République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 novembre 2023 à 16h15
3e législature - 1re année - 6e session - 38e séance
PL 12595-A
Premier débat
La présidente. Nous reprenons notre ordre du jour avec le PL 12595-A, traité en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de première minorité est repris par Mme Emilie Fernandez; quant au rapport de troisième minorité, il ne sera pas présenté, le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, un peu de silence, s'il vous plaît ! Allez-y, Madame Buffet-Desfayes.
Mme Natacha Buffet-Desfayes. Merci, Madame la présidente. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui veut modifier la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption et, comme son titre l'indique, renforcer le congé paternité et maternité. Par renforcement du congé maternité, entendez un congé maternité à 126 jours et un congé paternité à 126 jours. Partant du principe qu'il faut renforcer le congé paternité, les signataires ont déposé ce texte avant le vote du peuple en 2020 sur le congé paternité que nous connaissons actuellement; ils aimeraient faire passer le congé paternité actuel de 15 à pas moins de 126 jours directement, alors que celui-ci n'a, et de loin, pas encore déployé ses effets sociaux, familiaux et tous ceux escomptés de ce genre de projet.
Par ailleurs, cet objet vise à ce que soient offertes des prestations différenciées selon les revenus, ce qui contrevient au principe d'égalité de traitement; cela pose évidemment problème.
Faites le calcul avec les quelques chiffres articulés jusqu'ici: ce sont au total 36 semaines de congé maternité et de congé paternité qui sont demandées. Force est de constater que si ce projet de loi était accepté, il coûterait extrêmement cher. Il dénote un appétit débordant et devrait coûter à la louche 400 millions, conformément aux chiffres articulés en commission, et ce, sans même tenir compte des frais administratifs y afférents.
En somme, ceux qui se sont opposés au congé parental sont ceux qui ne laissent pas les effets du congé paternité se déployer et qui veulent aujourd'hui imposer un congé de 36 semaines aux parents, prétendant ainsi corriger les inégalités entre les hommes et les femmes au sein du couple quand ils ont des enfants. Ce n'est pas en imposant un congé à la durée absolument délirante qu'on améliore les relations dans le couple et la famille, sinon ça se saurait. Ce n'est pas non plus en détroussant les employeurs qu'on améliore les conditions-cadres qu'on a évoquées hier et qui sont nécessaires à l'égalité entre les hommes et les femmes lorsqu'ils deviennent parents. Voici donc deux chiffres à retenir: 36 semaines et environ 400 millions. Si j'osais, je dirais «WTF» ! Pour toutes ces raisons, la majorité vous invite à refuser ce projet de loi.
Mme Emilie Fernandez (Ve), rapporteuse de première minorité ad interim. Je reprends le rapport de mon estimé collègue Didier Bonny. Le projet de loi déposé au mois d'octobre 2019 avec la Verte Delphine Klopfenstein Broggini comme première signataire propose de doter Genève d'un congé paternité de 18 semaines ainsi que de faire passer le congé maternité de 16 à 18 semaines, soit 36 semaines en tout contre seulement 24 proposées par l'initiative 184 «Pour un congé parental maintenant !» votée par le peuple en juin dernier.
Une durée de 36 semaines est bien plus en adéquation avec les objectifs suivants: conciliation entre la vie professionnelle et familiale, répartition des tâches et bien-être de l'enfant. Les Vertes et les Verts auraient donc vu d'un très bon oeil que ce texte ambitieux serve de contreprojet à l'initiative 184. Hélas, à l'époque, la majorité de la commission des affaires sociales a refusé d'envisager cette possibilité. Pourtant, la moindre des choses avant de se prononcer sur cet objet aurait été d'attendre d'abord l'issue du vote de notre parlement, puis le vote du peuple sur l'initiative 184 et enfin la garantie fédérale, étant donné que l'initiative 184 est constitutionnelle.
Rappelons en outre que dans les pays voisins, l'octroi d'un congé paternité ou parental ambitieux tient de l'évidence. Par exemple, en Allemagne, il existe un congé parental de 36 mois. La Norvège prévoit un congé paternité de 15 semaines qui peut être rallongé pendant encore 29 semaines par un congé parental, la Suède un congé paternité de 60 jours. En Espagne, les pères ont un congé de 8 semaines tandis qu'au Portugal, ils disposent d'un mois. La Suisse a donc été le dernier pays à mettre en place un congé paternité ou parental.
Des études mandatées par la Commission fédérale pour les questions familiales (la COFF) ont démontré qu'un congé parental de 38 semaines minimum serait profitable à toutes et tous. Pour les auteurs du document d'orientation politique publié le 1er décembre 2020 par le Département fédéral de l'intérieur, annexé au rapport de M. Bonny, «la nécessité d'introduire un congé parental en Suisse est une évidence. [...] Les auteurs soulignent notamment que plus de semaines devraient être réservées aux pères et le congé de maternité être flexibilisé afin qu'une répartition plus égalitaire de l'emploi rémunéré et du travail non rémunéré puisse devenir réalité.»
Pour revenir à cet objet, notre proposition est de le renvoyer en commission afin que l'on puisse l'étudier au regard de ce qui sera envisagé pour la mise en application de l'initiative 184. Nous vous remercions de soutenir cette demande.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Thévoz, je vous prie de vous exprimer sur le renvoi; s'il est refusé, vous pourrez ensuite faire votre présentation. Vous avez la parole.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que la proposition de renvoyer cet objet en commission est intéressante. On le sait, l'initiative 184 faussement intitulée «Pour un congé parental maintenant !», qui ne donnait pas droit à un congé parental immédiat et qui est en attente d'une validation au niveau fédéral, patauge; il semble que sa mise en oeuvre soit compliquée. En attendant la possible autorisation fédérale et la transcription de cette initiative constitutionnelle en lois, nous pouvons très bien renvoyer ce texte en commission, reprendre du temps pour l'étudier, le compléter.
Ce projet propose un véritable congé parental, concret, de 36 semaines à égalité entre les femmes et les hommes. Pour cela, il suffit d'une chose: une volonté politique. On a largement entendu les partis de droite, dans le cadre des élections fédérales, exprimer leur volonté politique en faveur de l'égalité, en faveur d'un renforcement de la place des femmes, je dirais, dans l'économie et en faveur de leur engagement professionnel. Il y a là une opportunité pour ces partis de montrer qu'il ne s'agit pas simplement de promesses électorales, mais que celles-ci sont suivies d'actes. Nous les invitons donc à voter ce renvoi en commission et à effectuer cette fois-ci un travail plus sérieux sur ce projet de loi. Merci beaucoup.
La présidente. Je vous remercie. (Brouhaha.) Je prie les personnes qui nous rejoignent de le faire silencieusement. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole sur le renvoi en commission.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Nous ne désirons pas renvoyer cet objet en commission. Comme on l'a évoqué, ce qui est souhaité à travers ce projet de loi, c'est 18 semaines pour le congé maternité et 18 semaines pour le congé paternité; cela n'a rien à voir avec un congé parental, puisque ce texte n'offre pas la flexibilité souhaitée par le peuple avec la répartition des différentes semaines entre le père et la mère. S'il faut revenir un jour sur le congé parental tel qu'il sera proposé et mis en oeuvre, nous le ferons avec un autre projet de loi. Je vous remercie.
La présidente. Je vous remercie. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12595 à la commission des affaires sociales est rejeté par 55 non contre 30 oui.
La présidente. Nous continuons le débat, toujours dans le silence. Monsieur le rapporteur de deuxième minorité, vous avez la parole.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi est raisonnable, équilibré, économique. Il est raisonnable, car il s'inscrit dans la ligne de ce qui est promu par différentes commissions fédérales: elles recommandent 38 semaines de congé parental, ce texte en propose 36.
Il est équilibré; au niveau fédéral se tient une discussion en lien avec l'instauration ou non d'un congé parental, et ce texte évite l'écueil possible de congés parentaux qui seraient mal taillés: il y a là une vraie égalité, avec 18 semaines pour les femmes et 18 semaines pour les hommes.
Il est économique, car un tel projet de loi favorisera évidemment une grande avancée sociétale. Le coût de 1% pour chaque partie, employeur et employé, est tout à fait supportable. L'introduction d'un tel congé dans une situation où le manque de places de crèche est toujours plus problématique permet une solution immédiate.
Enfin, ce projet de loi est un très bon outil pour instaurer une véritable égalité entre les femmes et les hommes. C'est un texte ambitieux en matière de congé parental: il va bien au-delà de ce qui a été proposé par l'initiative 184, qui est - je l'ai dit - faussement intitulée «Pour un congé parental maintenant !». La population a certes voté sur cette initiative, mais - vous me permettrez cette parenthèse - elle a voté de la même manière qu'elle a envoyé M. Poggia à Berne, sur des promesses de campagne qui étaient fausses... (Vives protestations.)
La présidente. Je préférerais que vous évitiez la parenthèse.
M. Sylvain Thévoz. ...à tel point que M. Poggia se retrouve aujourd'hui... (Commentaires.) Vous transmettrez, Madame la présidente, parce que c'est exactement le coeur du propos ! Nous avons entendu la promesse de campagne suivante: «Je siégerai dans une commission pour y travailler sur la question des primes d'assurance-maladie.» (Protestations.) J'arrive au sujet, si vous me laissez parler. In fine, M. Poggia ne siégera dans aucune commission, du moins pas à la commission de la santé, et ne fera rien au sujet des primes d'assurance-maladie.
Ce qui nous ramène au projet de loi, c'est le fait que l'initiative 184 est intitulée «Pour un congé parental maintenant !», alors qu'il n'y aura pas de congé parental maintenant, nous le savons; il ne sera pas obligatoire, mais dépendra du bon vouloir des entreprises. Ce petit détour... Merci de faire régner l'ordre, parce que c'est vraiment insupportable quand on parle. (Protestations.) ...avait pour but de montrer qu'il y a les promesses de campagne... (Commentaires.) ...et la réalité de la mise en oeuvre des projets de lois. En l'occurrence, nous avons un vrai projet de loi - il ne s'agit pas d'une esbroufe de la droite - qui permet maintenant au canton de Genève de se doter d'un véritable congé paternité de 18 semaines et de faire passer le congé maternité de 16 à 18 semaines. Il faut évidemment le soutenir.
Je l'ai souligné, ce projet de loi est solide et ambitieux. Il améliore véritablement la situation des parents, notamment en corrigeant les problèmes de l'initiative 184. Alors certes, le peuple a voté, mais sur un projet de loi minimal, je l'ai dit. Dans un contexte où, et vous le savez, les places d'accueil dans les structures de la petite enfance demeurent insuffisantes et où une autre promesse, celle de Mme Hiltpold - vous transmettrez, Madame la présidente - de rendre l'école obligatoire, en tout cas de l'ouvrir dès 3 ans, reste pour l'instant totalement dans les limbes et ne fait plus parler, on a ici une extension du congé maternité. Cette extension permettra la création d'un congé susceptible d'amener de vraies solutions pour les familles durant les premières années après la naissance de leur enfant. Vous le savez, ces premières années sont cruciales; on a aujourd'hui de plus en plus de développements de problèmes psy et de plus en plus de problèmes sociétaux en lien principalement avec des familles qui ne trouvent pas de solutions de garde pour leurs enfants.
Je fais encore une parenthèse. Vous entendez, en France par exemple, des gens dire: «Oh là là ! Les jeunes vont mal et il faut que les parents s'en occupent. Que font les parents ?» Eh bien, Mesdames et Messieurs, les parents sont occupés à travailler, n'ont parfois même plus les moyens d'être à la maison, il s'agit parfois de familles monoparentales: les parents ne peuvent donc plus s'occuper de leurs enfants. Ce projet de loi est concret, pratique et nous vous invitons fortement à le voter. Merci beaucoup.
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme déjà dit, ce projet de loi de 2019 est inapplicable et n'est plus d'actualité, en raison de l'initiative 184 et de l'acceptation par le peuple suisse du congé paternité. En plus, il irait beaucoup plus loin que l'initiative 184 intitulée «Pour un congé parental maintenant !». Bref, le congé paternité de 15 jours a été accepté en 2020 au niveau suisse. L'initiative 184 «Pour un congé parental maintenant !» proposait, quant à elle, 16 semaines de congé maternité, 8 semaines pour l'autre parent et, en cas d'accord entre les deux parents, la possibilité de reporter deux semaines sur l'un des deux.
Or, ce texte propose de rallonger les délais et d'augmenter les allocations versées. Les coûts estimés de cette mesure seraient d'environ 400 millions par année. Genève possède déjà les prestations les plus élevées de ce pays ! L'aide aux jeunes parents et à la natalité est évidemment nécessaire, mais ce type de projet de loi n'est pas réaliste et surtout, surtout, ne résoudrait pas les vrais problèmes de la majorité des jeunes parents. Genève doit absolument sortir de sa logique du toujours plus loin et du toujours plus cher. Cette logique de redistribution est très coûteuse et n'est de loin pas efficiente ni efficace. Si c'était le cas, la natalité et le confort des jeunes parents genevois devraient déjà être les meilleurs, et de très, très loin, comparativement à tous les autres cantons suisses, car - et je le répète - Genève accorde déjà les prestations les plus généreuses et dépense déjà plus d'argent que les autres cantons. Pour ces raisons, je vous recommande de refuser ce projet. Merci de votre attention.
Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, oui, en Europe, la Suisse est à la traîne en matière de politique familiale et la politique proposée n'est de loin pas délirante - Madame la présidente, vous le direz à Mme Buffet-Desfayes. La mise en place d'un congé maternité, paternité, d'adoption qui soient d'envergure ne représente que des avantages. Ce congé contribue à déconstruire les stéréotypes de genre et à répartir de manière plus égalitaire les tâches domestiques et familiales, car si les mères ont renforcé au fil des ans leur présence dans le monde du travail, l'engagement durable des pères dans la garde des enfants et dans les tâches domestiques est par contre resté faible. Le congé paternité renforce l'engagement des pères au sein de la famille et leur relation à l'enfant.
De multiples effets positifs sont relevés par la Commission fédérale pour les questions familiales. Pour les familles, les voici: meilleur partage des responsabilités familiales entre les parents, renforcement de l'égalité des chances entre hommes et femmes, soutien aux trajectoires professionnelles des parents, meilleure santé des enfants et des parents, meilleur développement de l'enfant, renforcement de la relation père-enfant, risque de pauvreté diminué lors de la retraite, notamment pour les parents divorcés. Quant à la possibilité proposée par l'initiative 184 pour les conjoints de répartir entre eux deux semaines de manière flexible, elle présente un risque de recul du gain acquis pour les femmes qui voient leur congé baisser à 14 semaines.
Parmi les autres effets positifs, certains concernent les entreprises: davantage de main-d'oeuvre qualifiée disponible, meilleure productivité, fidélisation des employés, meilleur retour sur la formation des employés.
Qu'en est-il pour les indépendants ? L'initiative 184 a complètement ignoré le cas des travailleuses et travailleurs indépendants. Pourtant, le congé parental concerne tous les parents, quel que soit le statut sous lequel ils exercent leur activité lucrative.
Pour l'économie et la société, oui, il y a un coût, mais il existe aussi un retour sur investissement: dans la formation des femmes, une natalité plus élevée, une réduction des coûts de la santé, une augmentation des recettes fiscales et de la prévoyance vieillesse, une réduction des coûts sociaux, moins de places de crèche nécessaires aux tout-petits, moins de déductions fiscales pour l'accueil extrafamilial des enfants, une égalité des chances pour les femmes quant à leur représentation dans les postes de cadre et en politique. Pour toutes ces raisons, je vous encourage à voter le projet de loi qui vous est proposé. (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les députées et les députés, je serai très brève. Ce projet de loi a été déposé avant le vote sur le congé parental et avant le vote sur l'initiative 184. On a déjà parlé du sujet hier soir; la commission avait traité ces deux projets de lois de manière conjointe pour, finalement, les séparer. Comme on l'a dit durant le débat d'hier soir sur le PL 12467, la population s'est positionnée clairement pour un congé paternité et pour l'initiative. Un travail au niveau fédéral doit être mené et pour Le Centre, il est important d'avoir la réponse de la Confédération avant d'aller plus loin avec une autre loi qui devra sans nul doute être réadaptée. Travaillons de manière sensée, s'il vous plaît: le cadre doit être fixé avant de pouvoir remplir l'intérieur. J'ai entendu le mot économique, on a dit que ce texte serait économique: 390 millions, est-ce vraiment économique ? Permettez-moi de mettre en doute une telle affirmation. Pour toutes ces raisons, Le Centre refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). On l'a largement dit et je pense que tous mes préopinants l'ont répété, le coût de ces 36 semaines de congé s'élèverait à presque 400 millions de francs par année. Par ailleurs, comme on l'a mentionné à propos du PL 12467, sur lequel nous avons voté hier soir - et que nous avons refusé -, l'augmentation du volume des prestations va nécessiter une augmentation proportionnelle de la réserve légale imposée par la LAMat. Le taux d'équilibre du régime serait d'au minimum 1,55%, ce qui augmenterait d'autant le prélèvement des cotisations employeur et employé; c'est particulièrement malvenu pour les PME. Il est à noter que cette estimation ne tient pas compte du coût du congé d'adoption, du coût du congé pour les parents de même sexe ni du coût du dispositif visant à préserver les bas salaires, toutes ces dispositions étant contenues dans ce projet de loi. De même, ces calculs ne tiennent pas compte du fait que les indépendants ne cotisent que pour la moitié du taux fixé. A ces coûts exorbitants et à ces difficultés administratives s'ajoute le fait que nous avons désormais voté l'initiative pour un congé parental, ce qui a été relevé par absolument tout le monde.
J'aimerais rappeler les bénéfices de ce congé parental par rapport au projet qui nous est soumis aujourd'hui. Tout d'abord, une flexibilité est donnée au couple, qui permet aux deux parents de s'organiser et d'envisager la meilleure manière de prendre ce congé; ce dispositif offre aussi une flexibilité vis-à-vis de l'employeur, puisqu'on peut prendre ce congé parental soit en bloc, soit de manière perlée durant la première année suivant la naissance de l'enfant.
En outre, ce qui sous-tend ce projet de loi, comme ce qui sous-tendait le projet de loi dont nous débattions hier, c'est la volonté d'augmenter le nombre d'enfants par femme, donc d'agir sur la natalité en Suisse. Je vous rappelle que le taux de fécondité pour renouveler la population est de 2,1 enfants par femme. En Suisse, nous n'y sommes pas du tout: on est à 1,5 enfant par femme. Il n'est pas non plus atteint dans l'ensemble des pays européens, notamment dans les pays qui viennent d'être cités par la rapporteure de minorité. Elle a évoqué entre autres l'Espagne, qui est à 1,29 enfant par femme, le Portugal, qui est à 1,37, soit en dessous de la Suisse. L'Allemagne est environ au même niveau que nous avec 1,53. La Norvège ainsi que la Suède sont à 1,6.
On le voit bien, l'allongement des congés n'est pas ce qui fonctionne le mieux. Ce qui fonctionne mieux en revanche, on le sait, c'est une augmentation des moyens de garde pour les enfants: des crèches bien sûr, mais aussi des horaires continus ou aménagés à l'école primaire et des activités, une prise en charge des enfants pendant les vacances scolaires, qui sont extrêmement longues et qui rendent l'occupation des enfants difficile pour les parents; cela engendre pas mal de stress dans les familles.
Il faut savoir en outre que le taux de fécondité est corrélé à l'éducation des femmes. Plus le niveau d'éducation est élevé, moins celles-ci auront des enfants. On remarque cet effet positif, ou du moins qu'on juge comme tel de notre point de vue occidental, dans un certain nombre de pays subsahariens où il y a encore un très fort taux d'enfants par femme. On le voit aussi chez nous: 40% des femmes qui sortent aujourd'hui des études tertiaires n'auront pas d'enfants.
Je propose, au point où nous en sommes, de laisser d'abord le congé parental déployer ses effets avant de nous aventurer dans autre chose. C'est la raison pour laquelle - en plus de celle des coûts bien entendu - je vous invite au nom du groupe PLR à refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
La présidente. Merci beaucoup. La parole revient au rapporteur de deuxième minorité pour une minute trente.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Durant le débat de tout à l'heure sur la maîtrise des charges, M. Zweifel - vous transmettrez, Madame la présidente - parlait de «l'obésité morbide de l'Etat»; là, on a la droite qui s'est contentée d'une initiative 184 «Weight Watchers», voire anorexique, et quand on a un vrai congé parental comme celui-là, de deux fois 18 semaines ainsi que le recommande la commission fédérale spécialisée en la matière, alors là non, ça va coûter trop cher, ça va même être dangereux, que sais-je encore.
Mesdames et Messieurs, les Genevoises et les Genevois l'ont dit, ils veulent un véritable congé parental. Ils se sont fait enfumer sur l'IN 184 comme ils se sont fait enfumer - vous transmettrez quand même, Madame la présidente - par M. Poggia et ses promesses de campagne. (Protestations.) En démocratie, il faut dire les choses ! Il faut les assumer ! Nous, nous les disons, nous les assumons ! Nous avons là un vrai congé parental de deux fois 18 semaines, pas le projet «Weight Watchers» qu'a voulu la droite pour bloquer toute avancée sociétale sur le congé parental. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Une dernière fois, soyez raisonnables, renvoyez ce projet de loi en commission, adoptez-le et offrez aux Genevoises et Genevois qui attendent un vrai congé parental une vraie possibilité d'être auprès de leurs enfants les premières semaines de vie de ces derniers, pour le bien des familles, pour le bien des enfants, pour le bien de notre économie...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Sylvain Thévoz. ...et pour le bien de notre société. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat rappelle que le peuple s'est prononcé tout récemment et estime qu'il convient d'attendre l'entrée en vigueur de ce congé parental, d'observer la manière dont il va se décliner, quelles en seront les conséquences, et de voir s'il est suffisant; il convient de faire ensuite une analyse de la situation et d'examiner d'autres projets si cela s'avère nécessaire. Merci beaucoup.
La présidente. Je vous remercie. Nous allons procéder au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12595 est rejeté en premier débat par 60 non contre 29 oui.