et SEASP) de même que les curateurs détiennent beaucoup trop de prérogatives et de pouvoir, qu'ils en abusent largement, et ce souvent au préjudice des familles. Elle nous rend également attentifs au fait que malgré la réforme du système - nous avons en effet mené une révision, nous avons travaillé sur le sujet pendant 25 séances, me semble-t-il, à la commission des Droits de l'Homme avant de voter en 2020 un texte pour une réforme du système de protection de l'enfance -, les mauvaises pratiques subsistent.
La minorité relève que les services de protection de l'enfance gèrent chaque année des milliers de situations de familles en difficulté et que la majorité des affaires se passent sans problème. Je remercie d'ailleurs les intervenants de l'enfance ainsi que les juges qui oeuvrent sans zèle excessif, avec pudeur - parce qu'il s'agit tout de même d'une intrusion dans la vie des familles, ce n'est pas un système de Gestapo civil -, humanité, discernement et bienveillance. Je pense qu'ils représentent la majorité des cas, mais il y a malheureusement aussi des personnes qui travaillent vraiment mal.
Comme on le sait, il n'existe pas de mode d'emploi pour élever des enfants ou développer une vie familiale harmonieuse, je pense qu'on en a tous fait l'expérience ici. Bizarrement, le narratif utilisé par les services spécialisés, qui évoquent toujours l'intérêt supérieur de l'enfant, permet de légitimer les excès de zèle, de légitimer la mauvaise foi, de légitimer les interventions inadéquates et disproportionnées ainsi que les nombreux pataquès.
Au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, des fratries sont par exemple séparées, des frères et soeurs placés dans des foyers différents, voire dans différents cantons, des familles entières sont ruinées par des frais d'avocat s'élevant à plusieurs centaines de milliers de francs, dévastées socialement, financièrement, psychologiquement et même parfois dans leur santé physique.
Je ne sais pas si vous l'avez vu tout à l'heure, mais il y avait un couple qui essayait d'attirer notre attention. Je me suis arrêté, j'ai posé quelques questions: il se trouve que ces parents se sont vu retirer leurs deux enfants pour des problèmes dermatologiques suite à un signalement de l'Hôpital cantonal, qui n'arrivait pas à comprendre les causes d'une inflammation de la peau. Comme on n'arrivait pas à déterminer l'origine de la maladie, on a estimé que c'était de la faute des parents, et depuis six mois, ceux-ci ne voient plus leurs enfants, les enfants ne se voient plus non plus, ils ont été séparés dans des foyers différents, tout cela dans l'intérêt supérieur des enfants. C'est tout de même assez étonnant !
En conclusion, vu les nombreux dégâts occasionnés par le service de protection des mineurs, il serait peut-être opportun - je crois qu'une sous-commission travaille sur le sujet - de remettre en question les prérogatives des intervenants du SPMi leur permettant de proposer aux instances judiciaires de restreindre les droits fondamentaux des enfants; c'est comme si la police elle-même conseillait aux juges de mettre quelqu'un en prison pour six mois ! On ne doit plus autoriser des fonctionnaires administratifs à formuler de telles recommandations. Ces compétences doivent être transférées à des professionnels de la famille, à des psychologues ou à des pédopsychiatres qui travaillent avec une vision globale, pas en se focalisant uniquement sur l'enfant et en oubliant qu'il y a une famille qui va avec. Pour les motifs précités et dans l'intérêt véritable des enfants et des familles, nous vous invitons à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci beaucoup.
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le PLR recommande le classement de ces deux pétitions. Je vous remercie.
Mme Christina Meissner (LC). Madame la présidente, vous transmettrez au rapporteur de minorité que c'est dommage qu'il ait quitté la commission des Droits de l'Homme l'année passée, parce que le projet HARPEJ a été mené à terme et que nous allons effectuer tout un travail sur le sujet. D'ailleurs, nous reviendrons là-dessus à la faveur d'un rapport qui figure au point 41 de notre ordre du jour, donc je ne m'étendrai pas sur la réforme HARPEJ maintenant.
Mais enfin, demander la restructuration de tout le DIP...! Ce que la pétitionnaire demande est exagéré. Etant donné que le rapport HARPEJ vient d'être déposé, que le travail vient d'être réalisé, qu'une nouvelle conseillère d'Etat vient de prendre ses fonctions, il me semble que la moindre des choses serait de lui octroyer un peu de temps, ainsi qu'à ses services, pour avancer, si possible en lui faisant confiance. Mesdames et Messieurs, en ce qui concerne Le Centre, c'est le classement de ces deux pétitions que nous préconisons.
La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. Nous nous prononçons d'abord sur les conclusions de la commission des pétitions s'agissant de la P 2180, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2180 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 61 non contre 12 oui et 2 abstentions.
La présidente. Il y a une proposition de classement que je soumets aux votes; si celle-ci est rejetée, la pétition sera automatiquement renvoyée au Conseil d'Etat. (Un instant s'écoule. Le système de vote ne fonctionne pas.) Bon, nous allons procéder au vote à main levée; je pressens que le résultat ne sera pas serré.
Mis aux voix, le classement de la pétition 2180 est adopté.
La présidente. Ensuite, je mets aux voix les conclusions de la majorité de la commission des pétitions sur la P 2181, soit le dépôt également.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2181 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 54 non contre 27 oui et 3 abstentions.
La présidente. Nous devons dès lors trancher sur les conclusions de la minorité, c'est-à-dire le renvoi au Conseil d'Etat. En cas de refus, Mesdames et Messieurs, la pétition sera automatiquement classée.
Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2181 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 63 non contre 11 oui et 8 abstentions (vote nominal).
La pétition 2181 est donc classée.