République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 janvier 2024 à 16h
3e législature - 1re année - 8e session - 50e séance
PL 12793-A
Premier débat
La présidente. Nous reprenons nos travaux avec le PL 12793-A, qui figure en catégorie II, trente minutes. Madame Dilara Bayrak, vous avez la parole.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, j'entre dans le vif du sujet. Ce projet de loi a sans nul doute un but louable, puisqu'il vise à ce que les entreprises qui travaillent avec l'Etat soient payées plus rapidement, c'est-à-dire que les factures adressées à l'administration soient réglées dès leur réception. Sauf qu'il crée plus de problèmes qu'il n'en résout, et on va le voir avec la présentation que je vais vous faire tout de suite.
Selon la première modification proposée, celle que j'ai mentionnée, l'Etat, les communes et les entités de droit public doivent payer leurs créances à réception des factures. Jusque-là, bon, pas trop de changements, rien de vraiment nouveau.
La deuxième modification, et c'est celle qui est problématique, dispose que si l'Etat, les communes et les entités n'arrivent pas à s'acquitter des factures dans un délai de quinze jours, l'Etat doit mandater des fiduciaires privées pour qu'elles soient payées le plus rapidement possible. Cependant, les services de l'administration restent responsables du paiement, et c'est là qu'il y a un très gros problème, vous le voyez bien: mandater des fiduciaires privées, qui plus est dans un délai de quinze jours - quinze jours, c'est extrêmement court, vous me l'accorderez -, va engendrer un surplus de travail administratif et des coûts extrêmement élevés pour l'Etat.
Je souligne à cet égard - vous trouvez cette information à la page 10 du rapport - que l'administration paie déjà immédiatement les factures qu'elle reçoit. Nous avons eu une présentation très claire de M. Reitz, chef du service de comptabilité de l'Etat, avec des explications quant au mécanisme de paiement des factures, plus précisément sur les trois grands flux qui composent le traitement des factures au sein de l'Etat - cela figure aux pages 12 et suivantes. Il s'agit d'un système relativement compliqué, je n'aurai pas le temps de le détailler ici, mais en résumé, il y a le flux des factures décentralisées, le flux des factures centralisées et le flux des factures express. Or on constate que le délai dans lequel les factures sont réglées tourne, pour les décentralisées - c'est le plus long -, autour de 32,2 jours; pour les factures centralisées, il varie de 22 à 36 jours selon les services. Les factures centralisées représentent à peu près 60% des créances traitées au sein de l'administration.
En bref, selon les signataires de ce texte, on peut faire mieux. Alors oui, on peut faire mieux; les paiements tardifs ne sont préconisés par personne, bien sûr que les entreprises qui travaillent avec l'Etat se retrouvent en difficulté lorsqu'elles ne sont pas réglées dans les temps, c'est regrettable et personne ne remet cela en question. Certes, il faut que l'Etat paie le plus vite possible ses partenaires, surtout les petites sociétés qui ont besoin de rentrées financières, mais privatiser - automatiquement, presque - le traitement de toutes les factures qui ne seraient pas réglées dans un délai de quinze jours, c'est complètement lunaire ! Voilà pourquoi ce projet de loi doit être refusé par notre parlement. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Comme pour tout, l'argent est souvent le nerf de la guerre, notamment en ce qui concerne les PME. De manière générale, celles-ci sont plutôt florissantes, leur activité fonctionne très bien, mais elles peuvent être sujettes à des problèmes de trésorerie quand les liquidités n'entrent pas: si elles n'entrent pas, les entreprises ne peuvent pas payer leurs fournisseurs, ne peuvent peut-être pas payer une partie de leurs salariés, ne peuvent pas non plus investir, ce qui leur permettrait de continuer leur business de manière encore plus florissante, donc d'avoir des résultats encore meilleurs, de payer encore plus d'impôts et, au bout du compte, de rassurer l'Etat et la gauche de ce parlement.
Ce qu'il est vraiment important de souligner ici, c'est cette gestion de la trésorerie qui est souvent négligée par les gens qui n'en ont pas forcément l'habitude. Qu'est-ce que c'est, la gestion de la trésorerie ? C'est ce qu'on appelle le besoin en fonds de roulement: on calcule les liquidités à disposition plus les créances à court terme - celles que l'on encaisse en général dans les trente jours - moins les fournisseurs qu'il faut payer à trente jours, et cela donne les liquidités nécessaires pour faire «tourner», entre guillemets, la boutique sur le court et le moyen terme.
Lors des auditions, on s'est rendu compte que oui, de manière générale - à 72% -, l'Etat arrive à s'acquitter de ses factures dans les trente jours, mais à 72%, cela signifie aussi que dans un certain nombre de cas, notamment pour ce qui concerne les entreprises de la construction, ce délai est dépassé, ce qui est problématique, puisque cela a des répercussions sur l'ensemble de la chaîne: si vous encaissez moins vite l'argent, vous réglez aussi moins vite vos fournisseurs et ainsi de suite.
Ici, un travail fondamental doit vraiment être effectué, pas seulement pour les entreprises, mais pour le circuit économique en général et donc pour l'Etat aussi in fine. En effet, quand les entreprises tournent bien et n'ont pas de problèmes de liquidités, elles génèrent les revenus qu'elles espèrent, voire plus, et paient donc des impôts à l'Etat, ce qui, une fois de plus, permet à ce même Etat d'offrir des prestations toujours plus faramineuses à l'ensemble de notre population. Ce projet de loi découle du bon sens !
Toutes les entreprises savent qu'il faut payer les factures dans les trente jours. Mesdames et Messieurs, vous savez tous que quand vous recevez une facture, vous devez la payer à trente jours. Pourquoi ce que nous, nous devons faire, l'administration en serait-elle dispensée ? Alors j'entends que l'Etat est plutôt bon élève dans l'immense majorité des cas, mais je suis persuadé que tous, dans cette salle, vous avez connu la situation suivante: lorsque votre facture d'impôts vous parvient, vous avez trente jours pour la régler - et vous avez intérêt à le faire dans ce délai; en revanche, quand c'est l'administration qui vous doit des sous, comme par hasard, ceux-ci ne vous sont pas forcément versés dans les trente jours, c'est souvent un petit peu plus long. Vous aurez beau hurler contre cette même administration, l'argent n'arrivera pas plus vite pour autant.
Parce que nous avons tous connu cela, parce que nous connaissons tous toujours cela, il faut aujourd'hui fixer un cadre extrêmement clair. L'Etat se doit d'être exemplaire: s'il est exemplaire, alors les entreprises le seront aussi et, mécaniquement, le flux économique sera meilleur pour tout le monde. Voilà pourquoi ce projet de loi a tout son sens.
Je conclurai en évoquant l'amendement, que la minorité soutiendra. Celui-ci consiste d'une part à faire passer le délai de quinze à trente jours. Si, comme je viens de le signaler, la plupart des factures sont réglées à trente jours dans les entreprises, alors que l'Etat fasse exactement la même chose ! Quinze jours, c'était peut-être un peu optimiste. Quant à supprimer l'alinéa 4 intégralement, oui: cette disposition était liée à la crise covid. On a vu que l'Etat faisait le travail à ce niveau-là, donc il n'y a pas besoin de repréciser les choses pour des situations exceptionnelles, concentrons-nous sur les cas ordinaires. Mesdames et Messieurs, je vous invite dès lors à voter ce projet de loi avec l'amendement. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous rappeler le débat que nous avons mené hier - c'était la dernière urgence - et qui concernait les délais relatifs aux autorisations de construire et aux rénovations. Sur le papier, tout fonctionne à merveille, mais dans la réalité, il y a des écarts assez significatifs, ce qui nous oblige parfois à surlégiférer, parce qu'il faut bien que les choses soient cadrées et que l'Etat nous donne quelques quittances là où c'est nécessaire. Alors bien sûr, en règle générale, le système marche bien.
S'agissant de la problématique qui nous occupe aujourd'hui, lors des auditions, tout allait bien dans le meilleur des mondes: pas de souci, les choses fonctionnent. Bon, le temps passe, et la réalité, c'est que pour beaucoup de PME et d'artisans, ce n'est pas comme ça, ce n'est pas du tout comme ça: les paiements de l'Etat se font parfois attendre; alors peut-être pas dans tous les services - on nous a expliqué qu'il existe une centrale qui regroupe les achats pour environ 100 millions et que 600 ou 700 millions partent dans les départements -, mais on s'aperçoit que les versements sont plutôt effectués dans un délai de quarante, soixante, voire nonante jours.
Je vous rappelle juste en passant que pour un artisan qui va acheter du matériel, qui fait le job, qui doit peut-être décaisser pendant un mois avant de réaliser le travail, qui envoie une facture et qui doit attendre soixante jours, eh bien pendant ces soixante jours, les liquidités manquent.
Le but de ce projet de loi, avec un délai de trente jours... Parce que oui, la proposition de quinze jours était liée au covid, il s'agissait d'une exception; quinze jours, ça engendrerait une usine à gaz, il faut quand même que l'administration ait le temps d'effectuer des contrôles. Mais l'objectif, avec les trente jours qui figurent dans l'amendement, c'est que l'Etat paie les factures dans le délai imparti, et s'il y a dépassement, à ce moment-là, on met en branle tout un système qui effectivement coûtera cher, l'idée étant de ne pas s'en servir. Le Grand Conseil sera intéressé de savoir, à terme, si on a dû avoir recours à des fiduciaires et pourquoi, ce afin d'obtenir des explications quant à un certain nombre de dépassements.
C'est dans cet état d'esprit que Le Centre, qui avait initialement retenu sa décision par rapport à ce projet de loi, va finalement le soutenir, sous réserve bien entendu que l'amendement sur les trente jours passe la rampe; en effet, il faut supprimer cet alinéa qui était un appendice lié au covid et n'a plus de raison d'être. Aussi, nous vous remercions de le voter.
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qu'avait voté, sous l'ancienne législature, notre représentant qui n'avait pas été convaincu par l'utilité d'un tel projet de loi au motif qu'il serait compliqué à mettre en place, après avoir relu tout le débat, reçu l'amendement et en avoir discuté avec les autres groupes, nous estimons finalement que le texte doit être accepté et nous le soutiendrons. En effet, son sous-titre parle de lui-même: l'Etat doit rester un créancier responsable, fiable et solidaire.
Sachant que l'administration elle-même ne se gêne pas, s'agissant par exemple des impôts sur les personnes physiques, pour vous facturer des émoluments et prélever des intérêts moratoires en cas de retards de paiement, il n'y a aucune raison que l'Etat règle ses créances dans un délai allant au-delà de trente jours. Partant de ce constat, nous pensons qu'il faut que l'Etat prenne ses responsabilités et paie ses factures dans le délai imparti, qui sera de trente jours. C'est pourquoi nous voterons et vous appelons à voter également ce projet de loi. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Chers collègues, le MCG s'était abstenu en commission: si nous étions d'accord sur le principe d'un paiement rapide, le projet de loi n'était malheureusement pas adéquat. Avec l'amendement qui a été déposé, en revanche, il devient tout à fait praticable et positif, et c'est la raison pour laquelle le groupe MCG acceptera ce texte avec l'amendement. Merci, Madame la présidente.
M. Laurent Seydoux (LJS). Le délai de paiement des factures représente un élément déterminant pour la bonne marche d'une économie. En effet, les problèmes de liquidités ont un impact négatif sur l'activité d'une entreprise, car ils ralentissent les dépenses ainsi que les investissements, et ce avec un effet domino sur les autres sociétés. La circulation rapide de l'argent, a contrario, favorise les dépenses, les engagements et les investissements en faveur d'une économie dynamique.
Il est à noter qu'une bonne partie des partenaires de l'Etat sont des indépendants ou de petites entreprises qui se battent au quotidien pour payer les salaires de leurs collaboratrices et collaborateurs, leurs fournisseurs et, en dernier lieu, leur propre rémunération.
Pour le groupe LJS, l'Etat se doit d'être exemplaire dans le paiement de ses factures et devrait inciter toutes les entreprises à faire de même dans l'objectif d'un cercle vertueux pour une économie prospère. Au départ, nous trouvions le délai de quinze jours avant de faire appel à une fiduciaire un peu serré et difficilement réalisable; suite au dépôt de l'amendement du député Blondin, que le groupe LJS soutiendra, nous voterons le projet de loi avec cet amendement. Merci.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, quand j'entends ce débat, les bras m'en tombent ! Je me réjouis d'écouter l'intervention de Mme Fontanet, Mesdames et Messieurs de la droite, parce que vous qui nous parlez à longueur de séance d'efficience, d'agilité, de simplification des procédures, notamment M. Alder - vous transmettrez, Madame la présidente - qui nous martèle en permanence qu'il faut moins de règlements, moins de contrôles, moins de travail administratif, mais imaginez la mise en oeuvre de ce projet de loi ! Ça va être catastrophique, il faudra envoyer un nombre inimaginable de factures - j'ignore combien, des centaines, des milliers !
Même si, sur le principe, nous sommes d'accord avec le principe que l'Etat doit payer ses créances dans les trente jours - c'est clair qu'il doit le faire -, on nous a expliqué en commission pourquoi il pouvait parfois arriver que ce délai soit dépassé. Imaginez toutes les factures qu'il faudra transmettre à une fiduciaire ou à plusieurs, l'administration devra lancer des appels d'offres pour choisir la ou les entreprises, il faudra coordonner le tout, certainement que les logiciels ne seront pas les mêmes, celui de la fiduciaire ne sera pas compatible avec celui de l'Etat ou inversement, etc., etc.
Tout ça pour arriver à un simple paiement ! Vous qui voulez réduire le nombre de postes, de fonctionnaires, qui cherchez à faire passer ce que nous, de notre côté, appelons des lois corsets pour, encore une fois, diminuer le nombre d'employés de l'administration sous prétexte que l'Etat est trop gros, que l'Etat est obèse, mais alors là, vous allez le nourrir, vous allez le faire exploser avec ce projet de loi ! C'est vraiment ahurissant que vous osiez proposer une telle chose !
Alors oui à l'amélioration du traitement des paiements de l'Etat aux PME et aux entreprises, mais pitié, pas par ce biais-là, parce que ça va vraiment faire exploser l'administratif et complexifier le travail de l'Etat. Je vous enjoins de refuser ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Je vous remercie. La parole va à M. Adrien Genecand pour deux minutes vingt.
M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, si les bras doivent en tomber à quelqu'un, c'est bien à moi ! Le parti socialiste nous dit que ça va être compliqué - parce que c'est de ça qu'il s'agit en ce moment - alors que nous sommes dans le canton où le nombre de fonctionnaires par habitant est le plus élevé de Suisse, alors qu'on a créé ces vingt dernières années des postes en ressources humaines et en comptabilité à peu près partout. Et ces personnes ne seraient pas capables de payer des factures dans les trente jours - quand cela est requis de tous les citoyens de ce pays - sous prétexte que dans l'administration et les entités publiques, ce serait plus compliqué qu'ailleurs ?! Mesdames et Messieurs les députés, mais de qui se moque-t-on ? De qui se moque-t-on ?
Si les fonctionnaires n'arrivent pas à verser ce qu'ils doivent aux contribuables de ce canton sous trente jours... On n'est pas là en train de demander le délai initial de quinze jours qui, pour le coup, avait à voir avec le covid: il s'agissait, plutôt que de mettre en place des mécanismes compliqués avec des prêts, de payer immédiatement les entreprises afin de diminuer les créances. Là, on demande simplement à l'Etat de respecter ce qui est l'usage suisse, à savoir trente jours.
Et le parti socialiste nous explique que ça va être compliqué pour la fonction publique de traiter les paiements à trente jours. Vraiment ? On en est là, dans le canton où il y a le plus de fonctionnaires par habitant ? C'est-à-dire qu'on n'est même pas capables de respecter le délai que le reste de la Suisse impose pourtant à tous les contribuables. Mesdames et Messieurs, mais de qui se moque-t-on ? (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
La présidente. Merci. La parole retourne à M. Blondin pour cinquante-quatre secondes.
M. Jacques Blondin (LC). Oui, merci, Madame la présidente. Je me dois de répondre à ce qui vient d'être dit par M. Wenger - vous transmettrez, Madame la présidente. Le premier mot de l'article 49A, alinéa 2, est le suivant: «Exceptionnellement». Si ce qui nous a été indiqué est vrai, c'est-à-dire que le job est fait et qu'il n'y a pas de souci dans la majorité des cas, eh bien pas besoin de monter une usine à gaz ! Mais comme la réalité dépasse parfois la fiction dans le cas particulier - excusez-moi de le souligner -, on demande à voir.
On nous a donné des garanties, mais suite à la mise à l'ordre du jour de ce point, des informations en provenance des PME et des artisans genevois nous sont tombées dessus comme une pluie drue ! Il y a donc un vrai problème. Certains soutiennent déjà que le système des APA est conçu de telle sorte qu'on les accorde à d'autres entreprises que celles basées dans le canton; quant à nous, nous avons encore des réticences à soumettre nos offres tellement les délais de paiement sont longs. Aussi, on est face à un vrai problème de fond. Le but n'est pas de créer une usine à gaz pour l'administration, mais simplement que celle-ci respecte les trente jours, ni plus ni moins. Merci.
La présidente. Je vous remercie et redonne la parole à M. Yvan Zweifel pour cinquante-trois secondes.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Je rappelle qu'il s'agit ici de poser un principe: payer à trente jours. Un principe qui est applicable à tout le monde doit l'être aussi à l'Etat, c'est aussi simple que cela. Il n'est pas question d'externaliser automatiquement quand, une fois, le paiement d'une facture dépasserait les trente jours, mais lorsqu'un service, de manière récurrente dans son fonctionnement opérationnel, n'est pas capable de respecter le délai, alors l'Etat met en place ce processus de manière exceptionnelle.
Ce qui est exigé de tous les administrés, de tous les artisans, de toutes les PME, on doit également pouvoir l'attendre de l'Etat. C'est un retour qui nous vient du terrain, on ne peut pas juste se boucher les oreilles et ne pas l'écouter.
Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ce projet de loi avec l'amendement qui a été déposé et, une fois de plus, je signale au passage à M. Wenger qu'au-delà des fonctionnaires évoqués par mon collègue Genecand, l'OCSIN - fort de ses plus de 600 ETP ! - a mis en place un certain nombre de procédures d'automatisation des flux; eh bien qu'on poursuive dans cette voie-là !
La présidente. Je vous remercie. Madame Dilara Bayrak, c'est à vous pour deux minutes quarante-cinq.
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Je commencerai par répondre à la remarque de mon collègue M. Genecand - vous transmettrez: ce n'est pas le parti socialiste qui soutient que les fonctionnaires n'arrivent pas à régler les factures dans les trente jours, c'est votre propre magistrate, Mme Nathalie Fontanet, ainsi que les services de l'Etat; si vous aviez lu le rapport, vous le sauriez, Monsieur Genecand - vous transmettrez encore, Madame la présidente.
Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi et des auditions que nous avons menées, les services de l'Etat nous ont indiqué très clairement que le nécessaire était fait, qu'ils avançaient le plus rapidement possible tout en préservant le contrôle minimal nécessaire avec des deniers publics. Vous imaginez le scandale que cela provoquerait au sein de cet hémicycle, Mesdames et Messieurs, si des factures étaient payées à tort et à travers avec, je ne sais pas, des sous qui disparaîtraient ? Je vois très bien de quels bancs les cris d'indignation fuseraient... De tous les bancs, en fait, nous serions tous complètement scandalisés.
Ce que l'on constate, c'est qu'il y a vraiment une volonté de privatisation dans le fait de mandater des fiduciaires privées qui vont intervenir pour garantir le paiement dans le délai, un délai très court et fixé de manière arbitraire alors que nous connaissons la taille de l'Etat, nous savons que les factures doivent - parfois, pas toujours - être contrôlées à différents niveaux afin qu'il n'y ait pas de problème par la suite.
J'en viens maintenant à l'amendement. Monsieur Blondin, cher collègue - vous transmettrez, Madame la présidente -, tout le monde voulait refuser ce projet de loi, à tel point que même le parti qui l'a déposé, le PLR, envisageait à un moment de le retirer. Aujourd'hui, vous essayez de sauver un texte voué à l'échec parce que vous avez été sollicité par des milieux économiques qui, comme vous l'avez relevé, vous ont indiqué que les choses ne fonctionnaient pas bien. A ce sujet, j'ai deux remarques à formuler.
Premièrement, de notre côté, nous sommes complètement aveugles dans cette affaire; si vous avez accès à des rapports ou à des informations dont nous ne disposons pas, peut-être faudrait-il nous les fournir aussi pour que nous puissions nous prononcer dessus. En effet, il est parfaitement inadmissible, s'agissant d'un objet condamné à disparaître, de venir avec un amendement «last minute» visant à le sauver alors qu'il allait assurément capoter. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Deuxièmement, ça ne règle quand même pas les choses de fixer un délai de trente jours. Pourquoi ? Parce que ça ne change rien, on va malgré tout devoir mandater des fiduciaires qui ne se gêneront pas pour facturer le prix fort à l'Etat alors que les services resteront compétents et responsables du paiement, même si les fiduciaires seront chargées...
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Dilara Bayrak. Bien, alors encore une fois, la droite nous propose un projet bidon. Il faudrait que vous commenciez à faire confiance à votre propre conseillère d'Etat ! Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Madame Marti, en principe, je ne donne plus la parole après l'intervention des rapporteurs. Il s'avère que je sais qu'ils reprendront la parole après, donc exceptionnellement, je vous la cède pour une minute quatorze.
Mme Caroline Marti (S). Merci beaucoup, Madame la présidente. J'aimerais juste rappeler, comme l'a fait M. Wenger tout à l'heure, qu'hier, la droite souhaitait mettre en place un mécanisme de frein notamment aux engagements en rendant impossible l'embauche de personnel supplémentaire dès le moment où le budget est déficitaire, ce qui est généralement le cas - ou l'a été du moins très régulièrement ces dernières années. En réalité, ce que cherche à faire la droite, c'est à assécher les différents services publics, à ne pas leur donner les moyens de fonctionner.
Ensuite, on s'offusque lorsque le délai n'est pas tenu - ce qui est évidemment la conséquence du fait qu'on n'est plus en mesure d'engager suffisamment de personnel - afin d'externaliser... (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...une partie des tâches de l'administration. Le plan est extrêmement clair: il s'agit de privatiser les services publics.
Enfin, signalons que c'est cette même majorité de droite qui, de concert avec l'ensemble des partis représentés dans ce Grand Conseil, s'est indignée du nombre de mandats attribués chaque année à des entités privées...
La présidente. Il vous faut conclure.
Mme Caroline Marti. ...s'interrogeant quant aux contrôles. Or, avec ce type de loi, on fait gonfler de façon extrêmement importante...
La présidente. Je vous remercie...
Mme Caroline Marti. ...le nombre de mandats que l'Etat... (Le micro de l'oratrice est coupé.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle tout d'abord que le Conseil d'Etat partage la préoccupation des auteurs de ce projet de loi et de la nouvelle majorité qui semble se dessiner, à savoir le fait que les créanciers doivent être payés rapidement et qu'il n'y a pas lieu de faire durer le processus. Certains l'ont relevé, un délai de paiement ordinaire devrait être de trente jours; dans le canton de Genève, c'est le cas pour plus de 75% des factures.
D'autres factures sont plus difficiles à traiter, ce qui entraîne un règlement plus long. A cet égard, j'aimerais revenir sur certains propos parmi lesquels celui-ci: «Il n'y a qu'à procéder rapidement.» Les «y a qu'à», c'est bien, mais on parle ici de deniers publics, et je peux vous assurer que nous ferions face à une insurrection dans ce canton s'il s'avérait que nous nous acquittons des factures sans les contrôler à tous les niveaux: on nous dirait que nous avons réglé sans vérifier, que le travail n'a pas été effectué correctement, qu'il s'agit de faux. Nous savons que cela arrive. Les revenus de l'Etat proviennent des impôts des citoyens, Mesdames et Messieurs, c'est votre argent et c'est pour cela que l'administration doit être attentive à la façon dont elle règle ses factures.
L'amendement qui nous est proposé aujourd'hui par M. Blondin améliore ce projet de loi, qui est totalement inapplicable en l'état, mais je rappelle que lorsque nous sommes venus en commission, nous vous avons indiqué que selon nos connaissances, il n'y avait pas de problème dans le paiement des factures. Excepté l'auteur du texte, vous n'avez pas entendu d'associations faîtières ou d'entreprises signalant rencontrer des difficultés avec les paiements de l'Etat. J'ai ouï dire qu'une fondation et une association professionnelle se seraient adressées à certains députés en disant que c'était l'enfer, qu'elles n'étaient jamais rémunérées; eh bien il aurait été intéressant de savoir de quel type de créances il s'agit afin de pouvoir identifier le problème.
Cela étant, le projet de loi tel qu'il est présenté, respectivement l'amendement, posent d'autres problèmes, Mesdames et Messieurs les députés. Lorsque nous sommes venus en commission, il a été assez vite décidé que l'étude de l'objet ne serait pas poursuivie, qu'il n'y avait pas de majorité pour aller de l'avant, et un éventuel retrait a effectivement été évoqué, ce qui fait que le Conseil d'Etat ainsi que les services financiers de l'Etat n'ont pas poursuivi sur différentes dispositions susceptibles de poser problème dans ce texte.
Or il en est une, Mesdames et Messieurs, qui soulève un écueil important que nous n'avons pas examiné jusqu'à présent et dont personne n'a parlé, à savoir la modification proposée à l'article 3, alinéa 1, lettre f, de même qu'à l'article 49A, alinéa 1. Qu'est-ce qui pose problème dans ces dispositions et que le département des finances, respectivement moi-même, n'avons pas eu le temps d'étayer en commission ? C'est le fait qu'il faudrait soumettre l'ensemble des communes et des entités para-étatiques - l'AIG, les HUG, les TPG, l'UNIGE, le SIS, le Grand Théâtre - à ce nouvel article 49A.
En soi, cela peut constituer une décision politique et, à nouveau, il est essentiel que les créanciers soient réglés dans les trente jours. Mais ce qui est dérangeant, Mesdames et Messieurs, c'est que ces institutions n'ont pas été entendues: elles n'ont pas pu indiquer leurs propres délais de paiement ni les raisons pour lesquelles elles pouvaient payer ou ne pas payer dans les temps. Ainsi, nous ne disposons pas d'un état de situation clair de ce qui se passe actuellement sur notre territoire en matière de paiement des factures.
Je vais donc solliciter un renvoi en commission de façon à ce que vous puissiez, le cas échéant, entendre l'une ou l'autre de ces entités et en apprendre un peu plus. En commission, Mesdames et Messieurs, je vous proposerai, pourquoi pas, que nous lancions un audit du SAI afin de déterminer les délais de paiement dans nos administrations: y a-t-il des structures ou des services au sein desquels les échéances sont plus longues, peut-être en raison d'une certaine complexité, en raison des montants ? Qu'est-ce qui ne joue pas, comment peut-on améliorer les choses ?
Sinon, Mesdames et Messieurs, vous allez créer une usine à gaz avec un projet de loi qui contraindra l'Etat à mandater des fiduciaires externes alors même, cela a été rappelé, que nous ne pourrons pas nous fier au contrôle qu'elles effectueront. En effet, la responsabilité finale revient à l'Etat de Genève, lequel devra donc vérifier les factures quoi qu'il arrive ! Une fiduciaire nous dira: «C'est tout bon.» Bien, on aura dû lui transmettre l'ensemble des données, mais il n'en demeure pas moins que l'administration devra opérer une vérification, parce que nous sommes dans le cadre de l'utilisation de deniers publics. Nous devrons de toute façon faire un contrôle.
Mesdames et Messieurs, soyons raisonnables: renvoyons ce projet de loi dont l'objectif est également celui du Conseil d'Etat, à savoir faire en sorte que les entrepreneurs que nous nous efforçons de soutenir - que nous soutenons, ce que nous venons de faire aujourd'hui par le biais d'une baisse fiscale - soient payés dans les temps, examinons cet objet sereinement et complètement en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, je donne donc la parole aux rapporteurs, en commençant par M. Yvan Zweifel qui dispose encore de trois minutes. (Remarque. Rires.)
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Je n'ai pas entendu, Monsieur Wenger - mais ce n'était sûrement pas intéressant ! S'agissant du renvoi en commission, je rappellerai d'abord quelques éléments pour bien contextualiser les choses avant que nous décidions si on renvoie ou non le projet de loi. On l'a déjà dit, mais c'est important: il s'agit d'une mesure exceptionnelle. Il n'est pas question de systématiser l'externalisation, ce n'est pas parce qu'une fois, un service n'arrive pas à respecter le délai de trente jours qu'on va appeler une fiduciaire en urgence en disant: «Vite, il faut mettre en place un processus pour payer cette facture !» Dans ce cas-là, évidemment, ce n'est même pas trente jours, même pas soixante, même pas nonante, puisqu'il y a toute une procédure à établir.
L'enjeu, c'est d'obtenir une analyse. En fait, l'analyse a déjà été réalisée, puisqu'on nous a expliqué en commission ce qu'il en était au sein de l'administration, qu'il y a des services dans lesquels le délai est systématiquement dépassé pour des raisons qui peuvent d'ailleurs être justifiées ou pas, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit alors de mettre une pression et des moyens, pas forcément en personnel, mais plutôt informatiques et dans l'automatisation. Je répète qu'avec le service informatique de l'Etat qu'est l'OCSIN et ses 600 ETP, on a quasiment bientôt une multinationale chargée de l'informatique au sein de l'administration, qui a certainement les capacités d'améliorer grandement la situation.
C'est vraiment dans un service payeur qui, de manière récurrente, ne parvient pas à respecter le délai qu'il faudrait instaurer un processus, un processus qui ne se fait pas en claquant des doigts du jour au lendemain, mais en bonne entente avec les personnes mandatées à cet effet. Cela me permet de répondre à Mme Marti: sur les bancs de la droite, on ne se plaint pas du nombre de mandats, Madame la députée - vous transmettrez, Madame la présidente -, mais plutôt à qui ils sont attribués - mais c'est un autre sujet.
Concernant le renvoi en commission, j'entends bien que maintenant, la majorité qui est devenue minorité de gauche s'étonne et s'exclame: «On n'a pas entendu d'associations professionnelles, l'Etat n'a pas eu le temps de tout analyser !» Mais enfin, ce n'est pas notre faute ! Nous avons déposé le projet de loi, nous vous avons transmis un retour d'entreprises, nous vous avons expliqué comment les choses se passent, vous avez écouté l'administration qui a rétorqué: «Non, tout va bien, la vie est belle, ne vous inquiétez pas, le problème est réglé», vous avez fermé les yeux en disant: «On s'arrête là et on le refuse.»
Tout à coup, vous vous retrouvez dans la minorité et vous vous écriez: «Ah, catastrophe, sirène d'alarme ! Vite, il faut renvoyer l'objet en commission de manière à effectuer les auditions qu'on ne voulait pas mener à l'époque !» C'est trop facile ! Trop facile ! Vous n'aviez qu'à accomplir votre travail en commission ou à écouter ceux qui voulaient le faire, c'est-à-dire les auteurs du texte, à ce moment-là. Les informations, nous les avons obtenues.
Enfin, si on demande un délai de trente jours à l'Etat, il est logique de l'exiger également de toutes les autres entités de droit public ou para-étatiques. Encore une fois, ce délai de trente jours qui s'applique à tout le monde - à tout le monde, Mesdames et Messieurs, à vous tous dans cette salle - doit aussi s'appliquer à l'Etat, lequel est tenu de se montrer exemplaire en la matière. En conséquence de quoi il faut refuser le renvoi en commission et voter ce projet avec l'amendement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Dilara Bayrak (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais préciser, suite à l'intervention de M. Zweifel - vous transmettrez, Madame la présidente -, que ce n'est pas comme si la gauche était majoritaire et qu'elle avait réussi à faire refuser le projet de loi, non, non ! Dans cette majorité, il y a Le Centre; dans cette majorité, il y a l'UDC; dans cette majorité, il y a le MCG et il y a même le PLR qui, à un moment donné, a considéré retirer - retirer ! - ce texte. (Remarque.) Merci de me laisser parler, Monsieur Zweifel !
Ensuite, vous soutenez que le fait de solliciter des fiduciaires constitue une mesure exceptionnelle. Or trente jours, c'est déjà le but que s'est fixé l'Etat, c'est déjà ce qui est voulu au sein de l'administration, c'est déjà l'objectif à atteindre. Pour mettre la pression, on ne détermine pas un délai à trente jours; pour mettre la pression, on le prévoit un peu plus large afin d'être sûr qu'on n'ait jamais à activer ce mécanisme. Mais vous ne souhaitez pas mettre la pression, vous cherchez à privatiser le paiement des factures lorsque cela est possible et, par la même occasion, à faire les poches à l'Etat en remplissant celles des fiduciaires. Ce n'est pas du tout correct, votre façon de fonctionner ! (Applaudissements.)
J'en profite - je me dois de le faire - pour défendre l'OCSIN: vous évoquez une multinationale au sein de l'administration qui s'occupe de l'informatique, eh bien c'est mignon, j'ai envie de dire, parce que l'OCSIN gère absolument tous les services de l'Etat, et si vous lui donniez un peu plus de moyens, peut-être serait-il plus efficace dans ce domaine aussi.
Une voix. Ça n'arrête pas !
Mme Dilara Bayrak. En revanche, je vous rejoins sur un point: effectivement, je pense que des auditions pourraient nous en dire plus sur la situation tant au sein de l'Etat que pour les communes et les entités de droit public; cela pourrait être instructif pour autant qu'on soit intéressé par le sujet... Par la solution, plutôt, qui est proposée ici - le sujet nous intéresse toutes et tous.
Comme je l'ai souligné, Mesdames et Messieurs, les entreprises et les PME ont le droit d'être payées dans le délai, mais pour que ce genre de projet aboutisse, il faut que les informations qui ont été communiquées à nos collègues soient disponibles pour l'ensemble des députés; peut-être trouvera-t-on alors des pistes plus constructives que celle que vous nous présentez là. A mon sens, il n'est pas nécessaire de passer par ce texte pour commander un rapport SAI, la commission de contrôle de gestion pourrait s'en charger. Il n'y a rien à sauver dans ce projet de loi, donc je vous recommande de refuser son renvoi en commission.
La présidente. Merci, Madame. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12793 à la commission des finances est adopté par 50 oui contre 40 non et 1 abstention.