République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 novembre 2023 à 17h
3e législature - 1re année - 6e session - 35e séance
PL 12166-B
Premier débat
La présidente. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour avec le PL 12166-B, traité en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons l'avantage de vous proposer un petit intermède fiscal avec un projet de loi déposé en 2017. Celui-ci a déjà été étudié une fois à la commission fiscale et a reçu, à ce moment-là, un préavis négatif avec 6 non, 2 oui et 6 abstentions; il est ensuite passé dans cette plénière où, en raison des travaux en cours sur la RFFA, une demande de renvoi en commission a été faite. Par ailleurs, dans le cadre de la RFFA, le contreprojet à l'initiative 170 visait une augmentation substantielle des subsides d'assurance-maladie.
Le présent projet de loi a pour objectif de limiter la charge liée aux primes d'assurance-maladie en augmentant la déduction fiscale possible de celles-ci. En clair, il est proposé qu'un célibataire gagnant un revenu inférieur à 70 000 francs et qu'un couple marié touchant un revenu inférieur à 150 000 francs puissent déduire un montant équivalant au double de la prime effective. Pour les revenus supérieurs, la règle existante s'applique: le montant déductible correspond aux primes effectives, mais à concurrence d'un montant équivalant au double de la prime moyenne cantonale relative à l'assurance obligatoire. Je sais, la fiscalité n'est pas un domaine simple, mais voilà ce qui s'applique quand vous faites votre déclaration d'impôts.
La raison principale pour laquelle cet objet a été refusé lors de son premier passage à la commission fiscale est que le nombre de contribuables ne payant pas d'impôts augmentera substantiellement. Sur le principe, il est difficile d'admettre qu'on peut déduire une somme qui n'est pas véritablement payée. Le projet de loi n'a aucune utilité pour les personnes ne payant pas d'impôts et, dans sa forme initiale, aurait produit une perte de recettes de l'ordre de 123 millions de francs; c'était le chiffre pour 2015. En outre, la limite de revenus de 150 000 francs pour un couple marié induit un gros effet de seuil qui ne favorise pas réellement la classe moyenne. Quelques amendements ont bien été proposés durant le premier passage en commission pour modifier cette somme afin de voir les éventuels changements, mais l'effet de seuil demeurait quand même.
Nous avons ensuite réexaminé ce projet de loi en novembre 2022 à la commission fiscale et avons auditionné le département des finances; celui-ci trouve étrange que ce texte permette à certains de déduire un montant beaucoup plus élevé que leurs primes et à d'autres pas plus que le montant de leurs primes. Il a rappelé aussi que deux conseillers d'Etat successifs, M. Dal Busco, responsable des finances, et M. Poggia, sont venus devant la commission fiscale et que tous deux ont indiqué à quel point ils étaient opposés à ce projet de loi.
En plus de celles invoquées durant le premier passage en commission, d'autres raisons nous ont poussés à refuser ce texte: depuis le premier passage en commission, la réforme RFFA...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Eckert. Oui, merci, Madame la présidente. ...et la loi 12416 sont entrés en vigueur. Ce dernier texte proposait justement une hausse des subsides d'assurance-maladie. Ceux-ci sont substantiels; lorsque les primes d'assurance-maladie augmentent, ils sont révisés par le Conseil d'Etat - il le fait peut-être de façon insuffisante, mais c'est un mécanisme qui fonctionne.
L'autre aspect est évidemment la possible complexité d'un certain nombre d'interactions entre ces subsides d'assurance-maladie et le présent projet de loi. Il peut donc y avoir un cumul des deux effets. En raison de cet argument qui s'ajoute à ceux déjà évoqués durant le premier passage en commission, et pour l'ensemble des raisons que je viens d'exposer, la majorité vous propose de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de première minorité. Les primes d'assurance-maladie ne cessent d'augmenter d'année en année, et rien n'est fait. Rien n'est fait aujourd'hui pour trouver une solution, pour garantir à toutes celles et ceux qui paient des primes d'assurance-maladie devenant, année après année, toujours plus chères... Que prévoit ce projet de loi ? Il vise tout simplement à permettre qu'on paie moins d'impôts, au prorata de la prime d'assurance-maladie. Prenons un exemple. Si vous payez par année environ 7000 francs de primes d'assurance-maladie - c'est un bon prix ! -, en cas d'acceptation de ce texte, vous aurez la possibilité de doubler le montant que vous avez payé, soit 14 000 francs.
Selon le rapporteur de majorité, il n'est pas possible de déduire un montant qui est fictif. Mais détrompez-vous, Mesdames et Messieurs ! Lorsque vous êtes propriétaire, on vous demande d'ajouter sur votre déclaration d'impôts la valeur locative - un revenu qui est très fictif -, c'est-à-dire que vous ajoutez à votre revenu par exemple 30 000, 40 000 francs de valeur locative. Cela augmente de manière non négligeable vos impôts. Donc, Mesdames et Messieurs, s'il est possible pour les propriétaires d'ajouter de manière fictive une valeur locative, je pense qu'on peut permettre à tout un chacun, à toutes celles et ceux qui voient leurs primes d'assurance-maladie augmenter année après année, de la déduire pour le double du montant.
Aujourd'hui, il est très clair, Mesdames et Messieurs, que rien n'est fait sur le plan politique pour diminuer les primes d'assurance-maladie. C'est pourquoi le rapporteur de première minorité, espérant que la minorité devienne la majorité, vous invite à voter ce projet de loi, afin que l'on puisse redonner du pouvoir d'achat aux Genevoises et Genevois.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi a été déposé en 2017; il a été traité dans cette plénière en 2018 et renvoyé une nouvelle fois à la commission fiscale, qui l'a réétudié, d'où la lettre B du rapport. Ce texte a pour objectif d'aider la population face aux hausses démesurées des coûts de la santé. C'est malheureusement une évidence: les primes d'assurance-maladie continuent à augmenter de manière exponentielle dans notre pays, et spécialement à Genève. Cela grève lourdement le budget de nos familles et des ménages genevois.
Mon préopinant l'a dit, le système prévu par ce texte permet de procéder à des déductions fiscales et vise à alléger la facture de nos foyers genevois. Les chiffres parlent d'eux-mêmes et sont fort éloquents. Le pouvoir d'achat des assurés est touché et ceux-ci subissent malheureusement d'année en année les hausses des primes d'assurance-maladie qu'ils ne peuvent plus payer. Ils ont donc besoin d'obtenir des subsides pour payer leurs primes. Je crois qu'à Genève, plus de 100 000 personnes touchent des subsides. Cela prouve bien que le mal est profond. Pour toutes ces raisons, la minorité de la commission fiscale vous demande d'accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci, Madame la présidente.
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, 2023, comme chaque année - ça devient une tradition -, a connu au cours de son mois d'octobre les annonces des hausses des primes d'assurance-maladie, qui vont encore une fois fortement augmenter. 2023 a connu également deux élections successives: celle de notre Grand Conseil, ce printemps, et tout récemment celle des Chambres fédérales. Pendant ces deux campagnes, tous les partis ici présents ont dit à un moment ou à un autre qu'il faut lutter contre la hausse des primes. Ce sont exactement les mêmes partis qui, au mois d'octobre, se sont opposés dans leur communication à la hausse annoncée en disant: «C'est scandaleux ! Il faut faire quelque chose !» Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez la possibilité réelle de tenir vos promesses une fois dans votre vie de députés en acceptant ce texte et de véritablement redonner du pouvoir d'achat à la population en lui permettant d'effectuer une déduction: c'est ce que propose ce projet de loi.
J'ai entendu une remarque sur les effets de seuil. Ce problème existe dans tous les projets de lois fiscaux, même dans la loi telle qu'on la connaît aujourd'hui; quoi qu'il arrive, vous avez des effets de seuil qui, à un moment ou à un autre, posent problème. Mais c'est le système qui est comme ça ! On n'y peut rien !
Les subsides qui ont fortement augmenté... Mais c'est juste un leurre ! Parce que quand vous augmentez les subsides qui vont directement à l'assurance-maladie, c'est autant d'argent que le contribuable déduit en moins, puisqu'il n'a pas payé cette somme. Donc, en quelque sorte, vous donnez de l'argent mais le reprenez de l'autre. Il faudrait aussi penser à cet élément-là !
Le département lui-même, par la voix de son représentant de l'époque, avait reconnu en commission la parfaite compatibilité avec le droit fédéral: ce projet de loi demande l'introduction d'une déduction sous la forme de forfaits, ce que permet le droit fédéral. Je vous remercie donc d'accepter ce texte pour tenir une fois pour toutes vos promesses électorales. Je vous remercie.
M. Sébastien Desfayes (LC). Chers collègues, Le Centre porte d'habitude un regard très, très bienveillant sur tout texte proposant une baisse d'impôts en faveur des personnes physiques. Il est vrai aussi que cet objet aborde une préoccupation que nous partageons tous: la difficulté éprouvée par de nombreuses classes de la population à faire face au paiement des primes d'assurance-maladie; mais - et il y a un grand mais - il pose plus de problèmes qu'il n'apporte de réponses à cette préoccupation. Ce n'est pas ce texte, Monsieur Florey - vous transmettrez, Madame la présidente -, qui fera diminuer les primes d'assurance-maladie. Bien au contraire !
D'abord, à propos de la compatibilité avec le droit fédéral, il faut reconnaître que cet objet pose un problème: toute notre imposition est fondée sur la capacité contributive, et prévoir une déduction de charges qui n'existent pas ne paraît pas conforme à la constitution. J'ai entendu le rapporteur de deuxième minorité nous parler de la valeur locative, qui est effectivement fictive, mais dont le corollaire - la déduction des intérêts hypothécaires - n'aurait pas de correspondance ici.
Avant de voter sur un projet de loi, il importe de toujours réfléchir aux conséquences du projet en question; en l'occurrence, les conséquences négatives sont extrêmement nombreuses et extrêmement fâcheuses. D'abord, si on devait voter ces nouvelles déductions, plus de 40% - je dis bien plus de 40% - de la population ne paierait plus d'impôts. Ce serait quand même une rupture du contrat social: si plus de 40% de la population ne contribue plus à l'effort collectif, notre société peut s'interroger.
Il y a un deuxième point: le coût de cette mesure par rapport à certains engagements pris. Le député Florey a en effet parlé des engagements pris pendant la campagne et avant les élections. Le coût de cette mesure est de l'ordre de 123 millions de francs par année, pour une efficacité contestable au regard des subsides. Si on perdait 123 millions de recettes fiscales, on devrait renoncer à un engagement important, celui de diminuer le taux d'imposition du revenu des personnes physiques, et je peux vous garantir, Monsieur Florey, que notre parti, Le Centre, n'est pas prêt à renoncer à cette promesse. Pour toutes ces raisons, Le Centre s'opposera à ce projet de loi. Merci, Madame la présidente.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a dit notre excellent collègue Pierre Eckert, nous passons au département des finances, et nous aurons la chance de parler de plusieurs objets fiscaux qui se basent peu ou prou sur le même chablon; ils consistent en propositions de déductions fiscales sous prétexte de soulager ou de favoriser tel ou tel groupe de notre société. Pour traiter un petit peu en bloc cette question des déductions, j'ai été fouiller dans des fabliaux postmédiévaux, et j'ai trouvé un petit quatrain qui vous ravira:
«Manon, Manon, dis-moi, les déductions
Profitent-elles à la population ?
- Mais non, mais non, mon bon Gaston !
Les déductions ne servent qu'aux gros poissons,
Les déductions ne sont que des pièges à pigeons.»
Manon a évidemment raison. Pourquoi ? On l'a évoqué tout à l'heure, plus du tiers des contribuables genevois ne paient que la taxe personnelle et ne sont donc absolument pas intéressés par l'hypothèse d'une déduction supplémentaire sur quelque partie que ce soit de leur déclaration. Il en va de même pour le tiers suivant, à qui les déductions ne bénéficient que de façon extrêmement marginale; leur facture fiscale est de toute façon relativement réduite. On voit bien que le projet qui propose de soulager les bas revenus manque complètement sa cible, si tant est qu'il ait espéré l'atteindre. Je vous laisse imaginer quelle cible les auteurs de ce texte souhaitaient au contraire atteindre.
M. Florey - vous transmettrez, Madame la présidente - nous dit ou affirme que c'est enfin un projet qui vise à faire baisser les primes d'assurance-maladie. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le résultat serait exactement le contraire. Pourquoi cela ? Parce qu'en doublant la valeur de la prime réellement payée, on créerait un véritable incitatif à opter pour les primes les plus élevées, ce qui casserait le peu de concurrence qui reste dans le système de la LAMal et entraînerait une alliance entre les assurés et les assureurs pour une hausse des primes au détriment de l'Etat et des finances publiques.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Julien Nicolet-dit-Félix. C'est un argument supplémentaire en raison duquel nous vous invitons à refuser ce projet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Stefan Balaban (LJS). Force est de constater que chaque année nous subissons une hausse des primes d'assurance-maladie. L'idée de soutenir la population par des aides fiscales, donc de réduire l'impact des primes par ce texte, peut sembler noble, mais je trouve que c'est un peu naïf, surtout lorsqu'on voit le fonctionnement des assurances-maladie: une opacité totale quant à la méthode de fixation des prix et au pourquoi du comment de l'augmentation des primes. Comme l'a très justement fait notre collègue Marc Saudan, il faut rappeler qu'une des assurances-maladie a perdu plus de 500 millions en bourse, alors que son rôle et son objectif sont d'assurer ses affiliés et non de boursicoter et de perdre de l'argent.
Nous ne sommes pas des vaches à lait, ce n'est pas au contribuable d'aider les assurances à travers ces aides financières. Je vous invite plutôt à économiser votre énergie et à soutenir LJS dans la mise en place d'une assurance-maladie publique. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Sylvain Thévoz (S). S'il est acquis, Mesdames et Messieurs les députés, que le vin vieillit bien, il est rare que ce soit le cas pour les projets de lois. Celui-ci date de 2017, il sent bon la naphtaline, il est mal fichu - de nombreux députés qui ont pris la parole avant moi l'ont souligné. Entre-temps, un système efficace de subsides d'assurance-maladie a été mis en place, système qui permet actuellement à 137 000 personnes à Genève de bénéficier d'aides.
On l'a dit, les effets de seuil de ce vieil objet mal fichu sont massifs, il ne tient pas du tout compte des charges de famille: on parle des célibataires et des couples mariés, mais on ne définit pas dans le détail les charges de famille. Il occasionnerait en outre des dépenses pour des populations qui sont partiellement couvertes, aujourd'hui, par les subsides d'assurance-maladie.
Pour le parti socialiste, il faut se projeter vers l'avant et non revenir à des projets de lois de 2017. Deux outils sont importants, si on veut aujourd'hui absorber en partie le choc des augmentations des primes d'assurance-maladie. Le premier est le renforcement des barèmes des subsides; ils ont été adaptés en 2022 et en 2023: 20 francs supplémentaires pour les adultes et 10 francs pour les jeunes. En 2023 et 2024, cette augmentation a été reconduite, mais il n'y a pas eu plus. Nous déplorons que le Conseil d'Etat n'ait pas poussé plus loin cette augmentation, on pourrait très bien l'intégrer dans le budget afin que les personnes puissent absorber l'augmentation de plus de 10% qu'on a encore eue cet automne.
Le deuxième outil est bien sûr le vote qui aura lieu en 2024 ou 2025 sur le plafonnement des primes d'assurance-maladie à 10% des revenus, initiative nationale portée par le parti socialiste. A ce sujet, il est regrettable que les mêmes qui nous proposent ce projet de loi mal fichu aient voté le contreprojet «light»; citons Mme Céline Amaudruz notamment, mais aussi M. Vincent Maitre et Mme de Montmollin. Ils ont soutenu aux Chambres fédérales le projet «light» qui fera perdre 91 millions à Genève. Nous faire la leçon - vous transmettrez en tout cas à l'UDC, Madame la présidente - en nous disant qu'il faut aider la classe moyenne en difficulté et, en même temps, s'asseoir à Berne avec Mme Amaudruz, M. Maitre et Mme de Montmollin sur 91 millions, c'est un pur scandale ! Il faudra soutenir l'initiative visant au plafonnement des primes à 10% et inviter le Conseil d'Etat à revaloriser les barèmes des primes d'assurance-maladie: voilà des mesures solides. Elles permettront aux personnes qui subissent ces augmentations de plein fouet d'y faire face. C'est en tout cas la position du parti socialiste. Nous vous invitons donc à refuser très largement ce vieux projet de loi «naphtalineux» et mal fichu. Merci. (Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, avec la gauche, c'est toujours l'arrosage généralisé: afin de régler les problèmes, on puise dans la caisse de l'Etat en vue d'une redistribution aux citoyennes et aux citoyens. Ce n'est pas la solution, vous le savez bien ! Je pense que la solution suivante est meilleure, à savoir de permettre aux citoyennes et citoyens de déduire un montant plus élevé des primes d'assurance-maladie dans leur déclaration fiscale. C'est de cette manière qu'on ira dans la bonne direction. Rappelez-vous qu'à l'heure actuelle, on paie 700 millions de francs par année pour les subsides d'assurance-maladie. Et vous voulez les augmenter à l'infini ! Ça ne réglera pas le problème des cotisations trop élevées ! Je pense que c'est une erreur. Il faut voter ce projet de loi.
La présidente. Je vous remercie. La parole revient à M. François Baertschi pour deux minutes quinze.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Madame la présidente. Il est certain que pour alléger la facture des assurés, une des pistes qui doit être explorée est celle de l'augmentation des déductions fiscales. Néanmoins, la question de fond ne se règle pas à Genève mais à Berne: c'est là que la question centrale doit être traitée et que se trouve la clé du problème. Le groupe MCG a toute confiance en sa nouvelle députation à Berne pour faire des propositions efficaces; c'est là que se réglera véritablement la question de l'assurance-maladie et c'est là que nous devons agir. Merci, Madame la présidente.
M. Yvan Zweifel (PLR). Je comprends qu'on mélange un peu deux sujets, celui des primes d'assurance-maladie et la question fiscale. D'abord - je souris en écoutant ceux qui donnent de nombreuses explications pour trouver des réponses à la hausse des primes d'assurance-maladie -, je rappelle que la seule manière d'obtenir un effet là-dessus, c'est de travailler sur les coûts, et non de proposer des caisses uniques, publiques ou le mélange des deux; ce n'est pas en agissant sur 2%, 3% ou 4% des coûts qu'on réglera le problème. Je ferme la parenthèse et reviens au projet de loi qui nous intéresse ici.
Le groupe PLR estime qu'il est louable. Pourquoi est-il louable ? Parce que ce qui coûte le plus cher dans le panier de la ménagère à Genève, vous le savez, ce sont principalement trois composantes: les loyers, les assurances-maladie précisément et les impôts. Or, on sait au niveau cantonal qu'intervenir sur les loyers est compliqué, encore plus avec ce qu'on appelle communément les bancs d'en face, et que les primes d'assurance-maladie - d'autres l'ont dit avant moi - relèvent d'abord d'une compétence fédérale. Il est donc logique que nous agissions sur la troisième charge la plus importante, les impôts. En ce sens-là, on ne peut évidemment qu'être d'accord avec l'idée présente dans la proposition de l'UDC.
Néanmoins, ce projet de loi pose deux problèmes au groupe PLR. Quelle est la situation aujourd'hui ? D'autres l'ont dit avant moi. Vous avez aujourd'hui à Genève une déduction de ces primes d'assurance-maladie plutôt généreuse, puisqu'on peut déduire jusqu'au double de la prime moyenne cantonale. Cela implique que 98% des contribuables peuvent déduire l'intégralité de leurs primes, complémentaires comprises. Tous les cantons ne sont pas logés à la même enseigne. Dans le canton de Vaud, aujourd'hui, c'est 4000 francs maximum par contribuable - et encore, on a changé, car jusqu'à récemment, c'était seulement 2000 francs. A Genève, pour le coup, on est plutôt généreux, mais au moins, il y a une logique: vous déduisez ce que vous avez réellement payé. Or, le problème du projet UDC est qu'on va se retrouver à pouvoir déduire un montant qu'on n'a pas réellement décaissé, et cela nous pose un problème, parce que ça ouvre une boîte de Pandore que nous souhaitons voir rester fermée.
Le deuxième problème que pose ce projet de loi est le suivant. S'il a la vertu d'avoir effectivement un impact sur les impôts et de baisser les impôts d'un certain nombre de nos contribuables, y compris d'ailleurs ceux de la classe moyenne - n'en déplaise à la gauche -, puisqu'une déduction en francs et non en pourcentage a pour effet qu'elle est en réalité proportionnellement plus intéressante pour ceux qui paient moins d'impôts que pour ceux qui en paient plus - on fera le calcul une fois, ce n'est pas grave -, en revanche, ici, on augmente précisément le nombre de gens qui, à la fin, ne vont plus payer d'impôts. On augmente donc la déresponsabilisation des contribuables, et c'est quelque chose qui, au PLR, nous dérange.
Vous l'aurez compris, selon nous, ce projet est louable parce qu'on agit sur ce sur quoi on peut agir, c'est-à-dire les impôts, mais il ouvre des boîtes de Pandore que nous souhaitons voir rester fermées. Le groupe PLR s'abstiendra.
La présidente. Merci. Je vais donner la parole aux rapporteurs, en commençant par le rapporteur de seconde minorité pour une minute trente.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Je ne dirai rien, merci, Madame la présidente. (L'orateur rit.) J'ai failli gagner un pari !
On l'a dit, l'objectif de ce projet de loi est d'augmenter les déductions fiscales pour améliorer le pouvoir d'achat de nos familles genevoises. C'est pourquoi la minorité vous demande de bien vouloir voter l'entrée en matière sur ce texte. Je vous remercie.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que différents intervenants et le rapporteur de majorité vous l'ont déjà fait savoir, de même que les différents conseillers d'Etat qui se sont succédé à la commission fiscale: ce texte est problématique. Tout à fait honnêtement, pour moi, l'élément le plus problématique, c'est l'effet de seuil. Je vais vous donner un exemple. Un couple avec deux enfants avec un salaire en dessous du seuil de 150 000 francs sera concerné par votre projet de loi. Un autre couple qui gagne 152 000 francs et qui a quatre enfants ne sera en rien concerné par votre projet de loi. Cela ne joue pas ! On ne peut pas avoir de telles différences de traitement et de tels seuils sans provoquer une vraie inégalité de traitement au sein de la population. Ce n'est pas le cas dans les barèmes, Mesdames et Messieurs, parce que dans les barèmes de taxation d'impôts... J'aimerais rappeler que chaque tranche d'impôts, soit, par exemple, de 1 franc à - que sais-je, je ne connais pas par coeur les tranches - 10 000 francs, correspond à un taux. Ça veut dire que, pour l'ensemble de vos revenus, chaque tranche d'impôt équivaut à un taux en fonction de chaque tranche de votre revenu. Il n'y a pas cet effet de seuil aussi important que celui que nous voyons avec votre objet.
J'ajoute un deuxième élément. Mesdames et Messieurs, c'est vrai que le projet de loi a été déposé avant le contreprojet à l'initiative 170 qui a permis de résoudre, partiellement en tout cas, voire plus que partiellement pour certains, la question des subsides et des aides au paiement de l'assurance-maladie. M. le député Zweifel vous l'a dit, dans le canton de Genève, nous ne sommes de loin pas mal lotis en ce qui concerne les déductions possibles des primes d'assurance-maladie. La solution pour faire face à l'augmentation des primes, ce n'est pas de pouvoir les déduire. D'abord, celles et ceux qui ne paient pas d'impôts ne sont pas concernés; ça leur fait une belle jambe, ils n'ont rien à déduire. A nouveau, toute la classe moyenne qui, avec deux revenus pleins, gagne probablement plus que 152 000 francs ne sera pas concernée par ce projet de loi. Les 123 millions calculés en 2019 nous paraissent très mal investis pour aider cette classe moyenne.
J'ai entendu un député indiquer qu'on n'est plus dans la classe moyenne quand on gagne à deux plus de 150 000 francs. Je me permets de lui dire qu'une famille avec quatre enfants qui a un revenu de 153 000 francs est, à mon sens, encore dans la classe moyenne et ne se situe de loin pas dans une classe qu'on peut appeler supérieure en touchant ce montant-là, car si vous le divisez par deux, cela revient à 75 000 francs par personne. Franchement, ce n'est vraiment pas gigantesque ! Un effet de seuil aussi important paraît négatif.
Pour ces motifs, le Conseil d'Etat vous encourage à refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je mets aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12166 est rejeté en premier débat par 51 non contre 25 oui et 18 abstentions.