République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 octobre 2023 à 20h30
3e législature - 1re année - 5e session - 26e séance
PL 13376
Premier débat
La présidente. Voici notre dernière urgence: le PL 13376, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole échoit au premier signataire, M. Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, l'Arménie est ce pays relativement petit, sans accès à la mer, situé dans le Caucase, avec trois millions d'habitants - c'est un petit pays, je le disais -, entouré par la Géorgie, la Turquie et l'Azerbaïdjan. 32% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et vous connaissez probablement l'histoire très riche, ancienne, de ce peuple d'origine indo-européenne, issu d'une migration des Balkans jusqu'au Caucase, qui entretient donc des liens très étroits avec l'Europe - au point d'ailleurs que certains le considèrent comme européen -, majoritairement chrétien. Voilà un premier point de situation géographique. Sur le plan historique, vous n'êtes certainement pas sans ignorer non plus... (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi, j'aimerais demander un peu de silence, y compris au fond de la salle. Visiblement, Mesdames et Messieurs, vous avez beaucoup de choses à vous raconter, mais n'hésitez pas à aller discuter à l'extérieur, merci. Reprenez, Monsieur Thévoz.
M. Sylvain Thévoz. Merci, Madame la présidente. Sur le plan historique, je rappelle le génocide de 1915-1916, où environ 1,3 million de personnes, d'après les historiens arméniens, sont massacrées lors d'un processus de turquification de l'Empire ottoman consistant à expulser, à tuer ceux qui sont considérés comme des «tumeurs internes», selon les propos des nationalistes, ce qui conduit au massacre d'hommes et à la fuite de plus d'un million de femmes et de vieillards, qui périssent sur le chemin de l'exil.
Le présent projet de loi vient à la suite de cette longue histoire - une histoire qui n'est pas terminée -, mais surtout en réaction à une crise terrible qui est la disparition, le 19 septembre dernier, de l'entité du Haut-Karabagh (l'Artsakh), attaquée par l'Azerbaïdjan et dont la population - plus de 120 000 personnes - fuit dans la panique et dans la crainte d'exactions de la part du voisin avec qui les relations sont extrêmement tendues, pour dire le moins.
Le texte que nous vous présentons ce soir ne vise pas à refaire l'histoire ou à se montrer excessivement politique, il a principalement un but humanitaire: il s'agit de se soucier des 120 000 Arméniens du Haut-Karabagh qui se retrouvent maintenant hébergés en Arménie dans des conditions absolument terribles. En effet, des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes sont sans abri, sans refuge. Or, du fait d'un côté de la guerre en Ukraine, de l'autre de la terrible explosion de violence qui a cours actuellement entre Gaza et Israël, ces gens passent subitement sous les radars médiatiques et, partant, au travers des potentiels financements de l'aide humanitaire; vous entendez bien que la préoccupation aujourd'hui n'est pas l'Arménie et ne le sera probablement pas dans les prochaines semaines ni les prochains mois.
C'est ce qui nous a conduits - il y a de nombreux signataires, une base très large qui, je l'espère, permettra de voter ce projet de loi ce soir - à déposer ce texte dans l'urgence, parce qu'urgence il y a. Nous demandons au Grand Conseil et au Conseil d'Etat de débloquer 2 millions de francs pour soutenir l'EPER, qui mène des activités sur place. Pour l'instant, 300 000 francs ont été engagés par l'EPER, qui ont pu soulager 1650 personnes - vous voyez que les chiffres sont modestes -, leur offrant en urgence un refuge et un peu de «cash base», de quoi survivre.
Nous accueillons de manière positive l'amendement du Conseil d'Etat qui propose, sur ces 2 millions de francs destinés à l'EPER, d'en attribuer 500 000 au CICR. Cette mesure nous semble aller dans la bonne direction, dans le sens de ce projet de loi.
Un petit bémol toutefois sur la dernière phrase de l'exposé des motifs du Conseil d'Etat: «Ainsi, en finançant les activités du CICR et de l'EPER, nous permettons de contribuer à l'ensemble des besoins humanitaires des Arméniens actuellement affectés par la crise.» Nous ne le croyons pas. Il y a 100 000, voire 120 000 personnes réfugiées en Arménie et aucun espoir de retour au Haut-Karabagh. Il faudra bien plus que ces 2 millions - que, je l'espère, nous allons voter de la manière la plus large et unanime possible - qui ne constituent qu'une goutte d'eau, mais une goutte d'eau faisant honneur à Genève. La Confédération a mis 1,5 million, l'Union européenne a débloqué 5 millions, la Ville de Genève nous a précédés avec 250 000 francs. Il s'agit d'un symbole, d'un symbole humanitaire qui honore Genève, mais qui ne comblera absolument pas les besoins de la population réfugiée en Arménie; malheureusement, nous pensons que sa situation restera extrêmement précaire.
Mesdames et Messieurs, nous vous remercions pour l'accueil favorable que vous réserverez à ce projet de loi et saluons toutes les personnes qui ont contribué à son dépôt et contribueront à son vote ce soir. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je prie les membres de l'UDC de bien vouloir cesser leurs discussions. (Un instant s'écoule.) Messieurs de l'UDC, ça vous concerne ! Monsieur Poncet ? Monsieur Nidegger ? Bien, la parole va à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, comment rester sourd ? Aujourd'hui, près de 120 000 Arméniens ont fui le Haut-Karabagh, soit la quasi-totalité de la population de cette région. Au cours des deux dernières semaines, ils ont tout quitté, mais en même temps rien quitté, puisqu'ils étaient déjà victimes depuis des mois d'un blocus azéri. Ces personnes, déjà privées de l'essentiel, de la couverture de besoins primaires tels que la nourriture, ont tenu bon jusqu'à la dernière attaque, survenue il y a quelques semaines.
Victimes de la dictature d'un autocrate, les Arméniens du Haut-Karabagh ont dû se résigner à partir: partir par peur de représailles, partir de crainte de subir à nouveau une politique d'assimilation. Ils laissent tout derrière eux, mais presque aucun bien matériel; ils sont contraints d'abandonner leurs terres ancestrales, leurs racines, leur histoire; ils cherchent protection auprès de l'Arménie.
Or nous savons que les autorités arméniennes n'auront pas suffisamment de moyens financiers ni logistiques pour subvenir aux besoins de cette population qui fuit un régime brutal et autoritaire. Ces personnes ont et auront besoin de nourriture, de vêtements, de médicaments et de beaucoup d'autres choses.
2 millions de francs suisses, c'est beaucoup et si peu face à l'ampleur de ce véritable drame qu'on peut qualifier d'épuration ethnique, une tragédie qui s'est déroulée sous nos yeux, dans l'inaction la plus complète de la communauté internationale. Cette passivité du monde entier met en lumière à quel point le droit à l'autodétermination des peuples, principe juridique premier de la Charte des Nations Unies, est à la merci des dictateurs au pouvoir.
Mesdames et Messieurs les députés, nous savons ce qui se passe en Arménie, nous savons qu'une aide d'urgence est nécessaire, nous savons que des milliers de familles sans abri et dans une extrême précarité en ont besoin aujourd'hui. Enfin, nous savons que si les financements n'arrivent pas, des êtres humains mourront; l'Arménie serait ainsi encore davantage déstabilisée et fragilisée.
Pour toutes ces raisons, je vous remercie d'adopter le présent projet de loi qui vise à assurer une contribution humanitaire afin de soutenir les activités de l'EPER en Arménie face à l'afflux de réfugiés issus du Haut-Karabagh. Bien entendu, nous voterons également l'amendement du Conseil d'Etat au bénéfice du CICR. Merci. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (LC). Chers collègues, Le Centre soutiendra bien entendu ce projet de loi. Chacun apprécie à sa juste mesure ce qui se passe aujourd'hui au Proche-Orient, mais ces événements, aussi tragiques soient-ils, ne doivent pas occulter ce qui s'est passé ces derniers mois et ce qui se passe maintenant au Haut-Karabagh et en Arménie. Vous aimez sans doute Gabriel García Márquez; eh bien on peut dire qu'il s'agit de la chronique d'une épuration ethnique annoncée. Nous avions déjà évoqué cette épuration ethnique au mois d'octobre 2022 lorsqu'il s'est agi de voter une résolution - d'ailleurs acceptée à la quasi-unanimité des partis de cet hémicycle -, notamment pour le droit à l'autodétermination du Haut-Karabagh.
Ce qui a caractérisé les événements de ces derniers mois en Arménie et au Haut-Karabagh, c'est le silence, c'est la lâcheté de l'Occident. Comme l'a bien dit Sylvain Tesson dans l'un de ses reportages, l'Arménie est un peu un diamant de l'Occident dans les terres de l'ancien monde ottoman.
Ces derniers mois, on a vu l'organisation planifiée d'une épuration ethnique, avec d'abord la fermeture du corridor de Latchine et la volonté d'un Etat - l'Azerbaïdjan, en l'occurrence - d'affamer un peuple, le peuple arménien du Haut-Karabagh. La deuxième étape a eu lieu au mois de septembre de cette année: les forces armées azéries ont procédé à une attaque massive contre des civils; en vingt-quatre heures, la résistance des Arméniens du Haut-Karabagh a été vaincue, l'exode a commencé.
La sinistre besogne, si vous me passez l'expression, de l'épuration ethnique est quasiment terminée: il reste mille Arméniens au Haut-Karabagh. Viendra ensuite le temps de ce que les Azéris appellent la «reconstruction», mais qui n'est rien d'autre que la destruction des églises, des cimetières, de toutes les traces chrétiennes et arméniennes dans ces terres pourtant ancestrales.
Ce projet de loi a un double objectif: d'abord, il s'agit de protéger cette population affamée, précarisée, qui n'a ni nourriture ni médicaments, mais il y a par ailleurs un autre enjeu, c'est la survie de l'Arménie. En effet, l'Arménie, petit pays enclavé de trois millions d'habitants, n'a les moyens ni logistiques ni financiers d'accueillir, sans aide de l'extérieur, plus de 120 000 réfugiés. Dès lors, si l'on veut empêcher la Turquie et l'Azerbaïdjan de terminer, si vous me permettez d'utiliser ce terme, le génocide de 1915, si l'on veut prévenir ce drame, nous devons soutenir l'Arménie à travers cette aide humanitaire. Merci. (Applaudissements.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). L'humanité vit des heures sombres. Nous avons déjà évoqué ici l'agression russe en Ukraine, ses 500 000 morts et blessés, ses crimes de guerre. Depuis une semaine, nous connaissons des attaques barbares et terroristes sur le sol israélien. Et puis, depuis deux semaines, il y a le drame du Haut-Karabagh et ses 120 000 réfugiés arméniens. L'expression «épuration ethnique» a été formulée, et je pense qu'elle est appropriée suite à l'attaque d'attrition opérée par l'Azerbaïdjan contre cette minorité du Haut-Karabagh, minorité qui, rappelons-le, a déjà été touchée il y a plus de cent ans par un génocide, perpétré à l'époque par l'Empire ottoman. Alors oui, nous devons soutenir la population arménienne déplacée, en particulier au travers d'une aide d'urgence pour l'accès à l'eau, pour les besoins essentiels, pour les services de santé.
Cela étant, même s'il y a urgence, même s'il faut agir vite, le PLR souhaite un rapide retour de ce projet de loi en commission. En effet, c'est faire preuve de bonne gouvernance que de se poser les questions suivantes: comment aider ces gens, pourquoi un montant de 2 millions - pourquoi pas 1, pourquoi pas 3 ? -, avec quels partenaires ? Nous respectons énormément le travail de l'EPER, nous savons qu'elle collabore avec deux ONG de qualité sur place. Il convient toutefois de se poser ces questions: on ne peut pas, si on veut se montrer responsable, voter ce texte sur le siège. Nous estimons que nous pouvons avancer très vite en commission pour pouvoir voter le projet de loi lors de la prochaine plénière.
Cependant, si ce renvoi en commission est refusé, le PLR soutiendra tout de même l'amendement proposé par le Conseil d'Etat, qui nous semble essentiel, de même que ce projet de loi. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG est sensible à la détresse de la population du Haut-Karabagh. Le MCG votera ce projet de loi ainsi que l'amendement du Conseil d'Etat, qui est tout à fait pertinent et nous permettra d'offrir notre aide à ces pauvres gens en détresse, perdus dans un conflit qui nous effraie tous.
Toutefois, nous avons un problème avec l'exposé des motifs du projet de loi. Pour le MCG, Genève n'a pas à émettre de jugement; en tant que canton, en tant que pays, en tant que ville de paix, nous n'avons pas à formuler de jugement sur les conflits. Genève doit rester l'endroit où se mènent les discussions de paix. Chacun, bien entendu, peut avoir son opinion en tant qu'individu, en tant que citoyen, en tant que personne libre, mais Genève doit rester la ville de paix où les négociations peuvent avoir lieu, où tous les belligérants peuvent se réunir. Nous n'avons pas à adopter ce type de position, j'en suis convaincu, et nous déplorons dès lors les termes utilisés dans l'exposé des motifs.
Il est évident que notre action humanitaire sera d'autant plus forte qu'elle ne porte aucun jugement sur les belligérants. Voilà notre force, c'est ce que nous devons aux victimes. Notre neutralité n'est pas seulement une fantaisie, ce n'est même pas du tout une fantaisie: c'est une obligation morale que nous avons en mémoire de certaines personnalités qui ont fait de Genève ce qu'elle est maintenant, qui lui ont conféré sa grandeur. Nous voterons ce projet de loi avec l'amendement du Conseil d'Etat, mais en manifestant notre total désaccord avec l'exposé des motifs. Merci.
M. Yves Nidegger (UDC). J'aimerais m'inscrire dans le prolongement de ce qu'ont indiqué les deux préopinants du MCG et du PLR, qui, chacun, ont apporté un élément correct de l'analyse. Lorsqu'on voit des flots de gens se ruer sur les routes pour quitter une région et rejoindre l'Arménie, on ne peut naturellement qu'être ému devant le désastre humain, le désastre humanitaire, l'abandon de terres par une centaine de milliers de personnes. Une réaction émotionnelle est parfaitement compréhensible.
Maintenant, Mesdames et Messieurs, la Suisse n'est du côté de personne; la Suisse est du côté du droit international, et laissez-moi vous dire quand même, après tout ce qu'on a entendu, que sur le plan du droit international, l'Arménie a tout faux. En droit international, le Haut-Karabagh appartient à l'Azerbaïdjan. Plusieurs résolutions des Nations Unies demandent d'ailleurs que ce territoire soit restitué à l'Azerbaïdjan, à qui il revient: il a été conquis en 1993 dans le cadre d'une guerre. On peut détester cette idée, mais sur la base du droit international, si quelqu'un a raison quant à qui a le droit de gouverner le Haut-Karabagh, c'est l'Azerbaïdjan.
Alors je suis bien conscient que les Azéris sont une bande de Turcs qui, de surcroît, ont le mauvais goût d'être musulmans et ex-soviétiques et qu'à l'inverse, l'Arménie est un pays chrétien avec lequel nous entretenons des liens émotionnels très forts et qui dispose par ailleurs d'une diaspora extrêmement brillante dans le domaine des arts visuels, de la musique. Nous ressentons un puissant attachement charnel avec l'Arménie et montrons un désintérêt plutôt actif envers cette peuplade turcophone que sont les Azéris. On peut très bien le comprendre.
Mais la question a été posée à plusieurs reprises au Département fédéral des affaires extérieures: pourquoi la Suisse n'est-elle pas du côté du Haut-Karabagh et contre l'Azerbaïdjan ? Eh bien la réponse de M. Cassis a toujours été la même: parce que la Suisse est du côté du droit international, elle ne peut faire que ça. Ainsi, le MCG a raison lorsqu'il souligne que les jugements, bien qu'on puisse les comprendre émotionnellement et humainement, n'ont pas leur place dans le gosier de la Genève internationale, qui est supposée constituer le lieu qui ne juge pas et qui, lorsqu'il juge, le fait à l'aune du droit.
Le PLR a également raison de solliciter un retour en commission. Ce projet de loi émotionnel a été écrit avec les pieds, sur un coin de table, dans la précipitation, sans savoir ce qu'on allait faire. On change le destinataire de l'aide, on nous dit: «Octroyer des fonds à l'EPER, qui ne se trouve pas dans cette région, n'a pas de sens, versons-en un petit peu au CICR qui s'y trouve, parce qu'il reste un millier de personnes dans des situations dramatiques au Haut-Karabagh.» Bon. On entend d'un autre côté: «Donnons l'argent au gouvernement arménien» - qui, soyons clair, a provoqué tout cela - «afin qu'il puisse gérer le problème»...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Yves Nidegger. ...problème dont il est lui-même responsable ! Là encore, c'est peu réfléchi. Renvoyons ce texte en commission, essayons d'analyser les choses la tête froide...
La présidente. Merci...
M. Yves Nidegger. ...et si nous avons 2 millions à mettre quelque part que l'on retirera de la bouche... (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. Jacques Jeannerat (LJS). Je n'ai pas envie de faire une leçon de géopolitique à la Nidegger, excusez-moi ! Nous avons la chance, Mesdames et Messieurs, de vivre dans un pays où il n'y a plus de conflits depuis très longtemps. Le groupe LJS est très sensible à ce qui se passe dans cette région du monde; sur le principe, nous sommes favorables à ce projet de loi.
Toutefois, je m'interroge. Il ne s'agit pas, comme aux points précédents, d'une motion ou d'une résolution, textes qui manifestent des intentions générales. Là, il y a certes du bon sens, l'objectif est d'aider des gens qui se trouvent dans la détresse.
Dans trois semaines aura lieu une nouvelle session du parlement. Je rejoins le député de Senarclens: peut-être faudrait-il un tout petit passage en commission. Nous pouvons demander à la commission des finances de traiter cet objet en priorité, revoter l'urgence dans trois semaines afin de l'adopter ensuite définitivement. C'est 2 millions, c'est peut-être plus ! C'est peut-être 3 ou 4 millions. J'ai un peu peur qu'on vote sur le siège, rapidos - passez-moi l'expression -, un texte sans éléments chiffrés.
Par ailleurs, il s'agit d'un projet de loi, il y a un délai référendaire ! L'argent ne peut pas être débloqué comme ça, en une semaine. Je comprends bien les auteurs du texte, il y a urgence. Je compatis... Non, ce n'est pas le bon terme: je suis d'accord avec la notion d'urgence, mais je propose qu'on renvoie cet objet à la commission des finances avec une demande expresse pour qu'elle le traite rapidement et qu'un rapport soit établi; ainsi, dans trois semaines, nous pourrons voter à l'unanimité l'urgence sur ce qui est ressorti de commission, avancer et débloquer de l'argent pour venir en aide à ces gens qui se trouvent dans une détresse absolument abominable.
Dernier élément: nous ne sommes que l'un des 26 cantons de la Confédération. Peut-être qu'un petit coup de fil à Berne serait judicieux pour savoir ce qui se passe, si les Chambres fédérales s'apprêtent aussi à entreprendre quelque chose. Grâce à ce délai de trois petites semaines, il nous sera éventuellement possible de répondre à ces questions.
Voilà, donc nous soutiendrons le renvoi en commission, mais avec une demande de traitement en urgence. Nous pourrions demander à la commission des finances - je crois que c'est M. Baertschi qui en est le président maintenant...
Une voix. Oui.
M. Jacques Jeannerat. Alors, Madame la présidente, nous pourrions demander à M. Baertschi de traiter ce projet de loi en urgence à la commission des finances, et nous serions les premiers à revoter l'urgence dans trois semaines pour qu'il figure tout de suite à l'ordre du jour et qu'on en discute rapidement. Voilà notre proposition. Cela étant, si le texte ne devait pas être renvoyé à la commission des finances, nous adopterions l'amendement du Conseil d'Etat et, par voie de conséquence, le projet de loi, cela va sans dire.
La présidente. Merci beaucoup. Je passe la parole à Mme Lara Atassi pour quatorze secondes.
Mme Lara Atassi (Ve). Ça suffira, Madame la présidente, merci. Je suis extrêmement choquée par les propos de certains dans cette assemblée selon lesquels parce qu'ils sont européens, chrétiens ou représentent une «perle de l'Occident», les Arméniens mériteraient plus d'aide humanitaire que d'autres. Tout le monde mérite ce soutien. Merci.
La présidente. Je vous remercie. La parole retourne à M. Sylvain Thévoz pour cinquante-neuf secondes.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Madame la présidente. Non, il ne faut pas renvoyer cet objet en commission. On l'a dit, il s'agit d'un projet de loi humanitaire, on parle de 2 millions. Ce n'est pas une fortune, le Conseil d'Etat a lui-même attribué 4 millions au CICR voilà quelques semaines et cela n'a fait sursauter personne.
Les mots qui figurent dans l'exposé des motifs du projet de loi sont soumis à l'appréciation politique de chacun; ils sont peut-être durs, mais ils sont le reflet de la réalité. C'est aussi l'honneur de la Genève internationale qui est en jeu, la Genève humaniste qui s'est toujours placée aux côtés des peuples opprimés, aux côtés des réfugiés.
Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt: M. Nidegger a toujours marqué ses orientations pro-turques, il a été l'avocat de certains mouvements turcs s'opposant notamment au mémorial arménien qui se trouve aujourd'hui dans le parc Trembley; c'est juste une manoeuvre dilatoire pour essayer de ne pas aider ces populations en souffrance parce qu'elles sont arméniennes, et là, on trahit la Genève internationale, on trahit la Genève humanitaire. Il faut absolument éviter le renvoi en commission. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Martin, je vous ai déjà demandé de cesser vos discussions à travers les allées. La parole va à M. Patrick Dimier pour trente-huit secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Je n'aurai pas besoin d'autant de temps, Madame la présidente, merci. Je signale simplement que personne ne peut ignorer et surtout minimiser ce que le peuple arménien a vécu. Je pense que nous devons tous nous incliner avec respect devant les Arméniens. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Monsieur Martin, ça ne sert à rien de vous cacher, c'est toujours la même remarque ! (Rires.) A présent, la parole revient à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je vous remercie, Madame la présidente. La situation du peuple arménien et en particulier de celles et ceux qui vivaient dans le Haut-Karabagh est effectivement très inquiétante. Notre monde a actuellement mal à son humanité; nous sommes confrontés à des crises qui se succèdent et qui génèrent des souffrances épouvantables pour les civils.
Le Conseil d'Etat partage les constats dressés quant à la nécessité d'apporter une aide. Nous avons la chance de pouvoir nous le permettre. Le Conseil d'Etat souhaiterait également que ce projet de loi soit discuté en commission. C'est vrai, Monsieur Thévoz, vous avez raison: le Conseil d'Etat a fait voter dernièrement un crédit supplémentaire de 39 millions - pas 4 millions, 39 millions ! - en faveur du CICR, crédit qui a été examiné en commission. Certes, ce n'est pas l'entier du parlement qui l'a validé, nous avons pris un raccourci, mais en l'occurrence, si le crédit que vous demandez dans ce projet de loi est accepté, ce serait l'ensemble - du moins une majorité - du Grand Conseil qui l'adopterait.
L'amendement du Conseil d'Etat vise à permettre au CICR de bénéficier également de ce soutien financier. Pourquoi ? Parce que dans le Haut-Karabagh, Mesdames et Messieurs, il n'y a aujourd'hui plus que le CICR. Un millier de personnes sont restées là-bas, qui ont besoin de soins médicaux, de nourriture. Dans ce sens, il nous paraît extrêmement important de subventionner aussi le CICR qui est présent sur place.
S'agissant de la dernière phrase de l'exposé des motifs de l'amendement, ce que nous voulions souligner, c'est qu'en aidant à la fois l'EPER et le CICR, nous permettons à toutes les situations vécues par le peuple arménien aujourd'hui d'être prises en charge. Bien entendu, nous n'allons pas tout régler avec 2 millions, mais il s'agit simplement de prendre également en considération celles et ceux qui sont restés sur place, qui n'ont pas d'autre possibilité; c'est ce qui nous semblait essentiel.
Mesdames et Messieurs les députés, sous réserve que vous acceptiez l'amendement à ce projet de loi, le Conseil d'Etat vivra tant avec un renvoi en commission qu'avec un vote sur le siège. Je vous remercie.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur la proposition de renvoi à la commission des finances; en cas de refus, je mettrai aux voix l'entrée en matière, puis la proposition de modifications du Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13376 à la commission des finances est rejeté par 53 non contre 38 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 13376 est adopté en premier débat par 90 oui contre 1 non.
Deuxième débat
La présidente. Nous sommes saisis d'amendements du Conseil d'Etat portant sur le titre et les articles 1 et 2. Je propose que nous les votions en une seule fois. En voici la teneur:
«Titre du projet de loi (nouvelle teneur):
Projet de loi pour une contribution humanitaire d'urgence en faveur du CICR et l'EPER pour venir en aide aux réfugiés du Haut-Karabagh en Arménie
Art. 1 But (nouvelle teneur)
La présente loi vise à assurer une contribution humanitaire d'urgence afin de soutenir les activités de l'EPER et du CICR en Arménie en relation avec l'afflux de réfugiés issus du Haut-Karabagh.
Art. 2 Financement (nouvelle teneur)
Une subvention pour un montant total de 2 000 000 francs est accordée par l'Etat, soit 1 500 000 francs à l'EPER et 500 000 francs au CICR afin d'assurer la poursuite de leur action humanitaire en faveur de la population arménienne.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 93 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, le préambule est adopté.
Mis aux voix, les art. 1 et 2 ainsi amendés sont adoptés.
Mis aux voix, l'art. 3 est adopté, de même que les art. 4 et 5.
La présidente. Nous nous prononçons à présent sur l'article 6 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.
Mis aux voix, l'art. 6 est adopté par 68 oui contre 23 non et 1 abstention (majorité des deux tiers atteinte).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13376 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 88 oui et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)