République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13186-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Jean Batou, Olivier Baud, Jean Burgermeister, Pablo Cruchon, Rémy Pagani, Pierre Vanek, Salika Wenger modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Garantissons l'indexation des salaires de la fonction publique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 22 et 23 juin 2023.
Rapport de majorité de M. Jacques Blondin (LC)
Rapport de première minorité de M. Olivier Baud (EAG)
Rapport de deuxième minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

La présidente. Au point suivant de notre ordre du jour figure le PL 13186-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil, le rapport de première minorité de M. Olivier Baud ne sera pas présenté. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, si nous avions appliqué immédiatement la loi 13349 que nous avons votée il y a une semaine, ce projet de loi ne serait plus à l'ordre du jour: ce texte a été intégralement signé par des représentants d'Ensemble à Gauche, mais plus aucun de ses répondants n'est présent dans la salle. (Remarque.) Il aurait pu être repris, j'ai compris, merci. (L'orateur rit.) Cela étant, nous allons le traiter.

Je me plais à vous lire l'introduction du rapport. Lors de son audition, M. Batou, premier signataire, a déclaré «que ce projet de loi est d'une grande simplicité et qu'il modifie à la marge la LTrait sur un point précis [...], à savoir la compensation du renchérissement pour les salariés du petit Etat et du secteur subventionné». Vous allez comprendre que la marge n'est pas si mince que ça, puisque en fait, il s'agit d'accorder l'indexation annuelle à tous les fonctionnaires, indépendamment de la situation économique du canton, de retirer les prérogatives du Conseil d'Etat à ce sujet et bien évidemment, s'il devait y avoir des problèmes financiers ou de liquidité, «de modifier [...] l'art. 60, al. 5 de la LIPP en suspendant le bouclier fiscal pour dégager les ressources nécessaires pour compenser intégralement le renchérissement pour les employés de la fonction publique». Vous voyez que la marge n'est pas si mince que ça.

Ce texte envisage deux aspects: les mécanismes salariaux de la fonction publique d'une part et la fiscalité des grandes fortunes de l'autre. Vous ne m'en voudrez pas, Madame la conseillère d'Etat, en tant que rapporteur, je vais reprendre la partie qui concerne votre intervention devant cette commission - vous développerez tout à l'heure, j'imagine; il s'agit de conclusions émises par la commission, nous nous sommes en effet ralliés à votre constat. Vous releviez que, d'une part, les mécanismes salariaux qui sont accordés au personnel et, d'autre part, la fiscalité des grandes fortunes ainsi que le bouclier fiscal constituent les deux aspects de ce projet de loi.

Le sujet principal est la modification de la LTrait, puisque dans le titre même de l'objet dont on discute, c'est la garantie de l'indexation des salaires de la fonction publique qui est mise en avant. Aujourd'hui, l'article 14, alinéa 1, de la LTrait indique que «le Conseil d'Etat est autorisé à adapter au coût de la vie les traitements prévus aux articles 2 et 3» de cette même loi. L'alinéa 2 de ce même article précise que cette modification est possible «à la fin de chaque année, pour l'année suivante». Une marge de manoeuvre est donc laissée au Conseil d'Etat - c'est ce qui se passe aujourd'hui. Or, ce projet de loi transforme cela en obligation, car l'expression «est autorisé» qui figure dans la loi actuelle est supprimée. L'alinéa 8 aborde le deuxième aspect du projet de loi: si la situation économique générale ou des raisons budgétaires impérieuses empêchent le Conseil d'Etat d'assurer la compensation du renchérissement avec ses ressources ordinaires, il peut faire appel à des ressources exceptionnelles, conformément à l'article 60, alinéa 5, de la LIPP. Il y a donc ici un renvoi à la question du bouclier fiscal.

L'objectif manifeste de ce projet de loi est que l'indexation soit traitée dans la LTrait comme l'annuité, c'est-à-dire qu'elle soit automatique, obligatoire et que le Conseil d'Etat n'ait pas de marge de manoeuvre.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Jacques Blondin. Il ne faut pas oublier que si l'inflation est une perte de salaire net pour le personnel et qu'il paraît normal qu'il y ait une compensation en période inflationniste, l'ensemble des charges de l'Etat augmente aussi et il est en général impossible de tout compenser. Priver le Conseil d'Etat de sa marge de manoeuvre rendrait le processus budgétaire beaucoup plus compliqué, puisque l'on prendrait le risque que ce dernier doive servir la fonction publique avant la population.

L'article 14, alinéa 8 actuel, prévoit que «si, en raison de la situation économique générale ou pour des raisons budgétaires impérieuses, le Conseil d'Etat ne peut pas assurer la compensation» économique «du renchérissement [...]», dans ce cas, obligation est faite au gouvernement de consulter les organisations du personnel, comme il l'a fait ces dernières années afin d'aboutir à un accord. Or, ce texte renverse cette logique et prévoit que dans cette situation, le Conseil d'Etat doive disposer de lui-même de ressources financières exceptionnelles.

La modification du bouclier fiscal proposée pose un problème de légalité, puisqu'il n'est pas possible de déléguer la compétence au Conseil d'Etat de suspendre l'application de la loi en fonction de critères externes à cette loi et de critères objectifs quant à la situation économique. Pour rappel, le bouclier fiscal est un taux d'imposition spécifique appliqué à une situation donnée; il relève de l'article constitutionnel qui prévoit un référendum facilité pour les modifications de taux ou d'assiette fiscale.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, outre l'indexation des salaires de la fonction publique, cet objet concerne aussi la fiscalité, puisqu'on envisage de remettre en question le bouclier fiscal. Il touche également aux compétences du Conseil d'Etat. Les décisions prises ces derniers mois au Grand Conseil vont toutefois plutôt dans le sens d'octroyer plus de compétences à l'exécutif que de lui en enlever. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous invite à rejeter fermement ce projet de loi. Merci.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pour mémoire, la situation actuelle conduit au fait que l'indexation des salaires de la fonction publique n'est pas un droit acquis pour les collaborateurs et collaboratrices de l'Etat. C'est précisément ce que vise à changer, corriger, je dirais même, ce projet de loi. Si cette indexation n'est pas un droit acquis, il est quand même intéressant de noter que dans la LTrait, il est indiqué que «si, en raison de la situation économique générale ou pour des raisons budgétaires impérieuses, le Conseil d'Etat ne peut pas assurer la compensation du renchérissement [...], il doit, au préalable, consulter les organisations du personnel ainsi que les autres administrations publiques genevoises». Cette formulation nous laisse entendre que l'indexation des salaires devrait être la règle et la non-indexation rester l'exception, que le Conseil d'Etat devrait dûment justifier auprès des organisations représentatives du personnel.

Force est de constater qu'actuellement, la situation économique est bonne, comme celle des finances publiques, puisque, toutes ces dernières années, nous avons accumulé des excédents aux comptes qui prennent des proportions quasiment jamais vues, c'était du moins le cas l'année dernière. Dans ce contexte, rien ne devrait se mettre en travers de l'indexation des salaires de la fonction publique. Or, que constate-t-on ? En 2022, le Conseil d'Etat a proposé une indexation à 1,3% au lieu de 2,8%, qui était le véritable taux du renchérissement, et en 2023, une indexation de 1% au lieu de 1,4%, le renchérissement réel.

Le deuxième objectif de ce projet de loi est bien sûr d'éviter que cette indexation soit systématiquement... C'est un constat, on le voit chaque année, en tout cas ces deux dernières années: l'indexation des salaires est utilisée par l'exécutif comme une variable d'ajustement budgétaire. Voilà pourquoi ce projet de loi veut introduire le mécanisme de l'indexation comme un droit acquis inscrit dans la loi.

Il n'est en outre pas inutile de rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que l'indexation n'est pas une progression salariale, mais une adaptation des salaires au renchérissement du coût de la vie. C'est donc une mesure qui vise à maintenir la stabilité du revenu réel des employés de l'Etat en période d'inflation, et c'est peu dire qu'aujourd'hui, nous vivons une période de très forte inflation. En l'absence d'indexation ou avec une indexation qui n'est pas complète, qui ne couvre pas la totalité du renchérissement du coût de la vie, on se retrouve de facto avec une baisse de salaire net pour l'ensemble des employés de l'Etat et du secteur subventionné.

Pour conclure, Madame la présidente, je tiens à rappeler aussi le devoir d'exemplarité de l'Etat employeur, non seulement à l'égard de ses propres employés, à qui il doit assurer le maintien de leur revenu réel et de leurs conditions de vie...

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Caroline Marti. ...mais également à l'égard des employeurs du secteur privé, qui, eux aussi, sont appelés à réévaluer les salaires de leurs employés sous la forme d'une indexation, de manière à éviter, de nouveau, la baisse du pouvoir d'achat à grande échelle des travailleuses et des travailleurs.

Je termine, Madame la présidente, en vous signalant que la commission des finances avait proposé de supprimer tout le volet concernant la suspension du bouclier fiscal et que l'amendement figure dans le rapport de minorité de M. Baud, que je reprends à mon compte dans l'éventualité où l'entrée en matière serait acceptée, ce dont je ne doute pas ! Merci, Madame la présidente.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, l'objectif de ce projet de loi est simple: que l'indexation des salaires soit automatique. A ce titre, il s'agit d'indiquer clairement dans la LTrait que le gouvernement doit indexer les salaires.

Pourquoi indexer les salaires ? Il est question d'ajuster les revenus des employés en fonction de l'inflation «en les adaptant» - je cite l'article 14, alinéa 2, nouvelle teneur, qui est proposé - «proportionnellement à l'évolution de l'indice genevois des prix à la consommation, calculée sur la base de la différence entre l'indice du mois d'octobre de l'année précédente et celui du mois d'octobre de l'année en cours». Cette automatisation permettrait d'éviter des tensions, ainsi qu'on l'a déjà dit, des journées de grève suite à des crispations ou des revendications, comme on en voit souvent à Genève, qui ne seraient pas entendues. Tout cela pourrait être évité avec l'indexation automatique. Par ailleurs, cela permettrait à tout le monde d'en bénéficier, que ce soient les fonctionnaires ou encore l'économie de manière générale.

Obtenir une indexation pleine et entière des traitements en fonction de l'inflation est un droit. Lors du débat sur le budget 2024, nous avons pu constater les négociations de pourcentage entre les associations professionnelles, comme le Cartel, et le Conseil d'Etat. Au final, c'est la décision de ce dernier, annoncée en novembre 2023, d'accorder une indexation à 1% qui a été votée, alors que l'inflation s'élevait à 1,4%, ainsi que la rapporteuse de minorité l'a indiqué.

Enfin, dans le plan financier quadriennal 2024-2027, aucune indexation n'est prévue. Il a été présenté en décembre dernier. Pour les quatre prochaines années, aucune indexation n'est prévue, alors qu'on sait que l'inflation va augmenter, même si plusieurs chiffres s'affrontent. Je pense que c'est véritablement le rôle du Conseil d'Etat d'assurer la compensation du renchérissement pleine et entière. Ce projet de loi veut rétablir cette cohérence et surtout la mise en application des lois.

Ce texte est raisonnable, parce qu'il a été amendé, en tout cas il y a eu des propositions d'amendements pour supprimer la contrepartie contenant la modification de la LIPP pour compenser d'éventuelles pertes et la question du bouclier fiscal qui a complètement crispé la droite; on a enlevé cela. Il n'y a donc plus aucune raison de refuser ce projet de loi, qui est tout à fait raisonnable, puisqu'il propose un droit applicable, et de manière automatique, pour éviter ces négociations, ces tensions et, finalement, ces crispations qui finissent en grève et qui ne bénéficient ni au personnel de l'Etat ni à la population. C'est pourquoi les Vertes et les Verts voteront l'entrée en matière. Merci.

M. Yvan Zweifel (PLR). Je rejoins tous ceux qui ont dit ici que l'indexation était un objectif qu'il faut essayer d'atteindre. Lorsqu'il y a une inflation, il paraît effectivement logique que l'on tente de compenser celle-ci en augmentant le salaire de son personnel pour éviter l'appauvrissement de ce dernier. Jusque-là, on est tous d'accord.

Cependant, cela fonctionne à l'image d'une entreprise: celle-ci voudrait augmenter le salaire de son personnel en période d'inflation, mais ne le pourrait pas, parce que son chiffre d'affaires diminuerait (l'inflation ne touche pas seulement les personnes, mais également le matériel, par exemple, qu'achète une entreprise); elle se trouve parfois dans la situation de ne pas pouvoir le faire. Cela fonctionne aussi à l'image d'une famille qui souhaiterait prendre des vacances plus loin que là où elle le fait d'habitude, mais qui voit ses moyens diminuer et ne peut dès lors pas mettre plus de moyens; elle ne le fait tout simplement pas, parce que le bon sens indique qu'on regarde d'abord ce que l'on gagne ou ce que l'on pourrait gagner avant de déterminer ce que l'on dépense ou ce que l'on pourrait dépenser.

Mesdames et Messieurs, je souris, parce qu'on dit que ça doit être automatiquement adapté. Or, que se passerait-il si on n'a pas une inflation mais le contraire ? Si, tout d'un coup, on baissait le salaire des fonctionnaires, combien seraient dans la rue ? Jusqu'à présent, on ne l'a pas fait, on a pourtant connu des années avec une inflation négative, et personne ne s'en est plaint, puisqu'on n'a pas baissé le salaire des fonctionnaires. Ça, évidemment, on le tait, on le cache, on n'en parle pas, à dessein, j'imagine. Je serais quand même intéressé de voir ce qui se passerait dans ces cas de figure.

Je rappelle aussi qu'en plus de l'indexation, les fonctionnaires profitent d'une autre forme d'augmentation, nommée annuité. Elle n'est pas pour tout le monde, elle est basée sur un certain système, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une augmentation. S'il y a indexation plus annuité, alors l'immense majorité des fonctionnaires touche une augmentation supérieure à celle de l'inflation, avec les conséquences que cela peut impliquer.

L'alternative serait de trouver un financement; c'est ce qu'a proposé le rusé M. Batou avec la suppression du bouclier fiscal. On l'a compris, c'est inapplicable: en effet, cette mesure, si tant est qu'elle puisse entrer en vigueur, serait appliquée non pas l'année de l'indexation mais au plus tard l'année d'après en raison des recours et des référendums. Autrement dit, l'année de l'indexation, on ne pourrait pas avoir le financement nécessaire. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En conséquence de quoi, on ne pourrait pas le prévoir au budget. La proposition faite ici est donc tout simplement nulle et non avenue. Je subodore que l'auteur le savait et qu'au fond, il s'en moquait; il avait l'intention à la fois de taper sur les contribuables les plus riches et de faire plaisir à son électorat. Mal lui en a pris; le peuple lui a répondu en avril dernier.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Yvan Zweifel. Mesdames et Messieurs, il s'agit de refuser un carcan qui limite la marge de manoeuvre du Conseil d'Etat, de garder cette marge de manoeuvre. Oui, c'est une variable d'ajustement, il faut le regretter...

La présidente. Merci.

M. Yvan Zweifel. ...mais on n'a pas le choix, c'est le bon.... (Le micro de l'orateur est coupé.)

M. François Baertschi (MCG). Un projet de loi qui demande une hausse d'impôts ! Un nouveau projet de loi ! Encore ! Une nouvelle hausse d'impôts qui, comme d'habitude, est proposée par un groupe parlementaire qui n'est plus parmi nous. Qu'avons-nous comme prétexte, cette fois-ci ? L'indexation. Qui refuserait l'indexation du personnel ? Le MCG, en particulier, s'est battu pour l'indexation la plus importante possible dans le budget 2024. C'est ce que nous avons fait, et nous défendrons à chaque fois la nécessité de cette indexation; mais ce projet de loi est une ruse. Sa seule finalité est de demander une augmentation d'impôts ciblée sur les plus fortunés, et on sait où finissent ces propositions néfastes. Au lieu d'augmenter les revenus, on assèche les rentrées fiscales, selon la maxime bien connue «trop d'impôts tue l'impôt». Bis repetita, bis repetita. Ça va continuer sur quelques sujets, avant que nous ayons terminé l'examen de ces projets de lois.

Vous l'aurez donc compris, le groupe MCG refusera ce texte et n'ira pas dans cette voie dangereuse. Elle est dangereuse autant pour les finances publiques que pour l'avenir de la fonction publique, qui dépend d'un financement équilibré. Celui-ci n'émerge pas d'une vision excessive d'une certaine gauche qui a perdu le sens des réalités ni d'une certaine droite qui a perdu le sens des responsabilités, car l'une et l'autre font malheureusement fausse route, n'ayant pas l'intelligence de trouver une solution équilibrée au profit de tous. Cette solution équilibrée, Genève peut l'obtenir, il suffit d'un peu de bon sens et d'un peu de modération. Mesdames et Messieurs les députés, soyons raisonnables à propos de ce projet de loi, refusons-le; soyons aussi raisonnables à propos d'autres projets de lois qui viennent de l'autre partie de l'hémicycle et qu'il faudra bien évidemment refuser également.

M. Stéphane Florey (UDC). En ce qui nous concerne, nous refuserons ce texte. Pour nous, clairement, il s'agit de négociations employé-employeur, et le système qui existe aujourd'hui nous satisfait entièrement. Par contre, vous le savez, car nous sommes déjà intervenus sur divers sujets qui concernent les salaires de la fonction publique - j'envoie un message que vous transmettrez aux bancs d'en face, Madame la présidente -, l'UDC pourrait être ouverte à une solution qui ne serait pas aussi automatique que ce que propose ce projet de loi; nous serions prêts à entrer en matière, mais pas sans contrepartie.

La contrepartie, je vous la redonne volontiers, mais vous la connaissez déjà: l'UDC veut aligner le temps de travail de la fonction publique sur ce qui ce se fait dans les autres cantons, à savoir 42 heures par semaine. Nous serions prêts à nous montrer ouverts, ainsi que vous le demandez régulièrement. Ce serait une solution qui pourrait nous convenir, mais pas avec ce type de mesure, clairement, car cette proposition est trompeuse et inacceptable. Voilà ce que je voulais envoyer comme message. Nous refuserons donc ce projet de loi. Merci.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, avec ce projet de loi, la question est assez simple: voulons-nous garantir, oui ou non, l'indexation pour les employées et les employés de l'Etat de Genève ? Pour le parti socialiste, la réponse est très claire: oui, nous voulons garantir cette indexation et nous voulons que, comme l'annuité, elle soit automatique et obligatoire. Madame la présidente, vous transmettrez à mon collègue du MCG qui vient de s'exprimer et qui a parlé des deux pendants de ce projet de loi: comme il y a un amendement pour supprimer la question du bouclier fiscal, vous ne pouvez plus vous cacher derrière l'éventualité d'une augmentation d'impôts due à la suppression de celui-ci, car si l'amendement est voté - et nous vous encourageons à le faire -, il ne s'agira dès lors plus que de répondre à la question déjà posée: est-ce que l'on veut garantir cette indexation ?

Pourquoi veut-on garantir cette indexation ? Parce qu'en période d'inflation, M. Zweifel l'a fait remarquer, sans indexation des salaires, vous avez une perte nette de salaire. Qui, aujourd'hui, est d'accord d'avoir une perte nette de salaire ? Qui - vous transmettrez, Madame la présidente - sur les bancs de la droite, avec de beaux discours, a eu l'année passée ou l'année d'avant une perte nette de salaire ? Je propose aux gens de lever la main pour que tout le monde puisse bien le voir. Je crois que personne ne lève la main; au vu des réponses, j'estime que personne n'a eu de perte nette de salaire, ce qui devrait également être le cas pour la fonction publique du canton de Genève.

Bien entendu, nous ne voulons pas opposer les employés de la fonction publique... Ah, il y en a deux qui lèvent la main. Excusez-moi ! Je rectifie: trois, quatre. Très bien ! (L'orateur rit.) Avec ce projet de loi, nous ne voulons bien évidemment pas opposer la fonction publique et le privé. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est pour ça que nous revendiquons aussi, avec les syndicats, dont l'USS, une indexation des salaires dans le secteur privé. Ce n'est pas une question budgétaire, je termine avec ce point, parce que le temps a passé très vite; quand on voit les résultats des comptes de ces dernières années, des comptes 2023...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Thomas Wenger. ...on sait qu'aujourd'hui, le canton de Genève a les moyens de l'indexation. C'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter oui à ce projet de loi et à garantir l'indexation à la fonction publique. Merci.

La présidente. Merci bien. Je donne la parole au rapporteur de majorité pour une minute.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je souhaiterais simplement rappeler à cette assemblée que lors des débats à la commission des finances, on s'est réellement demandé quel était l'objectif principal d'Ensemble à Gauche et de M. Batou: est-ce que c'était le bouclier fiscal ou le salaire de la fonction publique ? Je voudrais juste vous citer une phrase du rapport: «[...] il s'agirait de suspendre le bouclier fiscal pour dégager les ressources nécessaires au maintien du salaire réel des employés de l'Etat, et ce au détriment des 3000 multimillionnaires qui profitent aujourd'hui de cette niche fiscale.»

Evidemment, dans la discussion, et cela ne vous a pas échappé, la rapporteure de minorité n'a pas parlé de ça, sauf à propos de l'amendement. En dernier recours, quand Ensemble à Gauche a vu que courir deux lièvres à la fois aurait amené le projet de loi à être shooté, il est venu avec un amendement qui proposait de supprimer la question du bouclier fiscal. Cela ne changerait rien au problème du Conseil d'Etat: si ce texte était voté, celui-ci se retrouverait à devoir prioriser les dépenses et il n'aurait plus le choix. Il faut refuser ce projet de loi; ce n'est pas au détriment de la fonction publique, ce sont les mécanismes. Merci.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande de refuser ce projet de loi, d'abord parce qu'il souhaite garder sa marge de manoeuvre s'agissant de l'indexation. J'aimerais rappeler qu'en 2022, pour le projet de budget 2023, nous avions trouvé un accord complet avec la fonction publique et que celui-ci a été repris d'une façon un peu différente par le Grand Conseil. Il ne faut donc pas dire que nous méprisons la fonction publique. Nous négocions avec elle et nous nous asseyons autour de la table. Les propos du rapporteur de majorité sont exacts: à un moment donné, si nous nous imposons ce mécanisme automatique, nous pourrions avoir à choisir entre des prestations à la population et une indexation automatique, parce que l'indexation n'a pas seulement d'effets, dans le cadre du projet de budget, sur l'année suivante, mais elle a aussi un effet au cours de toutes les années à venir. Chaque indexation implique une augmentation des charges de personnel dans le budget de l'Etat, avec les effets qui l'accompagnent.

Comme on le sait, Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a pas que l'indexation. J'ai toujours été favorable, en particulier s'agissant de l'annuité, à ce que nous traitions correctement nos collaborateurs et collaboratrices. Je pense que c'est la moindre. A ce propos, je rejoins les propos de la rapporteure de minorité quant au côté exemplaire que doit avoir l'Etat. Mais à un moment donné, on ne peut pas avoir une indexation - l'annuité, quant à elle, est prévue par la loi et doit pouvoir être maintenue, c'est un mécanisme automatique -, de nouvelles et de nouveaux collaborateurs en nombre important et de nouvelles prestations. En outre, il faut également faire face, Mesdames et Messieurs, à des demandes toujours plus importantes de nouveaux éléments en faveur de la fonction publique.

Le Conseil d'Etat vous recommande de refuser ce projet de loi, sans compter que - j'ai fait exprès de ne pas en parler, car il semblerait qu'un amendement supprime cet élément - cet objet est, lui aussi, fondé sur le fait qu'on prend aux plus riches de ce canton, qui sont déjà les plus taxés de l'ensemble de la Suisse. J'ai pour vous un chiffre important à ce propos. Parmi les plus riches de ce canton, sur plus de cinq cent mille habitantes et habitants, 490 contribuables génèrent 21% de l'impôt sur le revenu que nous récoltons, cela, Mesdames et Messieurs, malgré le bouclier fiscal - et ça ne comprend pas l'ensemble des contribuables, parce que certains d'entre eux ne sont pas domiciliés dans le canton, mais comme ils y travaillent, ils y payent des impôts. C'est dire si nous devons être attentifs à ne pas encore fragiliser ces revenus et ces contribuables et à faire en sorte que ceux-ci restent dans notre canton. Je vous remercie, Madame la présidente.

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13186 est rejeté en premier débat par 65 non contre 32 oui.