République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

PL 13360-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2024 (LBu-2024) (D 3 70)

Suite du deuxième débat

Budget de fonctionnement (tome 1) (suite)

A - AUTORITÉS ET GOUVERNANCE

Amendements relatifs à la politique publique A

La présidente. J'appelle la politique publique A «Autorités et gouvernance». Madame Caroline Marti, vous avez la parole.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, mon intervention se focalisera sur l'amendement déposé par la minorité que je représente, en collaboration avec nos collègues Verts, et qui concerne la solidarité internationale. Je rappelle un tout petit peu le contexte: la loi sur le financement de la solidarité internationale a été votée en 2001, soit il y a plus de vingt ans, et prévoit que 0,7% du budget cantonal doit être alloué à l'aide au développement.

Or toutes ces dernières années, ce montant plafonnait à 0,2%, alors que de nombreuses communes font l'effort d'affecter 0,7% de leur budget à des projets de coopération internationale. Le canton se doit non seulement de montrer l'exemple, mais également de respecter la loi qu'il a lui-même adoptée en son temps.

Certes, Mme Fontanet nous l'a indiqué à la commission des finances, on va vraisemblablement atteindre ce taux de 0,7% en 2023, peut-être même qu'on le dépassera, puisque nous avons validé en cours d'année de très nombreux crédits supplémentaires pour faire suite aux différents conflits internationaux à travers des subventions pour la solidarité internationale. Cependant, aux yeux de la minorité, cette ligne ne doit pas servir exclusivement aux situations de crise ou exceptionnelles, mais également à des projets d'aide au développement.

Enfin, je souligne qu'il y a aujourd'hui des guerres qui sont moins visibles que celles que nous connaissons en Ukraine ou à Gaza, mais qui n'en sont pas moins terribles pour les populations touchées - je pense notamment à un certain nombre de conflits en Afrique.

Notre amendement vise à rapprocher le canton de cet objectif légal, même s'il reste modeste et insuffisant. En l'occurrence, en effet, ce montant de 5 millions ne permettra pas d'atteindre le taux de 0,7%, mais contribuera au moins à améliorer la situation. Genève doit faire les efforts nécessaires pour se conformer à ses ambitions. Je vous remercie.

La présidente. Merci. (Un instant s'écoule.) Je repasse la parole à Mme Marti.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Oui, merci, Madame la présidente. Si personne ne prend la parole, je continue. Je n'ai pas voulu intervenir lors des amendements transversaux, puisqu'il ne s'agissait pas à proprement parler d'amendements transversaux, mais la minorité socialiste, en collaboration avec celle des Verts, a déposé, sur l'ensemble ou la quasi-totalité des politiques publiques, des amendements visant à indexer les subventions allouées aux associations.

Nous nous basons sur la logique suivante: si l'inflation touche la population, elle concerne aussi l'Etat - on l'a vu avec l'augmentation d'un certain nombre de coûts -, de même que les associations. Cela peut se manifester à travers les salaires: les employés des associations peuvent revendiquer, et ils auraient raison de le faire, une indexation de leurs rétributions pour répondre à l'inflation; les associations peuvent également subir une hausse du prix de leurs fournitures, de leurs marchandises, éventuellement de leurs loyers ou des coûts de l'énergie.

Ce que l'on constate aujourd'hui, c'est que les subventions ne progressent pas de façon systématique pour aider les associations qui font face à l'augmentation des charges. Or qui dit hausse des charges sans augmentation de la subvention dit baisse prévisible des prestations de ces entités.

La première minorité rappelle que les associations délivrent pour certaines des prestations déléguées par l'Etat, pour d'autres des services considérés par l'Etat comme étant d'intérêt public. Afin de permettre à ces structures ne serait-ce que de maintenir le niveau de prestations qu'elles offrent à la population, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à accepter ces amendements qui s'égrènent sur l'ensemble des politiques publiques et qui ont tous le même objectif: une hausse de 2% des subventions aux associations.

M. Stéphane Florey (UDC). En ce qui nous concerne, nous refuserons l'amendement prévoyant une indexation de 2%, qui creuserait encore le déficit. Deux mots sur cette mesure qui concerne les associations. Bien sûr, certaines d'entre elles réalisent un travail admirable, mais quand on prend la liste complète de ces entités et qu'on en écoute une partie en commission, surtout celles pour lesquelles le Conseil d'Etat propose de fortes augmentations de la subvention, à l'évocation d'éventuelles économies ou de restructurations via des fusions entre certaines d'entre elles - si on y regarde de plus près, elles font à peu près le même travail -, on jette immédiatement un froid, on se fait montrer du doigt, on nous dit qu'il est tout bonnement impossible de concevoir des restructurations de type organisationnel ou ne serait-ce que d'envisager une simple économie.

Finalement, quand l'Etat est incapable de présenter un budget équilibré, pourquoi devrait-il augmenter des subventions, pourquoi devrions-nous nous-mêmes proposer une indexation ? Aujourd'hui, on est tous logés à la même enseigne, que ce soit les associations, les contribuables, n'importe qui dans ce canton: on est tous logés à la même enseigne ! Vu la situation générale, tout le monde doit faire des économies, il faut faire attention à ce qu'on dépense, veiller à ce qui reste dans le porte-monnaie.

Pour l'UDC, Mesdames et Messieurs, il est tout simplement exclu de voter une indexation ou toute hausse des subventions. Nous vous invitons à réfléchir un peu plus loin que ce qui a été fait en commission et à commencer d'accepter la réalité qu'on devrait s'imposer aujourd'hui. Encore une fois, il s'agit de voter un budget équilibré, donc de refuser tous les amendements qui en augmenteraient le déficit. Je vous remercie.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, bien sûr qu'il faut soutenir cet amendement absolument nécessaire pour les associations qui - on l'a déjà dit, mais je vais le répéter - connaissent également une augmentation des charges, qui subissent l'augmentation du coût de la vie. Ces entités constituent souvent le prolongement du bras de l'Etat, lequel s'appuie sur elles pour être actif sur le terrain; le canton a besoin d'elles, car elles sont plus proches de la population, elles représentent tout simplement la société civile.

Il convient naturellement d'aider ces associations qui accomplissent un travail essentiel et indispensable, un travail que l'Etat ne pourrait ou ne saurait pas forcément effectuer. Voilà pourquoi je vous demande de voter cet amendement, d'autant plus que certaines de ces structures ont subi des attaques frontales de la part de la droite élargie lors des débats à la commission des finances. Merci.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur de majorité. Concernant l'amendement du parti socialiste et des Verts sur la solidarité internationale, on nous a indiqué en commission qu'on est sur le point d'y arriver, donc nous partons du principe que les choses vont se faire. Ainsi, nous vous recommandons de ne pas entrer en matière sur cette hausse de 5 millions. L'objectif a été reconnu et va être atteint.

Quant à l'autre amendement, qui reviendra pour quasiment toutes les politiques publiques, soit l'indexation de 2% des subventions aux associations, la majorité vous invite également à ne pas entrer en matière dessus.

La question n'est pas de savoir si ces entités sont utiles ou pas: évidemment qu'elles le sont et qu'elles accomplissent un grand travail; mais on est aussi en droit d'attendre quelque chose d'elles. Il y a des contrats de prestations, des négociations se font. On relève parfois des problèmes de gestion économique, comme cela vient d'être souligné. Ainsi, on leur demande certes de réaliser un travail qui est souvent social, et on le reconnaît, mais également de gérer leurs comptes de manière efficace et d'aller chercher les crédits là où ils se trouvent. Elles ne peuvent pas toujours dépendre à 100% de l'Etat ou des décisions du Grand Conseil en fin d'année, lequel vote ou non une allocation.

Par rapport à cette approche, nous sommes d'avis que pour toutes les politiques publiques et l'ensemble des associations, il ne faut pas entrer en matière sur cet amendement. Nous vous remercions de suivre la position de la majorité de la commission. Merci.

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, on va traiter un autre amendement qui vient de l'UDC - je ne sais pas si les gens sont au courant. Cet amendement consiste à diminuer de 80% l'aide aux pays dits en voie de développement. Nous avons une vision un peu différente, comme vous l'aurez compris, de celle de la gauche.

Qu'est-ce que l'aide au développement aujourd'hui ? On constate qu'après des décennies de soutien financier, les pays bénéficiaires se trouvent toujours dans des conditions déplorables, et c'est même pire aujourd'hui qu'il y a quarante ans.

L'aide pécuniaire accordée aux pays en voie de développement est-elle vertueuse ? Certains diront que oui, mais que favorise-t-elle principalement ? Elle favorise la corruption de l'état d'esprit des gens, elle favorise la corruption des mentalités, elle favorise la corruption des dirigeants. Les ressources offertes aux pays dits en voie de développement rendent les gens passifs, elles les placent dans une situation d'attente - plus on en distribue, plus ils veulent d'argent -, une situation de dépendance, de soumission, de vassalité, d'infériorité. Plus nous donnons, plus les attentes grandissent.

On nous dit: «La solidarité internationale a évolué, on apprend maintenant aux gens à pêcher au lieu de leur fournir du poisson.» Le problème, c'est que les gens veulent de l'argent, mais n'entendent pas travailler pour le gagner, ils n'ont même plus envie de pêcher. Même si on leur remet une canne à pêche, ils préfèrent de l'argent facile.

En général, dans les pays receveurs, la corruption est telle que les dirigeants ne font pas de différence entre le trésor public et leur enrichissement personnel. L'aide au développement doit être totalement bloquée, puis repensée, parce qu'elle est corruptible. Il faut obliger les dirigeants concernés à être tenus responsables par leurs populations; ce n'est pas à nous de nous occuper de ces personnes. Charité bien ordonnée commence par soi-même.

Comme indiqué par mon collègue, une entreprise en situation de banqueroute comme l'Etat de Genève doit commencer à régler ses propres problèmes financiers ainsi que ceux de sa population avant de prétendre résoudre ceux des autres. Malgré des recettes fiscales gigantesques à Genève et une économie florissante, notre population s'appauvrit. Il y a donc un problème quelque part qu'il s'agit de régler et surtout de pointer du doigt. La seule obligation morale et financière de l'Etat, c'est la défense des citoyens genevois qui s'appauvrissent. L'UDC vous invite à donner la priorité aux besoins des Genevois et à l'équilibre des comptes, votons cet amendement ! Merci beaucoup.

M. Patrick Dimier (MCG). Je rappelle juste à notre collègue Falquet que tout ce qui est excessif est insignifiant. Merci. (Applaudissements.)

M. Jean-Pierre Tombola (S). Je suis écoeuré par certains propos tenus dans ce parlement - vous transmettrez, Madame la présidente. La coopération internationale exige un partenariat, c'est une forme de collaboration. Soutenir que les pays qui reçoivent de l'aide financière ne veulent pas travailler est inadmissible, je ne peux pas l'entendre.

Mesdames et Messieurs les députés, depuis les années 80 les institutions de Bretton Woods ont introduit des mesures d'ajustement structurel dans les pays en développement. Vous savez qu'en réalité, tous les fonds considérés comme de l'aide au développement ou de la coopération internationale restent dans les banques du Nord.

Prétendre que les pays du Sud qui perçoivent des ressources pécuniaires ne veulent pas travailler et préfèrent toucher de l'argent gratuitement est inacceptable. Eu égard au surendettement des pays du Sud et aux aides qui leur sont transmises, il est clairement établi que les pays du Sud donnent plus à ceux du Nord qu'ils n'en reçoivent. (Applaudissements.)

Une voix. C'est vrai, ça. Bien joué !

M. Jean-Pierre Tombola. Prenons l'exemple de nos fiscs: la délivrance de visas fait entrer dans les ambassades des recettes supérieures aux financements de la solidarité internationale. Il est confirmé par la Confédération (la DDC) qu'un franc investi dans la coopération au développement produit un ou deux francs de plus.

Il s'agit donc de transférer des connaissances, de soutenir les pays en développement qui souffrent des conséquences de la surconsommation des pays riches; on le voit très clairement avec les inondations qui ont lieu dans les pays du Sud, lesquels subissent les conséquences du réchauffement climatique sans avoir bénéficié des avantages du progrès.

Vous transmettrez à qui de droit, Madame la présidente, que de pareils propos ne devraient pas être tenus dans un parlement comme le nôtre... (Applaudissements.) ...ce n'est pas faire preuve de respect pour les pays du Sud, ce n'est pas faire preuve de respect pour le transfert de connaissances. On a parlé de la mondialisation, il n'y a pas très longtemps; eh bien celle-ci a davantage profité aux pays du Nord qu'à ceux du Sud. Il est très important que la coopération internationale soit maintenue dans une ville comme la Genève internationale. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Une autre voix. Magnifique, Jean-Pierre !

M. Pierre Eckert (Ve). On leur a déjà répondu assez vigoureusement, mais j'invite très volontiers mes collègues de l'UDC à lire les rapports de la Fédération genevoise de coopération; ils pourront ainsi déterminer si cette entité entretient la corruption dans les pays soutenus. Je note par ailleurs que l'UDC préfère recevoir ici un certain nombre de requérants d'asile plutôt que d'aider les pays sur place.

M. Jacques Blondin (LC), rapporteur de majorité. Juste pour la bonne forme: la majorité vous invite à refuser l'amendement qui vise à couper l'aide aux pays en développement. Je vous remercie.

M. Yves Nidegger (UDC). M. Tombola a raison sur un point: les rapports entre les pays du Nord et ceux du Sud sont totalement déséquilibrés et iniques, au détriment des pays du Sud, notamment en raison du système financier. En effet, eu égard à la valeur de leurs monnaies, ils doivent vendre des tonnes et des tonnes de matières premières pour acheter un objet manufacturé ici. Sur cette question, on sera unanimes.

Ce qui est mis en cause ici, ce n'est pas la justice ou l'injustice des rapports Nord-Sud, je crois que M. Tombola et moi-même serions assez d'accord là-dessus, mais l'efficacité ou l'inefficacité de ce qu'on appelle l'aide au développement. En tant que membre de la Commission de politique extérieure, je suis allé dans de nombreux pays - parce qu'on vote des budgets pour ces choses-là à Berne - et, chaque fois, j'ai été voir la DDC en demandant à quoi sert cet argent, comment il est utilisé: eh bien c'est absolument désastreux.

La Suisse a de l'argent - et Genève voudrait en rajouter alors qu'il ne s'agit pas d'une politique locale, mais d'une politique fédérale, tout de même - et il faut trouver des sous-traitants de sous-traitants de sous-traitants qui sont italiens pour dépenser certaines sommes, parce qu'on n'a pas le personnel sur place pour le faire correctement.

Ainsi, la critique faite par M. Falquet de l'inefficacité de l'argent versé dans ce tonneau des Danaïdes est absolument justifiée, même si je reconnais avec M. Tombola que l'injustice qui prévaut sur cette planète est un fait. Il faut donc accepter l'amendement et faire de cet argent un usage meilleur.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Un petit mot sur la solidarité internationale: évidemment, il faut soutenir l'amendement de 5 millions pour permettre la concrétisation de la loi qui prévoit que 0,7% du budget est accordé à l'aide au développement. C'est un problème d'application de la loi, donc il faut accepter cette proposition qui améliore la situation. Et bien sûr, il convient de refuser l'amendement UDC, qui est complètement stigmatisant et révoltant. Merci.

La présidente. Je vous remercie. La parole n'étant plus sollicitée, nous passons au vote des amendements à la politique publique A «Autorités et gouvernance». Le premier, qui émane de Mme Marti et cosignataire, prévoit un montant de +3600 francs.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 31 oui.

La présidente. L'amendement suivant est présenté par l'UDC et vise une diminution de 5 080 000 francs.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 84 non contre 12 oui.

La présidente. Ensuite, nous sommes saisis d'une modification de Mme Marti et cosignataires pour une hausse de 5 millions de francs.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 32 oui.

La présidente. Voici la dernière proposition, toujours de Mme Marti et cosignataires: +29 325 francs.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 64 non contre 32 oui.

La présidente. A présent, je mets aux voix la politique publique dans son ensemble.

Mise aux voix, la politique publique A «Autorités et gouvernance» est adoptée par 51 oui contre 12 non et 32 abstentions.

Politique publique B: Séance du jeudi 14 décembre 2023 à 17h10