République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 novembre 2023 à 16h10
3e législature - 1re année - 6e session - 33e séance
M 2684-A
Débat
La présidente. Nous reprenons l'ordre du jour ordinaire avec la M 2684-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité de M. Francisco Valentin est repris par M. François Baertschi, à qui je donne la parole.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que cette motion reflète une certaine confusion du fait qu'elle mélange deux éléments qui n'ont rien à voir, à savoir les problèmes liés à la Caravane de la solidarité et la tenue d'une manifestation pour le climat. Le seul élément commun entre ces deux épisodes est qu'ils ont eu lieu en 2020, pendant la période covid, période durant laquelle - vous devez vous en souvenir - les restrictions étaient très fermes concernant les manifestations. Ces restrictions étaient de nature fédérale et relayées par le canton. Elles interdisaient les réunions de plus de cinq personnes. Il est important de voir ce qu'il est advenu de chacun de ces deux éléments.
Parlons d'abord de la Caravane de la solidarité et rappelons qu'il s'agit d'une action louable dont l'objectif était d'offrir une aide alimentaire de manière spontanée à la population. (Commentaires.) Dans un premier temps, la police est intervenue parce qu'il n'y avait pas d'autorisation pour cette action, et vu qu'on était en période covid, les risques de contamination étaient quand même importants. Ensuite, de nombreuses démarches ont été menées afin de débloquer la situation et d'arriver - grâce notamment à l'intervention très efficace du secrétaire général adjoint du département - à une situation favorable pour ce groupe qui agissait de manière tout à fait désintéressée et dont l'action humanitaire n'était contestée par personne.
Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président
Nous avions à côté une manifestation d'un groupe relativement nombreux de personnes, une soixantaine, militant pour le climat, certes, mais qui enfreignaient les règles covid. Ce sont donc deux éléments pour lesquels il n'y a pas eu de décision du Conseil d'Etat; il s'agit ici d'application de lois, de directives. Aussi, les amendes ne sont pas données par le Conseil d'Etat, mais bien sous la responsabilité du Ministère public, du Pouvoir judiciaire. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il ne faut donc pas se tromper de pouvoir. D'ailleurs, par la suite, la chose est allée jusqu'au Tribunal fédéral, en tout cas pour les militants du climat. C'est la justice qui a tranché...
Le président. Monsieur le rapporteur, vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. François Baertschi. Oui, merci. C'était la bonne méthode. Je suis quand même surpris de voir que le Tribunal fédéral s'est opposé aux mesures covid; certes, il a la légitimité pour cela, mais il l'a fait de manière bien confortable dans son bureau, sans aucun risque de contamination, alors qu'il y avait une menace très grave pour la population, et que c'est précisément pour cela que ces mesures avaient été prises. La majorité vous conseille donc de rejeter fermement cette motion, qui n'a pas de raison d'être, n'en a jamais eu et en a encore moins maintenant qu'à l'époque. Merci, Monsieur le président.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vais essayer de vous démontrer que cette motion a non seulement du sens, mais qu'elle est importante. Elle est importante pour les personnes qui, dans notre société, défendent le droit de manifester, défendent les libertés individuelles et défendent la liberté d'expression. Le contexte dans lequel elle s'inscrit est celui de l'émergence du covid: de janvier à mars 2020, nous nous le rappelons, il y a tout d'abord le premier cas covid, puis la décision du Conseil fédéral d'interdire les rassemblements de plus de cent personnes, avec certains cantons qui prévoient des mesures plus strictes. Dans ce contexte, l'appel du 4 mai est lancé fin avril 2020. Cet appel est national, il est soutenu par une pétition signée par plus de 50 000 citoyens et citoyennes helvétiques qui se projettent dans l'après-covid et qui demandent un redémarrage plus social, plus local, plus écologique: finalement, ils essaient de parier sur l'avenir post-covid.
A Genève, des citoyens et des citoyennes se réunissent au nom de cet appel, le signent et ont pour seule volonté d'être dans l'espace public, de dessiner à la craie des carrés de 2 mètres sur 2 mètres, donc 4 mètres carrés. Ils ne font rien d'autre que descendre individuellement dans la rue et tracer ces carrés de craie, les parsemant parfois de fleurs ou de coeurs. Alors que les gens se ruent dans les supermarchés et sont entassés dans les trams - il n'est pas besoin de rappeler les incohérences de ce moment extrêmement difficile pour notre démocratie -, ces personnes, à l'air libre et, je le répète, sans jamais être plus que cinq, exercent simplement leur droit d'expression et leur liberté de manifester dans l'espace public.
Tristement et malheureusement, la réaction de la police à cette action est extrêmement musclée. Dès le 4 mai, sur la plaine de Plainpalais, deux fourgons et des motos de police arrivent dès le début du rassemblement, les policiers amendent les participants et les sanctionnent. Un scénario similaire, mais encore plus violent, se déroule à la gare Cornavin le 6 mai: non seulement des amendes de 600 à 750 francs sont infligées, mais des personnes sont molestées et embarquées au poste de police, dont le réalisateur Frédéric Choffat - je le dis parce qu'il en a parlé sur Léman Bleu. Il témoigne: «J'ai installé mon carré à la craie près d'un passage piétons. Je ne gênais personne. La police m'a demandé ma pièce d'identité et m'a interdit de filmer. J'ai refusé en demandant quels étaient les motifs. J'ai finalement fourni ma carte d'identité. Ils m'ont ensuite demandé à nouveau d'arrêter de filmer et de partir.» Il a été plaqué contre le mur, menotté et fouillé à nu au poste de police. Pour cette situation, il a également été amendé. Il y a plusieurs témoignages de ce type-là: des mineurs ont été amendés, des personnes qui attendaient le renouvellement de leur permis ont vu mettre en péril cette procédure du fait de ces amendes. Et puis, pour dézoomer, je tiens à rappeler que ce type de manifestations a bien évidemment eu lieu au niveau intercantonal, et il n'y a qu'à Genève que la police a eu ce type de réactions extrêmement violentes et disproportionnées.
Amnesty International a communiqué à l'époque pour rappeler les éléments suivants: «il n'y a aucune raison d'interdire des formes d'actions qui ne constituent pas une menace pour la santé publique. Ainsi, l'expression visible d'opinions par des individus et des petits groupes, ou des actions symboliques sans la présence physique d'un grand nombre de participants devraient être admises.» On relève donc une volonté de soutenir ces manifestations. Il y a eu ensuite une série de manifestations...
Le président. Monsieur le député, vous terminez sur le temps de votre groupe.
M. Sylvain Thévoz. Merci, Monsieur le président. Le vendredi 15 mai, la grève du climat a été interdite. Le 18 mai, lors d'une manifestation cycliste massive, de plus de 2000 personnes, autour de la plaine de Plainpalais, aucune amende, aucune sanction, personne n'a été menotté. Pourquoi est-ce qu'on sanctionne des personnes qui sont individuellement dans l'espace public, pacifiquement, alors que, quand il y en a 2000 qui font du vélo, il n'y a aucune intervention de la police ? M. Mauro Poggia - vous transmettrez - avait menacé de poursuivre les cyclistes et de les amender en utilisant des images, ce qui est par ailleurs illégal à notre connaissance, peut-être qu'il s'en expliquera. Il n'y a pas eu de suite.
Mesdames et Messieurs, il est extrêmement difficile d'accepter dans une démocratie qu'on réprime des manifestants pacifiques. Certains ont eu peur de contester ces amendes, évidemment par crainte des poursuites, et les ont payées, mais trente personnes courageuses se sont manifestées et les ont contestées. Un nombre encore plus restreint est allé jusqu'à lancer une procédure judiciaire.
L'épilogue, Mesdames et Messieurs, que la majorité malheureusement ignorait puisqu'elle a choisi de refuser cette motion juste avant qu'un tribunal de police ne rende son jugement, c'est que le tribunal donne raison aux militants, à ces personnes qui sont simplement descendues dans la rue. Il balaie donc les arguments fumeux de la majorité. Je vous expose brièvement cette décision: les militants du mouvement #4m2 sont acquittés à Genève. Ils ne menaçaient pas la santé publique, étaient présents à titre individuel uniquement, et s'ils n'avaient pas défendu une cause politique, ils n'auraient pas été amendés. Les militants sont toutes et tous acquittés sur le point concernant le rassemblement illégal en période de pandémie. Leur action était pacifique, calme avant l'intervention de la police. Ce jugement est rendu le 23 septembre 2021. Le 15 mars 2022, la CEDH, Cour européenne des droits de l'homme, donne raison à la Communauté genevoise d'action syndicale qui l'avait saisie contre la décision, cette fois-ci du Conseil fédéral, d'interdire toute manifestation politique. On le sait, il y avait eu une interdiction de manifester à Genève. Là aussi, la Suisse a été sanctionnée.
Mesdames et Messieurs, cette motion fait donc sens: elle demande simplement de corriger une erreur qui a été commise par le Conseil d'Etat lorsqu'il a lâché la police en toute illégalité contre des manifestants qui, à aucun moment, n'ont été violents ni n'ont enfreint la loi. C'est pourquoi nous vous invitons fortement à la soutenir et à la renvoyer au Conseil d'Etat: il pourra nous expliquer le détail de ce qui, pendant la législature précédente ou durant ce moment historique difficile, s'est passé pour que la police, ou en tout cas une partie du Conseil d'Etat perde pied et lâche la police sur des citoyens qui ne faisaient qu'exercer leurs libertés fondamentales et exprimer leur volonté de faire redémarrer, d'alimenter le débat démocratique à un moment difficile. Merci pour le bon accueil que vous réserverez à cette motion. (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Chers collègues, le rapporteur de minorité a raison lorsqu'il vous dit que cette motion fait sens. Cette motion fait sens, car nous avons un devoir de mémoire s'agissant des années 2020, 2021, jusqu'au début 2022. On les aurait appelées les années de plomb dans d'autres dictatures, on les appellera les années de papier, puisque c'est dans cette matière que les masques dont on nous affublait étaient faits pendant la dictature sanitaire. Dictature sanitaire, oui, il y a eu. Restrictions arbitraires des libertés, inégalités de traitement, oui, il y a eu. M. Thévoz, pour une fois, a parfaitement raison. Nous avons un devoir de mémoire quant à cette époque afin de ne pas commettre les mêmes erreurs lors de la prochaine pandémie - car nous y sommes abonnés depuis que l'espace vital des animaux a été réduit par l'humanité au point qu'on les confine aujourd'hui dans des espaces étroits avec des contacts humains. Nous allons avoir un certain nombre de virus qui vont muter, jusqu'au point que certains d'entre eux deviendront transmissibles à l'être humain.
Nous devons tirer les conclusions de la tragédie que nous avons vécue: pour lutter contre un virus, nous avons abandonné le principe de proportionnalité au profit du principe de précaution, sur lequel personne n'a jamais voté et qui n'est pas dans la constitution. Le propre de ce principe, c'est de n'imaginer que le pire, et l'action étatique qui n'imagine que le pire, c'est évidemment une action liberticide, aveugle, arbitraire, avec des débordements absolument tragiques, comme ceux évoqués dans le cadre de cette motion. Je partage le souhait que le Conseil d'Etat non seulement s'excuse, mais qu'il veuille bien reconnaître que peut-être son infaillibilité - et c'est bien que M. Poggia soit encore parmi nous aujourd'hui - n'était pas totale.
Cela étant, je suis un tout petit peu choqué que les motionnaires ne se soient intéressés qu'aux victimes faisant partie des fanatiques de l'action sociale ou du climat, alors que des vieilles dames qui étaient autorisées à aller à la Migros pour acheter du savon, mais pas des fleurs... Enfin, toutes sortes d'absurdités ont été imposées avec des contrôles; comme avocat, j'ai eu des clients qui se sont fait attraper à la caisse de petites Migros de montagne où on ne les laissait pas payer parce qu'ils n'avaient pas l'accoutrement ou le vaccin voulus. Enfin, on a vécu des horreurs absolues qui ne doivent jamais revenir ! Mais pourquoi s'indigner... Votre indignation sélective, Monsieur Thévoz, me choque - vous transmettrez, Monsieur le président, puisqu'on doit dire comme ça. Elle me choque suffisamment pour ne pas vouloir voter votre proposition de motion, tout en lui reconnaissant de très grandes vertus quant à ce qu'elle dénonce.
Mme Joëlle Fiss (PLR). Chers collègues, cette motion a l'audace, je dirais même le culot - excusez-moi du terme - d'inviter le Conseil d'Etat à non seulement s'excuser publiquement, mais en plus à abandonner toutes les charges et amendes contre les personnes qui ont participé à l'appel du 4 mai 2020 à Genève. Pour rappel, nous étions effectivement en plein covid-19, la réunion n'a pas été autorisée, par nécessité de garder les distances sanitaires. Ce jour-là, un rassemblement de plus de cinq personnes dans l'espace public n'était pas admis. Dans le rapport, les signataires de la motion mettent en avant l'aspect humaniste de l'appel: redémarrer après le covid de façon plus locale, plus durable. Aussi louable que soit cet objectif - d'ailleurs on peut être d'accord avec celui-ci, le contenu de la manifestation importe très peu, ce n'est pas la question -, à partir du moment où un événement n'est pas autorisé et que cela n'est pas respecté, des sanctions sont appliquées. Voilà comment ça se passe généralement dans un Etat de droit - vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Thévoz.
Comme le rapporteur de majorité le dit bien, le Conseil d'Etat est mis en cause. Mais qu'en est-il finalement de la responsabilité individuelle des manifestants vis-à-vis de la pandémie, de la solidarité envers les citoyens qui ont des problèmes de santé et de la santé publique en général ? La loi a simplement été appliquée, et personnellement, je trouve très inquiétant que les signataires de cette motion, et le PS par extension, méprisent la loi et l'Etat de droit. M. Baertschi l'a bien dit, le premier signataire de la motion compare cette situation avec celle de la Caravane de la solidarité, qui avait effectivement distribué des biens alimentaires, mais il y a vraiment une confusion dans le mélange de ces deux situations. La police avait à ce moment-là donné un avertissement; il y avait un besoin social urgent qui était très concret, et la police avait fini par collaborer avec elle et trouvé une solution. On n'est donc pas du tout dans le même contexte. On ne peut pas comparer cette situation à celle où soixante personnes sont réunies devant la gare de Cornavin pour dessiner des carrés sur le sol afin de militer pour une société plus juste. Désolée, mais les situations sont incomparables. Le PLR soutient donc le rapporteur de majorité et vous invite à refuser cette proposition de motion. (Applaudissements.)
M. Philippe de Rougemont (Ve). A Genève, quand il y a des manifestations, ça arrive qu'on inflige des amendes, dans ce cas-ci de 600 à 750 francs. Il arrive que des personnes soient amenées au poste, qu'on opère des fouilles à nu qui n'ont absolument aucun rapport avec ce qui s'est passé et qui relèvent donc vraiment de l'intimidation. Certaines personnes sont au courant qu'elles ont le droit de faire opposition. Beaucoup ne le savent pas ou bien n'osent pas. Pour celles qui osent, on constate souvent que le tribunal de police casse des décisions, des amendes, des incarcérations, et ça fait un peu trop longtemps qu'on l'observe. Les conséquences de ces décisions de police cassées, c'est qu'une mauvaise réputation de la police se répand auprès des jeunes. Des personnes, jeunes ou non, sont intimidées et découragées de participer à une manifestation parce qu'elles risquent d'être embêtées par la police, et elles ne savent pas forcément qu'elles peuvent faire opposition par la suite. Il y a aussi le fait que chaque fois qu'une décision est cassée par le tribunal de police, qui c'est qui paie ? Je vous laisse deviner - la correction de ces erreurs entraîne des coûts collectifs.
Je parlais avec un des policiers qui nous gardent ici - c'est l'occasion de les remercier - qui me disait qu'il n'y avait pas de formation spécifique sur le sang-froid. Je crois que reconnaître une erreur et demander pardon, c'est une occasion de regarder les choses en face, c'est une preuve de caractère et de force pour l'Etat et cela développe l'envie de redresser la situation. C'est l'occasion qu'on a chaque fois qu'un nouveau magistrat devient responsable de la police; en l'occurrence, nous avons une nouvelle magistrate, de laquelle on attend beaucoup.
Pour ces raisons, afin de redresser l'image de la police auprès de la jeunesse, de casser cet engrenage d'intimidation de la population pour qu'elle n'aille pas manifester - enfin, ce n'est pas un objectif, mais c'est une situation depuis quelques législatures -, afin de redresser la situation, les Vertes et les Verts vous invitent à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, c'est-à-dire à voter oui. Merci pour votre attention. (Applaudissements.)
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente
Mme Christina Meissner (LC). Madame la présidente, vous transmettrez à ma collègue Joëlle Fiss qu'elle m'a quasiment enlevé les mots de la bouche. Elle a très bien parlé. Je me contenterai de rappeler que ces événements se sont déroulés dans le contexte d'une situation sanitaire critique, alors que l'interdiction de réunion avait été prononcée. Lorsque des décisions sont prises par l'exécutif, leur respect doit être assuré par son bras armé, donc par ses fonctionnaires de police, sinon ces derniers se mettent en porte-à-faux avec la justice. Le montant des amendes figure dans les ordonnances d'exécution et n'est pas fixé par la police. Enfin, les événements du 4 mai ne constituent pas une réponse face à une situation d'urgence ou une aide humanitaire directe à des personnes, contrairement à l'action d'aide alimentaire urgente aussi mentionnée dans cette motion.
Le législatif vote les lois, l'exécutif les exécute - y compris la police qui, en l'occurrence, a joué son rôle - et la justice juge. Dans l'intervalle, le temps parlementaire étant très long, la justice a fait son travail: elle a décidé d'acquitter toutes les personnes qui ont fait recours. L'exécutif n'a pas à s'excuser, le parlement n'a pas à se substituer à la justice. Le Centre ne soutiendra pas cette proposition de motion.
La présidente. Je vous remercie. La parole est à M. Mauro Poggia pour deux minutes.
M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, vous prendrez évidemment mes propos avec toute la distance qui s'impose compte tenu du fait que je jouais un autre rôle pendant les événements considérés, mais dans la mesure où j'ai été mis en cause, permettez que je m'exprime. Nous sommes le 6 mai 2020 - certains d'entre nous s'en souviendront: à cette date, nous étions en plein dans la première vague d'épidémie, avec toute la méconnaissance qui entourait encore les mesures à prendre, et le Conseil d'Etat avait décidé d'interdire toute manifestation et de limiter les rassemblements à cinq personnes. Les sanctions prévues en cas de violation de ces mesures sont arrêtées non pas par le Conseil d'Etat, mais par le Ministère public, qui a fixé les tarifs - la police étant dans ce cadre le bras armé du Ministère public, autorité pénale chargée de mettre en oeuvre des décisions coercitives prises par le gouvernement en fonction des pouvoirs qui étaient les siens dans cette période particulière.
J'ai évidemment apprécié cette Sainte-Alliance entre une certaine gauche radicale et une droite radicale. Pour revenir sur les faits en question, je pense qu'il ne faut pas tout mélanger: il y a effectivement eu cette Caravane de la solidarité, pour laquelle la personne responsable a eu tort d'organiser de manière un peu précipitée tout ce qu'elle a mis en place - même si c'était pour un bon mobile. La police a sans doute eu tort de séquestrer la caravane, mais sur mes instructions, celle-ci a été immédiatement restituée, puis le tout a été encadré pour que cela se fasse avec respect. Cela n'a évidemment rien à voir avec ce qui s'est passé le 6 mai: soixante personnes se rassemblent alors sans aucune autorisation. J'ai bien sûr pris acte du fait que la justice considère qu'on peut contaminer autrui avec un virus dont on ne connaît pas les conséquences pour autant que ce soit pour un mobile honorable, bien...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Mauro Poggia. Si l'on veut organiser le monde d'après, on peut évidemment se passer de tout respect des règles. Nous en avons pris acte. Il est bien entendu exclu que l'on demande au Conseil d'Etat de s'excuser pour l'application des règles, qui d'ailleurs ont été appliquées partout ailleurs. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Madame Sophie Bobillier, vous avez la parole pour trente-sept secondes.
Mme Sophie Bobillier (Ve). Merci beaucoup, Madame la présidente. Je serai très brève: c'est simplement pour rectifier les choses fausses que j'ai entendues. Il est faux de dire que les lois permettaient cette répression. Au contraire, les tribunaux ont fait l'examen des différents arrêtés cantonaux: il y a eu une mauvaise application du droit, à l'instar de ce qu'on a constaté pendant une certaine période, avec une répression de la violation du droit à la réunion pacifique. Je pense qu'il est nécessaire de s'en rappeler. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Alexandre de Senarclens, vous avez la parole pour vingt-deux secondes.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Merci, Madame la présidente, ce sera suffisant. Je souhaite juste dénoncer le mélange des rôles de la part du député Poggia, qui prend tout d'un coup la place du Conseil d'Etat pour défendre le bilan du conseiller d'Etat Poggia. Il se trouve qu'il y a une continuité dans l'Etat, et si quelqu'un doit défendre ce qu'a fait le Conseil d'Etat, c'est à la nouvelle conseillère d'Etat de le faire, et certainement pas au député Poggia. Il est temps que cesse cette incongruité institutionnelle et que M. Poggia aille à Berne ! Merci. (Exclamations. Applaudissements.)
Une voix. Chose que tu ne feras pas ! (Exclamations. Rires.)
La présidente. S'il vous plaît ! Monsieur Sébastien Desfayes, vous avez la parole pour une minute quarante.
M. Sébastien Desfayes (LC). Merci, Madame la présidente. Effectivement, on a entendu à réitérées reprises aujourd'hui une certaine confusion des rôles: une conseillère d'Etat parlait en tant qu'ancienne présidente de l'ACG et un député parlait en tant qu'ancien conseiller d'Etat. Je crois qu'ici, chacun doit tenir son rôle. Pour rassurer M. Poggia, je précise qu'il est bien entendu le bienvenu dans mon parti s'il entendait y siéger à Berne ! Merci. (Rires.)
La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de temps de parole pour les rapporteurs. (Brouhaha.) S'il vous plaît... Monsieur Sormanni, s'il vous plaît. Je donne la parole à la conseillère d'Etat, Mme Carole-Anne Kast.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je ne pensais pas prendre la parole sur ce point, et puis, à vous entendre, je me suis dit que c'était quand même assez nécessaire. Des deux côtés, j'ai entendu des choses - je me dois de vous le dire - erronées, et d'autres choses, toujours des deux côtés, fort pertinentes. Je pense que c'est le moment de relever un ou deux petits éléments que la justice nous a enseignés. Il ne s'agit pas d'en prendre acte, mais de s'en inspirer et d'adapter nos comportements.
Il ne suffit pas qu'une manifestation ne soit pas autorisée pour qu'elle soit réprimée. Il faut encore qu'elle cause un trouble à l'ordre public qui justifie cette répression, et c'est effectivement sur cet aspect que les manifestants ont été acquittés. Il est juste de dire que quand on veut bien appliquer le droit, il convient de s'inspirer de la jurisprudence et de la comprendre. A cet égard, je pense effectivement que la police n'a pas su bien appliquer le droit ce jour-là.
Par contre, Mesdames et Messieurs les députés, je me dois aussi de vous dire que c'est le rôle de la justice de vérifier si la police ou le Conseil d'Etat a bien appliqué le droit. Et voyez-vous, nous vivons dans un monde merveilleux, parce que cela a été fait, et bien fait. En effet, le Conseil d'Etat a perdu son action face à ces militants sur ce point. Encore récemment, au Tribunal fédéral, cela a été dit: la manifestation ne causait pas de trouble à l'ordre public qui justifie une répression policière. D'ailleurs, la police apprend de ses erreurs et des appréciations du droit; mon département, qui octroie les autorisations de manifester, également.
Maintenant, est-ce véritablement le rôle d'une motion que de vouloir faire justice ? Je ne pense pas. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, j'estime qu'il faut garder beaucoup de modestie. Nous avons une séparation des pouvoirs, elle doit bien fonctionner et elle fonctionne bien. Lorsque l'administration, du haut en bas de l'échelle - je ne vise personne en particulier -, commet des erreurs, la justice est là pour les corriger et pour dire le droit. Je ne pense pas que le parlement doit venir s'en mêler. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Avant de procéder au vote, je salue à la tribune une délégation du Kosovo et d'Albanie. (Applaudissements.) Nous passons au vote sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2684 est rejetée par 59 non contre 31 oui et 1 abstention (vote nominal).