République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2690-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Marjorie de Chastonay, Didier Bonny, Dilara Bayrak, Yves de Matteis, Ruth Bänziger, Boris Calame, Jean Rossiaud, Françoise Nyffeler, Glenna Baillon-Lopez, Grégoire Carasso, Sylvain Thévoz, Badia Luthi sur les mesures d'assainissement concernant les nuisances sonores : stop aux bruits excessifs et stop aux mesures d'allègement à outrance !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 26, 27 janvier, 2 et 3 février 2023.
Rapport de majorité de Mme Danièle Magnin (MCG)
Rapport de minorité de M. Philippe Poget (Ve)

Débat

La présidente. Nous passons à la M 2690-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport de minorité de M. Philippe Poget est repris par M. Philippe de Rougemont. Madame Magnin, vous avez la parole.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Madame la présidente. Le but de cette motion était de lutter contre les nuisances sonores, à savoir les bruits excessifs. Elle demandait de ne pas accorder de mesure d'allégement telle que celles prévues par l'ordonnance sur la protection contre le bruit, l'OPB, et de réévaluer 716 mesures d'allégement déjà octroyées au regard de cette nouvelle procédure.

La commission n'a pas accepté cette motion, elle l'a refusée par 9 non, 6 oui et aucune abstention. L'étude de la situation du bruit en ville de Genève et dans le canton a mené à l'audition d'un certain nombre de personnes très qualifiées pour obtenir des informations sur la manière dont on gère le bruit.

Comme vous l'avez vu, à de multiples endroits, on a mis du revêtement phonoabsorbant; ailleurs, on a mesuré le bruit, et ce qui a été constaté, c'est que les véhicules trop bruyants sont principalement des deux-roues qui s'amusent à faire «vroum vroum». C'est un petit peu triste, parce que bien entendu, ça ennuie toute la population, et il y aurait moyen - comme l'avait rappelé un de mes collègues du MCG - de faire comme ce qu'on faisait pour les vélomoteurs dans le passé: on les mettait sur une sorte de tapis roulant... (Remarque.) ...et s'ils allaient trop vite ou s'ils faisaient trop de bruit, on les confisquait ou on ordonnait aux propriétaires de faire le nécessaire.

On nous demande donc dans cette motion toutes sortes de choses, alors qu'il y aurait moyen de faire différemment, par exemple, simplement adapter le rythme des feux à la limitation de vitesse, je pense en particulier au boulevard du Pont-d'Arve. Parce que si vous avez des feux qui sont réglés sur une vitesse de 40 à l'heure mais que vous vous faites pruner dès que vous dépassez les 30, évidemment, ça ne va pas ensemble; c'est une situation absurde qu'on pourrait très facilement améliorer, surtout dans les rues où il y a beaucoup d'habitations et où les gens vont parfois trop vite.

En commission, nous avons estimé... une majorité a estimé que les demandes de la motion étaient parfaitement excessives et qu'on pouvait parvenir au même résultat sans passer par tout cela. Merci.

Présidence de M. Alberto Velasco, premier vice-président

M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Je vais vous dire pourquoi il faut soutenir cette motion. Pour réduire le bruit en ville, dont souffrent non seulement les habitants, mais aussi les personnes qui sont usagers de la ville, différentes mesures sont possibles. On peut en prendre aucune, une, deux ou plusieurs, suivant l'objectif qu'on veut atteindre: réduire la vitesse, agir sur les moteurs les plus bruyants - comme l'exemple des deux-roues que vous donniez, mais aussi pour les voitures -, poser du bitume phonoabsorbant ou des parois antibruit, pour lister ces mesures des moins chères et plus rapides aux plus chères et plus lentes.

Lorsque l'une ou l'autre de ces mesures ne permet pas de garantir le respect des valeurs maximales de bruit et d'assainir ainsi les quartiers, l'Etat a la possibilité de renforcer son action ou de fixer des mesures d'allégement des règles avec lesquelles il est possible de contourner l'obligation d'assainissement. C'est cette possibilité-là qui est critiquée, et c'est pour ça que ce texte a été déposé.

La mise en oeuvre des mesures citées plus haut doit aboutir à la disparition de ces allégements, qui ne seront plus nécessaires si on met en oeuvre plusieurs d'entre elles. La nouvelle stratégie du bruit, en prévoyant notamment un trafic modéré à 30 km/h, permettrait une amélioration notable pour de nombreux riverains concernés.

Cette stratégie bruit est actuellement mise en danger, et il faudra probablement de très nombreux mois, voire des années, avant sa mise en oeuvre, qui arrivera un jour par bon sens - mais parfois le bon sens prend du temps. D'ici là, le risque est réel que de nouvelles mesures d'allégement soient décidées, les unes après les autres, et deviennent systématiques.

La motion, rappelons-le, formule surtout deux demandes: premièrement, la transparence de la procédure amenant à la décision d'allégement: comment est-ce qu'on arrive à ça ? Et deuxièmement, une inclusion des communes, en prenant en compte de manière contraignante leur préavis. Une meilleure association des municipalités à ce processus permettrait peut-être de développer d'autres idées pour réduire le bruit. Après tout, ce sont elles qui sont les spécialistes de leur territoire.

Ce soir, voter non sur cette motion, ce serait dire à la population: «Les autorités sont incapables d'accepter les solutions qui permettent de vous protéger du bruit excessif.» Alors pensons maintenant en particulier aux 120 000 habitants qui ont été répertoriés officiellement comme étant impactés par le bruit routier dans leur qualité de vie, à savoir des familles, des personnes actives qui se lèvent tôt et des enfants qui doivent subir l'action insuffisante de l'Etat face au bruit routier ! Nous vous demandons d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat pour lui montrer notre soutien à la stratégie de lutte contre le bruit et à sa mise en oeuvre sans dérogation. Merci pour votre attention. (Applaudissements.)

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a été rédigée en octobre 2020. Au printemps 2021, le Conseil d'Etat enclenchait sa large consultation sur la diminution de la vitesse comme stratégie de réduction du bruit. Je pense que cette stratégie est bien connue de notre parlement, puisque nous avons eu de nombreux objets en lien avec la limitation à 30 km/h, qui est justement liée à cette stratégie. Et la première invite de cette motion demandait un moratoire, qui a été déclaré au printemps 2021 pour mettre en place cette consultation et, plus tard, la stratégie. Celle-ci a été bloquée et l'est encore actuellement par de nombreux recours.

Effectivement, la motion invite le Conseil d'Etat à appliquer la loi, c'est-à-dire, avant de décider de mettre en place des mesures d'allégement... Je rappelle - comme vient de le dire mon préopinant Vert - qu'une mesure d'allégement, c'est en fait ne pas assainir, ne pas diminuer le bruit. Ce texte a été rédigé parce que dans le canton de Genève, en tout cas en octobre 2020, plus de 700 mesures d'allégement étaient en cours - peut-être qu'il y en a encore plus actuellement. Ça veut dire qu'on avait décidé de ne pas faire d'assainissement, de ne pas prendre de mesures pour réduire le bruit, qui est quand même un grand fléau et une source de souffrances pour une importante partie de la population. C'est pour ça que j'avais rédigé cette motion: aussi pour qu'on trouve des solutions avec les communes, parce que souvent, ces mesures les touchent et qu'elles ont sûrement des propositions concrètes à faire avant qu'on aboutisse à une non-décision, à savoir une mesure d'allégement, qui évite l'assainissement et a pour effet que l'on continue à subir le bruit. L'idée, c'était essentiellement ça: faire en sorte que le bruit soit effectivement diminué et tout simplement appliquer la loi. Merci. (Applaudissements.)

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs, 60% de la population genevoise souffre du bruit excessif, en particulier des bruits du transport routier et de ceux de l'aviation. Ça impacte sa santé: problèmes de sommeil, de stress, de concentration ou encore complications cardiaques. Ça touche particulièrement les personnes âgées, les enfants ou les personnes déjà fragiles et malades.

Lors des auditions en commission, nous avons eu un aperçu du panel des mesures mises en oeuvre pour limiter ces nuisances, que le rapporteur de minorité a décrites. La stratégie bruit du Conseil d'Etat pose les bases de la lutte antibruit. Malheureusement, comme il a également été dit, celle-ci ne pourra être mise en oeuvre qu'après une procédure judiciaire qui risque de durer un certain temps, voire qui invalidera cette stratégie. Au vu de cette situation, cette motion a tout son sens, puisqu'elle appuie les mesures déjà envisagées par le département.

Le groupe socialiste pense que la santé de nos concitoyennes et concitoyens est précieuse et doit être sauvegardée, c'est pourquoi nous soutenons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, il y a une demande de renvoi en commission. Je passe la parole à...

Des voix. Au Conseil d'Etat !

Le président. Ah, au Conseil d'Etat ! Alors je m'excuse, la parole est à M. François Erard.

M. François Erard (LC). Monsieur le président de séance, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, cette motion traite du point important de santé publique qu'est le bruit. Ce que je constate d'une façon générale, c'est que le bruit routier est souvent généré par une minorité de gens qui utilisent des voitures «tunées» ou des motos à échappement plus ou moins libre, et qu'in fine, on crée des problèmes parce qu'on ne veut pas résoudre la question de cette minorité qui a un comportement incivil.

Cette motion importante aborde les mesures d'allégement; elle les considère comme trop facilement accordées par l'Etat. Les mesures de limitation du bruit, vous les avez entendues, ça peut être une limitation de la vitesse, des doubles vitrages dans certains logements, des parois antibruits. Il y en a une qui me semble importante, par rapport à ce que j'ai dit tout à l'heure, l'installation de radars antibruits, qui permettront de sanctionner les gens qui se comportent de façon incivile.

Ce que j'aimerais également dire, c'est que l'office cantonal du génie civil et l'office cantonal des transports adoptent des procédures définies en conformité avec le droit fédéral, pour effectivement mesurer les nuisances liées au bruit. Ce que vous devez savoir par ailleurs, c'est que le propriétaire du bien-fonds, en l'occurrence de la route, a pour responsabilité d'assurer la mesure d'assainissement. A Genève, 41 routes relèvent du canton, tout le solde revient aux communes.

Ce qu'il est aussi intéressant de savoir, c'est que pour appliquer la mesure d'allégement, on doit pouvoir démontrer que des mesures supplémentaires ne permettraient pas d'atteindre les buts ou seraient totalement disproportionnées.

Pour ma part, je fais confiance aux procédures mises en place par l'Etat et je vois dans cette motion une certaine défiance envers les autorités chargées d'appliquer la loi, le droit fédéral et le droit cantonal. Le Centre refusera cette motion et vous invite à en faire de même. Je vous remercie.

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je pense que dans ce parlement, on est unanimement d'accord pour reconnaître que certains usagers de la route abusent de leur véhicule, font trop de bruit, que ça incommode les gens et que ce bruit est insupportable pour les riverains; ce n'est pas la question. Cette motion a été utile, parce qu'elle a apporté des éclairages nécessaires sur ce qui était entrepris aujourd'hui, sur la stratégie du Conseil d'Etat, sur la stratégie des différents départements et sur ce qui était mis en place pour lutter contre ce bruit.

Maintenant, lors de ces auditions, il est ressorti très clairement qu'il existe effectivement déjà une stratégie bruit du Conseil d'Etat pour assainir à la source le problème, et plusieurs départements, notamment celui des infrastructures et le SABRA, ont dit que ce texte ne changerait rien. On peut donc être d'accord sur le fond - il faut réduire le bruit - mais je ne pense pas que ce soit nécessaire d'envoyer une motion uniquement pour alourdir le travail de l'administration. C'est pourquoi le PLR vous invite, Mesdames Messieurs, à refuser cette motion - pas parce que nous sommes pour le bruit, mais parce qu'elle ne sert à rien.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Marjorie de Chastonay pour quarante-six secondes.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président de séance. Je pense bien au contraire que cette motion est très utile, parce que j'entends dans les interventions de mes collègues d'en face une confusion - peut-être que cette confusion est née lors des auditions. Quand on mentionne la stratégie bruit, on parle de la diminution de la vitesse, donc du 30 km/h; il s'agit bien du département de la mobilité. Or là, j'ai entendu des discours sur les pics de bruit. Alors effectivement, il faut réguler les comportements individuels des chauffards ou des propriétaires de moteurs débridés, mais ça n'a rien à voir avec le bruit en général...

Le président. Madame la députée, il vous faut conclure.

Mme Marjorie de Chastonay. Oui, je conclus. ...qui est causé par le transport, le trafic individuel motorisé...

Le président. C'est terminé, Madame.

Mme Marjorie de Chastonay. Mais c'était juste pour expliquer la distinction entre...

Le président. C'est terminé, Madame.

Mme Marjorie de Chastonay. ...le bruit individuel et le bruit collectif ! Merci. (Applaudissements.)

Le président. Bien. La parole est à M. de Rougemont pour sept secondes.

M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Passer de 50 km/h à 30 km/h réduit la perception du bruit de moitié, c'est donc une mesure très importante ! Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous n'avons pas d'autre demande de prise de parole, par conséquent... (Remarque.) Madame la députée, vous avez dix-sept secondes.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Il n'y a pas de temps du groupe ?

Le président. Oui, vous avez encore deux minutes cinquante et quelques.

Mme Danièle Magnin. Merci. Je souhaiterais dire que l'essentiel des mesures sont déjà en train d'être prises. Les bruits qui dérangent le plus dans le quartier où j'habite, ce sont ceux des bus brinquebalants, dès l'aube et tard dans la nuit, des pompiers, des ambulances, et je voudrais signaler que le bruit des moteurs est inférieur au bruit du roulement dès 30 km/h, donc obliger les voitures à aller moins vite... Ce ne sont pas les moteurs qui gênent et qui vont augmenter le bruit. Voilà, je voulais juste conclure sur ça, et bien entendu, dire que le MCG vous recommande de rejeter cette motion.

Le président. Merci, Madame la députée. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2690 est rejetée par 47 non contre 28 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal