République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 16h15, sous la présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente.

Assistent à la séance: Mmes Nathalie Fontanet et Carole-Anne Kast, conseillères d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz, Anne Hiltpold, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Jacques Béné, Florian Dugerdil, Roger Golay, Angèle-Marie Habiyakare, Charles Poncet, Julien Ramu, Vincent Subilia et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Rémy Burri, Christian Flury, Patrick Lussi, Philippe Meyer et Daniel Noël.

Annonces et dépôts

Néant.

RD 1555
Démission de Roger GOLAY, député

La présidente. Mesdames et Messieurs, je vous informe que nous avons reçu la démission de M. Roger Golay de son mandat de député. Je prie Mme Bidaux de bien vouloir nous lire sa lettre.

Courrier 4107

La présidente. Il est pris acte de cette démission avec effet à l'issue de cette séance. M. Christian Flury prêtera serment à 18h.

RD 1556
Démission de Mauro POGGIA, député

La présidente. Nous avons également reçu la démission de M. Mauro Poggia de son mandat de député. Madame Bidaux, merci de bien vouloir procéder à la lecture du courrier 4108.

Courrier 4108

La présidente. Il est pris acte de cette démission avec effet à l'issue de la séance. M. Sami Gashi prêtera serment à 18h.

Eu égard à leur mandat relativement bref au Grand Conseil au cours de cette troisième législature, MM. Poggia et Golay n'ont pas souhaité d'hommage après celui qui leur a été rendu respectivement en 2011 et 2013.

RD 1557
Hommage à Daniel SORMANNI, député démissionnaire

La présidente. Nous avons encore reçu la démission de M. Daniel Sormanni de son mandat de député. Je remercie Mme Bidaux de nous lire également sa missive.

Courrier 4109

La présidente. Il est pris acte de cette démission avec effet à l'issue de cette séance.

Entré une première fois au Grand Conseil en 1980, puis à nouveau en 1982, M. Daniel Sormanni a siégé près de trois ans sur les bancs socialistes. Il a ensuite été élu sur les bancs du MCG en 2013 et y a siégé dix ans.

Au cours de ses mandats, il a assuré la présidence de la commission de l'enseignement supérieur, de la commission de l'énergie et, à deux reprises, de la commission de contrôle de gestion. M. Sormanni a par ailleurs été membre du Bureau du Grand Conseil en 2016.

Plusieurs objets déposés par M. Sormanni ont été couronnés de succès, dont la création de la Fondation Praille-Acacias-Vernets et une modification de la loi de procédure fiscale. Très soucieux des différents aspects de la vie dans notre canton, il a pris la parole à de nombreuses reprises en plénière - même hors micro ! - sur des thèmes variés allant de l'exercice des droits politiques à l'énergie ou au logement, mais aussi sur les questions de genre ou de mobilité.

Outre ses mandats de député, M. Sormanni a siégé au Conseil municipal de la Ville de Genève sous la bannière socialiste de 1979 à 2003, puis, à partir de 2011, sous les couleurs du MCG.

Nous formons nos voeux les meilleurs pour la suite de ses activités et lui remettons, fidèles à la tradition, un stylo souvenir, stylo que nous remettons également à M. Poggia, M. Golay étant pour sa part absent. (Applaudissements. La présidente descend de l'estrade, serre la main de MM. Daniel Sormanni et Mauro Poggia et leur remet le stylo souvenir.) Monsieur Mauro Poggia, vous avez la parole.

M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Madame la présidente. Chères et chers collègues, Daniel Sormanni, alias DS, possède un moteur increvable ! Et ce n'est pas un hasard: titulaire d'un CFC de mécanicien sur automobile, DS a pris très tôt la route du combat. Président des syndicats de garagistes, militant FTMH, puis président de ce syndicat genevois, DS est élu en 1979 sur la liste socialiste en Ville de Genève où il a siégé jusqu'en 2003 pour y revenir en 2011 sous les couleurs du MCG - juste choix.

Entre-temps, en 1980, il accède au Grand Conseil et démissionne en 1983, date à laquelle il entre à l'Etat de Genève et poursuit sa formation continue, obtenant un diplôme à l'Université de Genève en 1993. En 1997, pour compenser sans doute sa tendance à la pyromanie rhétorique, il devient inspecteur à la police du feu jusqu'à sa retraite, le 1er décembre 2013.

C'est précisément en 2013 qu'il est élu au Grand Conseil, puis réélu en 2018 et finalement en 2023. Dix ans - vous l'avez rappelé, Madame la présidente - à la commission de contrôle de gestion avec deux présidences, dix ans également à la commission de l'énergie, à la commission de l'enseignement supérieur et à celle du logement.

Ses combats: la défense des arbres - eh oui, avant même que les Verts ne mûrissent, à une époque où seuls les canidés voyaient l'intérêt des arbres en ville, Daniel Sormanni s'y intéressait déjà -, la rénovation de la plage du Reposoir, la formation des jeunes, l'aide au premier emploi, la réinsertion des chômeurs, la lutte contre le trafic de drogue, la fondation PAV - vous l'avez citée, Madame la présidente -, la circulation - vaste sujet ! -, le soutien aux entreprises, plus récemment la transparence et la LIPAD, et j'en passe. Daniel Sormanni s'intéresse à tout: c'est un boulimique politique, un glouton législatif, et quand on croit qu'il s'essouffle, il nous dépasse dans la montée.

Couronnement d'une carrière politique débordante, sa récente élection au Conseil national le propulse à Berne. Lui qui trépigne, s'énerve, s'enthousiasme, il lui faudra gérer la frustration. En effet, pour s'exprimer au Conseil national, il faut s'annoncer bien à l'avance... Nul doute qu'il se rattrapera à l'heure des questions !

Doyen du Parlement, il prendra la parole à la tribune à l'ouverture de la législature... (Remarque.) Non ? Ah, ils ont changé ? (Remarque.) Ils ont trouvé plus vieux ! (Rires.) Pour une fois, Daniel Sormanni a été battu: on a trouvé plus âgé que lui. Je m'apprêtais à dire que nous serions tout ouïe au moment de votre allocution, cher collègue, mais vous aurez d'autres occasions d'intervenir à la tribune du Conseil national.

Vous avez été intégré au groupe UDC avec Roger Golay, et malgré vos indéniables qualités d'adaptation, je pressens des douleurs aux abducteurs tant le grand écart deviendra votre exercice quotidien ! Vous nous manquerez, cher Daniel; que les vents vous soient favorables et surtout merci pour tout ce que vous avez fait pour Genève. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni. Merci à toutes et à tous !

RD 1558
Rapport oral de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sur la compatibilité du député (MCG) remplaçant Daniel SORMANNI, député démissionnaire
RD 1559
Rapport oral de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sur la compatibilité du 1er député suppléant (MCG)
RD 1560
Rapport oral de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil sur la compatibilité de la 2e députée suppléante (MCG)

Rapport oral de M. Jean-Marie Voumard (MCG)

La présidente. Nous passons au point suivant. Je cède la parole à M. Jean-Marie Voumard.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques a examiné scrupuleusement et avec beaucoup d'attention les dossiers des candidats, soit, dans l'ordre, M. Amar Madani, employé postal, conseiller municipal en Ville de Genève, qui deviendra député, ainsi que M. Christian Steiner, conseiller municipal en Ville de Genève - tout comme M. Madani -, et Mme Gabrielle Le Goff, chauffeur de taxi, qui siégeront en tant que députés suppléants. La commission des droits politiques s'est réunie ce mercredi et vous recommande de suivre son avis, c'est-à-dire de les accepter comme député et députés suppléants. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Vous avez été très efficace, vous avez traité les trois rapports en même temps !

Le Grand Conseil prend acte de ces rapports oraux.

La présidente. M. Amar Madani, M. Christian Steiner et Mme Gabrielle Le Goff prêteront serment à 18h.

Liens d'intérêts de M. Amar Madani (MCG)

Maison de Retraite du Petit-Saconnex

Ville de Genève - Conseiller municipal

Liens d'intérêts de M. Christian Steiner (MCG)

Néant.

Liens d'intérêts de Mme Gabrielle Le Goff (MCG)

Association Union Taxis Genevois (UTG) - Présidente

Société Coopérative Union Taxis Suisses (SCUTS) - Présidente

PL 12595-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Delphine Klopfenstein Broggini, Jocelyne Haller, Helena Verissimo de Freitas, Frédérique Perler, Jean Batou, Marjorie de Chastonay, Philippe Poget, Isabelle Pasquier, Adrienne Sordet, Paloma Tschudi, Yves de Matteis, Pierre Vanek, Yvan Rochat, Jean Burgermeister, Thomas Wenger, Caroline Marti, Diego Esteban, Grégoire Carasso, Alessandra Oriolo, Romain de Sainte Marie, Pablo Cruchon, Cyril Mizrahi, Pierre Bayenet, Pierre Eckert, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Olivier Baud, Salima Moyard, Léna Strasser, Rémy Pagani, Mathias Buschbeck modifiant la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption (LAMat) (J 5 07) (Renforcement des congés maternité et paternité à Genève)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 2 et 3 mars 2023.
Rapport de majorité de Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR)
Rapport de première minorité de M. Didier Bonny (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Sylvain Thévoz (S)
Rapport de troisième minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

La présidente. Nous reprenons notre ordre du jour avec le PL 12595-A, traité en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de première minorité est repris par Mme Emilie Fernandez; quant au rapport de troisième minorité, il ne sera pas présenté, le groupe Ensemble à Gauche ne faisant plus partie de ce Grand Conseil. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, un peu de silence, s'il vous plaît ! Allez-y, Madame Buffet-Desfayes.

Mme Natacha Buffet-Desfayes. Merci, Madame la présidente. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui veut modifier la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption et, comme son titre l'indique, renforcer le congé paternité et maternité. Par renforcement du congé maternité, entendez un congé maternité à 126 jours et un congé paternité à 126 jours. Partant du principe qu'il faut renforcer le congé paternité, les signataires ont déposé ce texte avant le vote du peuple en 2020 sur le congé paternité que nous connaissons actuellement; ils aimeraient faire passer le congé paternité actuel de 15 à pas moins de 126 jours directement, alors que celui-ci n'a, et de loin, pas encore déployé ses effets sociaux, familiaux et tous ceux escomptés de ce genre de projet.

Par ailleurs, cet objet vise à ce que soient offertes des prestations différenciées selon les revenus, ce qui contrevient au principe d'égalité de traitement; cela pose évidemment problème.

Faites le calcul avec les quelques chiffres articulés jusqu'ici: ce sont au total 36 semaines de congé maternité et de congé paternité qui sont demandées. Force est de constater que si ce projet de loi était accepté, il coûterait extrêmement cher. Il dénote un appétit débordant et devrait coûter à la louche 400 millions, conformément aux chiffres articulés en commission, et ce, sans même tenir compte des frais administratifs y afférents.

En somme, ceux qui se sont opposés au congé parental sont ceux qui ne laissent pas les effets du congé paternité se déployer et qui veulent aujourd'hui imposer un congé de 36 semaines aux parents, prétendant ainsi corriger les inégalités entre les hommes et les femmes au sein du couple quand ils ont des enfants. Ce n'est pas en imposant un congé à la durée absolument délirante qu'on améliore les relations dans le couple et la famille, sinon ça se saurait. Ce n'est pas non plus en détroussant les employeurs qu'on améliore les conditions-cadres qu'on a évoquées hier et qui sont nécessaires à l'égalité entre les hommes et les femmes lorsqu'ils deviennent parents. Voici donc deux chiffres à retenir: 36 semaines et environ 400 millions. Si j'osais, je dirais «WTF» ! Pour toutes ces raisons, la majorité vous invite à refuser ce projet de loi.

Mme Emilie Fernandez (Ve), rapporteuse de première minorité ad interim. Je reprends le rapport de mon estimé collègue Didier Bonny. Le projet de loi déposé au mois d'octobre 2019 avec la Verte Delphine Klopfenstein Broggini comme première signataire propose de doter Genève d'un congé paternité de 18 semaines ainsi que de faire passer le congé maternité de 16 à 18 semaines, soit 36 semaines en tout contre seulement 24 proposées par l'initiative 184 «Pour un congé parental maintenant !» votée par le peuple en juin dernier.

Une durée de 36 semaines est bien plus en adéquation avec les objectifs suivants: conciliation entre la vie professionnelle et familiale, répartition des tâches et bien-être de l'enfant. Les Vertes et les Verts auraient donc vu d'un très bon oeil que ce texte ambitieux serve de contreprojet à l'initiative 184. Hélas, à l'époque, la majorité de la commission des affaires sociales a refusé d'envisager cette possibilité. Pourtant, la moindre des choses avant de se prononcer sur cet objet aurait été d'attendre d'abord l'issue du vote de notre parlement, puis le vote du peuple sur l'initiative 184 et enfin la garantie fédérale, étant donné que l'initiative 184 est constitutionnelle.

Rappelons en outre que dans les pays voisins, l'octroi d'un congé paternité ou parental ambitieux tient de l'évidence. Par exemple, en Allemagne, il existe un congé parental de 36 mois. La Norvège prévoit un congé paternité de 15 semaines qui peut être rallongé pendant encore 29 semaines par un congé parental, la Suède un congé paternité de 60 jours. En Espagne, les pères ont un congé de 8 semaines tandis qu'au Portugal, ils disposent d'un mois. La Suisse a donc été le dernier pays à mettre en place un congé paternité ou parental.

Des études mandatées par la Commission fédérale pour les questions familiales (la COFF) ont démontré qu'un congé parental de 38 semaines minimum serait profitable à toutes et tous. Pour les auteurs du document d'orientation politique publié le 1er décembre 2020 par le Département fédéral de l'intérieur, annexé au rapport de M. Bonny, «la nécessité d'introduire un congé parental en Suisse est une évidence. [...] Les auteurs soulignent notamment que plus de semaines devraient être réservées aux pères et le congé de maternité être flexibilisé afin qu'une répartition plus égalitaire de l'emploi rémunéré et du travail non rémunéré puisse devenir réalité.»

Pour revenir à cet objet, notre proposition est de le renvoyer en commission afin que l'on puisse l'étudier au regard de ce qui sera envisagé pour la mise en application de l'initiative 184. Nous vous remercions de soutenir cette demande.

La présidente. Je vous remercie. Monsieur Thévoz, je vous prie de vous exprimer sur le renvoi; s'il est refusé, vous pourrez ensuite faire votre présentation. Vous avez la parole.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je pense que la proposition de renvoyer cet objet en commission est intéressante. On le sait, l'initiative 184 faussement intitulée «Pour un congé parental maintenant !», qui ne donnait pas droit à un congé parental immédiat et qui est en attente d'une validation au niveau fédéral, patauge; il semble que sa mise en oeuvre soit compliquée. En attendant la possible autorisation fédérale et la transcription de cette initiative constitutionnelle en lois, nous pouvons très bien renvoyer ce texte en commission, reprendre du temps pour l'étudier, le compléter.

Ce projet propose un véritable congé parental, concret, de 36 semaines à égalité entre les femmes et les hommes. Pour cela, il suffit d'une chose: une volonté politique. On a largement entendu les partis de droite, dans le cadre des élections fédérales, exprimer leur volonté politique en faveur de l'égalité, en faveur d'un renforcement de la place des femmes, je dirais, dans l'économie et en faveur de leur engagement professionnel. Il y a là une opportunité pour ces partis de montrer qu'il ne s'agit pas simplement de promesses électorales, mais que celles-ci sont suivies d'actes. Nous les invitons donc à voter ce renvoi en commission et à effectuer cette fois-ci un travail plus sérieux sur ce projet de loi. Merci beaucoup.

La présidente. Je vous remercie. (Brouhaha.) Je prie les personnes qui nous rejoignent de le faire silencieusement. Madame la rapporteure de majorité, vous avez la parole sur le renvoi en commission.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Nous ne désirons pas renvoyer cet objet en commission. Comme on l'a évoqué, ce qui est souhaité à travers ce projet de loi, c'est 18 semaines pour le congé maternité et 18 semaines pour le congé paternité; cela n'a rien à voir avec un congé parental, puisque ce texte n'offre pas la flexibilité souhaitée par le peuple avec la répartition des différentes semaines entre le père et la mère. S'il faut revenir un jour sur le congé parental tel qu'il sera proposé et mis en oeuvre, nous le ferons avec un autre projet de loi. Je vous remercie.

La présidente. Je vous remercie. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12595 à la commission des affaires sociales est rejeté par 55 non contre 30 oui.

La présidente. Nous continuons le débat, toujours dans le silence. Monsieur le rapporteur de deuxième minorité, vous avez la parole.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Ce projet de loi est raisonnable, équilibré, économique. Il est raisonnable, car il s'inscrit dans la ligne de ce qui est promu par différentes commissions fédérales: elles recommandent 38 semaines de congé parental, ce texte en propose 36.

Il est équilibré; au niveau fédéral se tient une discussion en lien avec l'instauration ou non d'un congé parental, et ce texte évite l'écueil possible de congés parentaux qui seraient mal taillés: il y a là une vraie égalité, avec 18 semaines pour les femmes et 18 semaines pour les hommes.

Il est économique, car un tel projet de loi favorisera évidemment une grande avancée sociétale. Le coût de 1% pour chaque partie, employeur et employé, est tout à fait supportable. L'introduction d'un tel congé dans une situation où le manque de places de crèche est toujours plus problématique permet une solution immédiate.

Enfin, ce projet de loi est un très bon outil pour instaurer une véritable égalité entre les femmes et les hommes. C'est un texte ambitieux en matière de congé parental: il va bien au-delà de ce qui a été proposé par l'initiative 184, qui est - je l'ai dit - faussement intitulée «Pour un congé parental maintenant !». La population a certes voté sur cette initiative, mais - vous me permettrez cette parenthèse - elle a voté de la même manière qu'elle a envoyé M. Poggia à Berne, sur des promesses de campagne qui étaient fausses... (Vives protestations.)

La présidente. Je préférerais que vous évitiez la parenthèse.

M. Sylvain Thévoz. ...à tel point que M. Poggia se retrouve aujourd'hui... (Commentaires.) Vous transmettrez, Madame la présidente, parce que c'est exactement le coeur du propos ! Nous avons entendu la promesse de campagne suivante: «Je siégerai dans une commission pour y travailler sur la question des primes d'assurance-maladie.» (Protestations.) J'arrive au sujet, si vous me laissez parler. In fine, M. Poggia ne siégera dans aucune commission, du moins pas à la commission de la santé, et ne fera rien au sujet des primes d'assurance-maladie.

Ce qui nous ramène au projet de loi, c'est le fait que l'initiative 184 est intitulée «Pour un congé parental maintenant !», alors qu'il n'y aura pas de congé parental maintenant, nous le savons; il ne sera pas obligatoire, mais dépendra du bon vouloir des entreprises. Ce petit détour... Merci de faire régner l'ordre, parce que c'est vraiment insupportable quand on parle. (Protestations.) ...avait pour but de montrer qu'il y a les promesses de campagne... (Commentaires.) ...et la réalité de la mise en oeuvre des projets de lois. En l'occurrence, nous avons un vrai projet de loi - il ne s'agit pas d'une esbroufe de la droite - qui permet maintenant au canton de Genève de se doter d'un véritable congé paternité de 18 semaines et de faire passer le congé maternité de 16 à 18 semaines. Il faut évidemment le soutenir.

Je l'ai souligné, ce projet de loi est solide et ambitieux. Il améliore véritablement la situation des parents, notamment en corrigeant les problèmes de l'initiative 184. Alors certes, le peuple a voté, mais sur un projet de loi minimal, je l'ai dit. Dans un contexte où, et vous le savez, les places d'accueil dans les structures de la petite enfance demeurent insuffisantes et où une autre promesse, celle de Mme Hiltpold - vous transmettrez, Madame la présidente - de rendre l'école obligatoire, en tout cas de l'ouvrir dès 3 ans, reste pour l'instant totalement dans les limbes et ne fait plus parler, on a ici une extension du congé maternité. Cette extension permettra la création d'un congé susceptible d'amener de vraies solutions pour les familles durant les premières années après la naissance de leur enfant. Vous le savez, ces premières années sont cruciales; on a aujourd'hui de plus en plus de développements de problèmes psy et de plus en plus de problèmes sociétaux en lien principalement avec des familles qui ne trouvent pas de solutions de garde pour leurs enfants.

Je fais encore une parenthèse. Vous entendez, en France par exemple, des gens dire: «Oh là là ! Les jeunes vont mal et il faut que les parents s'en occupent. Que font les parents ?» Eh bien, Mesdames et Messieurs, les parents sont occupés à travailler, n'ont parfois même plus les moyens d'être à la maison, il s'agit parfois de familles monoparentales: les parents ne peuvent donc plus s'occuper de leurs enfants. Ce projet de loi est concret, pratique et nous vous invitons fortement à le voter. Merci beaucoup.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme déjà dit, ce projet de loi de 2019 est inapplicable et n'est plus d'actualité, en raison de l'initiative 184 et de l'acceptation par le peuple suisse du congé paternité. En plus, il irait beaucoup plus loin que l'initiative 184 intitulée «Pour un congé parental maintenant !». Bref, le congé paternité de 15 jours a été accepté en 2020 au niveau suisse. L'initiative 184 «Pour un congé parental maintenant !» proposait, quant à elle, 16 semaines de congé maternité, 8 semaines pour l'autre parent et, en cas d'accord entre les deux parents, la possibilité de reporter deux semaines sur l'un des deux.

Or, ce texte propose de rallonger les délais et d'augmenter les allocations versées. Les coûts estimés de cette mesure seraient d'environ 400 millions par année. Genève possède déjà les prestations les plus élevées de ce pays ! L'aide aux jeunes parents et à la natalité est évidemment nécessaire, mais ce type de projet de loi n'est pas réaliste et surtout, surtout, ne résoudrait pas les vrais problèmes de la majorité des jeunes parents. Genève doit absolument sortir de sa logique du toujours plus loin et du toujours plus cher. Cette logique de redistribution est très coûteuse et n'est de loin pas efficiente ni efficace. Si c'était le cas, la natalité et le confort des jeunes parents genevois devraient déjà être les meilleurs, et de très, très loin, comparativement à tous les autres cantons suisses, car - et je le répète - Genève accorde déjà les prestations les plus généreuses et dépense déjà plus d'argent que les autres cantons. Pour ces raisons, je vous recommande de refuser ce projet. Merci de votre attention.

Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, oui, en Europe, la Suisse est à la traîne en matière de politique familiale et la politique proposée n'est de loin pas délirante - Madame la présidente, vous le direz à Mme Buffet-Desfayes. La mise en place d'un congé maternité, paternité, d'adoption qui soient d'envergure ne représente que des avantages. Ce congé contribue à déconstruire les stéréotypes de genre et à répartir de manière plus égalitaire les tâches domestiques et familiales, car si les mères ont renforcé au fil des ans leur présence dans le monde du travail, l'engagement durable des pères dans la garde des enfants et dans les tâches domestiques est par contre resté faible. Le congé paternité renforce l'engagement des pères au sein de la famille et leur relation à l'enfant.

De multiples effets positifs sont relevés par la Commission fédérale pour les questions familiales. Pour les familles, les voici: meilleur partage des responsabilités familiales entre les parents, renforcement de l'égalité des chances entre hommes et femmes, soutien aux trajectoires professionnelles des parents, meilleure santé des enfants et des parents, meilleur développement de l'enfant, renforcement de la relation père-enfant, risque de pauvreté diminué lors de la retraite, notamment pour les parents divorcés. Quant à la possibilité proposée par l'initiative 184 pour les conjoints de répartir entre eux deux semaines de manière flexible, elle présente un risque de recul du gain acquis pour les femmes qui voient leur congé baisser à 14 semaines.

Parmi les autres effets positifs, certains concernent les entreprises: davantage de main-d'oeuvre qualifiée disponible, meilleure productivité, fidélisation des employés, meilleur retour sur la formation des employés.

Qu'en est-il pour les indépendants ? L'initiative 184 a complètement ignoré le cas des travailleuses et travailleurs indépendants. Pourtant, le congé parental concerne tous les parents, quel que soit le statut sous lequel ils exercent leur activité lucrative.

Pour l'économie et la société, oui, il y a un coût, mais il existe aussi un retour sur investissement: dans la formation des femmes, une natalité plus élevée, une réduction des coûts de la santé, une augmentation des recettes fiscales et de la prévoyance vieillesse, une réduction des coûts sociaux, moins de places de crèche nécessaires aux tout-petits, moins de déductions fiscales pour l'accueil extrafamilial des enfants, une égalité des chances pour les femmes quant à leur représentation dans les postes de cadre et en politique. Pour toutes ces raisons, je vous encourage à voter le projet de loi qui vous est proposé. (Applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (LC). Mesdames et Messieurs les députées et les députés, je serai très brève. Ce projet de loi a été déposé avant le vote sur le congé parental et avant le vote sur l'initiative 184. On a déjà parlé du sujet hier soir; la commission avait traité ces deux projets de lois de manière conjointe pour, finalement, les séparer. Comme on l'a dit durant le débat d'hier soir sur le PL 12467, la population s'est positionnée clairement pour un congé paternité et pour l'initiative. Un travail au niveau fédéral doit être mené et pour Le Centre, il est important d'avoir la réponse de la Confédération avant d'aller plus loin avec une autre loi qui devra sans nul doute être réadaptée. Travaillons de manière sensée, s'il vous plaît: le cadre doit être fixé avant de pouvoir remplir l'intérieur. J'ai entendu le mot économique, on a dit que ce texte serait économique: 390 millions, est-ce vraiment économique ? Permettez-moi de mettre en doute une telle affirmation. Pour toutes ces raisons, Le Centre refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). On l'a largement dit et je pense que tous mes préopinants l'ont répété, le coût de ces 36 semaines de congé s'élèverait à presque 400 millions de francs par année. Par ailleurs, comme on l'a mentionné à propos du PL 12467, sur lequel nous avons voté hier soir - et que nous avons refusé -, l'augmentation du volume des prestations va nécessiter une augmentation proportionnelle de la réserve légale imposée par la LAMat. Le taux d'équilibre du régime serait d'au minimum 1,55%, ce qui augmenterait d'autant le prélèvement des cotisations employeur et employé; c'est particulièrement malvenu pour les PME. Il est à noter que cette estimation ne tient pas compte du coût du congé d'adoption, du coût du congé pour les parents de même sexe ni du coût du dispositif visant à préserver les bas salaires, toutes ces dispositions étant contenues dans ce projet de loi. De même, ces calculs ne tiennent pas compte du fait que les indépendants ne cotisent que pour la moitié du taux fixé. A ces coûts exorbitants et à ces difficultés administratives s'ajoute le fait que nous avons désormais voté l'initiative pour un congé parental, ce qui a été relevé par absolument tout le monde.

J'aimerais rappeler les bénéfices de ce congé parental par rapport au projet qui nous est soumis aujourd'hui. Tout d'abord, une flexibilité est donnée au couple, qui permet aux deux parents de s'organiser et d'envisager la meilleure manière de prendre ce congé; ce dispositif offre aussi une flexibilité vis-à-vis de l'employeur, puisqu'on peut prendre ce congé parental soit en bloc, soit de manière perlée durant la première année suivant la naissance de l'enfant.

En outre, ce qui sous-tend ce projet de loi, comme ce qui sous-tendait le projet de loi dont nous débattions hier, c'est la volonté d'augmenter le nombre d'enfants par femme, donc d'agir sur la natalité en Suisse. Je vous rappelle que le taux de fécondité pour renouveler la population est de 2,1 enfants par femme. En Suisse, nous n'y sommes pas du tout: on est à 1,5 enfant par femme. Il n'est pas non plus atteint dans l'ensemble des pays européens, notamment dans les pays qui viennent d'être cités par la rapporteure de minorité. Elle a évoqué entre autres l'Espagne, qui est à 1,29 enfant par femme, le Portugal, qui est à 1,37, soit en dessous de la Suisse. L'Allemagne est environ au même niveau que nous avec 1,53. La Norvège ainsi que la Suède sont à 1,6.

On le voit bien, l'allongement des congés n'est pas ce qui fonctionne le mieux. Ce qui fonctionne mieux en revanche, on le sait, c'est une augmentation des moyens de garde pour les enfants: des crèches bien sûr, mais aussi des horaires continus ou aménagés à l'école primaire et des activités, une prise en charge des enfants pendant les vacances scolaires, qui sont extrêmement longues et qui rendent l'occupation des enfants difficile pour les parents; cela engendre pas mal de stress dans les familles.

Il faut savoir en outre que le taux de fécondité est corrélé à l'éducation des femmes. Plus le niveau d'éducation est élevé, moins celles-ci auront des enfants. On remarque cet effet positif, ou du moins qu'on juge comme tel de notre point de vue occidental, dans un certain nombre de pays subsahariens où il y a encore un très fort taux d'enfants par femme. On le voit aussi chez nous: 40% des femmes qui sortent aujourd'hui des études tertiaires n'auront pas d'enfants.

Je propose, au point où nous en sommes, de laisser d'abord le congé parental déployer ses effets avant de nous aventurer dans autre chose. C'est la raison pour laquelle - en plus de celle des coûts bien entendu - je vous invite au nom du groupe PLR à refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.

La présidente. Merci beaucoup. La parole revient au rapporteur de deuxième minorité pour une minute trente.

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Durant le débat de tout à l'heure sur la maîtrise des charges, M. Zweifel - vous transmettrez, Madame la présidente - parlait de «l'obésité morbide de l'Etat»; là, on a la droite qui s'est contentée d'une initiative 184 «Weight Watchers», voire anorexique, et quand on a un vrai congé parental comme celui-là, de deux fois 18 semaines ainsi que le recommande la commission fédérale spécialisée en la matière, alors là non, ça va coûter trop cher, ça va même être dangereux, que sais-je encore.

Mesdames et Messieurs, les Genevoises et les Genevois l'ont dit, ils veulent un véritable congé parental. Ils se sont fait enfumer sur l'IN 184 comme ils se sont fait enfumer - vous transmettrez quand même, Madame la présidente - par M. Poggia et ses promesses de campagne. (Protestations.) En démocratie, il faut dire les choses ! Il faut les assumer ! Nous, nous les disons, nous les assumons ! Nous avons là un vrai congé parental de deux fois 18 semaines, pas le projet «Weight Watchers» qu'a voulu la droite pour bloquer toute avancée sociétale sur le congé parental. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Une dernière fois, soyez raisonnables, renvoyez ce projet de loi en commission, adoptez-le et offrez aux Genevoises et Genevois qui attendent un vrai congé parental une vraie possibilité d'être auprès de leurs enfants les premières semaines de vie de ces derniers, pour le bien des familles, pour le bien des enfants, pour le bien de notre économie...

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Sylvain Thévoz. ...et pour le bien de notre société. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Le Conseil d'Etat rappelle que le peuple s'est prononcé tout récemment et estime qu'il convient d'attendre l'entrée en vigueur de ce congé parental, d'observer la manière dont il va se décliner, quelles en seront les conséquences, et de voir s'il est suffisant; il convient de faire ensuite une analyse de la situation et d'examiner d'autres projets si cela s'avère nécessaire. Merci beaucoup.

La présidente. Je vous remercie. Nous allons procéder au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12595 est rejeté en premier débat par 60 non contre 29 oui.

PL 12656-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Pierre Bayenet, Jean Burgermeister, Jocelyne Haller, Pierre Vanek, Christian Zaugg, Pablo Cruchon modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP) (D 3 05) (Pour un doublement de l'impôt immobilier complémentaire sur les logements et locaux commerciaux vides et sur les résidences secondaires)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de majorité de M. Sandro Pistis (MCG)
Rapport de minorité de M. Jean Batou (EAG)

Premier débat

La présidente. Nous passons au PL 12656-A, classé en catégorie II, trente minutes. Etant donné que le groupe Ensemble à Gauche ne siège plus parmi nous, le rapport de minorité de M. Jean Batou ne sera pas présenté. Monsieur Pistis, vous avez la parole.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. La commission fiscale, qui a traité ce projet de loi, s'est très rapidement rendu compte que la pratique qu'il vise à mettre en oeuvre n'est pas viable - à tel point d'ailleurs, vous pouvez le constater, que le groupe qui a déposé ce projet de loi fiscal ne se trouve plus dans notre enceinte ! Cet objet est assez farfelu: il prévoit, de manière arbitraire, un doublement de l'impôt qui n'est basé sur quasiment rien. La commission fiscale a donc assez rapidement abrégé son étude, puisqu'il n'était pas fondé, et elle invite ce Grand Conseil à refuser le projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, comme l'a dit le rapporteur de majorité, ce projet de loi prévoit de doubler l'impôt immobilier complémentaire sur les logements et les locaux commerciaux vides et sur les résidences secondaires. J'aimerais rappeler ici que nous avons voté, par le passé, un projet de loi de notre ancien collègue Ronald Zacharias qui prévoyait la transformation de locaux commerciaux vides en logements. Cette loi existe donc, il suffit qu'elle soit appliquée pour résoudre une grande partie des problèmes. Je ne vais pas m'épancher longuement, mais le présent texte pose évidemment d'autres problèmes en lien avec les normes sur les droits à bâtir, entraîne des frais élevés, des complications administratives, etc. Pour toutes ces raisons, il convient de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Ce projet de loi, déposé par un groupe affamé de hausses d'impôts, qui, cela a été dit, a disparu de notre hémicycle, vise à augmenter - à le doubler - l'impôt immobilier complémentaire, tant sur les logements et locaux commerciaux vides et vacants depuis deux années consécutives que sur les immeubles et logements utilisés en tant que résidences secondaires; il s'agit donc d'une hausse d'impôt très importante. L'impôt immobilier complémentaire touche à hauteur de 0,1 point les habitations, les locaux commerciaux et les logements.

Il faut savoir, et vous le savez, que nous avons l'imposition la plus élevée de toute la Suisse. Il y a d'abord l'impôt sur la fortune, et aussi l'impôt immobilier complémentaire, qui n'est pas pratiqué dans beaucoup de cantons. Vous n'êtes pas sans ignorer par ailleurs que les gens ne laissent pas leurs locaux, leurs appartements vides pour le plaisir: c'est en général qu'il y a des rénovations, qu'il convient de retaper ces appartements. Si des locaux commerciaux, des arcades sont vides, c'est parce qu'il y a un problème au niveau de la demande, et il faut plutôt faciliter la conversion de ces locaux commerciaux en logements ! C'est ce que veut la droite et ce qu'elle a fait voter, malgré l'opposition de la gauche. Et puis il faut savoir aussi que lorsque des locaux commerciaux sont vides, ce n'est pas pour autant que le propriétaire ne paie pas d'impôt. Il paie même un impôt sur un revenu qu'il n'a pas, puisque l'évaluation de la charge locative reste en vigueur pour ces logements bien qu'ils soient vides.

Il y a par ailleurs une autre problématique très importante à mettre en lien avec ce projet de loi: c'est qu'il nécessiterait une myriade de fonctionnaires pour aller contrôler - presque pour aller dénoncer ! - les personnes qui laissent leurs logements et leurs locaux vides. Ce serait totalement inefficient et, objectivement, ce serait une atteinte à la liberté. Pour tous ces motifs, le groupe PLR vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.

Mme Caroline Renold (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous apprends rien, il y a une grave pénurie sur le marché de l'habitation à Genève, le taux de vacance étant de 0,37% en 2022. Comme vous le savez, la pénurie a un effet direct à la hausse sur les loyers. Rappelons que quasi 80% de la population genevoise est locataire et que le loyer est le premier poste de dépense des ménages. Il constitue en moyenne 20% de leur budget, voire 25% pour les ménages dont le revenu se situe entre 4000 et 6000 francs. Les loyers sont massivement trop chers: ils auraient dû baisser au cours des quinze dernières années, mais ils ont au contraire augmenté, totalisant, selon une étude de l'ASLOCA Suisse, 78 milliards de trop-perçu par les bailleurs à l'échelle du pays sur quinze ans !

Dans ce contexte, il est scandaleux que des appartements puissent être laissés délibérément vides par leurs propriétaires sans être remis à la location. Et, n'en déplaise à mon préopinant, ce n'est pas seulement pour faire des travaux que des appartements sont laissés vides: c'est souvent à titre spéculatif, parce qu'il est intéressant pour le propriétaire d'un immeuble de rendement de ne pas baisser le loyer afin de ne pas diminuer la valeur locative de l'immeuble, ce qui lui permet de valoriser son bien lors d'une vente ou d'un emprunt bancaire.

En tout état de cause, le projet de loi prévoit une exception, en indiquant que si un appartement est laissé vide en raison de travaux, les dispositions proposées ne s'appliquent pas.

Le projet de loi prévoit également une taxation augmentée pour les résidences secondaires inutilisées, qui totalisent jusqu'à 20% des logements en ville de Genève - 20% de résidences secondaires, c'est 20% de logements qui ne bénéficient pas aux Genevois et aux Genevoises alors qu'ils ont besoin de se loger.

Le présent projet de loi prévoit donc de doubler l'impôt immobilier complémentaire sur les logements et locaux commerciaux vides et sur les résidences secondaires dans le but d'inciter à utiliser tout le parc immobilier pour loger des personnes qui en ont besoin; pour inciter à construire des logements plutôt que des bureaux; et pour décourager les résidences secondaires - tout en laissant la possibilité aux propriétaires de faire des travaux si tel est leur besoin. Certes, nous ne pensons pas que les dispositions de ce projet de loi seront en elles-mêmes suffisantes pour enrayer la crise du logement genevoise. Certes, il existe d'autres dispositions utiles, par exemple le fait que la LDTR permette de procéder à une expropriation temporaire pour les appartements locatifs laissés libres ou l'interdiction de louer plus de nonante jours sur Airbnb. C'est peut-être parce que ces dispositions ne sont pas suffisamment utilisées par le Conseil d'Etat et le département du territoire que le groupe Ensemble à Gauche a choisi de déposer ce texte.

En tout état de cause, il s'agit d'un pas dans la bonne direction, et le parti socialiste vous encourage à voter pour ce projet de loi afin de lutter contre l'aberration qui consiste à avoir des logements vides alors que nous vivons une grave pénurie du logement: plus de huit mille personnes sont sur liste d'attente pour un logement social et tous les Genevois et Genevoises rencontrent de grandes difficultés pour se loger. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le groupe des Vertes et des Verts va soutenir ce projet de loi, essentiellement pour son caractère incitatif et non pour sa faculté à produire des recettes fiscales. Mesdames et Messieurs, à Genève, non seulement il existe énormément de locaux commerciaux vides, mais aussi - et c'est beaucoup moins connu - de très nombreux lits froids. Cette problématique que l'on pensait réservée aux stations de montagne est également présente ici, avec un taux de résidences secondaires approchant les 20% suivant les communes - et pas seulement en ville de Genève -, ce qui est la limite autorisée par la fameuse lex Weber.

Le projet de loi qui nous est présenté ici n'est pas très ambitieux puisqu'il prévoit de doubler l'impôt immobilier complémentaire dans ces deux types de situations. Pour ce qui est des locaux commerciaux, cela incitera les propriétaires à louer leur bien plutôt que de le laisser inoccupé en spéculant sur la seule prise de valeur lors d'une revente plus ou moins lointaine. Et, croyez-moi, c'est très courant ! Pour ce qui est des résidences secondaires, deux effets peuvent être envisagés. Premièrement, on peut attendre de cette incitation que les appartements ou villas soient temporairement loués, voire vendus à des propriétaires qui les occuperont comme résidence principale. C'est l'effet qui a notamment été obtenu en Valais en application de cette fameuse lex Weber. Deuxièmement, cela permettra de diminuer le nombre de fausses déclarations de résidence secondaire, les personnes concernées habitant tout de même une bonne partie du temps à Genève bien qu'elles déclarent leur résidence principale dans un autre canton ou pays. Une déclaration correcte de ces résidences permettrait de ramener quelques contributions dans les caisses de l'Etat à titre d'impôt, et pas seulement de l'impôt immobilier.

Le doublement de l'impôt immobilier complémentaire nous paraît de nature à améliorer - quoique sans les résoudre totalement, cela a été dit - les situations problématiques présentées. Ainsi, nous soutiendrons ce projet de loi et nous vous incitons à en faire de même.

M. Sébastien Desfayes (LC). Nous avons l'immense chance, cet après-midi, de traiter, de nous débarrasser des dernières scories d'Ensemble à Gauche - nous pensons bien sûr très fort à eux aujourd'hui ! Il faut refaire un peu d'histoire, c'est important: l'impôt immobilier complémentaire date de 1923. Il avait été introduit parce que beaucoup de propriétaires, à l'époque, avaient un endettement supérieur à la valeur de leur bien et ne payaient pas d'impôt sur la fortune. C'est une situation qui n'existe plus aujourd'hui, de sorte que l'on peut s'interroger sur l'opportunité ou non du maintien de l'impôt immobilier complémentaire.

Ce qui est intéressant avec ce projet de loi, c'est que son auteur, Pierre Bayenet, soutenait en commission qu'il n'avait pas envie d'augmenter les impôts - même s'il doublait l'impôt immobilier complémentaire -, mais de lutter contre les résidences secondaires et les lits froids. S'agissant des résidences secondaires, il faut savoir que leur taux, dans le canton, est légèrement inférieur à la moyenne suisse. J'ai par ailleurs entendu une députée socialiste, je crois, nous dire que les propriétaires, ou certains d'entre eux, ont tout intérêt à ne pas louer leur bien et à le laisser vide. C'est totalement aberrant de soutenir une telle thèse, sachant que le propriétaire va payer des impôts sur l'état locatif même si un immeuble est vide. Il a donc tout intérêt à louer ce bien et à générer du «cash flow» ! J'ai aussi entendu le député Eckert - vous transmettrez, Madame la présidente - dire que c'était un projet de loi incitatif. Non ! Il est au contraire coercitif, vu qu'il vise à doubler un impôt qui est déjà injuste dans son principe.

Nous avons, nous, trouvé une solution à la question des locaux vacants, des immeubles vacants: tout simplement de diminuer drastiquement, de 85%, l'impôt immobilier complémentaire pour ceux qui occupent leur logement; je suis persuadé que cette diminution va porter ses fruits. Et puis, le député de Senarclens l'a souligné, alors même que des propriétaires ont des difficultés à louer leurs arcades, il est tout simplement absurde de vouloir les pénaliser encore plus. En fait, ce projet de loi prévoit - ou annonce - un enfer bureaucratique, un enfer fiscal, mais il est vrai que cet enfer-là correspond au paradis de ses auteurs ! Merci, Madame la présidente.

M. Stefan Balaban (LJS). Il est vrai que nous subissons une pénurie de logements: vous-mêmes, nous, le peuple, nous avons tous des difficultés à trouver un appartement, un logement. Aujourd'hui, le peuple n'a malheureusement plus le luxe de choisir l'appartement dans lequel il souhaite vivre: il est contraint d'opter pour le premier qui lui passe sous la main. C'est donc vrai qu'il faut faire quelque chose pour aider les résidents genevois à accéder plus facilement à des logements.

Parmi les options que nous avons à disposition, mon préopinant, M. Ivanov, a évoqué la possibilité de transformer les biens commerciaux en logements, ce qui est une excellente idée. C'est l'un des projets que nous avons portés durant notre campagne. Une autre option, qui est envisagée dans ce projet de loi, est de doubler l'impôt immobilier complémentaire. Mais je tiens tout de même à rappeler que le calcul qui permet de définir l'impôt immobilier complémentaire prend comme base l'état locatif fiscal ! Par conséquent, que votre logement ou votre arcade commerciale soient vides ou non, cet impôt est de toute manière dû ! L'effet incitatif existe donc déjà et ce texte ne résout en rien la problématique des biens immobiliers vides. Dès lors, nous ne soutenons pas ce projet de loi. Merci.

La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12656 est rejeté en premier débat par 55 non contre 30 oui.

PL 12686-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mmes et MM. Jean Batou, Jocelyne Haller, Christian Zaugg, Salika Wenger, Pierre Vanek, Olivier Baud, Nicole Valiquer Grecuccio, Badia Luthi, Thomas Wenger modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Contribution de solidarité des grandes fortunes à un fonds en faveur de l'aide sociale aux victimes du COVID-19)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Caroline Marti (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Jean Rossiaud (Ve)

Premier débat

La présidente. Nous passons au PL 12686-A, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Alexandre de Senarclens, vous avez la parole.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Encore un projet de loi, cette fois-ci constitutionnelle, de ce groupe d'extrême gauche qui nous a quittés. Un texte, à nouveau, d'un autre temps, un temps que les...

Une voix. Moins de vingt ans !

M. Alexandre de Senarclens. Non, même pas ! C'était il n'y a pas si longtemps, c'était l'époque du covid, en 2020. On voyait, ou on croyait voir, le monde s'écrouler et le groupe Ensemble à Gauche a proposé ce projet de loi constitutionnelle visant à créer un fonds d'aide sociale en faveur des victimes de la pandémie, qui aurait été alimenté par une contribution de solidarité unique à la charge des grandes fortunes et prélevée en 2021. Cela a été étudié assez tôt: on était en juin 2020, en pleine pandémie. Ce fonds d'aide aurait permis de venir en aide aux personnes bénéficiant du chômage partiel lié à la pandémie de covid-19. Il aurait aussi garanti aux personnes actives empêchées de travailler une indemnité journalière équivalente au revenu moyen de l'activité lucrative. Le texte proposait également d'offrir un soutien social approprié aux personnes âgées de 65 ans, un soutien aux personnes bénéficiant d'aides financières à la formation, etc. Cette contribution aurait donc été prélevée à hauteur de 1% sur les grandes fortunes dépassant 2 millions et ce fonds aurait été géré par une commission ad hoc élue par le Grand Conseil.

Autant dire que j'aurais évidemment souhaité que ce projet de loi soit retiré, puisqu'il y a encore quelques signataires dans la salle; je pense à Thomas Wenger. C'est votre dernier mot, Thomas Wenger ? Pas de retrait ? (Remarque.) Non, alors on va le traiter !

Il s'agit d'un projet de loi constitutionnelle qui alourdirait encore l'imposition des personnes les plus fortunées de Genève, qui sont d'ores et déjà très lourdement taxées: 1% d'impôt sur la fortune à ce jour et une progressivité de l'impôt déjà très élevée, alors que dans beaucoup de pays, on ne connaît pas cet impôt sur la fortune.

On sait que la pyramide fiscale est extrêmement fragile: 1% des contribuables assurent 80% de l'impôt sur la fortune. On sait aussi que Genève - son Etat - a été d'une résilience incroyable puisque, dès 2021, les comptes se sont soldés avec un boni. On sait que l'Etat a pu venir en aide aux personnes victimes du covid en 2020 et qu'en 2022, à nouveau, l'Etat a pu engranger des bonis très importants. Nous n'avons donc en réalité pas besoin de créer ce fonds: l'Etat est venu en aide à ceux qui en avaient besoin à cette époque. A nouveau, il s'agit d'une époque qui est finalement assez reculée. Le covid est passé, fort heureusement, et l'Etat n'a plus besoin de débourser ces sommes pour venir en aide à ces personnes. Evidemment, si nous votions ce projet de loi, il entrerait en vigueur en 2024, alors que son but est d'apporter de l'aide face à une situation existant en 2021: cela n'a plus aucun sens et il convient de le refuser. Je vous remercie, Madame la présidente.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la précarité augmente à Genève, et cela date de bien avant la crise du covid, depuis des années - on pourrait même dire des décennies. En 2017, donc avant l'arrivée de la pandémie, près de 17% de la population genevoise vivait dans une situation de pauvreté. Le covid-19, mais aussi toutes les mesures de protection de la population face à ce virus et en particulier les mesures de semi-confinement ont eu un impact très fort sur cette population, qui vivait déjà dans une certaine vulnérabilité. La précarité que certains et certaines vivaient avant le covid s'est aggravée, faisant basculer de nouveaux ménages, de nouvelles familles, de nouvelles personnes dans une situation de précarité. En effet, ce sont des milliers de personnes qui ont perdu, du jour au lendemain, tout ou partie de leurs revenus. Certaines n'ont pas été indemnisées à hauteur de la totalité de leurs revenus, ce qui est particulièrement compliqué pour celles qui vivaient avec de faibles revenus: quand vous ne touchez que 80% de votre salaire et que ce dernier est à moins de 4000 francs par mois, évidemment, vous vous retrouvez dans une situation économique extrêmement difficile. Et puis, il y a toutes les personnes qui sont passées à travers le filet social, même si, tant bien que mal, nous avons essayé d'en raccommoder les mailles.

Les personnes qui en avaient ont tenté de vivre sur leurs maigres réserves, mais celles-ci ont malheureusement été très vite épuisées. On se souvient certainement toutes et tous - et même les moins de vingt ans, Monsieur de Senarclens - de cette crise du covid et des conséquences sociales immédiates et durables qu'elle a eues. On pense évidemment à la queue aux Vernets pour les colis alimentaires, des images qui ont fait le tour du monde et sont arrivées jusqu'aux Etats-Unis, et qui, malheureusement, ne sont finalement que la pointe émergée et visible de l'iceberg. En effet, ces conséquences sociales de la crise, pour beaucoup d'entre elles, sont invisibilisées, mais elles sont bien réelles, elles sont bien présentes et surtout, elles sont durables. Ce sont évidemment les plus fragiles qui en paient le prix.

Mesdames et Messieurs les députés, les crises se succèdent et malheureusement pour les personnes les plus vulnérables, elles se ressemblent dans leurs effets, effets qui se cumulent et qui conduisent ces personnes très fortement précarisées par la crise du covid à subir, sans avoir eu le temps de se relever, des augmentations de prime d'assurance-maladie, une inflation galopante, une augmentation des coûts de l'énergie, des augmentations de loyer. Ce sont des personnes qu'on doit être en mesure de soutenir en développant un certain nombre de nouvelles prestations ainsi qu'en en renforçant d'autres déjà existantes. Pour y parvenir et pour avoir les moyens financiers de répondre à cette urgence sociale que nous vivons aujourd'hui, on doit mettre à contribution, de manière solidaire, les personnes qui en ont les moyens. C'est précisément ce que propose de faire ce projet de loi, raison pour laquelle la minorité que je représente vous invite à l'accepter. Je vous remercie.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité nous a expliqué doctement qu'en quelque sorte, ce projet de loi serait obsolète parce que l'épidémie a disparu. L'urgence sanitaire a disparu, le virus n'a pas complètement disparu, il continue de sévir, heureusement dans des proportions beaucoup plus faibles que ce que nous avons connu il y a quelques années, mais les effets sociaux de cette épidémie sont loin d'avoir disparu. Ils ont peut-être disparu de votre regard - Madame la présidente, vous transmettrez à ceux qui se sentent concernés - parce qu'effectivement, les images extrêmement choquantes auxquelles nous avons été confrontés au cours de cette épidémie sont moins nombreuses. Mais cette précarité, cette difficulté sociale, elle continue à pouvoir être observée dans les rues pour qui ouvre les yeux. Elle s'observe aussi dans les classes, dans les cabinets médicaux et sans doute dans votre entourage, si toutefois vous souhaitez la voir.

En parallèle de cette précarité, il faut convenir - et là, je vais élargir le propos au-delà des frontières cantonales - que les grandes fortunes ont explosé. Je citerai quelques extraits des différents rapports d'Oxfam, une coordination spécialiste de la lutte contre les différentes formes de précarité, qui nous dit: «L'année passée, la pandémie a fait émerger un nouveau milliardaire toutes les trente heures, alors qu'un million de personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté extrême au même rythme en 2022.» On est donc en 2022, deux ans après l'apparition du covid. Au passage, le rapport paru la semaine passée relève - et ça nous intéresse évidemment tout particulièrement du côté des Verts - que le 1% des plus riches émet autant de CO2 que les deux tiers de l'humanité.

Face au constat que la fortune des milliardaires augmente de 2,7 milliards par jour alors même que les salaires de 1,7 milliard de personnes ne suivent pas le rythme de l'inflation - les fonctionnaires se sentent bien accompagnés en l'occurrence -, Oxfam propose un impôt allant jusqu'à 5% pour les multimillionnaires et les milliardaires au niveau mondial, impôt qui pourrait rapporter en l'occurrence 1700 milliards de dollars par an, soit une somme suffisante pour sortir deux milliards de personnes de la pauvreté. Ça, c'est la proposition d'Oxfam, qui permettrait de résoudre le problème de précarité à l'échelle mondiale. Ce projet de loi est beaucoup plus modeste, Mesdames et Messieurs, vu qu'il propose une contribution unique de 1%, face à une situation au sujet de laquelle j'entends certains dire à droite qu'elle n'aurait aucun rapport. Au contraire, il y a un rapport extrêmement net entre l'explosion des grandes fortunes et l'explosion de la précarité: l'une ne va pas sans l'autre.

C'est un projet de loi qui, de plus, est dans l'air du temps. Pourquoi ? Parce qu'un certain nombre de ces multimillionnaires, de ces multimilliardaires ont bien compris qu'il n'est pas à leur avantage de continuer à cumuler des fortunes indécentes tout en contemplant la précarisation croissante qui les entoure. Nous avons eu par exemple cette année, sur notre territoire national, à Davos, lors du Forum économique mondial, un mouvement de deux cents multimillionnaires qui ont publiquement demandé que les multimillionnaires soient taxés raisonnablement, soit un petit peu plus - vous avez peut-être vu les appels d'un certain Phil White, un Britannique, qui ont été relayés par plusieurs centaines d'autres personnes dans sa situation, qui se distinguent par leur loyauté et par leur souci de solidarité.

Pour finir, on dira que la situation des finances publiques est suffisamment saine pour ne pas avoir besoin de ce pour cent d'apport sur les grandes fortunes. Dans ce cas-là, Mesdames et Messieurs les députés, on peut se demander pourquoi, pas plus tard qu'avant-hier, la commission des finances a refusé, sous prétexte de rigueur budgétaire en quelque sorte...

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...de financer à la hauteur de ce qui est nécessaire d'un côté l'Hospice général, dont le travail en matière de soutien aux plus précaires est absolument indéniable, et de l'autre côté une association bien connue de tous et toutes, dont le but est de soutenir nos aînés, les personnes âgées qui composent cette société, à savoir l'AVIVO, dont le travail social est absolument incontestable et qui, au prétexte de rigueur budgétaire, se voit retirer sa subvention. Non seulement ce projet de loi garde toute son actualité, mais il permettrait de financer des prestations que les commissaires aux finances ont jugé opportun de supprimer avant-hier pour des raisons de rigueur budgétaire. C'est pour cela que nous soutiendrons ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)

La présidente. Merci. Avant de donner la parole aux députés, je vous informe que des amendements sont déposés, malgré le fait, là encore, que ce rapport est resté près de trois ans à notre ordre du jour. Je donne la parole à M. Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Madame la présidente. Vous avez tout à fait raison. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en effet, ce projet de loi constitutionnelle a été largement traité par la commission des finances, il y a déjà plus de trois ans. Il avait pour but la création d'un fonds social en doublant l'impôt sur la fortune. Pour répondre à mon préopinant rapporteur de minorité, il faut convenir que le Conseil d'Etat, et le Conseil fédéral également - il faut rendre à César ce qui est à César -, ont quand même répondu de manière importante durant la période du covid et ont fait tout ce qu'il fallait pour venir en aide à ceux qui en avaient besoin, qu'ils soient pauvres, que ce soient des indépendants, des entreprises; je crois que tout le monde a été servi - si j'ose dire -, personne n'est passé entre les mailles du filet.

Pour revenir à ce projet de loi, il convient quand même de dire que Genève a le taux d'imposition sur la fortune le plus élevé de Suisse, à hauteur de 1%. Le canton de Vaud est, par exemple, à 0,79%. Au niveau intercantonal, Genève est le canton qui a affiché le taux d'exploitation du potentiel fiscal le plus élevé de Suisse en 2020 avec 33,7%, alors que la moyenne des autres cantons suisses était de 25%. Par comparaison, cela reste largement inférieur dans les cantons de Suisse centrale: par exemple, Zoug n'exploite son potentiel fiscal qu'à hauteur de 11,2%. Il faut aussi rappeler que 4,1% des contribuables de ce canton ont payé 49,3% de l'impôt sur le revenu. A l'inverse, 36% de notre population ne paie pas d'impôts, à part la taxe personnelle.

Au niveau des familles, Genève a une politique assez large dans la mesure où une famille avec deux enfants n'est taxée qu'à partir de 80 000 francs de revenus par année, alors que cela peut commencer à 35 000 francs dans d'autres cantons suisses. Pour toutes ces raisons, il convient de refuser l'entrée en matière sur ce PL 12686. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Sébastien Desfayes (LC). C'est un nouveau projet d'Ensemble à Gauche, plus précisément de Jean Batou, qui était mû par un réflexe pavlovien, quand bien même Pavlov était un anticommuniste, alors que Jean Batou est un fervent trotskiste. Il était donc mû par un réflexe pavlovien qui consistait, chaque semaine, à déposer un projet de loi ou une motion voulant augmenter les impôts de manière radicale - mais pas au sens où l'entend Murat Alder, je le précise. Ces textes, déposés semaine après semaine, sont très déplaisants parce qu'ils instaurent un climat et une sorte d'insécurité juridique et fiscale qui nuisent, bien entendu, à la compétitivité du canton. On l'a dit, Genève a le taux d'imposition sur la fortune le plus élevé de Suisse: 1% des contribuables paient 80% de l'impôt sur la fortune. On a une pyramide fiscale qui est extrêmement fragile, ce n'est vraiment pas la pyramide de Khéops ! Pour les spécialistes, c'est plutôt une pyramide comme celles que l'on trouve au Yucatán, les pyramides maya, qui sont extrêmement fragiles en leur sommet, tant et si bien que si quelques contribuables devaient quitter notre canton, c'est tout le système social qui s'effondrerait.

A cet égard, j'ai été un peu choqué par les propos du rapporteur de deuxième minorité, qui reprend le mandat - non pas externe, je rassure tout le monde ! - de Jean Rossiaud, parce qu'effectivement, Genève a fait face à la crise du covid, l'Etat a joué son rôle, les associations aussi, et je pense qu'on peut tirer un très grand coup de chapeau au Conseil d'Etat pour avoir fait face à cette situation difficile. Alors on nous dit que la précarité n'a pas diminué, c'est vrai, mais l'Etat continue à faire face et à offrir des solutions. Si nous avons un filet social fort, si nous avons un système social fort, c'est précisément parce que nous avons des recettes fiscales. Ces dernières dépendent d'un petit nombre de contribuables, ne jouons pas avec cela. C'est la raison pour laquelle, bien entendu, le groupe Le Centre refusera ce projet de loi. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S). Hier, dans le cadre de l'examen d'un projet de loi, les partis de droite nous ont presque fait pleurer en prenant la défense des propriétaires les plus exposés, les plus en souffrance dans l'accès à la propriété et, pour ce qui est des grands propriétaires, les plus malmenés. Sachant la crise que connaissent actuellement les locataires, ça nous a presque tiré une larme, une larme ironique. Aujourd'hui, on recommence, mais cette fois avec les grandes fortunes. Les pauvres milliardaires; mon Dieu, un projet de loi qui leur demande de contribuer au coeur d'une crise covid qui était une menace existentielle sur nos sociétés !

Alors certes, ce projet de loi a trois ans, c'est pourquoi le parti socialiste a déposé un amendement pour proposer, plutôt que de l'appliquer à la crise du covid-19, de l'appliquer à la crise sociale actuelle, comme ça vous verrez très bien que ce texte est absolument contemporain, actuel et utile. Il demande simplement aux grandes fortunes de contribuer à la réponse apportée à la crise sociale.

Mme Marti l'a excellemment rappelé: hausse des loyers, hausse des primes d'assurance-maladie - plus 10% -, hausse continue du coût de la vie, de l'énergie. Aujourd'hui, on a une classe moyenne qui s'appauvrit de plus en plus et une classe populaire dont les membres n'arrivent tout simplement plus à joindre les deux bouts et risquent d'être expulsés de leur logement, et ce dans une certaine indifférence du cénacle que forme la majorité ici même, qui protège les propriétaires, les millionnaires, les grandes fortunes - c'est son électorat favori.

Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est fondamental: il demande de défendre la justice sociale. En Suisse, parce que nous sommes patriotes et attachés à notre démocratie, nous croyons que ceux qui peuvent le plus doivent en faire davantage, et que ceux qui sont au risque de se retrouver à la rue ou qui sont menacés dans leur santé parce qu'ils ne peuvent plus accéder au système de soins doivent être protégés. Donc oui, il faut des moyens supplémentaires. Oui, il faut que ceux qui le peuvent contribuent davantage.

Si vous étudiez les travaux de M. Piketty, notamment, vous verrez que l'accumulation du capital revient à un stade comparable à celui de l'époque coloniale. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, les inégalités, après avoir régressé au long du XXIe siècle, reviennent à peu près au niveau qui était le leur au début du XXe. Nous sommes donc dans une espèce de capitalisme sauvage où ceux qui accumulent continuent de le faire, et nous en avons des exemples à Genève avec toutes les grandes entreprises du négoce, du pétrole, qui font des milliards et des milliards de bénéfices, à l'opposé des gens qui, cet hiver, risquent d'être expulsés de leur logement ou qui en tout cas se demandent comment ils vont payer leur loyer et font parfois des économies sur le boire, le manger ou le chauffage, simplement pour pouvoir arriver à la fin du mois.

Ce projet de loi doit être toiletté, c'est pourquoi le parti socialiste vous propose cet amendement. Pour vous laisser le temps de l'étudier sérieusement, nous proposons un renvoi à la commission fiscale. J'espère que vous le soutiendrez afin que nous puissions... Pour d'autres projets de lois également, vous direz certainement: «Ah, c'était le covid-19, c'est du passé.» Non, c'est toujours la même situation ! Les crises sont toujours payées par les plus précaires, les plus riches s'enrichissent durant les crises et les guerres, c'est bien connu. Nous vous invitons donc en tout cas à renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale afin que nous puissions sereinement étudier notre amendement, ce qui vous permettra, j'espère, de prendre conscience des difficultés actuelles de la population genevoise. J'ai terminé, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. Je donne d'abord la parole au rapporteur de seconde minorité, sur le renvoi en commission.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Evidemment, nous souscrivons complètement aux propos de M. Thévoz, quant à son analyse de la situation. (Brouhaha.) Si je peux vous demander, Madame la présidente, de demander à M. Sormanni de téléphoner ailleurs.

La présidente. Oui, Monsieur Sormanni, est-ce que vous pouvez passer votre appel ailleurs ? (Rires. Commentaires.) Merci.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. Vielen Dank ! (Remarque.) Oui, oui, je vais reprendre, j'ai suffisamment de temps. Effectivement, comme l'a très bien dit le député Thévoz, la crise covid s'est muée - on a vu le lien tout à l'heure - en une véritable crise sociale. Il convient donc d'adapter, de toiletter ce projet de loi. Comme l'a aussi excellemment dit le député Desfayes, nous nous trouvons dans une situation qui n'est pas saine avec une pyramide inversée, personne ne le conteste. Mais cette pyramide inversée, elle est causée par les choix politiques, par les choix économiques, par les choix sociaux que, successivement, nous avons faits au cours des dernières décennies. Il faut en effet - évidemment de façon très modeste via ce projet de loi, mais aussi de façon plus générale - que nous mettions en place une politique qui permette d'inverser, non pas la pyramide fiscale, mais la distribution des richesses dans ce canton, qui devient de plus en plus inégalitaire et qui pose un problème de plus en plus important, notamment aux personnes qui souffrent de cette précarité croissante. C'est pour cela que nous soutiendrons le renvoi en commission.

La présidente. Je vous remercie. Madame la rapporteure de première minorité ?

Mme Caroline Marti. Pas mieux !

La présidente. Pardon ? Pas mieux, d'accord. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole, sur le renvoi en commission.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Oui, j'invite à le refuser. La commission fiscale a correctement examiné ce projet de loi. Je dois vous dire que j'ai le sentiment que ce que nous vivons dans ce Grand Conseil ressemble un peu à un disque rayé: nous avons eu mille fois ce débat sur l'impôt sur la fortune, sur le bouclier fiscal, dans le cadre de la LEFI. Mille et une fois, ces mêmes arguments ont été assénés, à gauche comme à droite, et je ne vois pas très bien ce qu'un renvoi en commission changerait à cette donne. Je vous remercie, Madame la présidente.

La présidente. Merci. Nous votons donc sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12686 à la commission fiscale est rejeté par 54 non contre 29 oui.

La présidente. Nous continuons le débat. La parole est à M. Yvan Zweifel pour trois minutes cinquante.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Madame la présidente. On l'aura compris, aujourd'hui, c'est «Black Friday». (Rires.) On solde les projets de lois dangereux et contre-productifs d'Ensemble à Gauche - dont on n'est pas tellement sûr qu'ils sont restés ensemble jusqu'au bout, mais peu importe, on a vu le résultat. (Rires.) On parle ici, vous l'avez compris, d'une contribution de solidarité, ce qui signifierait par hypothèse que les personnes concernées, en l'occurrence ici les grandes fortunes, ne seraient pas solidaires. Or, c'est l'exact contraire, Mesdames et Messieurs, puisque - on le rappelle ici - sur ces dix dernières années, alors que la population a augmenté de 11% dans ce canton, les recettes fiscales ont, elles, augmenté de 64%, soit quasiment six fois plus que l'augmentation de la population. On le doit précisément à un certain nombre de contribuables, et notamment les plus aisés. Il faudrait être content de les avoir ici, plutôt que le contraire.

Le deuxième point, c'est que ces mêmes grandes fortunes sont sujettes à Genève - on l'a déjà dit - au taux d'impôt marginal sur la fortune le plus élevé de tout le pays. La Suisse connaît encore l'impôt sur la fortune, alors que celui-ci n'existe plus en France que sur les biens immobiliers; il existe encore en Norvège, mais à peu près plus dans les autres pays. Par conséquent, dire ou sous-entendre qu'ils ne seraient pas solidaires... C'est l'exact contraire, et c'est précisément parce qu'ils sont là et qu'ils sont solidaires que nous avons ces recettes fiscales qui, encore une fois, permettent précisément d'aider les plus précarisés.

Mais justement, Mesdames et Messieurs, et c'est le point essentiel, ce n'est pas en insultant ces personnes comme le fait toujours aussi admirablement M. Thévoz, en voulant les matraquer fiscalement, c'est-à-dire finalement en souhaitant que ces grandes fortunes s'en aillent - parce que c'est ça que vous voulez... Quand on parle de pyramide fiscale, si vous voulez qu'elle s'aplatisse, par définition, il n'y a qu'une possibilité, c'est de les faire partir. Comme ça, effectivement, vous aplatissez sur le reste. Parce que vouloir les imposer encore plus, qu'est-ce que ça apporte ? Ça va encore allonger la pyramide. En réalité, vous voulez les voir s'en aller. Le problème, c'est que s'ils s'en vont, qu'est-ce qui se passe, Mesdames et Messieurs ? Ils partent avec leurs recettes fiscales et on a donc moins de moyens pour aider ceux qui sont les plus précarisés, c'est donc l'effet contraire de ce que vous souhaitez. Par conséquent, en réalité, il faut évidemment refuser ce texte, parce qu'il va à l'encontre de la politique que vous souhaitez.

Enfin, et je veux terminer par ce point, je souhaite rappeler que le peuple s'est d'ores et déjà prononcé sur un projet similaire. Son vote a été extrêmement clair. Il serait temps, dans ce parlement, que certains acceptent la démocratie. En conséquence de quoi je vous invite évidemment à refuser ce projet délétère. (Applaudissements.)

M. Djawed Sangdel (LJS). Chers collègues, l'économie d'un pays dépend de ses entrepreneurs et de ses personnes fortunées. Au lieu d'avoir encore plus de gens qui ont des moyens, pour qu'ils donnent de la force à notre économie, pour qu'ils créent des emplois pour notre ville, notre canton, notre pays, nous sommes en train d'imposer encore plus de taxation, plus de taxes...

Depuis tout à l'heure, j'ai un peu analysé ce qui se dit dans ce débat: pour garantir la justice sociale, il faudrait pénaliser une partie de la population. Aider une partie de la population, c'est une bonne chose, tout le monde est d'accord, mais si, pour le faire, on pénalise une autre partie de la population, ce n'est pas la justice sociale. En fait, ce projet de loi a plusieurs inconvénients, plusieurs impacts financiers. Le premier est que de moins en moins de gens vont venir investir à cause de cette fiscalité lourde - comme l'ont déjà dit plusieurs députés, on a des impôts assez élevés par rapport au reste de la Suisse. Il ne faut pas les augmenter encore.

Le deuxième élément concerne la compétitivité économique, avec laquelle ce texte n'est pas compatible. Alors qu'elles créent du travail, les grandes fortunes vont partir et, à nouveau, il n'y aura plus de travail. Les travailleurs vont perdre leur emploi parce que les entrepreneurs auront déplacé leur fortune. Les entrepreneurs, les grosses fortunes sont à la recherche d'endroits où ils paient moins d'impôts. Si maintenant on augmente le taux d'imposition, ils quitteront Genève et s'installeront ailleurs.

La troisième question est plus spécifique: j'attire votre attention sur la conformité de ce projet du point de vue constitutionnel. On ne peut pas pénaliser une partie de la population fortunée en la faisant payer plus parce qu'une autre partie de la population a besoin de cette contribution. Le groupe LJS vous invite à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, il faut le rejeter. Je vous remercie beaucoup pour votre attention.

M. Patrick Dimier (MCG). Madame la présidente, vous transmettrez à M. Thévoz que ce n'est pas parce qu'on évite la pyramide de Khéops qu'il faut faire celle du chaos. Merci.

La présidente. Je vous remercie. La parole est au rapporteur de deuxième minorité pour trois minutes.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Il n'en faudra pas autant pour exprimer le regret, avec le rapporteur de majorité, qu'effectivement, les projets se suivent et les arguments se ressemblent; si c'est le cas, c'est que la vérité ne change pas et que les arguments qui la décrivent sont toujours les mêmes. Pour répondre, vous transmettrez, Madame la présidente, au député Zweifel, qui une fois de plus (ça devient une véritable antienne dans ce parlement) nous agite la menace de l'évasion fiscale au sens strict - c'est-à-dire que l'évadé quitterait le territoire par déloyauté, alors qu'on lui propose une modeste contribution unique -, que la réalité montre précisément le contraire, vu que le nombre de personnes millionnaires et multimillionnaires croît - du verbe croître donc...

Une voix. Oui, oui.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. ...à Genève, quand bien même on décrit cette république comme un véritable enfer fiscal. Nous le constatons et nous nous en réjouissons, car effectivement, nous souhaitons que toute personne se sente bienvenue à Genève, quel que soit son niveau de fortune. Nous refusons de considérer la fiscalité sous un angle émotionnel: il n'est question ni de punir ni de pénaliser les gens. Rassurez-vous, ce n'est pas parce que nous ne vous aimons pas que nous vous proposons de contribuer à la prospérité générale. Au contraire, il n'y a aucune émotion là-dedans, c'est simplement le principe de la capacité contributive que nous souhaitons appliquer dans un contexte particulier qui, à l'époque, était la crise covid et qui s'est plus largement mué en contexte de crise des inégalités, de crise sociale. C'est pour cela que nous espérons vous avoir convaincus, avec beaucoup d'affection et d'amour, que nous ne vous en voulons pas, et que nous souhaitons que vous acceptiez ce projet de loi. (Commentaires.) Nous vous remercions. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie. La parole est à la rapporteure de première minorité pour cinquante secondes.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Merci, Madame la présidente. Ma première intervention, pour répondre à M. Zweifel, vous voudrez bien lui transmettre: il nous indique que l'impôt sur la fortune et les personnes qui paient cet impôt ont crû de façon bien plus importante que l'augmentation de la population, mais c'est l'illustration parfaite de l'augmentation des inégalités et du fait qu'il y a quelques personnes très fortunées qui s'accaparent toujours plus de richesses et qui donc paient plus d'impôts - c'est vrai effectivement, en valeur absolue. (Remarque.) Mais il y a aussi des personnes qui, tout en bas de l'échelle, ont une situation sociale qui s'aggrave. On doit pouvoir mettre en place un certain nombre de mécanismes pour redistribuer un peu mieux ces richesses. C'est précisément l'objectif de ce projet de loi à travers une contribution de solidarité. Je vous remercie d'accepter ce texte.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat, déjà depuis la précédente législature, est opposé à toute augmentation de la fiscalité dans le canton. Ce n'est donc pas une position nouvelle d'un nouveau Conseil d'Etat avec une nouvelle majorité. Il était déjà, au moment du dépôt de ce projet de loi, soit au moment du début de la crise du covid, opposé à ce texte, estimant que la réponse donnée n'était pas la bonne, rappelant que nous avons le taux d'imposition sur la fortune le plus élevé du pays, Mesdames et Messieurs, sans commune mesure avec ce qui se fait dans les autres cantons, y compris le canton le plus proche de nous, qui est à plus de 0,2 point de différence par rapport à notre impôt sur la fortune. Cela n'a pas de sens d'augmenter la fiscalité de celles et ceux qui sont les plus riches et qui paient aujourd'hui, par l'imposition, plus qu'ils ne paieraient dans d'autres cantons.

On l'a vu, les personnes qui avaient besoin d'être prises en charge l'ont été. Pour ce qui est des différents amendements déposés, les personnes qui aujourd'hui auront besoin d'une prise en charge seront également soutenues par le canton. Nous souhaitons conserver nos gros contribuables. Nous souhaitons ne pas devenir plus chers que ce que nous sommes déjà pour ces personnes qui vivent dans notre canton et qui, pour la plupart, créent aussi de l'emploi.

Encore un élément dont nous n'avons pas parlé: le fait que ces contribuables, outre le paiement de l'impôt, participent à des oeuvres de charité, au financement d'autres projets, auxquels ils contribuent très largement sans avoir besoin que leurs impôts soient augmentés. Le Conseil d'Etat vous recommande donc de rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.

La présidente. Merci. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12686 est rejeté en premier débat par 58 non contre 31 oui.

La présidente. Nous reprenons nos travaux à 18h.

La séance est levée à 17h45.