République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 octobre 2023 à 14h
3e législature - 1re année - 5e session - 27e séance
P 2161-A
Débat
Le président. Nous passons à la P 2161-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Madame Lara Atassi, je vous cède la parole.
Mme Lara Atassi (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, la commission des pétitions a été saisie au début de l'année de la P 2161 «pour de vrais aménagements cyclables à Vessy» demandant la reconsidération de l'aménagement cyclable prévu sur les routes de Vessy et de Veyrier dans le cadre du développement des Grands-Esserts.
Après audition des pétitionnaires et de l'office cantonal des transports, la majorité de la commission s'est prononcée en faveur de cette pétition. En effet, dans le cadre du développement de ce quartier, le premier plan d'aménagement de pistes cyclables élaboré comportait plusieurs défauts.
Premièrement, ce plan prévoyait une mixité cycles-véhicules motorisés sur la chaussée, alors que nous savons que les bandes cyclables séparées offrent une bien meilleure sécurité à tous les utilisateurs. Deuxièmement, il stipulait que les cycles circulent entre les bus et les voitures à certaines intersections et aux arrêts de bus. Je n'ai pas besoin de vous expliquer le niveau d'insécurité qu'un ou une cycliste peut ressentir lorsqu'il ou elle se retrouve coincé entre une vitre de bus et une voiture lancée à vive allure.
A la suite du dépôt de cette pétition, une discussion entre les pétitionnaires et le département des infrastructures a permis d'améliorer le plan, notamment sur la route de Veyrier. Cette amélioration satisfait les pétitionnaires pour ce qui est de cet axe. Cependant, l'évolution des plans pour la route de Vessy ne permet pas de garantir la sécurité de tous les usagers. En effet, ils comportaient toujours dans une direction la mixité sur la chaussée, créant ainsi des risques pour les cyclistes comme pour les automobilistes. En outre, le département prévoyait une seconde alternative pour les cyclistes, celle de rouler sur le trottoir, alors que la loi fédérale prévoit que les trottoirs soient en principe réservés aux piétons et que nous connaissons les dangers occasionnés par une mixité piétons-cyclistes, comme a pu le rappeler Mme Magnin hier soir.
Pour ces raisons et parce que le quartier des Grands-Esserts n'est pas encore construit, ce qui permet une très grande liberté et de multiples possibilités dans l'établissement de ces aménagements nécessaires, la majorité de la commission vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, ceci afin de permettre au département de poursuivre sa lancée d'amélioration du plan. Puisque rien ne nous limite encore aux alentours de cette route, nous pouvons exiger non seulement le simple respect de la loi fédérale, mais également des aménagements qui correspondent au mieux à nos préoccupations et à nos besoins actuels et futurs. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Avec le projet actuel, il n'existe pas de cheminement sécurisé pour les cyclistes circulant sur la route de Vessy en direction de Veyrier. Tous les cyclistes, y compris les plus vulnérables, seront obligés de circuler sur une bande cyclable, coincés entre le bus et les voitures, ce qui ne nous semble pas acceptable, ni favorable à la mobilité en général. Or il serait possible de déplacer le feu prévu dans le projet. Cela permettrait de fluidifier la circulation sur le plateau de Vessy et de laisser passer le bus, le canton l'a confirmé.
Alors que deux pistes cyclables étaient prévues, on ne peut que regretter l'abandon de l'une d'entre elles, soi-disant faute de place suffisante. Le PLQ des Grands-Esserts n'est pas encore réalisé, et l'on peut donc encore intégrer des pistes cyclables qui font sens et ne mettent pas en danger les usagers et les piétons. Dans la mesure où tout un quartier va voir le jour, la nouvelle largeur de la route de Vessy doit permettre d'ajouter une piste cyclable bidirectionnelle, séparée des piétons et de la circulation automobile.
C'est une décision politique qui a décrété la mixité des flux dans le cadre de ce projet. On a vu que cette solution n'est pas idéale, par exemple sur la voie verte. Une décision politique, ça se change: il n'y aurait pas de coût supplémentaire, puisque ces aménagements seraient intégrés dans les aménagements extérieurs liés à la densification urbaine. Les aménagements à l'intérieur des pièces urbaines font encore l'objet de réflexions, et les usages du sol ne sont pas encore déterminés.
Pour toutes ces raisons, Le Centre estime que le canton peut revoir son concept de mobilité et renverra la pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, cette pétition est d'ores et déjà totalement obsolète, elle ne sert à rien, à part à nous faire perdre notre temps, pour la simple et bonne raison que lorsqu'elle a été traitée en commission, les travaux avaient déjà largement débuté. Les représentants du département sont venus nous exposer la situation et on a appris que maintenant, la mode, c'est les doubles pistes cyclables, ce qui est une aberration totale. Oui, on en est là. On marche sur la tête ! On dit: «Il faut une voie normale pour ceux qui roulent normalement à vélo», mais désormais il leur faut aussi une voie rapide, donc une double piste pour ceux qui seraient pressés. Voilà comment est conçue aujourd'hui la mobilité douce à Genève. On mange encore plus d'espace sur la zone agricole, puisque cette double piste cyclable ne sera pas prise sur la voirie, qui n'est déjà pas très large sur la route de Veyrier. On va simplement étendre la piste cyclable et la partie piétons sur la zone agricole, en mangeant un peu plus de cette zone qui se fait déjà bien assez rare aujourd'hui dans notre canton. Voilà où on en est.
Pour ce qui est des travaux eux-mêmes, ils étaient déjà en cours quand cette pétition nous a été envoyée en commission. Si vraiment, à part faire de la gesticulation, les pétitionnaires avaient quelque chose à dire, il aurait fallu que ce texte nous parvienne bien en amont du commencement des travaux. Il aurait fallu qu'ils agissent déjà lors de l'enquête publique, et à ce moment-là, qu'ils ajoutent une pétition à leurs remarques sur l'enquête publique, plutôt que de venir bien après dire: «Non, non, ça ne va pas», alors que tout est en place. On nous a démontré que des pistes cyclables vont être créées; il y a même ce que j'appelle, moi, des doubles pistes: cette pétition ne sert donc à rien, et elle est de toute façon obsolète. Nous vous recommandons de la refuser purement et simplement. Je vous remercie.
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je fais miens les propos et les conclusions de mon préopinant, M. Stéphane Florey, en ajoutant l'élément suivant: entre le moment où PRO VELO, qui est porteur de cette pétition, s'est préoccupé de ce problème et aujourd'hui, le département des infrastructures et l'association se sont rencontrés, et un compromis a été trouvé. Ce compromis ne crée peut-être pas une situation finale idéale du point de vue de PRO VELO, mais si nous renvoyons cette pétition au Conseil d'Etat, de toute évidence, nous recevrons en retour les conclusions auxquelles le département et l'association sont déjà arrivés préalablement.
Il est donc inutile de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, raison pour laquelle le PLR proposera de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Merci de votre attention.
M. Sylvain Thévoz (S). Le parti socialiste se réjouit qu'une pétition demandant des espaces séparés pour les cyclistes et les piétons, garantissant à chacun la sécurité, puisse enfin prendre le chemin du Conseil d'Etat. Je vous rappelle surtout que la quatrième demande - «de prendre les mesures nécessaires pour limiter le trafic individuel motorisé ou, si ce n'est pas possible, de le stocker en amont en dehors des zones résidentielles» - est le but de la LMCE. Une majorité parlementaire semble enfin se dessiner, avec l'appui de LJS, il faut le souligner, et du Centre.
C'est certes une pétition, mais nous voulons croire qu'elle augure peut-être une nouvelle ère, où enfin on arrêtera de jeter pêle-mêle les cyclistes et les piétons sur les mêmes espaces. Pour ceux qui pensent encore que c'est viable, allez faire un tour autour de l'horloge fleurie, essayez de faire le U cyclable: tout d'un coup, on vous jette au milieu du Jardin anglais avec des panneaux rappelant que dans les parcs, les piétons ont la priorité ! Des vélos arrivent à 30 km/h jusque dans le parc et des troupes de piétons sortent de bus qui les déchargent par vingtaines au bout de la piste cyclable. C'est complètement aberrant, c'est complètement fou ! Nous ne disons pas que c'est ce qui est en train de se construire à Vessy, mais on n'en est pas loin quand vous avez des vélos qui roulent à des vitesses importantes et que tout d'un coup, il faut se rabattre et aller sur un trottoir. C'est complètement ahurissant, c'est dangereux, c'est mortel, et c'est quelque chose qui ne devrait pas continuer !
Tant mieux donc - vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Florey et à l'UDC - qu'il y ait des gens qui ont du bon sens et qui, même si peut-être le temps institutionnel et le temps politique sont passés, se réveillent et disent: «Là, il y a quelque chose qui a été conçu voici un certain nombre d'années, mais qui ne correspond plus aux usages actuels.» En effet, on a vu que ça ne fonctionne pas.
J'invite aussi Le Centre, qui vote le renvoi de cette pétition, à en tirer la leçon pour d'autres aménagements: si vous voulez stocker les voitures en dehors des zones résidentielles, poursuivez la logique et demandez-vous pourquoi vous voteriez pour cela à Vessy et vous vous y opposeriez en ville de Genève. Là aussi, il faut être un petit peu cohérent; je ne dis pas que vous ne devez pas voter le renvoi de cette pétition, attention, ne changez pas votre décision ! Il faut évidemment la renvoyer au Conseil d'Etat.
Quant à M. Florey et au PLR... C'est toujours un peu désespérant, c'est un peu le lobby des motoristes et de la voiture à tout prix. Récemment, on a vu que le TCS fait encore recours au Tribunal fédéral et nous montre... (Remarque.) Merci, Monsieur le président, de transmettre que j'en ai presque fini; autant ne pas perdre mon précieux temps de parole avec quelqu'un qui m'invective. (Remarque.) ...que vous avez une volonté de supprimer les pistes cyclables qui vont de Plainpalais à la gare en longeant les quatre voies routières. Le TCS dit: «Arrêtez de les faire passer là, ça gêne le trafic ! Faites-les passer par l'île Rousseau puis tourner - quand vous êtes cyclistes, vous avez le temps, vous pouvez prendre des petits détours, c'est plus bucolique»: c'est un scandale ! Il faut évidemment que les pistes cyclables soient à côté de la route et qu'il y ait de l'espace pour chacun. (Remarque.)
Et je finirai avec ça, Monsieur Florey: évidemment que les cyclistes doivent pouvoir se dépasser, ils doivent donc avoir au moins trois mètres ou trois mètres cinquante pour pouvoir passer. (Remarque.) Il faut que les pistes cyclables permettent ainsi à chacun de se dépasser.
Et moi de terminer, vu que j'ai été interrompu... (Remarque.) ...avec ce mot: renvoyez cette pétition au Conseil d'Etat ! Merci beaucoup. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts sont bien évidemment favorables au renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, puisque ce qu'elle demande - prendre en considération la sécurité des cyclistes mais aussi des piétons - est basique et essentiel. Dans cette région, en l'occurrence à Vessy, il y a pas mal de piétons - à proximité se trouve le stade de Vessy où ont lieu beaucoup de matchs ainsi que d'autres activités sportives -, parmi lesquels des familles, des jeunes et aussi des personnes vieillissantes. Je pense qu'il est donc absolument fondamental de soutenir cette pétition qui demande une séparation des flux. La mixité des flux des piétons et des cyclistes - on le sait par expérience en ville de Genève, mais aussi dans tout le canton - ne fonctionne pas: c'est très dangereux de mélanger des piétons et des cyclistes, puisqu'ils n'ont pas du tout la même vitesse et qu'il y a aussi différents types de cyclistes, de très rapides, de moins rapides et des cyclistes de loisir.
Or ici, l'objectif est vraiment de sécuriser, et cette pétition demande de séparer les flux pour que les cyclistes puissent se déplacer en toute sécurité à une vitesse adéquate, puisqu'il s'agit d'un moyen de transport et non plus seulement d'un loisir. Il faudrait donc aménager ce carrefour avec des pistes cyclables continues, séparées des trottoirs, qui, eux, seraient évidemment réservés aux piétons et aux piétonnes.
Relevons enfin - on l'a souligné - que cette pétition demande également des dispositions pour limiter le trafic individuel motorisé, autant que possible bien évidemment. Mais en effet, les Vertes et les Verts considèrent que si on veut atteindre un jour les objectifs du plan climat cantonal, notamment la diminution de 40% du trafic individuel motorisé, c'est une mesure adéquate et proportionnée. Il va de soi que nous soutiendrons cette pétition et le renvoi au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)
M. Jacques Jeannerat (LJS). Il y a peut-être un décalage entre le temps politique et le temps décisionnel: oui, Monsieur le député Florey, vous avez certainement raison. Mais dans cet hémicycle, on fait parfois beaucoup de théorie, alors moi, entre deux séances de la commission, j'ai pris mon vélo et me suis rendu à 17h sur l'axe en question. Je peux vous dire que c'est casse-gueule, c'est vraiment casse-gueule. Je ne roule pas à vélo électrique, mais j'ai une bonne condition physique et roulais donc assez vite. C'est juste une catastrophe. On ne peut pas élargir la route, on ne peut pas mettre moins de voitures, et c'est un axe important. Or, les piétons sont mélangés avec les vélos. Ce n'est juste pas possible de continuer comme ça !
Certes, des plans ont été élaborés; toujours est-il qu'il y a encore un mois et demi, c'était comme ça. C'est très dangereux: il faut absolument séparer le flux des piétons, des vélos et des voitures dans trois zones bien précises. Le groupe LJS vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je souhaite juste rappeler que cette question a été posée au département des infrastructures, qui nous a bien répondu. Quant à savoir si le canton considère avoir traité toutes les demandes de la pétition, cela nous a été confirmé, il n'y a donc pas besoin d'en discuter. Cette pétition est obsolète.
Je voulais aussi remercier l'UDC de faire volte-face sur ce projet: je les félicite et je reprends les propos de M. Florey. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Je souhaite expliquer ce qui s'est passé: j'ai suivi tout le débat, puis il y a eu le changement de législature et les collègues qui m'ont remplacé ont bêtement été pris à froid, ne connaissant pas bien le sujet. (Exclamations.) Ils n'ont pas été assez attentifs à ce qui était voté. (Commentaires.)
Une voix. Les bolcheviks, c'est bon, là !
M. Stéphane Florey. Je reprends simplement là où on en était resté dans les débats avant le vote, et c'est pour ça que nous refusons finalement cette pétition. Je vous remercie.
Mme Celine van Till (PLR). Je vous parle en tant que cycliste professionnelle. Oui, il y a de nombreuses difficultés, de nombreux enjeux avec les pistes cyclables. Je me suis beaucoup interrogée là-dessus; j'étais d'ailleurs récemment aux championnats du monde, puis aux championnats d'Europe, dans mon pays d'origine, les Pays-Bas, pays du vélo. Je sais qu'ici, on n'est pas aux Pays-Bas et que la mobilité doit être pensée et envisagée d'une manière différente et conforme aux possibilités qu'on trouve chez nous, c'est-à-dire en tenant compte de la cohabitation de tous les moyens de transport, y compris le vélo et la circulation motorisée ou non.
Bien sûr qu'il est important d'envisager une stratégie globale en matière de pistes cyclables, pour les sécuriser, pour favoriser la mobilité douce. Cependant, il ne faut surtout pas le faire dans la précipitation, mais plutôt de manière à créer une structure cohérente sur tout le territoire de Genève. Je ne peux donc pas me prononcer aussi vite sur un projet pour lequel des évolutions ont déjà été envisagées. Il est temps de penser à l'approche que nous devons adopter pour rendre les pistes cyclables sécurisées, et surtout de communiquer avec les vrais cyclistes. Je vous en remercie. (Applaudissements.)
Mme Lara Atassi (Ve), rapporteuse. Je tiens à rassurer M. Florey: sur cette route de Vessy, seule une demi-piste cyclable est prévue; même si on double les pistes cyclables, nous n'aurons toujours qu'une piste simple. De plus, nous ne nous concentrons pas sur toutes les pistes ou aménagements cyclables du canton, mais seulement sur ceux de la route de Vessy, où se trouvent des habitations - on l'a dit, il y a des usagers et des infrastructures autour. Il n'est pas normal que ces personnes doivent prendre un risque pour se déplacer tous les jours, quel que soit leur moyen de transport, parce qu'une mixité implique des risques pour tout le monde, que l'on soit automobiliste, cycliste ou piéton.
Je tiens aussi à rappeler que l'aménagement prévu est contraire à la loi fédérale. C'est contraire à la loi fédérale ! Il est donc normal de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour qu'il réalise cette piste cyclable séparée et que tout le monde soit en sécurité. Plus qu'une question d'écologie, c'est une question de sécurité, Mesdames et Messieurs. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, il n'y a plus de demande de prise de parole, nous procédons au vote.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2161 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 54 oui contre 33 non et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)