République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 novembre 2023 à 14h
3e législature - 1re année - 6e session - 32e séance
PL 13200-A
Premier débat
La présidente. Au prochain point de l'ordre du jour figure le PL 13200-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, le projet de loi 13200 a facilement conquis une très forte majorité de la commission, puisque nous avons enregistré une seule abstention et une seule opposition. Simple et cohérent, il respecte le principe de l'autonomie communale, un point qui a été relevé et salué avec beaucoup de satisfaction à plusieurs reprises par les responsables de l'Association des communes genevoises que nous avons auditionnés. En outre, ce texte a le mérite de revaloriser la fonction de conseiller administratif... (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi un instant ! C'est toujours la même chose, Mesdames et Messieurs: on est en train de débattre, donc si vous pouviez discuter à l'extérieur de la salle, cela nous permettrait de continuer notre travail ! Reprenez, Monsieur le rapporteur de majorité.
M. Jean-Marc Guinchard. Merci, Madame la présidente. Je disais donc que ce texte a en outre le mérite de revaloriser la fonction de conseiller administratif en posant le principe - et non l'application réglementaire - d'une indemnisation lorsque ledit conseiller ne se représente pas ou perd son mandat en cas de non-réélection. En effet, dans la première situation, un magistrat municipal qui a abandonné son emploi civil pour consacrer son temps à sa commune et qui doit ensuite s'inscrire au chômage se voit infliger un délai de carence, parce que l'office cantonal de l'emploi considère qu'il a renoncé à sa fonction, et donc à son traitement de magistrat communal, de son plein gré.
Certes, quelques communes prévoient déjà de telles indemnisations de fin de fonction, mais elles sont peu nombreuses. Le présent objet corrige ainsi une lacune en posant un principe général tout en laissant aux communes, au nom de leur autonomie, le soin de fixer des cautèles adéquates.
Il sied encore de préciser que la majorité de la commission a souhaité que cette nouvelle disposition puisse entrer en vigueur et déployer ses effets lors de la prochaine législature communale déjà. C'est donc, Mesdames les députées, Messieurs les députés, avec la même majorité que celle issue des travaux de la commission que nous vous invitons à accepter le projet de loi 13200. Je vous remercie.
M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le rapport de minorité dénonce une certaine hypocrisie à vouloir revaloriser les conseillers administratifs, sachant que ces derniers ne quittent pas leur emploi de manière formelle, à l'exception de ceux de la Ville - d'ailleurs, pour eux, des prescriptions sont déjà prévues en cas de non-réélection. Autrement, il est vrai qu'une autre commune, sauf erreur de ma part, prévoit un petit budget pour ses magistrats non réélus, c'est Lancy.
Il faut rappeler que la fonction de magistrat municipal est à temps partiel. Dès lors, les conseillers administratifs ne quittent pas leur travail, ils continuent à oeuvrer dans le cadre de leur profession, excepté quelques rares personnes qui sont confortablement rémunérées et peuvent ainsi se permettre de lâcher leur emploi, mais c'est leur responsabilité.
Le MCG restera cohérent avec le référendum qu'il avait lancé en 2007: rappelez-vous, la commune de Carouge souhaitait indemniser ses deux magistrats non réélus, nous avions lancé un référendum pour nous y opposer, référendum qui avait d'ailleurs atteint le nombre de signatures suffisant pour être soumis au peuple afin que celui-ci statue sur cette démarche, il fallait déterminer si on rétribue ou non un conseiller administratif non réélu. Parce que nous sommes cohérents, nous refuserons ce projet de loi.
On entend le cri du coeur de certaines personnes, on comprend bien qu'il faut peut-être apporter une solution aux magistrats qui se retrouvent dans une situation handicapante par rapport au marché du travail, mais ce qu'on dénonce également dans notre rapport de minorité, c'est qu'on en fait beaucoup pour les membres des exécutifs communaux, mais juste rien pour les conseillères et conseillers municipaux qui, eux, vraiment, ont un traitement en dessous du seuil de pauvreté. Clairement, on n'a pas de salaire au mérite ni de salaire minimum lorsqu'on est conseillère ou conseiller municipal ! Lorsque vous savez que dans de grandes communes comme Vernier, Meyrin, Lancy ou Carouge, pour ne nommer que celles-ci, les magistrats perçoivent entre 20% et 30% de plus que ce que touche un conseiller municipal, c'est dire qu'à un moment, il faut revoir nos priorités.
Aujourd'hui, il y a un vrai problème de défection, on a plus de difficulté à trouver des membres de délibératifs municipaux que des magistrats. On l'a vu lors des deux dernières élections à Carouge et à Onex, le nombre de candidatures était très bas. On n'est donc pas en manque de candidats pour des postes de conseillères et conseillers administratifs, mais clairement pour ceux de conseillères et conseillers municipaux; à chaque législature, on enregistre des démissions à hauteur de 60% à 70%. C'est énorme !
Bien sûr, il y a différentes causes, ce n'est pas forcément en lien direct avec la rémunération, mais celle-ci a tout de même un impact important, et il est indispensable de revaloriser aujourd'hui non pas les magistrats, qui perçoivent des indemnités, un salaire intéressant, un deuxième pilier - bref, d'énormes avantages - et qui ne sont pas à plaindre, contrairement à ce qu'on pourrait penser, mais bien les conseillères et conseillers municipaux. Oui, il y a un vrai travail à réaliser, et je pense que c'est dans cette direction qu'on devrait aller, c'est-à-dire revaloriser la fonction de conseillère et conseiller municipal plutôt que de s'inquiéter de quelques nantis qui siègent dans les mairies. Merci.
M. Guy Mettan (UDC). Une fois n'est pas coutume, je vais faire plaisir à M. Carasso et au parti socialiste, parce que l'UDC va approuver ce projet de loi. En effet, comme cela a été indiqué par le rapporteur de majorité, ce texte permet de clarifier les conditions de départ des magistrats municipaux, et nous trouvons que c'est une très bonne chose; il permet non seulement de clarifier, mais aussi d'harmoniser les pratiques entre communes et d'étendre cette clarification à l'ensemble des 45 communes genevoises. De plus, il a l'avantage de rehausser l'autonomie communale: loin d'être affectée, celle-ci s'en trouvera renforcée.
J'ai bien entendu les arguments du rapporteur de minorité, qui craint au fond les effets de copinage ou que les magistrats se vautrent dans des indemnités trop élevées, mais je tiens à le rassurer: il y a des instances de contrôle. D'abord, les Conseils municipaux veillent aux dépenses des communes, ils sont là pour ça et il n'y a pas de raison de sous-estimer la compétence et la vigilance des conseillers municipaux. Ensuite, le Conseil d'Etat, qui est l'autorité de tutelle des communes, peut toujours intervenir si on s'aperçoit que certaines d'entre elles octroient des indemnités munificentes. Enfin, il y a la commission de contrôle de gestion, la Cour des comptes... Bref, énormément d'instances de surveillance qui permettent d'éviter ou de repérer toute dérive au cas où celle-ci se produirait. Pour ces raisons, on ne peut que soutenir ce projet de loi.
M. Cédric Jeanneret (Ve). Je vais aller dans le même sens que mon préopinant. En effet, si les indemnités et traitements alloués aux Conseils administratifs ainsi que les jetons de présence distribués aux conseillers municipaux sont d'ores et déjà de la compétence des législatifs communaux, des indemnités de fin de fonction ne sont prévues que dans de rares communes.
Ce projet de loi vise simplement à harmoniser les pratiques en la matière, dans le but également de faciliter des passages de témoin entre les législatures et d'éviter des situations potentielles de délais de carence du chômage pour les magistrats ayant quitté leur emploi durant leur mandat. Au vu de la charge toujours croissante pesant sur les exécutifs communaux et des bonnes volontés pas toujours au rendez-vous lorsqu'il s'agit de s'engager pour la collectivité, les Vertes et les Verts soutiendront ce modeste - mais bienvenu - projet de loi et vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même.
M. Laurent Seydoux (LJS). Ce projet de loi offre d'abord plus d'équité pour l'ensemble des communes genevoises et tient compte de l'évolution extrêmement importante des charges et des revenus au sein des Conseils administratifs. Il est vrai que nous avons un système politique de milice et que dans toutes les communes genevoises, excepté la Ville de Genève, les magistrats sont censés exercer une autre activité à côté. Cela étant, cette fonction prend de plus en plus de temps et il n'est pas rare d'arriver à un taux de 60%, 70%, voire 80%, certains magistrats accordant même 100% de leur temps à la commune.
Il est évident qu'à l'issue d'une élection - qui permet aux citoyens de renouveler leurs autorités politiques, ce qui est un bien -, le risque est que les magistrats perdent leur place, soit volontairement parce qu'ils décident de démissionner - souvent, ils le font relativement tard - soit parce qu'ils n'ont pas été réélus. Ainsi, même s'ils ont une activité professionnelle à temps partiel, celle-ci ne s'adapte pas au rythme des différentes élections politiques.
Aux yeux du groupe LJS, il semble tout à fait juste de tenir compte de ce paramètre, comme pour d'autres emplois dans lesquels certaines indemnités de départ peuvent aller jusqu'à trois mois - mais la grande force de ce texte, c'est de laisser les communes décider en toute autonomie sous quelle forme elles seront versées. Il s'agit de reconnaître le travail effectué par les magistrats municipaux et de leur permettre de rebondir dans une société civile qui ne les attendait pas forcément. Dès lors, merci beaucoup de soutenir ce projet de loi.
M. Xavier Magnin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est juste la moindre ! Quand on met un peu de côté sa famille, son métier pour la collectivité publique, quand on réduit son temps de travail, pouvoir, peu importe la raison pour laquelle on quitte sa fonction, bénéficier d'une certaine reconnaissance et d'une continuité pour avoir le temps de rebondir en cas de besoin, c'est juste la moindre des choses, et nous vous demandons d'accepter ce projet de loi.
M. Grégoire Carasso (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, très brièvement, j'apporterai un dernier argument qui me semble important et qui n'a pas encore été mentionné dans ce débat, mais qui figure dans le rapport - je salue d'ailleurs en passant la qualité du rapport de majorité -, c'est celui de la fin, des derniers mois du mandat. Il est important d'ancrer un principe - un simple principe ! - dans la loi s'agissant d'une indemnité de fin de fonction; la compétence de l'énoncer et de le développer sera en main du Conseil d'Etat, charge ensuite aux autorités délibératives, aux Conseils municipaux des différentes communes de décider des modalités dans le menu détail et en fonction des pratiques de leur exécutif.
Mais l'argument important, c'est celui des derniers mois du mandat. Dès lors qu'il n'y a aucun traitement de fin de fonction, que ce soit un mandat exercé à temps très partiel ou à 60%, par exemple, le magistrat qui en arrive au terme - volontairement ou non - va devoir commencer à penser à sa transition alors qu'il assume encore ses responsabilités. Le risque, et on ne l'a pas encore évoqué dans la discussion, c'est qu'il remplisse son mandat avec un peu moins d'indépendance, précisément parce qu'il s'arrêterait du jour au lendemain et que même si ce n'est qu'un 60%, il faut d'ores et déjà, pendant la fin de l'exercice, penser au jour d'après et donc à une transition professionnelle. De ce point de vue là, le principe d'une indemnité de fin de fonction ancré dans la loi nous semble essentiel.
Pour finir, je tiens à remercier le rapporteur de minorité pour la mesure dont il a fait preuve dans sa prise de position. Evidemment, cela diviserait non seulement ce parlement, mais aussi les communes, si le Grand Conseil décidait d'imposer une revalorisation de la rémunération des délibératifs municipaux; c'est là un autre sujet. Je le rejoins sur le fond, mais à l'évidence, le débat ne serait pas aussi serein que celui que nous allons conclure cet après-midi. Merci, Madame la présidente.
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Je voudrais corriger une allégation formulée par le rapporteur de minorité, qui m'a fait très peur lorsqu'il a indiqué que le taux de démission au sein des Conseils municipaux s'élevait à 70%. C'est nettement moins, Monsieur le rapporteur de minorité - vous transmettrez, Madame la présidente !
Je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour rappeler que le Conseil d'Etat a mandaté une étude sur ce taux de démission, parce que c'était effectivement une préoccupation, et qu'un très bon rapport publié en 2020 sur cette question le ramène à 25%. Ce n'est pas négligeable, mais ce n'est pas le chiffre articulé; il me semblait tout de même important de le relever.
Pour le surplus, je remercie l'entier des commissaires qui ont travaillé en bonne intelligence sur ce projet de loi que l'ACG appelait de ses voeux également. Voilà un processus constructif, et j'espère qu'il en présage d'autres pour le reste de la journée. Merci, Madame la présidente.
La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13200 est adopté en premier débat par 80 oui contre 13 non.
Le projet de loi 13200 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13200 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui contre 14 non et 1 abstention (vote nominal).