République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13185-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Pierre Vanek, Jean Batou, Olivier Baud, Jean Burgermeister, Pablo Cruchon, Salika Wenger, Rémy Pagani modifiant la loi relative à la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (LDIRPP) (D 3 06) (Défendons nos prestations sociales et nos services publics : les revenus imposables supérieurs à 300 000 francs n'ont pas besoin d'un rabais d'impôts de 12%)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 2 et 3 mars 2023.
Rapport de majorité de Mme Véronique Kämpfen (PLR)
Rapport de minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Premier débat

La présidente. Nous reprenons notre ordre du jour et passons au PL 13185-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Véronique Kämpfen.

Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité. Merci beaucoup, Madame la présidente. Le PL 13185 entend revenir sur la baisse d'impôts sur le revenu des personnes physiques de -12%, qui date de 1999. Il ne veut pas la supprimer pour tous les contribuables, mais uniquement pour ceux disposant de plus de 300 000 francs de revenus. A noter qu'une suppression par paliers pour les revenus entre 250 000 et 300 000 francs est prévue. Ce projet de loi devrait ramener 170 millions de francs par an au canton.

Depuis que les impôts sur le revenu ont été baissés de 12%, en 1999, les recettes fiscales des personnes physiques à Genève n'ont cessé d'augmenter, dans une proportion qui dépasse largement l'accroissement de la population. Entre 2003 et 2021, les recettes fiscales cantonales ont ainsi progressé de 88%, alors que la population a augmenté de 19%.

Le projet de loi 13185 n'entend pas toucher les impôts de toutes les personnes physiques. Non, il vise à augmenter les impôts des personnes à revenus élevés, dès 250 000 francs, de qui provient aujourd'hui déjà l'essentiel des recettes fiscales. Par exemple, les contribuables ayant plus de 300 000 francs de revenu imposable, qui représentent 1,9% du total et qui paient 31,6% des impôts sur le revenu, verraient leurs impôts augmenter de 13,5%. Pourquoi 13,5% et pas 12%, me direz-vous ? Pour une subtile raison de centimes additionnels cantonaux et d'impôt de base dont je vous épargne ici le calcul - cela se trouve à la page 7 du rapport, pour celles et ceux qui sont intéressés -, qui viendra encore alourdir la charge fiscale.

A noter que la pyramide fiscale est extrêmement fragile à Genève. Les ménages ayant un revenu imposable inférieur ou égal à 40 000 francs représentent 38% des contribuables et ne produisent que 3% des recettes fiscales. Il faut tout mettre en oeuvre pour conserver les rentrées fiscales des personnes à hauts revenus, ce d'autant plus qu'à l'impôt sur le revenu s'ajoute l'impôt sur la fortune. A Genève, il est le plus élevé de Suisse et touche largement les mêmes contribuables. Les chiffres sont encore plus impressionnants, puisque 78,5% de l'impôt sur la fortune est payé par 2,9% des contribuables.

Ce projet de loi vise un peu moins de 9000 contribuables, qui ramènent 1,1 milliard de francs dans les caisses de l'Etat. Risquer de perdre ces revenus, qui représentent un dixième du budget du canton, est inconsidéré et dangereux. Les prestations sociales dépendent directement de ces rentrées fiscales. Il faut s'atteler à conserver à Genève les contribuables qui les paient au lieu de faire fuir celles et ceux qui contribuent directement à la générosité de l'Etat. La majorité de la commission fiscale vous invite donc à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, la minorité vous invite à soutenir ce projet de loi, qui honore en quelque sorte un principe cardinal des impôts en Suisse, à savoir la progressivité, selon un certain taux de progression de l'impôt. En effet, si vous regardez les courbes d'imposition, vous constaterez que cette courbe monte très fortement pour les revenus des classes moyennes et puis s'aplatit pratiquement pour les grands revenus, créant ainsi une injustice fiscale crasse. Le principe énoncé dans ce projet de loi vise donc simplement à revenir sur cette attaque contre la progressivité de l'impôt, qui avait été votée en 1999, Mme Kämpfen l'a rappelé, à l'occasion d'une initiative du PLR.

Vous le savez, on l'a entendu lors de certains de nos débats, d'aucuns disent toujours qu'il faut rembourser la dette: eh bien cette dette aurait été pratiquement remboursée si ce texte PLR n'avait pas été voté. Je sais - vous transmettrez à notre camarade éloigné, M. Charles Poncet, qui a fait tout un discours, un laïus sur le fait de transmettre la dette à ses enfants - que si ce projet de loi PLR n'avait pas été voté et si vous votez l'objet dont nous débattons, la dette, assez rapidement, serait remboursée.

Enfin, Mme Kämpfen l'a également dit, c'est moins de 3% des contribuables les plus riches qui seraient impactés, potentiellement 9000 contribuables; ce sont ceux qui peuvent le plus facilement payer cet impôt dans une période de crise, de difficultés, durant laquelle la plupart des ménages genevois ont de la peine à joindre les deux bouts. Là, on va de manière extrêmement ciblée et précise toucher ceux qui peuvent se le permettre, ceux qui ont des revenus, je dirais, tellement élevés que cette imposition n'aura qu'un effet marginal - en moyenne 13% - sur leurs impôts et qui peuvent donc se le permettre. A un moment où on demande toujours plus d'efforts à la classe moyenne en raison de l'inflation et, vous le savez, des loyers, on a ici un moyen ciblé de toucher les personnes qui peuvent absolument se permettre cet effort.

Je terminerai en disant que 170 millions, pour l'Etat, ce sont des prestations publiques, des prestations pour la population dont elle a besoin: l'aide sociale, le SPMi, mais aussi la nécessaire transition écologique, qui est réclamée aujourd'hui. Mesdames et Messieurs, c'est un projet pragmatique, qui ne fera pas fuir 9000 contribuables, contrairement à ce que la droite prétend toujours, et quand bien même quelques-uns décideraient d'aller vivre dans un autre canton - ce qui n'est absolument pas établi: ça, c'est une chimère, car pourquoi ne sont-ils pas aujourd'hui déjà à Uri, à Schwytz ou à Zoug ? -, la compensation solidaire de ceux qui paieraient plus compenserait largement le risque que vous souhaitez prendre.

J'ajouterai un dernier argument: l'impôt, vous le savez, est quelque chose qui s'adapte, et, en cas d'exode qui serait trop important, nous pourrions très bien, d'ici une année ou deux, si les théories, les supputations de la droite s'avéraient exactes, ramener l'imposition à un taux plus bas et ainsi - si ce mécanisme est aussi aisé qu'elle le prétend - faire revenir ces personnes qui seraient parties. Mesdames et Messieurs, nous vous invitons donc à voter ce projet de loi, qui soutient la justice sociale et qui respecte le principe de proportionnalité de l'impôt. Merci. (Applaudissements.)

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Pour traiter de ce projet de loi, je vais rebondir sur l'intervention de notre conseillère d'Etat au sujet du précédent objet, qui, il faut en convenir, était relativement proche de celui dont nous débattons, vu que, comme l'a très bien dit le rapporteur de minorité, il proposait d'augmenter la progressivité des impôts sur le revenu. La conseillère d'Etat a affirmé que ces projets polluaient notre ordre du jour - ce sont les mots qui ont été prononcés: nous devons admettre que nous avons été assez choqués, d'un côté par l'irrespect de la séparation des pouvoirs, car, en définitive, il appartient bien aux députés de déposer les projets de lois qui correspondent à leurs idées, mais de l'autre également par l'emploi du terme «polluer», parce que, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui pollue véritablement notre air, notre eau, notre terre, ce ne sont pas les projets de lois qui visent à plus de justice sociale et de justice fiscale, ce sont précisément les gens qui ont tellement d'argent qu'ils ne savent pas quoi en faire. Les études se sont multipliées qui démontrent que chaque franc de revenu marginal équivaut à autant de gaz à effet de serre et d'autres substances polluant notre atmosphère - vous avez sans doute pris connaissance de la page entière du «Temps» de mardi passé qui faisait, une fois de plus, cette démonstration.

Dans la même intervention, notre conseillère d'Etat nous a dit recevoir un certain nombre de contribuables dans son bureau qui se plaignaient de l'imprévisibilité du système fiscal, imprévisibilité notamment liée au fait que des groupes ont l'audace, l'outrecuidance de déposer des projets visant précisément à améliorer ce système fiscal ! Mesdames et Messieurs les députés, nous aussi nous rencontrons des gens qui se font du souci quant à l'imprévisibilité de leur vie: nous avons rencontré sur nos stands, dans notre arcade des Verts, des mères célibataires qui, par exemple, se demandent si elles doivent reporter leur rendez-vous chez le dentiste parce que le mois prochain c'est l'anniversaire du petit et elles veulent avoir suffisamment pour lui offrir un cadeau; nous avons rencontré des couples de retraités qui n'ont pas de treizième rente AVS et qui doivent renoncer à leurs loisirs parce que les loyers augmentent; nous avons aussi rencontré des nettoyeurs payés au salaire minimum qui se font du souci en matière de prévisibilité parce que le Parlement fédéral, via une motion de droite, menace de supprimer ce salaire minimum.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous qui aspirons à une justice climatique, environnementale, qui est nécessairement liée à une justice sociale et donc à une justice fiscale, estimons que ce projet est en réalité parfaitement proportionné, qu'il est tout à fait adéquat, raison pour laquelle nous vous invitons à le soutenir. (Applaudissements.)

M. Sébastien Desfayes (LC). Chers collègues, j'ai noté que notre ancien collègue Philippe Morel avait cité le cardinal Richelieu; je serai plus modeste dans mes références, je citerai mon camarade de parti et néanmoins ami Jean-Marc Guinchard, pour vous donner mon appréciation de ce projet de loi: je vous dirai que je l'ai parcouru d'une fesse distraite !

En fait, je pensais que c'était un projet de loi du député Batou; non, il n'est que deuxième signataire, le premier étant Pierre Vanek. Mais finalement, si ce n'est l'un, c'est l'autre, et le but est le même, augmenter les impôts, et pire encore ici, revenir sur une décision du peuple. (Remarque.) La gauche nous dit souvent, par rapport au PAV notamment, qu'il ne faut pas revenir sur les votations populaires. Pourtant, nous avons voté en 1999 à une écrasante majorité cette baisse d'impôts sur laquelle la gauche veut revenir aujourd'hui. Parmi les initiants de l'époque - et en réalité c'était même le premier d'entre eux -, il y avait le plus grand député que le Grand Conseil ait connu, très certainement, à savoir Michel Halpérin. J'ai retrouvé une interview de lui - le journaliste du «Temps» était d'ailleurs François Longchamp -, et il est frappant de constater combien il était visionnaire: il annonçait déjà que cette diminution d'impôts, loin de diminuer les recettes fiscales, allait les augmenter.

Michel Halpérin nous avertissait aussi des dangers de la surtaxation des riches en disant ceci: «[...] si l'on tue la poule aux oeufs d'or, il n'y aura plus d'oeufs. Quand vous serez dans une société où il n'y aura plus assez de riches pour payer les besoins de l'autre fraction de la population, vous aurez perdu sur toute la ligne.» Pourtant, c'est très certainement la volonté des auteurs de ce projet de loi, à savoir tuer sciemment - c'est une volonté politique - la poule aux oeufs d'or, parce que le rêve poursuivi par les auteurs de ce texte, c'est d'assurer totalement, pour ne pas dire totalitairement, l'égalité, de faire en sorte de créer une société où tout le monde serait pauvre et où l'Etat serait le seul agent - l'agent public - du bonheur de la population.

Ce n'est évidemment pas cette société dont nous avons besoin et qui nous fait rêver. Nous allons donc bien entendu refuser ce projet de loi, et je répète qu'aujourd'hui, ce dont Genève a besoin, c'est plutôt d'une baisse d'impôts sur le revenu des personnes physiques. Merci. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous continuons cette séance dans la même veine que la dernière: les cryptomarxistes ne sont pas à une idée près et reviennent toujours à la charge avec de nouveaux impôts, ce n'est même pas une thérapie de groupe, c'est une névrose qui continue ! (Remarque.) C'est quelque chose d'absolument hallucinant, et revenir une fois de plus sur une votation... Vous êtes toujours les premiers à nous dire que si le peuple s'est prononcé, il ne faut pas revenir sur cette décision; en l'occurrence, le peuple avait voté en 1999 cette baisse d'impôts, il ne faut pas l'oublier. Evidemment, il va falloir dire non à l'entrée en matière sur ce projet de loi, mais je citerai Benjamin Franklin: il faut plumer l'oie, lui enlever les plumes l'une après l'autre - c'est ce que veut toujours faire la gauche. Par conséquent, merci de refuser l'entrée en matière sur ce texte.

M. Yvan Zweifel (PLR). D'autres l'ont dit avant moi, on a droit aux queues de comète des super projets de nos anciens collègues d'Ensemble à Gauche ! Il est temps de les liquider, c'est ce que nous allons évidemment faire. Je ne vais pas revenir sur les chiffres qu'a évoqués la rapporteure de majorité, mais ils sont extrêmement clairs: grâce à cette baisse de 12%, une augmentation des recettes fiscales quatre fois supérieure à l'augmentation de la population. M. Thévoz nous disait tout à l'heure: «Ah, si on n'avait pas fait ça, on aurait encore plus !» Mais c'est ça, la chimère ! Une chimère, c'est prétendre quelque chose qu'on ne peut pas démontrer parce que ce n'est pas arrivé, alors que ce qui est arrivé, c'est qu'en baissant les impôts, on a eu des recettes fiscales en augmentation de manière quatre fois supérieure à l'augmentation de la population, ce qui ne serait évidemment pas arrivé si on avait gardé ces impôts plus élevés - voilà la réalité.

Je tiens à rappeler - Mme Kämpfen l'a dit - que ça concerne 9000 contribuables pour 1,1 milliard de recettes. Si vous divisez ça par le salaire moyen et les charges patronales moyennes des fonctionnaires, ça représente 7300 ETP. Il y a donc 9000 contribuables qui paient le salaire de 7300 ETP, c'est-à-dire 40% du petit Etat. Puis M. Thévoz disait qu'il faut absolument défendre la progressivité de l'impôt; bonne nouvelle, Monsieur Thévoz, nous sommes le canton le plus progressif puisque c'est à Genève que le taux marginal est le plus élevé - 46% - de tout le pays, idem pour la fortune. On le sait, la conseillère d'Etat ne cesse de le répéter: on a une entrée très tardive dans le barème, ce qui aide justement les petits revenus, et ça se rattrape massivement pour les plus hauts revenus.

M. Wenger, votre collègue de parti, aime bien faire des comparaisons avec Lausanne, il prend toujours un exemple... (L'orateur insiste sur le mot «un».) ...au lieu de prendre la statistique globale, parce qu'évidemment, ça l'arrange. Avec un contribuable qui gagne 200 000 voire 250 000 francs, effectivement, celui-là paie plus d'impôts à Lausanne, parce que précisément à Genève, même pour ceux-là, on est encore assez généreux, mais c'est ensuite qu'on se rattrape, sur ces 9000 contribuables que vous voulez assommer avec encore un petit coup supplémentaire.

Puis, la tactique, vous l'avez très bien évoqué, Monsieur Thévoz, est fabuleuse: vous nous expliquez que ce n'est pas grave s'il y en a quelques-uns qui partent - car vous savez pertinemment qu'il y en a qui vont partir -, parce que ce sera compensé par les autres. Ces autres se diront: «Mais bon sang, pourquoi est-ce que je suis resté puisqu'il n'y a plus que moi qui paie ?» et ils partiront à ce moment-là. Alors vous les traiterez de tous les noms et vous irez expliquer à la population qu'il faut taper sur la classe qui est juste en dessous, parce que ce sont eux les derniers salauds de riches qui restent - alors ils sont un peu moins riches que les autres salauds que vous avez fait partir, mais eux, comme ils sont toujours là, on va leur taper dessus encore un peu plus. Puis, quand ils partiront, ce sera sur la tranche d'en dessous qu'il faudra encore taper.

Mesdames et Messieurs, vous avez compris la méthode socialiste ou d'extrême gauche, il faut évidemment la refuser; c'est le contraire qu'il faut faire, une baisse de 12% nous a rapporté des recettes fiscales complémentaires, nous ferons de même avec la baisse d'impôts que nous avons proposée dernièrement. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Sandro Pistis (MCG). Il est vrai que pendant cinq ans, nous avons subi dans ce Grand Conseil un acharnement sur celles et ceux qui paient des impôts, sur des personnes que l'on considère comme des riches. Il est vrai que durant cinq ans, nous avons créé une instabilité politique, un terrorisme fiscal voulu par l'extrême gauche. Il est vrai qu'aujourd'hui, cela doit cesser !

Certains pays pratiquent cette instabilité politique, ce terrorisme fiscal. Quelles sont les conséquences, Mesdames et Messieurs ? Les gens en ont ras le bol ! Celles et ceux qui paient des impôts quittent ces pays pour aller sous des cieux plus accueillants. Mesdames et Messieurs, le groupe MCG ne soutiendra pas ce projet de loi.

Je voudrais faire une petite comparaison: cette instabilité politique est voulue par l'extrême gauche, mais on retrouve malheureusement encore aujourd'hui une situation similaire avec le PLR, qui crée, lui, une instabilité politique au niveau de la fonction publique.

Nous espérons que toutes ces attaques, cet acharnement sur des groupes, que ce soit les riches ou les fonctionnaires, cessent un jour ! Le groupe MCG vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Il n'y a plus de demande de parole de la part de députés. Je donne la parole aux rapporteurs, en commençant par le rapporteur de minorité.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Merci, Madame la présidente. Quelques prises de parole, mais peu d'arguments: beaucoup d'invectives, voire du mépris, de la part de la droite, qui, c'est vrai, a mal supporté - et pourtant, on est en démocratie - des projets de lois qui visaient à atteindre plus de justice fiscale et à défendre l'Etat dans une période de crise, de précarisation. C'est dommage, le débat est intéressant, et il va se poursuivre encore longtemps, parce que face à une volonté de baisser les impôts pour les plus fortunés, face à une volonté de faire maigrir l'Etat, face aux conséquences pour la population, il y aura toujours des groupes, des voix pour déposer des projets de lois et des initiatives.

Alors on nous oppose le vote populaire de 1999; je vous opposerai l'initiative «Zéro pertes», qui, à l'occasion d'une votation populaire, a modifié l'article 155, alinéa 6, lettre c, de la constitution et a demandé justement que la progressivité de l'impôt soit renforcée. Ici, on est à Genève, Monsieur Zweifel, donc si d'autres cantons font autrement, la population souhaite ici une progressivité de l'impôt renforcée - c'est en tout cas comme ça qu'elle a voté à l'occasion de l'initiative «Zéro pertes».

Enfin, on nous dit toujours qu'il y a eu plus de ressources fiscales: oui, il y a eu plus de ressources, mais est-ce que cela est lié aux baisses continues qu'a voulues le PLR ? Non, c'est lié à une croissance extraordinaire dont Genève bénéficie extraordinairement au niveau européen et grâce aux travailleurs, à ceux que la droite souvent méprise en disant: «Plus de 30% ne paie pas d'impôts»; peut-être que c'est le cas, mais un certain nombre de ces personnes s'occupe des enfants, un certain nombre soigne les gens, un certain nombre cumule les travaux que certains ne veulent plus faire, et c'est eux qui créent en partie la richesse et l'attractivité.

Par conséquent, oui, Monsieur Zweifel, vous faites erreur: si on avait maintenu des taux d'impôts supérieurs, on aurait eu des ressources encore supérieures et, évidemment, on aurait pu rembourser la dette; on ne se retrouverait pas aujourd'hui avec les scandales qu'on a connus dans certains foyers, on ne serait pas aujourd'hui à ne pas pouvoir accueillir dans certains lieux des personnes en précarité ou à avoir un système de santé à deux ou trois vitesses, avec certains qui ne peuvent même plus se soigner.

Le constat est donc assez clair, il ne peut que se renforcer. Les arguments, la droite en accumule peu: elle dénigre, elle méprise, mais à un moment viendra le temps d'une plus grande justice fiscale, et nous continuerons à aller dans ce sens-là. Nous vous invitons à réfléchir et à voter ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Madame la rapporteure de majorité, il vous reste vingt secondes.

Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Genève est un canton spécial, avec un équilibre fiscal mais aussi social fragile, l'un ne va pas sans l'autre. Je pense qu'il ne faut pas les mettre en péril aujourd'hui, et donc refuser ce texte, qui justement menace ces deux équilibres allant de pair. Je vous remercie.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous surprendrai pas en vous indiquant que le Conseil d'Etat vous recommande le refus de ce projet de loi. J'aimerais revenir sur quelques éléments qui ont été avancés par les uns et les autres.

S'agissant - Madame la présidente, vous transmettrez - de l'orateur des Verts, qui semble indiquer que finalement la conseillère d'Etat que je suis se moquerait de celles et ceux qui ne peuvent pas boucler leurs fins de mois, et en particulier des mères célibataires qu'il cite, j'aimerais rassurer cet intervenant, lui dire que je les rencontre également, et lui dire surtout, Madame la présidente, que c'est grâce aux recettes fiscales exceptionnelles que nous avons, grâce à ces contribuables qui paient - et je reviendrai sur ces chiffres, Mesdames et Messieurs les députés - des impôts plus élevés qu'ailleurs dans l'ensemble des cantons, que c'est bien grâce à ces contribuables que nous pouvons financer une aide suffisante pour ces personnes, une aide que nous pourrions effectivement peut-être augmenter pour certains, mais ce n'est pas en lien avec le fait que ces contribuables doivent payer plus.

Et puis, lorsqu'on nous dit aujourd'hui - vous transmettrez, Madame la présidente, c'était dans l'intervention du rapporteur de minorité - que finalement, si nous avions des impôts supérieurs pour cette classe de riches contribuables, il ne se serait pas passé ce qu'il s'est passé dans les foyers, Mesdames et Messieurs les députés, c'est purement mensonger: le rapport de la commission de contrôle de gestion l'a bien indiqué, ce n'était pas une question de moyens, mais bien une question de gouvernance et d'organisation. Alors reprocher publiquement aujourd'hui que c'est parce que nous manquons de moyens que nous avons des enfants qui ont pu être maltraités, c'est tout simplement honteux et je m'y oppose formellement.

S'agissant maintenant, Madame la présidente, des différents barèmes de ces très riches contribuables, j'aimerais confirmer aujourd'hui que les très riches contribuables paient plus d'impôts sur le revenu dans notre canton que partout ailleurs... (L'oratrice insiste sur le mot «partout».) ...dans les autres cantons. Nous sommes les champions en la matière, et je vais vous donner également quelques chiffres qui vous surprendront: un célibataire sans enfant, dès 125 000 francs de revenus bruts, se trouve, lorsqu'il vit à Genève, dans un canton qui se situe à la 24e place des 26 cantons en matière d'imposition; un célibataire avec deux enfants, dès 150 000 francs, vit dans un canton qui se situe entre la 16e et la 22e place, puis à la 24e à partir du moment où ce célibataire, avec deux enfants, gagne plus de 400 000 francs. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes déjà... (Remarque.) Si, 400 000 francs, nous sommes dedans ! Pour 400 000 francs, nous sommes à la 24e place. Pour une personne mariée sans enfant, dès 400 000 francs, nous sommes également à la 24e place. Pour une personne mariée avec deux enfants, nous atteignons très rapidement, dès 250 000 francs, entre la 22e et la 24e place. Ce sont justement les catégories que vous voulez taxer.

J'aimerais rappeler un autre élément, Mesdames et Messieurs les députés: on se plaint que nous traitions avec mépris certaines personnes qui ne paient pas d'impôts. J'aimerais là aussi m'inscrire en faux: bien au contraire, c'est suite à des réformes défendues par le Conseil d'Etat, par la droite de ce parlement, que nous avons des seuils d'assujettissement aussi élevés et que nous avons 36% de la population de notre canton qui ne paie pas d'impôts; c'est bien parce que ces personnes peuvent déduire toute une série de montants qu'elles n'en paient pas. Nous sommes, à ce niveau-là, le canton le plus social par rapport à tous les autres ! Alors il faut arrêter de remettre en question toute notre fiscalité; nous sommes à la fois le canton le plus social au niveau fiscal et celui qui, déjà, taxe le plus ceux qui ont les plus hauts revenus, sans compter la fortune, cela a déjà été dit.

Pour toutes ces raisons, et afin d'éviter de déstabiliser nos pyramides fiscales, je vous recommande, au nom du Conseil d'Etat, de refuser ce projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Nous allons procéder au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13185 est rejeté en premier débat par 64 non contre 31 oui.