République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 875-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de résolution de Mmes et MM. Romain de Sainte Marie, Cyril Mizrahi, Diego Esteban, Nicole Valiquer Grecuccio, Salima Moyard, Léna Strasser, Marion Sobanek, Thomas Wenger, Grégoire Carasso pour que les cantons soient libres d'instituer un congé parental (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 20, 21 mai, 3 et 4 juin 2021.
Rapport de majorité de Mme Alessandra Oriolo (Ve)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

La présidente. Le point suivant est la R 875-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité de Mme Alessandra Oriolo est repris par Mme Emilie Fernandez, à qui je cède le micro.

Mme Emilie Fernandez (Ve), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. La résolution 875 date un peu, puisqu'elle a été déposée en février 2019, soit il y a cinq ans. La majorité de la commission s'est positionnée en faveur de ce texte, qui demande à l'Assemblée fédérale que les cantons puissent être libres d'instituer un congé parental.

Ce projet a donc été déposé en 2019, à un moment où le congé paternité de deux semaines n'avait pas encore été accepté par le peuple. En traitant ce texte en 2021, la majorité de la commission a estimé nécessaire d'obtenir pour Genève l'autorisation d'instituer un congé parental propre à notre canton.

Entre-temps, Genève a voté, en juin 2023, le mécanisme de financement d'un congé parental de 24 semaines, qui est actuellement à l'étude à Berne. En effet, le cadre juridique doit être clarifié et adapté au niveau fédéral pour la mise en place de congés parentaux cantonaux ou, le cas échéant, pour qu'un congé parental fédéral puisse être instauré, afin d'éviter qu'il y ait 26 congés parentaux différents en Suisse. Une résolution de Mme de Chastonay allant dans ce sens est d'ailleurs actuellement à l'étude à la commission des affaires sociales.

L'objectif visé par le groupe Vert est d'envoyer un message clair à Berne: Genève souhaite qu'un congé parental soit rapidement instauré. Dans cette optique, nous soutiendrons l'amendement déposé par Mme Bidaux et vous encourageons à voter cette résolution amendée.

Présidence de M. Thierry Cerutti, deuxième vice-président

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution a effectivement été déposée début 2019, soit avant l'acceptation du congé paternité de deux semaines par le peuple suisse. Ce texte contient deux objectifs principaux: premièrement, l'instauration d'un congé parental dans le droit fédéral - actuellement, la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service, de maternité et de paternité ne prévoit pas le congé parental -, deuxièmement, l'augmentation des prestations et de la durée pour le congé de maternité et celui de paternité (qui vient d'être accepté pour une durée de deux semaines), ainsi que l'introduction d'un congé parental.

Pour des raisons étonnantes et contradictoires, la commission des affaires sociales a parallèlement, d'une part, gelé deux projets de lois - il s'agit du PL 12595 intitulé «Renforcement des congés maternité et paternité à Genève» et du PL 12467 «Pour le maintien du revenu durant le congé maternité et adoption», dont le coût était estimé à 480 millions par année, ce qui avait été jugé excessif - et, d'autre part, via cette résolution, demandé à la Confédération qu'elle légifère, afin que notre canton puisse instaurer ces prestations.

La minorité de la commission estime que les chances de succès de cette résolution seraient très très faibles. Vu l'importance du congé parental et son bénéfice pour l'éducation des enfants, qui n'est pas contesté, un sujet aussi complexe et impliquant massivement nos entreprises et nos finances publiques devrait être porté et supporté par nos conseillers nationaux et aux Etats.

Pour ces raisons, la minorité de la commission - qui est très large, puisque je précise que ce sont tout de même sept commissaires qui ont voté le refus de ce texte, contre huit qui soutenaient son renvoi à Berne - vous recommande de rejeter cette résolution. Merci de votre attention.

Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente

Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le parti socialiste est résolument attaché à la mise en place d'un congé parental. Par cette résolution et l'amendement proposé, il est demandé à Berne - n'en déplaise au député Yves Nidegger, vous lui transmettrez, Madame la présidente - de produire une base légale permettant la création d'un congé parental fédéral et la mise en oeuvre de l'IN 184 acceptée en votation par les Genevois le 18 juin 2023. Il est à rappeler que cette initiative comporte des instabilités juridiques, raison pour laquelle le parti socialiste avait proposé un contreprojet permettant de corriger certaines lacunes constatées et de placer hors de danger les acquis genevois.

Instaurer un congé parental est aujourd'hui une nécessité, tant pour les parents que pour la société. Après l'introduction à Genève en 2001 d'un congé maternité de seize semaines et la mise en place au niveau fédéral en 2005 d'un socle de quatorze semaines du même congé maternité, après l'entrée en vigueur, en janvier 2021 seulement, d'un congé paternité de deux semaines, il est plus que temps d'entreprendre la réalisation d'un congé parental. Il permettra aux deux parents d'endosser pleinement cette fonction auprès de leurs enfants, et cela, à terme, de manière égalitaire.

Le parti socialiste s'assurera que des garanties soient prises pour éviter que le déploiement du congé parental ne mette en péril la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption, la LAMat, voire qu'il s'y substitue. Il s'assurera également de l'intégration des travailleurs et des travailleuses indépendantes dans le champ du congé parental. Il s'assurera encore de la mise en question de la durée du congé maternité genevois puisque le texte de l'initiative prévoit que, sur demande commune de deux bénéficiaires de l'assurance, l'Etat garantit la possibilité pour l'un d'entre eux de reporter deux semaines de l'assurance en faveur de l'autre bénéficiaire.

Notre parti relève une fois encore le plus grand défaut du mécanisme, qui est lié au financement obligatoire à parts égales pour les employeurs et les travailleurs et travailleuses. En effet, accorder ledit congé ne sera pas une obligation pour les employeurs; ainsi, les employés et employées se retrouveraient contraints de cotiser pour une prestation dont ils ne seraient pas assurés et dont ils ne bénéficieraient que s'ils remplissent les conditions de ce congé parental.

Pour toutes ces raisons, cette résolution permettrait d'aller de l'avant dans la mise en application d'un congé parental, auquel nous tenons depuis de nombreuses années. En conclusion, nous vous remercions d'accepter ce texte. (Applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les membres du parlement, s'il y a un sujet de société qui nous occupe régulièrement, c'est bien celui du congé parental, et ce depuis 2019 pour ce qui concerne les textes parlementaires ! Il faut le dire, l'invite de cette résolution telle qu'elle est formulée aujourd'hui est obsolète, désuète, puisque depuis le dépôt de cet objet la population genevoise s'est positionnée en juin 2023 en faveur de l'initiative intitulée «Pour un congé parental maintenant !». Mais dans ce texte, il était question du financement du congé parental, non pas du congé parental tout court. Je vous propose donc que nous appelions un chat un chat et que nous n'hésitions pas à demander ce que nous souhaitons, c'est-à-dire un vrai congé parental. La raison pour laquelle j'ai déposé un amendement, c'est que nous ne devons pas tourner autour du pot: demandons maintenant que la législation fédérale soit modifiée afin que ces congés parentaux soient accordés ! Je n'ai rien d'autre à ajouter, je vous remercie.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Cela a été dit, depuis le dépôt de cette résolution en 2019, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts s'agissant du congé parental. Tout d'abord, un congé paternité fédéral de deux semaines a été instauré, mais surtout, l'initiative 184 «Pour un congé parental maintenant !» a été acceptée à Genève en juin de l'année passée. Les travaux de mise en oeuvre de cette initiative vont s'étendre sur plusieurs mois. Le canton de Genève doit notamment obtenir la garantie de la Confédération pour ce nouvel article constitutionnel. Une fois cette garantie fédérale obtenue, il faudra rédiger un projet de loi permettant de mettre en oeuvre l'assurance introduisant un congé parental à Genève. Ce projet de loi devra à son tour être soumis à l'Office fédéral des assurances sociales. Selon les modalités de mise en oeuvre retenues, il conviendra également d'obtenir l'autorisation du Conseil fédéral de confier aux caisses cantonales de compensation la tâche de prélever les cotisations paritaires destinées à financer les allocations parentales et à verser ces prestations. Enfin, il faudra que les caisses de compensation puissent prendre les dispositions organisationnelles et informatiques dictées par l'exécution de ces nouvelles tâches et que les employeurs puissent également effectuer les démarches leur permettant d'assumer leurs obligations, en lien notamment avec le versement des cotisations.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la mise en oeuvre de l'initiative genevoise sur le congé parental prendra encore du temps. Ce qui est par contre évident, c'est que l'Assemblée fédérale est parfaitement au courant qu'elle doit se positionner sur cette question puisqu'elle a reçu de Genève une initiative acceptée par le peuple.

La R 875 demande qu'il soit possible non seulement de mettre en place un congé parental cantonal, mais aussi d'instaurer une allocation pour perte de gain. Ceci est en contradiction avec les modalités prévues par l'initiative 184. Le groupe PLR a donc décidé de refuser la résolution telle qu'initialement rédigée. En revanche, l'amendement du Centre fait sens. Il réaffirme simplement notre volonté de mettre en place un congé parental. C'est ce que nous avons voulu en soutenant l'initiative 184, et c'est la ligne que le PLR continuera de défendre. Si l'amendement du Centre passe, alors nous accepterons volontiers cette résolution. Je vous remercie.

Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président

M. Yves Nidegger (UDC). Plusieurs préopinants l'ont dit, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis le dépôt de cette résolution et plus encore depuis que celle-ci a été rédigée. Pas seulement sous les ponts qui enjambent le Rhône ou l'Arve, mais également sous ceux qui enjambent l'Aar à Berne, où tous ces sujets ont été débattus et redébattus suite à moult propositions venant généralement de la gauche, qui souhaitait étendre le droit au congé dans ce genre de situations.

On a abordé la question sous un angle unique, ce qui fait apparaître l'oxymore contenu dans cette résolution. L'angle dont on a parlé, ce n'est pas celui du congé, mais celui du financement de l'ersatz de salaire que l'on va verser pendant ce congé. Rien ne l'empêche, on a déjà ce système pour l'assurance-maternité à Genève, on peut tout à fait imaginer des compléments de financement cantonaux dans un domaine où le droit fédéral ne l'interdit pas. Mais le fond de la chose n'est pas là: pour que vous ayez à financer une compensation du salaire perdu à raison d'un long congé parental, encore faut-il que le code des obligations, qui régit les rapports de travail, impose à l'employeur l'obligation d'accepter une telle durée de congé parental. Il s'agit là d'une réforme du code des obligations, donc du droit fédéral - c'est un peu sous-jacent quand on demande que soit adoptée une base légale qui le permette, mais encore faudrait-il l'avoir exprimé de manière explicite.

Sachez qu'aux Chambres fédérales, personne n'aurait aujourd'hui le courage de dire qu'il faut changer le code pour prévoir 43 semaines de vacances obligatoires dans ces cas-là, de sorte à rendre obligatoire le congé et à imposer aux employeurs de tolérer cette très longue absence. De plus, on ne saurait pas si cette absence payée serait utilisée, le paiement étant une question séparée, puisque c'est assurantiel. Il faudrait également régler la question de savoir ce qui se passe s'il n'y a pas d'assurance: est-elle obligatoire ou ne l'est-elle pas ? Mais en tous les cas, les employeurs qui engagent quelqu'un devront prendre le risque d'avoir à remplacer leur collaborateur pendant 43 semaines, sans savoir s'il s'agit d'une absence de 42-43 semaines ou de 3-4 semaines, parce qu'après se posera encore la question de la répartition entre les parents. Cela revient à placer les employeurs dans une position d'insécurité telle que, sachez-le d'avance, à Berne, non seulement les milieux patronaux, mais aussi de nombreux autres - et les indépendants encore plus -, sont crispés face à cette proposition. En conclusion, vous pouvez toujours renvoyer cette résolution à l'Assemblée fédérale si vous le voulez, mais à part agacer une fois de plus au nom du canton de Genève, vous n'aurez pas d'autres résultats.

Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente

La présidente. Je vous remercie. Je passe la parole à M. Pfeffer pour dix-sept secondes.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Il a été dit que cette résolution de 2019 était obsolète, qu'elle n'était plus d'actualité. Déposer maintenant un amendement...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. André Pfeffer. ...pour faciliter la mise en vigueur de l'initiative 184 ne me semble pas adéquat, parce que... (Le micro de l'orateur est coupé.)

La présidente. Merci, vous avez terminé. La parole est à Mme Emilie Fernandez pour quatre minutes.

Mme Emilie Fernandez (Ve), rapporteuse de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je n'aurai pas besoin de quatre minutes, je crois que tout a été dit. Je répète simplement que l'objectif visé ici est d'envoyer à Berne un message clair sur cette thématique, qui est une priorité pour les Genevoises et les Genevois. Je vous invite donc une nouvelle fois à soutenir l'amendement ainsi que la résolution.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous recommande à son tour d'accepter l'amendement puis de renvoyer la résolution à l'Assemblée fédérale. Une demande est déjà pendante auprès de la Confédération, le renvoi de ce texte appuiera donc cette requête et renforcera également le signal envoyé par la population lors de l'acceptation de l'initiative sur le congé parental. Je vous remercie.

La présidente. Je vous remercie. Nous nous prononçons tout d'abord sur l'amendement de Mme Patricia Bidaux, qui remplace l'invite à l'Assemblée fédérale de la façon suivante:

«demande à l'Assemblée fédérale

d'instaurer un congé parental,»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 88 oui contre 1 non.

La présidente. Je lance à présent le vote sur la résolution ainsi amendée.

Mise aux voix, la résolution 875 ainsi amendée est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 76 oui contre 11 non et 2 abstentions (vote nominal).

Résolution 875 Vote nominal