République et canton de Genève

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IN 192-B
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 192 « Initiative piétonne : pour un canton qui marche »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 25, 26 janvier, 1er et 2 février 2024.
Rapport de majorité de M. Murat-Julian Alder (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Marjorie de Chastonay (Ve)
Rapport de deuxième minorité de Mme Caroline Marti (S)

Débat

La présidente. Nous commençons le traitement des points fixes avec l'IN 192-B. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Alder, vous avez la parole.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'initiative populaire dont nous sommes saisis poursuit un objectif parfaitement légitime et louable, du moins en apparence, parce qu'à y voir de plus près, on se rend compte qu'il s'agit du énième joujou des Verts pour rendre la vie impossible aux voitures et aux deux-roues motorisés.

Il faut bien voir que Genève est déjà la championne de Suisse de la mobilité piétonne. Par conséquent, à quoi sert cette initiative ? La majorité de la commission n'en a vu ni l'adéquation, ni la nécessité, et a donc refusé de soutenir ce texte. Celui-ci a un autre défaut, c'est qu'il prévoit une dépense obligatoire de 40 millions de francs par année, dont la moitié devrait financer des infrastructures piétonnes, mais on ne nous dit pas lesquelles, on ne nous décrit pas les besoins, on ne nous dit pas où, quand, ni comment ! On nous explique que l'autre moitié sera investie dans la mobilité douce. Alors qu'est-ce que ça veut dire ? Bonne question ! Pour ma part, j'ai cru comprendre que marcher faisait partie de la mobilité douce. C'est ce mécanisme ayant pour effet de créer une dépense obligatoire de 40 millions de francs par année que la majorité a aussi souhaité combattre.

Cela étant dit, il ressort des auditions que nous avons conduites, en particulier celle de différentes associations qui défendent les personnes souffrant d'un handicap, que Genève peut faire mieux dans le domaine de l'accessibilité au public des infrastructures, surtout pour les personnes à mobilité réduite, autrement dit pour les personnes âgées ou pour celles qui se déplacent en fauteuil roulant.

C'est soucieux de nous concentrer sur ces personnes-là, qui ont un réel besoin d'amélioration de leur situation, que la commission, dans sa majorité, vous propose de rejeter l'initiative populaire tout en lui opposant, sur le principe, un contreprojet, destiné en priorité aux personnes à mobilité réduite. Merci de votre attention.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les principes de cette initiative sont simples, ils partent du constat que la marche est le premier mode de déplacement dans notre canton. Environ 39% - presque 40% - des personnes qui vivent à Genève utilisent la marche comme moyen de transport. Pourtant, les infrastructures et les aménagements qui lui sont dédiés sont lacunaires et peu adaptés, voire dangereux. Dès lors, l'initiative souhaite renforcer la continuité des infrastructures piétonnes et assurer l'accessibilité universelle - je me permettrai une petite parenthèse pour expliquer que l'accessibilité universelle signifie l'inclusion de toutes et tous, y compris des personnes en situation de handicap: elles ne souffrent pas de handicap, mais sont en situation de handicap, situation notamment liée aux obstacles qu'elles subissent à cause du manque d'aménagements piétons.

Cette initiative vise aussi l'amélioration et l'accès aux principales interfaces des transports publics. Elle entend aussi séparer clairement les flux des piétons et des cyclistes puisque, comme on le voit de plus en plus, des conflits sont présents entre ces différents modes de transport.

Cette initiative gravite autour de trois lois fondamentales relatives à la mobilité, mais elle ne touche pas seulement ce domaine; elle concerne aussi notre environnement. A l'heure de l'urgence climatique, votée par ce plénum, la marche est un déplacement 100% sans émissions de gaz à effet de serre. En plus, elle n'émet aucune nuisance sonore. La marche a aussi des effets bénéfiques pour la santé. Enfin, les conditions d'accessibilité universelle, si elles sont garanties - et ce n'est pas le cas actuellement -, font de la marche le moyen de déplacement le plus inclusif puisque tout le monde peut marcher ou se déplacer avec des aménagements sécurisés, qu'il s'agisse des personnes en situation de handicap, des familles, des personnes vieillissantes ou de n'importe quel piéton ou piétonne.

J'ajoute que marcher comporte de nombreux bénéfices externes: marcher rapporte de l'argent à la collectivité vu que ça n'émet pas toutes ces nuisances, et c'est particulièrement efficient en milieu dense, comme à Genève. Il s'agit d'un moyen de transport qui nécessite des infrastructures, raison pour laquelle ces 40 millions sont inscrits dans l'initiative. Sur ce montant total, 20 millions seraient justement dédiés à ces infrastructures. La marche renforce l'attractivité commerciale et le côté agréable des milieux urbains.

La marche n'a que des qualités, c'est pourquoi 7500 personnes, quand même, ont soutenu cette initiative, soit 2000 de plus que nécessaire. Ce texte est soutenu par le Conseil d'Etat, par l'ACG et par la quasi-unanimité des auditionnés reçus par la commission des transports. Pour toutes ces raisons, je vous recommande vivement d'accepter cette initiative, de refuser le contreprojet, et je reviendrai pour contredire tous les arguments absolument fallacieux de la droite élargie invoqués tout à l'heure, qui ne sont que des prétextes pour refuser ce texte ! Merci.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité a planté le décor dès les premiers mots en indiquant que cette initiative serait inutile parce que Genève est un canton où la part modale de la marche à pied est déjà très importante en comparaison intercantonale. Il a raison sur les faits et sur les chiffres, il se trompe en revanche sur l'interprétation de ceux-ci. C'est vrai, Genève est déjà un canton qui marche beaucoup en comparaison intercantonale: trente minutes en moyenne par jour et par personne; 1,7 kilomètre de marche à pied par jour et par personne; une part modale de la marche qui atteint 40% - Mme de Chastonay l'a rappelé -, mais surtout qui est en très grande, très forte progression. Il s'agit en effet de la plus grande progression de ces vingt dernières années.

Il faut évidemment s'en réjouir, mais aussi en prendre acte et adapter l'aménagement urbain, en particulier l'espace de voirie, pour tenir compte tout simplement de cette nouvelle réalité. Parce qu'aujourd'hui, les piétons ont beau représenter 40% de part modale des déplacements, ils se retrouvent retranchés sur une portion congrue de la voirie, lancés dans ce qui s'apparente plus à un gymkhana qu'à un déplacement paisible, en se frayant un chemin sur des trottoirs étroits, discontinus, assourdis par le bruit des voitures, à respirer des gaz d'échappement - vous conviendrez qu'on peut trouver plus agréable comme moyen de déplacement. L'objectif de cette initiative est, en premier lieu, de redonner plus d'espace aux piétons dans une logique de meilleure justice spatiale.

Le deuxième point, c'est que même si Genève fait figure de bon élève pour la pratique de la marche à pied, la marge de progression est encore énorme puisque notre canton - Mme de Chastonay l'a également rappelé - se prête particulièrement bien à la marche à pied: il y a peu de dénivelés, c'est un canton urbain, particulièrement dense, l'un des plus denses de Suisse, et, en moins de trente minutes, on peut très aisément traverser une grande partie du centre-ville de Genève. Par ailleurs, la marche à pied représente une véritable solution à toute une série de problèmes, de défis et de nuisances engendrés par les autres modes de déplacement: d'abord, c'est neutre en CO2, ensuite ça n'émet aucune pollution atmosphérique, ça améliore donc la qualité de l'air dans notre canton; pas de pollution sonore non plus, ce qui a évidemment un très net avantage sur la santé, et puis c'est un mode de déplacement qui est très peu gourmand en espace.

Aujourd'hui, on sait que le réseau routier est saturé et qu'on ne peut pas l'élargir, évidemment en raison des bâtiments. Par conséquent, si on veut améliorer la fluidité des autres modes de transport, il faut favoriser les modes de déplacement qui sont moins gourmands en espace, en l'occurrence la marche à pied.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Caroline Marti. Je tiens également à rappeler que la marche à pied présente d'énormes bénéfices pour la santé publique: ça permet de rompre la sédentarité, de prévenir toute une série de maladies cardiovasculaires, diabètes, cancers, etc., ça permet d'améliorer la durée mais aussi la qualité de vie, et évidemment de faire baisser les coûts de la santé.

Tout cela pour vous indiquer que favoriser, promouvoir la marche à pied a un intérêt public évident. Nous devons donc encourager ce mode de déplacement. Pour cela, on doit améliorer les aménagements piétons. Aujourd'hui, il y a beaucoup trop de personnes - d'ailleurs j'en fais partie - qui pourraient très bien se déplacer à pied, mais qui ont tendance à sauter dans un bus ou dans une voiture pour faire quelques centaines de mètres. Aujourd'hui, pour que le canton de Genève développe véritablement la pratique de la marche à pied, on doit améliorer les aménagements piétons et les zones piétonnes, dynamiser le centre-ville - et l'attrait touristique par la même occasion.

Plutôt que de se gargariser en disant qu'on est les meilleurs de Suisse en matière de marche à pied, il vaudrait mieux peut-être se tourner un peu plus vers l'international, notamment vers la ville de Bruxelles, qui très récemment a complètement piétonnisé une immense partie de son centre-ville, et se demander, en prenant Bruxelles comme exemple, comment il serait possible ici de faire mieux, la première étape étant d'accepter cette initiative et de rejeter un éventuel contreprojet.

M. Jacques Jeannerat (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, au mois de septembre, quand j'ai reçu la convocation de la commission des transports et qu'il y avait au point 2 ou 3 de l'ordre du jour - je ne sais plus - un objet qui s'appelait «Initiative piétonne: pour un canton qui marche», j'ai trouvé ça sympa, je me suis dit «tiens, c'est original», moi qui marche beaucoup, je pensais que c'était une bonne idée. C'est une bonne idée, a priori !

Les auditions ont été très intéressantes, la première nous a effectivement montré - ça a déjà été dit par les préopinants - que l'agglomération genevoise est, en Helvétie, celle où l'on marche le plus: près de 40% ! Magnifique ! Mais le mieux est souvent l'ennemi du bien, et je pense que cette initiative - comme l'a dit le rapporteur de majorité - est quasiment inutile. Sur le fond - je prends un exemple -, on veut améliorer la fluidité des possibilités de se déplacer pour les piétons; ces derniers ne marchent pas seulement le long des rues, parfois ils doivent les traverser, et l'initiative invite à ce que les temps de feu vert pour les piétons soient plus longs, de façon qu'il y ait une fluidité continue: c'est sympa, mais ça se fera au détriment des autres moyens de transport, notamment de la mobilité douce via les bus ainsi que les vélos.

Vous vous rappelez peut-être que lors de la session du mois d'octobre, un de nos collègues des Verts - mais je ne sais plus exactement qui avait fait cette démonstration - nous expliquait que pour traverser le pont du Mont-Blanc en respectant les feux des vélos, il fallait sept à huit minutes. Mesdames et Messieurs, si cette initiative passe, le même cycliste mettra dix ou douze minutes, s'il respecte les feux, parce qu'ils seront verts plus longtemps pour les piétons, mais plus courts pour les autres modes de transport. Il s'agit donc bien d'avoir un équilibre dans la fluidité entre les piétons, les vélos, les bus - les bus, s'ils doivent s'arrêter plus longtemps parce que le feu vert est plus long pour les piétons... Déjà qu'on a une des pires vitesses commerciales de Suisse, cela aggravera encore la situation pour les bus.

Le bon sens commande de rejeter cette initiative. Elle demande aussi de poser des trottoirs dans toutes les localités du canton. Il y a de petits villages, des hameaux où un seul trottoir d'un côté de la route suffit, il ne faut pas exagérer, c'est une question d'équilibre.

Le groupe LJS recommande le non à cette initiative, et - comme l'a dit le rapporteur de majorité - nous sommes favorables au principe d'un contreprojet, qui devrait être axé sur les besoins spécifiques des personnes à mobilité réduite. Nous avons eu à ce propos des auditions très intéressantes: des images nous ont démontré que certaines rues pavées sont mal réalisées pour les personnes à mobilité réduite. Il y a vraiment des choses à faire. Je pense que c'est dans ce sens-là que devrait être axé le contreprojet. Merci pour votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). La question qu'on doit se poser, finalement, c'est: «Doit-on améliorer les aménagements piétons ?» La réponse est clairement non, on n'en a absolument pas besoin ! La deuxième question, c'est: «Doit-on être attentif à une catégorie de personnes, à savoir les personnes à mobilité réduite ?» La réponse est oui. Quand on voit qu'aujourd'hui, on n'est pas capable de réaménager des routes avec des passages piétons sans laisser un rebord montant jusqu'à 3 centimètres... Ça, c'est la réalité - vous pouvez me regarder, Monsieur Maudet ! Si vous allez à l'avenue du Curé-Baud, qui est flambant neuve, vous remarquerez qu'à chaque aménagement de passage piéton, vous vous retrouvez avec une bordure montant jusqu'à 3 centimètres, ce qui est fortement dommageable pour les personnes devant se déplacer avec soit une chaise roulante soit un déambulateur. Voilà la première réflexion que la commission a menée. Si le principe du contreprojet est adopté, nous irions vers une amélioration concernant les personnes à mobilité réduite, tout en abandonnant le superflu demandé par cette initiative.

Finalement, on est aussi en présence d'une guerre des chiffres. On nous parle de 39% de part modale: encore aujourd'hui, je vous le dis très franchement, pour moi, ça ne veut absolument rien dire; si on se reporte par contre à une étude au niveau national, on constate que la marche à pied, les déplacements piétons ne représentent que 5% des déplacements totaux. Là, selon moi, on est clairement dans le concret avec un chiffre qui parle. Les 39%, encore une fois, ne veulent absolument rien dire !

On le sait par expérience, toutes ces initiatives qui demandent des délais et des montants ne fonctionnent pas, ça crée plus de blocages qu'autre chose. C'est pour toutes ces raisons que nous rejetons l'initiative et vous recommandons de voter le contreprojet. Je remercie au passage le rapporteur de majorité d'avoir déposé son rapport dans les délais, qui étaient, ma foi, relativement courts.

M. Cédric Jeanneret (Ve). J'ai rendu visite hier à l'hôpital à une voisine qui vient de fêter ses 80 ans et qui a fait un petit AVC; elle va bien. Je peux vous dire que dans le service de cardiologie, il y a de grands panneaux qui recommandent vivement la pratique de la marche à pied. En sortant de l'hôpital, j'ai passé plusieurs minutes à méditer ces sages préceptes, regardant les voitures circuler, en attendant que le feu piéton passe au vert, jusqu'à ce qu'une personne qui attendait aussi appuie sur le bouton, car oui, qu'il pleuve ou qu'il vente, ce sont les véhicules motorisés, avec ou sans feux bleus, qui sont prioritaires devant un lieu aussi fréquenté que l'hôpital.

Sans aller jusqu'à demander que ce soient les voitures qui doivent appuyer sur un bouton pour couper les flots de piétons, les Vertes et les Verts proposent une nouvelle hiérarchisation des moyens de transport, favorisant une mobilité propre, silencieuse et excellente pour la santé.

Mesdames et Messieurs, 30% des distances parcourues en voiture sont de 3 kilomètres ou moins. On pourrait facilement marcher à la place, de manière à pouvoir faire transiter le plus de monde dans le moins d'espace possible. Un déplacement à pied requiert 37 fois moins de place qu'un déplacement en voiture.

Si on arrive à développer des axes piétons conviviaux, continus, directs, confortables et sécurisés, comme le demande notre initiative, on peut espérer qu'une partie des automobilistes qui ont pris l'habitude de parcourir moins de 3 kilomètres puissent enfin sortir de tôle - si j'ose dire -, libérer de l'espace et ainsi lutter contre les bouchons, qui font enrager les professionnels qui ont besoin de véhicules motorisés. La plus grosse entrave aux voitures en ville, Mesdames et Messieurs, c'est les voitures ! On le sait, pour tous les modes de transport, c'est la qualité de l'offre qui permet de faire la différence, et quand on voit des magistrales piétonnes - comme celles de Bruxelles, qui ont déjà été mentionnées, ou celles d'autres villes en France - qui constituent des espaces de rencontre, de shopping, de détente, ça fait rêver !

Concernant la situation en campagne, je vous ai envoyé une photo, celle du chemin des écoliers à Choulex. Ce dernier est plutôt mal en point, on doit se frayer un passage parmi les voitures. Donc oui, à la campagne aussi, on a besoin de trottoirs pour se déplacer en sécurité.

Cette initiative propose de corriger une inégalité de traitement, qui prive les utilisateurs principaux de la voirie d'une vraie stratégie de mobilité. L'accepter, c'est donner une impulsion en faveur du moyen de transport qui le meilleur pour la santé, le plus silencieux, le plus sûr. Je vous recommande de marcher d'un bon pas pour cette initiative sans vous encoubler dans un contreprojet. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Souheil Sayegh (LC). Après les débats sur la fonction publique, quoi de mieux qu'un débat sur la mobilité pour nous maintenir éveillés ! Nous avons été élus pour simplifier la vie des habitants de notre canton, non pas pour la compliquer par la mise en oeuvre d'une usine à gaz - on l'espère, sans effet de serre !

En commission, nous avons appris que la marche est le principal moyen de déplacement des Genevois, puisque près de 40% de nos déplacements se font ainsi. Nous sommes les champions suisses de cette mobilité - on l'a entendu. Pour preuve, on ne peut aller du parking Saint-Antoine à l'Hôtel de Ville qu'en marchant.

Ce texte est difficilement applicable: je vous laisse imaginer, l'initiative ne demande ni plus ni moins que dans un périmètre de 500 mètres autour des «centralités et gares», le trafic automobile soit limité.

La marche est d'une utilité indéniable, elle offre de nombreux avantages pour la santé, la qualité de vie et le bien-être - on pourrait en débattre davantage en privé si vous le souhaitez. Nous ne souhaitons pas opposer les uns aux autres, les marcheurs aux utilisateurs d'autres modes de transport. La sécurité des déplacements doit rester la priorité dans notre réflexion et nous ne devons pas rejeter la culpabilité sur les véhicules. Tout le monde ne peut pas marcher ou faire du vélo - il faut une fois pour toutes bien l'entendre -, et avec le vieillissement de la population, ça ne va vraiment pas aller tout seul, je vous le promets. Nous n'aimons pas la culpabilisation engendrée par une initiative au nom du climat, quelle qu'elle soit. L'objectif du canton de diminuer le nombre de véhicules à l'horizon 2030 de 40% laisse augurer qu'une pacification de l'espace public se fera.

Pour la majorité de la commission, forte de la conviction que la sécurité des déplacements doit être une nécessité, sans nous opposer les uns aux autres - les marcheurs, les cyclistes, les véhicules -, le concept d'un contreprojet est apparu comme une évidence. Nous préférons le voter plutôt que de soutenir cette initiative, raison pour laquelle nous la refuserons et nous vous invitons à en faire de même. Je vous remercie.

La présidente. Merci, je passe la parole à M. Matthieu Jotterand pour deux minutes.

M. Matthieu Jotterand (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, c'est amusant, j'ai bon espoir que vous puissiez encore changer d'avis sur l'initiative piétonne puisque Le Centre a déjà changé d'avis sur le contreprojet: en commission, il était très timoré et maintenant il est complètement pour, donc peut-être qu'il finira par soutenir totalement l'initiative. Le rapporteur de majorité ayant été remercié pour la célérité de son rapport, quoiqu'il ait été assez facile à rédiger - «Restons coincés dans les bouchons !», si je le résume en une phrase -, je souhaite remercier les rapporteuses de minorité parce qu'elles ont déjà fait l'éloge des bienfaits de la marche, ce qui m'économise un peu de temps de parole.

Moi, je parlerai plutôt du coût du trafic automobile, notamment de ses répercussions négatives sur la population. Ce ne sont pas des militants gauchistes qui le disent, mais l'Office fédéral du développement territorial, qui indique que le coût du trafic individuel motorisé est de 8,5 milliards par rapport à tous les effets négatifs qu'il engendre. On ne peut donc pas juste dire: «Chouette, on est les champions et championnes du monde de la marche.» Ça ne marche pas, Mesdames et Messieurs ! On doit faire mieux, on ne peut pas juste dire qu'on a 39% de marche, alors qu'en plus, pendant tous les débats de commission, la majorité de droite a passé son temps à nous dire que c'était une fausse statistique et qu'en réalité, on marchait beaucoup moins. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ensuite, on refuse cette initiative en disant qu'on marche déjà beaucoup ! Il y a une incohérence - soit c'est moi qui suis complètement idiot, soit il y a quand même un problème politique là derrière. Le problème politique, c'est qu'une fois de plus, la majorité de droite a le nez dans le volant et n'arrive pas à voir plus loin que le bout de son capot.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Matthieu Jotterand. Le trafic automobile démesuré, qui commence presque à devenir une entorse à la constitution, parce que finalement on n'a plus vraiment le libre choix de se déplacer à pied si on doit subir un bruit infernal, ce trafic automobile excessif, des attentes longues à chaque carrefour, c'est ça le problème, Mesdames et Messieurs.

La présidente. Merci !

M. Matthieu Jotterand. Alors oui, développer les itinéraires piétons prendrait de l'espace à la voiture, mais ne tombons pas dans le panneau du contreprojet, votons l'initiative !

Mme Gabriela Sonderegger (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative populaire cantonale 192 modifiant la LMCE ainsi que d'autres lois a été refusée par la majorité de la commission des transports du Grand Conseil, à l'exception des Verts et des socialistes.

Qualifiée de manière un peu aguicheuse par ses auteurs d'«initiative piétonne», l'IN 192 propose d'alourdir inutilement les dépenses publiques d'une charge financière d'environ 40 millions par année, que rien ne justifie au vu de nos infrastructures déjà existantes.

Bien qu'aucune zone piétonne problématique au regard des législations en vigueur n'ait été clairement identifiée par les initiants, ces derniers entendent soutenir la piétonnisation à marche forcée de tout le canton, en ajoutant ici et là quelques pistes cyclables.

De plus, l'IN 192 rate totalement sa cible, en abordant la problématique des passages piétons uniquement du point de vue des citadins en bonne santé. Aucune attention ni aucune invite dans l'initiative ne porte sur les véritables problèmes liés aux passages piétons et pédestres que rencontrent pourtant les personnes en situation de handicap ainsi que les résidents des communes périphériques, qui sont bien plus exposés à des risques pour leur sécurité et leur confort dans leurs déplacements.

Etant donné l'absence de pertinence et de considération des initiants envers toutes ces personnes, le MCG refusera l'IN 192, en demandant au Conseil d'Etat de revenir avec un contreprojet qui tienne compte de ces paramètres indispensables. Mesdames et Messieurs les députés, merci pour votre attention. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. La parole est à Mme Danièle Magnin pour une minute dix-huit.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Madame la présidente. Je n'en ai pas cru mes oreilles lorsque j'ai entendu, tout à l'heure, M. Cédric Jeanneret parler de son passage à l'hôpital, puisque j'y étais moi-même, que nous nous y sommes croisés et salués. (Exclamations. Rires.) Moi, je n'ai pas attendu «des minutes» aux feux: j'ai eu un premier feu pour les piétons qui était vert, tout comme le suivant, et le suivant ! (Commentaires.) Je n'ai pas du tout sa vision, et je vous prie de rejeter cette initiative ! Merci. (Rires. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

La présidente. Monsieur Sayegh, vous avez la parole pour une minute. (Brouhaha.) S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, veuillez garder le silence.

M. Souheil Sayegh (LC). Merci, Madame la présidente. Je souhaitais rejoindre les propos de M. Jotterand, que je remercie de m'avoir rafraîchi la mémoire quant au vote du Centre en commission sur le principe d'un contreprojet. Suite à nos réflexions, nous avons décidé de nous associer à l'élaboration d'un contreprojet et d'y apporter notre patte, plutôt que d'opter pour un projet tout ficelé avec lequel nous ne serions pas forcément d'accord. C'est pour cela que nous avons préféré le contreprojet. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Il n'y a plus de demande de parole de députés, je vais donc céder le micro au rapporteur de majorité, étant donné que les rapporteuses de minorité n'ont plus de temps à disposition. Monsieur Alder, vous avez la parole pour trois minutes trente.

M. Murat-Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. A entendre certaines interventions dans le camp de la minorité, j'ai envie de dire qu'on marche sur la tête ! Mesdames et Messieurs, contrairement à ce que nous ont dit le docteur Marti et le professeur de Chastonay... (Remarque.) La docteure et la professeure, pardon, évidemment ! ...la question n'est pas de savoir quels sont les bienfaits de la marche ni si la marche est bonne ou mauvaise pour la santé - bien évidemment que la marche est excellente pour la santé ! D'ailleurs, je ne peux qu'encourager tout un chacun à consulter son application «Forme» sur son téléphone et à vérifier qu'il ait bien fait ses 10 000 pas quotidiens en arrivant ici.

La question n'est pas là; la question que soulève cette initiative, c'est de savoir comment on envisage sa mise en oeuvre. La réalité, c'est que cette dernière impliquera nécessairement de rogner sur les surfaces qui aujourd'hui sont à disposition des transports individuels motorisés, y compris les deux-roues; on va par conséquent de nouveau grignoter de la place à celles et ceux qui n'ont malheureusement pas d'autre choix que de se déplacer en voiture, que ce soit le transport professionnel ou encore les familles recomposées par exemple: quand vous devez amener un enfant dans une école, l'autre enfant dans un centre sportif, le troisième au conservatoire, comment faites-vous quand vous n'avez pas de voiture à disposition ? Arrêtons donc de sans cesse criminaliser les personnes qui se déplacent en voiture.

J'en viens finalement au point que je voulais absolument relever: cette discussion démontre que cette initiative est un nébulogène dont l'objectif est, une fois de plus, de s'attaquer aux voitures dans notre canton. C'est pour ça qu'il faut la refuser. Néanmoins, elle a un mérite, et nous le reconnaissons très volontiers, c'est qu'elle a mis en lumière le fait que Genève a encore beaucoup à faire pour améliorer les déplacements des personnes à mobilité réduite. Ce sont ces personnes-là sur lesquelles nous voulons nous concentrer; on ne va pas nous faire croire que c'est impossible de se déplacer dans nos communes, dans notre canton, à pied ou par d'autres moyens de déplacement de mobilité douce. C'est pour cela que nous vous invitons à voter en faveur du principe d'un contreprojet, que la commission devra élaborer. Merci de votre attention.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a réservé un bon accueil à cette initiative dans son antépénultième séance de la législature précédente et, au titre de la continuité des institutions, le Conseil d'Etat continue d'accueillir favorablement ce texte.

Mais - parce qu'il y a un mais, qui est apparu dans les débats de commission -, ce texte permet d'établir quelques évidences. La première d'entre elles, c'est que oui, contrairement à ce que disait le représentant de l'UDC tout à l'heure, on peut imaginer des améliorations substantielles dans le domaine de la marche, dans le domaine des dispositifs consacrés aux piétons, pas seulement pour les personnes à mobilité réduite, mais pour les piétons en général. Il y a aujourd'hui des ruptures de flux piétons qui sont problématiques, mais il n'y a pas besoin d'une initiative pour régler cela - merci néanmoins d'avoir attiré notre attention là-dessus. Ça, c'est la première évidence.

La deuxième, et là je crois que nous sommes unanimes, c'est de constater que notre canton peut faire mieux, et c'est l'ambition de notre gouvernement pour la législature à venir, en matière de mobilité des personnes qui voient précisément leur mobilité réduite. On pense ici à des personnes qui ont besoin d'accessoires, chaises, déambulateurs, etc., mais pas seulement; notre société est une société vieillissante où les déplacements vont être un élément clé en relation avec l'isolement croissant des uns et des autres. Le fait de pouvoir sortir sur les voiries et de se sentir libre - Dieu sait si nous sommes attachés aux libertés - va être un élément déterminant pour le bien vivre ensemble.

Et puis, la troisième évidence - je suis désolé de devoir la rappeler, mais il faut quand même la souligner ici -, consiste à se demander: «Qu'est-ce qu'un piéton ?» C'est une personne qui marche pour, par exemple, aller chercher sa voiture, son scooter, pour monter dans le bus. On est tous des piétons et des piétonnes ! Vouloir ériger une catégorie de population contre une autre, la dresser contre une autre pour profiter de réquisitionner une partie de l'espace public, ça n'est pas la vision du Conseil d'Etat.

C'est là qu'on pense à cette petite phrase selon laquelle l'enfer est pavé de bonnes intentions. Cette initiative pose toute une série de principes, elle érige un certain nombre de dogmes, et on en voit assez rapidement les limites. Dès lors, le Conseil d'Etat fera sienne la position du parlement - si c'est celle-ci qui prévaut - de lancer un contreprojet, avec quand même aussi un caveat, celui de ne pas tomber dans les mêmes reproches que l'on pourrait faire à l'initiative, à savoir d'envisager des mises en oeuvre compliquées, coûteuses, même si, finalement, elles rendraient possible l'apparition d'un certain nombre de magistrales piétonnes au cours de cette législature. J'entends par là que l'initiative - c'est un des défauts qu'elle recèle - prévoit une multitude de dispositions législatives nouvelles, de modifications de la loi sur la mobilité douce, de la loi sur les routes, de la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée.

L'enjeu, Mesdames et Messieurs, et vraiment le Conseil d'Etat tient à mettre un poids particulier là-dessus durant cette législature, ce n'est pas de remodifier des lois et des règlements, mais de rendre possible ce qui est nécessaire. Ce qui est nécessaire aujourd'hui, c'est une fluidité piétonne, mais pas seulement; c'est de rendre les évidences que je mentionnais tout à l'heure très concrètes, de faire en sorte qu'en des points que vous connaissez peut-être, du côté de l'hôpital, ici à Choulex, là encore dans une commune suburbaine, dans des endroits où on stationne comme piéton, où on a l'impression qu'on n'est pas vraiment incité à faire usage de la marche - marche qui, je le souligne avec ma casquette de ministre de la santé, est essentielle aussi pour l'ensemble des conditions personnelles et sanitaires -, les problèmes sautent et qu'effectivement, on fluidifie, on facilite les déplacements.

Mais pour cela, il n'y a pas besoin de modification législative, il faut un peu de bon sens, un solide consensus sur le fait que, définitivement, pour Genève, la marche est le mode de transport numéro un. Puis, il faut également se rappeler qu'on est tous à un moment ou l'autre de la journée piétons, certes, mais pas uniquement, on a la capacité d'additionner les modes de transports.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, si vous acceptez cette initiative, le Conseil d'Etat la mettra en oeuvre de bonne grâce. Si vous optez pour un contreprojet, on aura une marge de manoeuvre pour discuter en commission. Enfin, si vous en faites des choux et des pâtés, on fera quand même ce qu'on a prévu de faire, à savoir, via le plan des mobilités actives, oeuvrer pour que dans cinq ans, notre canton puisse constater que la marche a été valorisée. Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Je vous remercie. Nous allons procéder aux votes, en commençant par celui sur l'initiative.

Mise aux voix, l'initiative 192 est refusée par 63 non contre 31 oui (vote nominal).

Vote nominal

La présidente. Je soumets à présent à vos voix le principe d'un contreprojet.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 64 oui contre 32 non (vote nominal).

Vote nominal

Le rapport IN 192-B est renvoyé à la commission des transports.