République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 septembre 2023 à 20h30
3e législature - 1re année - 4e session - 21e séance
IN 187-B
Débat
La présidente. Nous commençons nos points fixes avec l'IN 187-B, classée en catégorie II, soixante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je suis effectivement le rapporteur de majorité, mais on devrait dire le rapporteur des majorités, parce que celle qui a rejeté l'IN 187 n'est pas la même que celle qui a accepté le principe d'un contreprojet. En d'autres termes, je suis un vrai centriste, qui cherche un équilibre et un projet solide, ce qui sera très certainement le cas.
L'imposition communale des personnes physiques à Genève, Madame la présidente, est sans doute le système le plus compliqué de Suisse, pour ne pas dire d'Europe, si ce n'est du monde. Je vais vous l'expliquer brièvement. En l'état actuel de la législation genevoise, lorsqu'un contribuable est domicilié dans une commune et travaille dans une autre, la répartition fiscale s'effectue de la manière suivante. Premièrement, les impôts cantonaux sur le revenu et la fortune sont fractionnés. Deuxièmement, une part privilégiée d'un minimum de 20% et d'un maximum de 80% de ces impôts est attribuée à la commune de domicile. Troisièmement, après déduction de cette part privilégiée, le solde est réparti proportionnellement au revenu et à la fortune afférents à chaque commune, y compris la commune de domicile. En quatrième et dernier lieu, les communes intéressées perçoivent des centimes additionnels communaux sur la part des impôts cantonaux et communaux qui leur sont attribués de cette manière. Je suis persuadé que tout le monde a bien compris ce que je viens d'expliquer; pour résumer et pour être plus concret, je dirai que le contribuable est principalement imposé sur le lieu de travail, une part restant à la commune de domicile grâce à la part privilégiée.
Le Tribunal fédéral a considéré ce système extrêmement complexe comme conforme à la Constitution suisse. Pourtant, ce tribunal, d'habitude si mesuré et refusant d'ordinaire d'empiéter sur les prérogatives des cantons, a glissé un méchant tacle à l'imposition communale genevoise. Dans un arrêt - l'ATF 141 I 235, pour celles et ceux qui seraient intéressés -, il dit ceci: «[...] on peut regretter qu'en matière intercommunale, la législation genevoise s'écarte des règles de jurisprudence en matière d'interdiction de la double imposition intercantonale [...]» Voilà les propos du Tribunal fédéral.
La complexité du système genevois ne s'arrête toutefois pas là: afin de renforcer la solidarité intercommunale et de pallier une disparité de richesses entre les communes, des mécanismes dits de péréquation intercommunale ont été mis en place - c'est en fait une succession de couches d'un mille-feuille. Je vais en citer quelques-unes: une contribution générale des communes à fort potentiel de ressources; une contribution de ville-centre en faveur de la Ville de Genève; une contribution destinée à la prise en charge des intérêts de la dette de certaines communes; une contribution destinée au financement partiel des frais de fonctionnement des structures d'accueil; un fonds intercommunal; une contribution destinée au financement de l'accueil d'urgence; un fonds de compensation créé à la suite de la suppression de la taxe professionnelle.
A ce stade, plusieurs constatations peuvent être faites. D'abord, avec le système d'imposition au lieu de travail et au lieu de domicile, la taxation est opaque et incompréhensible pour le contribuable. Dans un Etat de droit, dans une démocratie, il n'est pas admissible qu'un contribuable ne comprenne pas le système de taxation. Heureusement, deux personnes en Suisse disent le comprendre et appréhender parfaitement leur taxation - ça tombe bien, ce sont deux des trois rapporteurs de minorité ! Ils nous expliqueront... Je ne doute pas qu'ils arrivent à lire les chiffres; je pense en revanche qu'ils ne comprennent pas nécessairement le mode de calcul, sauf à considérer qu'ils visent à remplacer le professeur Oberson après ce débat.
On peut établir un deuxième constat: vu les couches de mille-feuille ajoutées, les mécanismes de péréquation financière intercommunale sont devenus extraordinairement complexes, tant et si bien que le système arrive en bout de course. Il faut le dire honnêtement: les interventions successives du Grand Conseil n'ont fait que renforcer cette complexité.
La troisième constatation est la suivante: même si le système d'imposition communale fonctionne, aussi opaque, illisible, complexe et boiteux soit-il, une réforme en profondeur de ce système est souhaitée par tous les intervenants.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Sébastien Desfayes. Déjà ?
La présidente. Vous pouvez parler encore pendant une minute, la durée est de sept minutes au maximum.
M. Sébastien Desfayes. Je pensais avoir plus de temps, puisqu'il y a trois rapporteurs de minorité !
La présidente. A la fin, mais la LRGC limite à sept minutes le temps d'une intervention.
M. Sébastien Desfayes. Alors j'essaierai de faire vite, même si je suis un peu surpris !
Cette réforme ne passe cependant pas par l'adoption de l'IN 187. Pourquoi ? L'IN 187 dit simplement ceci: le lieu d'imposition sera le lieu de domicile, c'est tout. C'est simple, si ce n'est simpliste, mais ça pose un problème, celui de la solidarité intercommunale. Si cette initiative était adoptée, le système de péréquation ne permettrait pas de lisser les disparités ainsi créées.
Je donne brièvement quelques exemples. Vandoeuvres verrait sa situation financière globale s'améliorer d'à peu près 35%, quand la Ville de Lancy verrait la sienne se détériorer d'environ 15%. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) La Ville de Genève perdrait 50 millions; les recettes fiscales de Lancy diminueraient d'à peu près 10 millions. En fait, l'écart entre les communes riches et les communes pauvres ne ferait que s'accentuer; l'accomplissement des tâches publiques de certaines communes deviendrait difficile. Or, vous connaissez le réflexe presque pavlovien de certains conseillers administratifs de grandes communes: quand les recettes diminuent, on augmente les impôts.
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Sébastien Desfayes. Pardon ?
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Sébastien Desfayes. Déjà ?! (Commentaires.) Je vous recommande... (L'orateur se tourne vers la présidente.) Mais je pourrai reprendre la parole ?
La présidente. Vous pourrez la reprendre, mais une intervention dure sept minutes au maximum.
M. Sébastien Desfayes. Alors je vais terminer sur l'initiative, j'aborderai le contreprojet plus tard. Pour éviter, donc, cette disparité et l'accroissement de l'écart entre les communes riches et les communes pauvres, je vous encourage à rejeter l'IN 187, étant entendu que je parlerai du principe du contreprojet dans un second temps. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, mon préopinant l'a dit, à Genève, le système fiscal actuel arrive à bout de souffle, à force de rajouter des couches au mille-feuille et en raison de son système péréquatif de plus en plus opaque et de moins en moins compréhensible pour tous les citoyens de ce canton. Comme on l'a dit, il faudra tôt ou tard réformer le système. Or, pour les tenants de l'initiative, celle-ci répond à ce problème.
L'IN 187 propose de modifier la loi afin que les citoyennes et les citoyens du canton puissent payer leurs impôts uniquement là où ils habitent, sur leur lieu de domicile, et non une partie - 80% - sur leur lieu de travail et une autre partie - 20% - sur leur lieu de domicile. Cette particularité bien genevoise pose la question de la conformité avec la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes. L'article 3, alinéa 2, est ainsi libellé: «Une personne a son domicile dans le canton, au regard du droit fiscal, lorsqu'elle y réside avec l'intention de s'y établir durablement ou lorsqu'elle y a un domicile légal spécial en vertu du droit fédéral.»
La première minorité de la commission vous demande d'accepter et l'initiative et le principe d'un contreprojet. Je reprendrai la parole tout à l'heure, Madame la présidente.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, dans ce parlement, une partie des groupes soutient depuis des décennies la construction d'un gigantesque ouvrage à travers le lac qui permettrait de relier les communes aisées au reste du canton. Vous allez me dire que je me trompe d'objet, mais pas du tout, parce que l'initiative 187 participe du même principe: elle propose de construire une sorte de gigantesque ouvrage fiscal qui relierait les communes populaires de la couronne aux communes aisées de la rive gauche du lac. Vous aurez bien compris qu'en lieu et place de voitures et de camions, cet ouvrage ne fait circuler que de l'argent. C'est une sorte de «pognonoduc», comme on a des viaducs ou des gazoducs. A la différence de la traversée du lac telle qu'elle est imaginée, c'est un ouvrage sur lequel on ne circulerait qu'à sens unique, à savoir des communes les plus pauvres vers les communes les plus riches.
Vous pensez que j'exagère. M. Desfayes, rapporteur de majorité, a articulé quelques chiffres; ils figurent tous dans le premier rapport, celui du Conseil d'Etat. On voit, effectivement, que les finances de Lancy seraient amputées de l'ordre de 15%, celles de Vernier de 12%, celles de Carouge et de Meyrin de 10%; à l'autre bout de la liste, on retrouve - ce n'est pas une surprise - la commune de Vandoeuvres, pour laquelle j'ai, quant à moi, +43%, puis Veyrier (+35%), Troinex (+31%), et toute une série de communes gagnerait entre 20% et 30%: Corsier, Collonge-Bellerive, Chêne-Bougeries, Russin et Jussy. Vous l'aurez compris, le point commun de ces communes est qu'elles accueillent des résidents aisés et que de par leur situation, elles ne proposent pas ou peu de services et d'infrastructures qui pourraient être utilisés par les non-communiers. Pour le dire plus simplement - un souci de simplification a été exprimé auparavant -, il est plus fréquent de voir des habitants de Russin à la piscine de Meyrin que l'inverse, pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas de piscine à Russin. (Remarque.) Il y a du vin, certes ! (L'orateur rit.) Mais le vin... Bref ! On parlera peut-être tout à l'heure de vin à la buvette.
La subtile différence entre l'initiative et le contreprojet - c'est aussi de ça qu'il est question ce soir -, c'est que les tenants du contreprojet nous disent: «Mais ne vous en faites pas ! Effectivement, l'initiative est inapplicable en l'état, parce qu'elle générerait des disparités insupportables dans la justice fiscale entre les communes, mais on va s'arranger pour lisser», pour reprendre le terme utilisé tout à l'heure, «les disparités que l'application du principe de l'imposition exclusive au lieu de domicile générerait.»
De notre côté, nous sommes un petit peu étonnés par la pensée qu'une mauvaise idée appliquée tout de suite se transforme, après attente et réflexion, en bonne idée. C'est un petit peu comme dans les films de pirates: il y a deux bombes, l'une à mèche courte et l'autre à mèche longue; on sait très bien que les dégâts provoqués par la bombe à mèche courte seront terribles une fois qu'elle aura explosé. Dans le cas de la bombe à mèche longue, on peut essayer de sauver les meubles, on peut essayer de s'arranger, mais en attendant, elle va quand même exploser, et au moment où elle est amorcée, on ignore les dégâts qu'elle causera. C'est pour cela que nous estimons qu'il vaut mieux n'amorcer ni l'une ni l'autre.
Je reprends l'argument de la complexité du système fiscal municipal dans notre canton, qui a été longuement exposé par le rapporteur de majorité. Nous sommes dans la patrie des montres. Les grandes complications ne devraient donc pas apparaître comme quelque chose de si néfaste; ce sont des instruments particulièrement précis: vous les connaissez, ce sont les montres les plus célèbres de nos manufactures horlogères.
Le système fiscal intercommunal fonctionne de la même façon ! Vous aurez remarqué que tout en disant qu'il est extraordinairement compliqué, le rapporteur de majorité l'a résumé en moins de deux ou trois minutes. Il a légèrement excédé son temps, mais en définitive, en quelques minutes, nous avons eu à la fois le système de la part privilégiée et les couches de péréquation qui s'ajoutent les unes aux autres - comme des rouages qui, dans le cas d'une mécanique, permettent à celle-ci de gagner en précision et de proposer des détails supplémentaires. C'est exactement le mode de fonctionnement de la LRPFI: dans chaque situation où on se trouve face à une nécessité de répartir de l'argent entre les communes, le système permet d'ajouter un rouage. En additionnant ces rouages, on obtient un réglage extrêmement fin et, contrairement à ce qui a été dit, complètement transparent.
En définitive, tout résident, tout communier, tout contribuable, s'il prend la peine de réfléchir ne serait-ce que quelques minutes au système - je confirme ce qui a été dit tout à l'heure... Je ne suis pas un expert fiscal, mais je me suis penché quelques minutes sur ce système: il est totalement compréhensible, il faut néanmoins se donner la peine de se pencher dessus. Ce système a été parfaitement résumé en quelques minutes. En tant que contribuable, vous pouvez savoir exactement quel franc part dans quelle commune, et en tant que résident d'une commune, quelle part des recettes de la commune va être distribuée au titre de la LRPFI.
Dans ce sens-là, nous estimons que le statu quo est nettement plus profitable et surtout plus juste et plus transparent que l'initiative ou l'aventure hasardeuse d'un contreprojet. Hasardeuse, pourquoi ? Je vois qu'il ne me reste pas énormément de temps, je vais donc essayer d'être efficace. Hasardeuse donc, pourquoi ? Parce que, vous le savez, les relations entre les communes et le canton ne sont pas toujours faciles: lorsqu'il s'agit de transfert de tâches, de compétences, les débats sont houleux et les échecs nombreux. Il est clair que si on se lance dans l'aventure - qui va durer plusieurs années - d'un contreprojet, on va se retrouver avec des années de blocage, parce qu'il sera impossible d'envisager, pour les communes, de signer des chèques en blanc au canton tant qu'elles ne sauront pas à quelle sauce elles seront mangées dans la nouvelle LRPFI, au cas où un contreprojet serait accepté.
Pour toutes ces raisons, la deuxième minorité et le groupe des Verts vous invitent à refuser l'initiative et à refuser le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de troisième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, à titre liminaire, je souhaite saluer la qualité du rapport de majorité, d'autant plus qu'il porte sur un sujet fiscal, qui plus est complexe. Pour celles et ceux qui n'auraient pas eu la chance de suivre les excellents cours de tel ou tel professeur, vous trouverez dans le rapport de notre collègue et, à certains égards sans doute, professeur Desfayes, un résumé remarquable des enjeux de la fiscalité municipale.
«J'y vis, j'y paie !» Mes préopinants ont largement, très longuement même, expliqué à quel point l'initiative est funeste. Pour ma part, j'aborderai simplement trois considérations, Madame la présidente, à propos de l'inconfort, de la gêne, pour ne pas dire plus, que suscite chez nous la perspective de ce contreprojet.
La première de ces considérations est bêtement partisane. Le fait que le PLR, ce grand parti, ait voté comme un bloc l'initiative en commission nous inquiète au plus haut point: cette initiative, soutenue par le PLR et évidemment par l'UDC, qui en est l'auteur, vise simplement à prendre aux grandes communes urbaines pauvres pour redistribuer aux petites communes rurales riches. C'est une forme de Robin des Bois à la sauce PLR: à moitié à l'endroit, à moitié à l'envers. Cet axe PLR-UDC, auquel, peut-être dans un moment d'égarement, se sont alliés Le Centre et le MCG - celui-ci est pourtant bien implanté dans les communes qui ont tout à perdre dans l'opération -, nous semble clairement représenter un risque énorme.
La deuxième considération concerne le statu quo. Oui, le système est complexe ! Que par rapport à ces différentes couches de péréquation intercommunale ajoutées au fil des années, on puisse être sensible ou simplement conscient de ces subtils compromis du passé est une chose. En revanche, cette complexité n'est certainement pas une fin en soi, et sur ce point on était unanime. Dans l'absolu, l'ambition de simplifier le système est bienvenue, mais on s'oriente vers une formidable supercherie politique quand on dit, et j'imagine que le rapporteur de majorité nous l'expliquera dans le temps qui lui reste: «Le statu quo n'est pas transparent vis-à-vis de la population, alors on va simplifier le système» - premier postulat.
Deuxième postulat: «La suppression de la composante de la taxation au lieu de travail permettra aux contribuables... Là où ils habitent, ils peuvent voter, ce sera beaucoup mieux.» Mais puisque l'initiative va impliquer - ce qui est inacceptable pour une très large majorité politique - de vider les poches des grandes communes, qui sont déjà les plus pauvres, on va alors créer une nouvelle couche de péréquation intercommunale. Comme ça, on aura transpiré pendant, allez, cinq, six, sept, huit, neuf ans, dix ans, et on aura modifié les fondamentaux. Au final, le contribuable votera dans sa commune, paiera dans sa commune, mais l'argent continuera quand même à aller dans les villes.
Il s'agit d'un tour de passe-passe juste incroyable. Alors ça fera bosser des fiscalistes et sans doute des constitutionnalistes, mais la plus grande supercherie politique du moment consiste à dire: «On va simplifier, on effectue une suppression. Ça ne va rien changer pour vous. Après, on va rajouter comme par magie la couche qu'on vient de supprimer, pour que personne n'y perde.» C'est sans doute un truc de centriste, mais nous, nous n'y voyons que des risques, en tout cas pas une perspective rassurante, et encore moins séduisante. Aujourd'hui, le contribuable sait que c'est complexe. Il voit que dans sa taxation, il y a - tiens ! - une part privilégiée et une autre part qu'il s'agit de donner à une autre commune. A l'avenir, la différence tiendra dans le fait que le contribuable n'y verra plus rien du tout, parce que même cette distinction-là n'apparaîtra plus dans sa taxation.
Enfin, voici la troisième considération. Mesdames et Messieurs, chers collègues, au fond, est-ce juste qu'une personne soit imposée - du moins formellement - de manière illimitée sur son lieu de domicile exclusivement ? Quand quelqu'un habite à un endroit, il utilise des prestations publiques - je ne vous les cite pas. Il paraît évident que là où on réside, on doit payer une part d'impôts. Mais lorsqu'on bosse dans une autre commune - et on ne parle que de ce scénario... Lorsqu'on habite Vandoeuvres - on citait cet exemple tout à l'heure, je le reprends - et qu'on travaille à Lancy, peut-être qu'au milieu de la journée, on va faire un plouf dans la piscine de Marignac, on utilise donc les infrastructures communales de Lancy; peut-être que sur le chemin du retour, on s'arrête au Grand Théâtre, parce que «pourquoi pas ?», parce que c'est sympa d'aller ensuite au théâtre.
Au fond, la question est la suivante: est-ce que c'est juste de n'être imposé que sur son lieu de domicile et qu'il n'y ait pas un mécanisme de reversement d'impôts sur le lieu de travail ? La réponse du groupe socialiste est très claire, ce n'est pas nouveau: nous trouvons ce mécanisme au contraire pertinent. D'autres partis, une large majorité de ce parlement ont longtemps défendu ce compromis: une part d'impôts redistribuée au lieu de domicile et une part au lieu de travail. Dans un canton dense comme Genève - et c'est sans doute pour ça que le Tribunal fédéral a été aussi intelligent à l'époque -, ce compromis politique n'avait rien de partisan: on considérait qu'on doit aussi payer une partie des impôts là où on travaille.
Quant au MCG - vous transmettrez à nos collègues, Madame la présidente -, qu'il s'agisse des frontaliers en provenance de Vaud ou des frontaliers en provenance de France voisine, jusqu'à nouvel avis, il a toujours défendu le fait qu'en tout cas les Français, on les impose sur leur lieu de travail. Les raisons de son changement d'approche en 2023, je me réjouis de les entendre...
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Grégoire Carasso. ...parce que, concernant les fondamentaux de ce parti, on marche sur la tête. (Commentaires.) Je vois que j'ai touché une corde sensible, Madame la présidente, c'est sans doute que c'est intéressant. (Vifs commentaires.)
La présidente. Les personnes qui souhaitent répondre peuvent appuyer sur le bouton et prendre la parole après.
M. Grégoire Carasso. Mais là où, à nos yeux, le plus grand risque politique se situe, c'est précisément du côté de nos relations fiscales avec la France. Depuis cinq décennies, Genève peut s'appuyer sur sa propre logique fiscale (imposition au lieu de domicile et au lieu de travail) pour fonder celle, unique, pertinente et avantageuse, qui nous lie à la France: c'est la convention du 29 janvier 1973, qui a fêté ses cinquante ans cette année. Paix à elle, ou en tout cas bonne chance pour la suite ! Elle a toujours été défendue devant ce parlement. Si, pour notre propre compte, nous abandonnons le principe d'imposition sur le lieu de travail...
La présidente. Il vous faut conclure.
M. Grégoire Carasso. ...allons-nous, Madame la présidente, renforcer notre position dans les discussions fiscales régulières avec notre voisin français ? Remettre ce modèle en cause, et je termine sur ce point, serait d'autant plus regrettable qu'il est toujours plus fréquemment cité en référence à l'échelle européenne et à l'échelle suisse.
Je vous invite à rejeter l'initiative - cela va de soi - ainsi que la vaste blague que représente ce contreprojet et le gros risque qu'il comporte. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). C'est bien que je parle après M. Carasso, puisqu'il a interpellé le PLR. Il s'étonne de notre position sur l'initiative, alors que le PLR, par l'entremise de notre ancien collègue - et ancien bâtonnier - Lionel Halpérin, est l'auteur d'un projet de loi constitutionnelle, le PL 11491: celui-ci, déposé le 11 juin 2014 - c'est dire qu'on en discute depuis un moment -, prévoit précisément la mise en place du principe de l'imposition au lieu de domicile. Il ne faut donc pas être surpris; nous avons toujours défendu cette idée. Pourquoi ? Le rapporteur de majorité l'a dit à juste titre, il existe un principe universel en matière de fiscalité, appliqué partout dans le reste de la Suisse et dans le reste du monde: celui de l'assujettissement illimité à votre lieu de domicile. Vous payez les impôts là où vous habitez, il s'agit d'un principe universellement reconnu.
Néanmoins, il existe des exceptions - à toute règle, il peut y avoir des exceptions -, les assujettissements limités. On en connaît quelques-uns, par exemple ceux qui concernent les biens immobiliers. Le bien immobilier est toujours fiscalisé là où il se trouve, il a un assujettissement limité à son lieu de situation. Voici un second exemple, que l'on connaît bien - le MCG en particulier, on en parlait tout à l'heure: celui d'un travailleur résident d'un pays mais dont la majorité des revenus provient d'un autre pays. Ce sont les frontaliers, que l'on connaît bien à Genève. Lorsque 90% des revenus d'une personne proviennent d'un pays différent, ces revenus-là, et uniquement ces revenus - ceux liés à son travail dans un autre pays -, sont fiscalisés à son lieu de travail. On est là en présence d'un assujettissement limité et donc d'une exception à la règle de base.
Genève, évidemment, est le seul canton de Suisse, le seul canton du monde - pour autant que des cantons existent ailleurs - à appliquer un autre principe, celui de fiscaliser d'abord au lieu de travail et de voir ensuite ce qu'on pourrait faire avec le reste. Que demande en fait l'initiative ? Que demande le contreprojet ? Simplement de revenir à ce principe de base, à savoir de payer ses impôts là où on habite, usité partout ailleurs - il me semble que Genève représente rarement un exemple pour le reste du monde, mais que le reste du monde, et de la Suisse en particulier, devrait être un exemple pour Genève -, et de l'adopter.
Oui, Monsieur Nicolet-dit-Félix, oui, Monsieur Carasso, ça donne une lisibilité au contribuable: il verra sur sa taxation qu'il paie des impôts dans une seule et unique commune, celle où il réside, et non dans un patatras de communes dans lesquelles il travaillerait, sans comprendre exactement les fondements de ce système. Je suis content que M. Nicolet-dit-Félix ait lu la loi et l'ai comprise. Bravo ! Félicitations ! Il se trouve néanmoins qu'un certain nombre de contribuables n'ont le temps ni de la lire ni de la comprendre. C'est ainsi; vous pouvez, si vous voulez, faire fi de cela, mais c'est une réalité. Or, en mettant en place le principe d'imposition au seul lieu de domicile, vous réglez ce problème et vous apportez de la lisibilité et de la transparence. J'ai entendu le parti socialiste nous expliquer, lors de l'autre débat, que la transparence était fondamentale en démocratie: c'est aussi vrai s'agissant de la fiscalité.
Par ailleurs, on mélange totalement les débats. MM. Carasso et Nicolet-dit-Félix mélangent le principe que l'on veut ancrer, à savoir «je paie mes impôts là où j'habite», à celui de la péréquation. Si je ne change rien à la péréquation, vous avez raison de dire que des communes plutôt défavorisées vont se retrouver à reverser des montants à des communes plutôt favorisées. Evidemment ! Mais ce n'est pas ce qui va se passer ! Vous mélangez les deux débats !
Le premier point, c'est de déterminer où on paie nos impôts. Ça, c'est pour le contribuable, la personne physique; il a compris qu'il payait là où il habitait. Il y a ensuite l'effet de solidarité avec la péréquation, qui est revue, et les mécanismes statiques évoqués par le Conseil d'Etat dans le cadre de l'initiative - ce n'est évidemment pas ce qui va se passer, et c'est le but du contreprojet. Voilà pourquoi celui-ci a la préférence du PLR, afin qu'on prenne le temps de mettre en oeuvre ceci et qu'on le fasse d'entente avec l'ACG. Elle aura ainsi la possibilité de revoir la péréquation de manière qu'on n'ait pas... Comment appelait-il ça ? ...un «pognonduc» qui irait des communes les plus pauvres aux communes les plus riches. Ce n'est pas ce que souhaite qui que ce soit ici.
Pour M. Carasso, je le répète: le principe d'un assujettissement illimité des habitants est appliqué par le reste du monde, par la France aussi. Le fait donc que, par hypothèse, on reprenne ce même principe à Genève ne remet aucunement en cause un quelconque accord que non pas Genève, mais la Suisse au nom de Genève aurait avec la France. Jamais, bien sûr que non, puisqu'on appliquerait le même principe que les Français. Je ne vois vraiment pas en quoi cela remettrait cet accord en cause; cela n'a strictement et absolument rien à voir.
L'initiative demande - et c'est pour ça que le PLR la soutient - une lisibilité pour le contribuable et qu'on fasse à Genève ce que le reste de la Suisse fait très bien, fait beaucoup mieux que Genève. Pourquoi préférera-t-on le contreprojet ? Parce qu'on veut laisser le temps à l'ACG d'y travailler. On a agi ainsi concernant la taxe professionnelle: on a trouvé un accord que l'unanimité de ce parlement a voté. Faisons exactement la même chose ! Plus de transparence pour le contribuable, non pas des flux de pognon qui vont n'importe où, mais bel et bien une vraie solidarité remise en place par les communes ! Bref, un système fiscal intelligent, l'égal de ceux qui existent partout dans le reste de la Suisse, partout dans le reste du monde ! Nous voterons donc oui à l'initiative et oui au principe d'un contreprojet ! (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Monsieur le rapporteur de majorité, vous souhaitez compléter votre intervention: je précise qu'il vous reste quatre minutes sur le temps de votre groupe. A la fin du débat, mais pas maintenant, je vous attribuerai un peu de temps, vu que vous êtes seul face à trois rapporteurs de minorité. (Remarque.) Vous avez maintenant la parole pour quatre minutes et onze secondes.
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup. J'aimerais terminer mon intervention sur le principe du contreprojet. On a entendu les rapporteurs de deuxième et de troisième majorité...
Une voix. De minorité !
M. Sébastien Desfayes. ...de minorité dire respectivement qu'il y a une subtile différence entre l'initiative et le contreprojet et que c'est une supercherie politique. Il se trouve qu'actuellement, il n'y a pas de contreprojet, et personne dans cette salle ne soutient que dans le peu de temps dévolu à son élaboration, une réforme complète du système d'imposition communale sera présentée. Cela ne se fera pas, c'est absolument impossible. Tout le monde en convient, simplement parce que les discussions entre les communes elles-mêmes, entre les communes et le canton, entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil, bref, entre tous les intervenants, prendront un temps considérable, ce qui rend totalement caduc l'espoir de présenter une réforme complète du système d'imposition en tant que contreprojet. Ce dont on parlera dans le cadre du contreprojet, c'est seulement de principes, j'y reviendrai.
Pourquoi un contreprojet est-il absolument essentiel ? Ça a déjà été dit en partie, mais je vais le rappeler. D'abord parce que dans une démocratie, le fait de recevoir un bordereau et de ne pas comprendre comment ses impôts communaux ont été calculés n'est tout simplement pas admissible. Ça, c'est le premier point, mais à lui tout seul, il suffirait à justifier le principe d'un contreprojet.
Par ailleurs, les Genevois sont les seuls en Suisse à être imposés dans une commune sans avoir l'occasion d'y participer aux processus démocratiques. Or, le système suisse est fondé sur un contrat social selon lequel on participe aux prises de décision. Actuellement, on paie des impôts dans une commune, mais on n'a pas l'opportunité de voter sur le taux d'imposition. C'est bien sûr inacceptable ! Le Tribunal fédéral lui-même, mesuré pourtant, a rappelé à l'ordre le canton de Genève, lui demandant avec amabilité de revoir son système d'imposition communale.
Un autre point important, c'est que si notre système de péréquation financière intercommunale était si fabuleux, si efficace, le niveau des centimes additionnels, plus exactement la différence de niveau des centimes additionnels entre les communes se serait réduite. Or, c'est exactement le contraire à quoi on a assisté ces dernières années: certaines communes riches ont baissé les centimes additionnels quand des communes pauvres, à faible potentiel de ressources, ont tenté de les augmenter.
Dernier point - et là, j'ai de la peine à comprendre la position des Verts et du parti socialiste. Quand le président de l'ACG dit ceci à la commission fiscale: «Le système actuel avec ses derniers renforcements arrive au bout de l'exercice», il faut l'écouter, quand même ! Si on ne met pas fin au blocage aujourd'hui par un contreprojet qui ne présenterait que des principes, on peut avoir beaucoup d'inquiétude sur le maintien du système financier intercommunal. Je reprendrai la parole après. Merci.
M. Stefan Balaban (LJS). Merci à M. Zweifel pour son cours de fiscalité, qui était très bref et très précis. Il a bien résumé la situation. Tout d'abord, je tiens à rappeler les différentes réformes qui ont modifié et amélioré notre fiscalité à Genève. La dernière en date est la suppression de la TPC, qui a été acceptée par la majorité du Grand Conseil. Genevoises et Genevois, n'ayez donc pas peur des réformes !
Cette initiative s'inscrit dans cet esprit de réforme et d'harmonisation au niveau fédéral. En soi, son principe est très simple. Comme l'a très bien rappelé M. Desfayes, elle facilitera l'imposition et la rendra plus transparente; elle mettra un terme à une particularité genevoise qui consiste à imposer les contribuables à leur lieu de domicile et à leur lieu de travail; enfin, elle forcera les communes et le canton à revoir le système de péréquation financière intercommunale.
Néanmoins, il est vrai - cela a été soulevé par M. Carasso - qu'en l'état, avec ce texte, s'il est accepté, il y a une injustice entre les communes: les communes pauvres seront plus pauvres et les communes riches seront plus riches. C'est pour cette raison que nous, LJS, refusons l'initiative, mais nous sommes d'accord sur le principe d'un contreprojet, qui inviterait justement à revoir ce calcul et cette péréquation intercommunale, pour un fonctionnement qui serait plus juste et équitable. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, n'en déplaise à mon préopinant, M. Zweifel, et peut-être au Tribunal fédéral, sur le principe, nous restons convaincus qu'il est utile qu'une partie de l'imposition communale soit perçue au lieu de travail. Les communes fournissent en effet nombre de prestations aux personnes qui travaillent sur leur territoire, que cela soit de façon indirecte, par la construction et l'entretien des infrastructures, ou de façon plus directe, par des avantages donnés pour l'utilisation de services communaux comme les crèches. Cela sera peut-être redondant avec ce qui a été expliqué précédemment, mais j'aimerais résumer nos arguments d'opposition à la fois à l'initiative et au contreprojet.
Tout d'abord, la perte de recettes pour certaines communes urbaines, cela a été évoqué tout à l'heure, est énorme, et cela même après l'application des mécanismes péréquatifs existants, notamment pour la Ville de Genève - on l'a mentionné plus tôt - et la commune de Lancy. Première alerte amicale à nos collègues du MCG.
Comme on a pu le voir dans la présentation récente de l'Association des communes genevoises - le rapporteur de majorité l'a aussi relevé -, les mécanismes péréquatifs sont complexes et contiennent bien davantage que la LRPFI. Une adaptation permettant de compenser les pertes sera un chantier de moyenne à grande envergure, selon le rapport du Conseil d'Etat.
Ensuite, le précédent de la suppression de la TPC, dont on a également fait mention, ne doit pas nous tromper. L'exercice était nettement plus simple, et je dois avouer que son succès a surtout été conditionné par le fait qu'il fallait absorber la réforme de l'OCDE; ce n'est pas le cas ici, puisqu'on cherche à trouver d'une façon ou d'une autre une neutralité fiscale pour l'ensemble des communes.
En dernier lieu, la mise en avant de l'imposition au seul lieu de domicile va créer un dangereux précédent, cela a aussi été dit tout à l'heure, dans le cadre de l'imposition des travailleuses et des travailleurs frontaliers, qui sont presque entièrement imposés à leur lieu de travail. Deuxième alerte amicale pour nos collègues du MCG.
Enfin, n'oublions pas que les initiants avancent masqués. Pour faire un jeu de mots facile, ils prennent l'Helvétie pour des lanternes - mais ce jeu de mots n'est pas de moi ! (Rire. Commentaires.)
Une voix. Heureusement !
M. Pierre Eckert. Heureusement ! (L'orateur rit.) Ils prétextent une simplification administrative, qui n'est qu'une illusion, cela a été également relevé plus tôt: le fait de devoir mettre une croix sur votre commune de domicile et sur votre commune de travail n'est pas non plus d'une complexité majeure ! Ensuite, cela passe dans l'informatique de l'administration fiscale, je ne vois pas la complication qu'il y a là derrière.
L'initiative n'est de fait qu'une partie d'un programme explicite d'affaiblissement des villes initié par l'UDC. Pour reprendre les termes du rapport de troisième minorité, il s'agit «de prendre aux grandes communes urbaines (pauvres) pour redistribuer aux petites communes rurales (riches)». Nous, les Verts, ne mangerons pas de ce pain-là. Et les communes non plus. Les objectifs d'un éventuel contreprojet resteront les mêmes. Ne nous faisons pas d'illusions ! Nous vous invitons donc fermement à refuser à la fois l'initiative et le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai jamais entendu un discours aussi conservateur de la part de la gauche en matière de fiscalité, et je me réjouis qu'elle tienne le même discours en lien avec d'autres potentielles réformes fiscales pour notre canton.
Le député Desfayes l'a justement rappelé - et il vous a très certainement perdus en route dans le cadre de son rapport de majorité -, le système de perception fiscale dans le canton de Genève est d'une très grande complexité, c'est un mille-feuille totalement incompréhensible, ce qui s'est reflété au cours de la récolte de signatures: je pense que 90% des personnes qui ont signé cette initiative n'avaient même pas connaissance du fait qu'elles étaient imposées au lieu de travail et non au lieu de domicile en vertu de la loi, indépendamment du mécanisme de part privilégiée prévu par celle-ci.
Ce même mille-feuille qui empêche toute réforme fiscale, ou tout du moins qui nous est sans cesse opposé... Quand on parlait de réformer la taxe professionnelle: oh, mon Dieu ! Il ne fallait surtout pas la toucher, parce qu'on allait toucher la péréquation intercommunale, on allait appauvrir les communes ! C'est un système qui nous empêche de faire bouger certaines frontières et qui nous vaut les pleurnicheries des mêmes communes, toujours ces communes-villes qui, dans le cadre de la taxe professionnelle, je le rappelle... Actuellement, dans le cadre de la péréquation intercommunale, il y a trois piliers et notamment une «contribution ville-centre» - vous savez, ces villes qui prétendent délivrer des prestations à l'ensemble de la population ! Aujourd'hui, elles touchent déjà des «contributions ville-centre».
Cette initiative a un très grand mérite: celui de corriger une particularité genevoise, à savoir le fait d'être imposé à son lieu de travail, et de mettre fin au mécanisme de part privilégiée, qui n'est pas du tout équitable. Prenons un exemple de ce mécanisme avec deux communes qui sont qualifiées, selon la part privilégiée, de communes riches: Plan-les-Ouates, qui compte énormément d'emplois, et une commune d'habitation, aisée - vous aimez bien citer Vandoeuvres, puisque j'y résidais jusqu'à récemment; je prendrai donc cet exemple. Ce sont deux communes qui ont une part privilégiée à 20%. Admettons que le contribuable travaille à Plan-les-Ouates et habite à Vandoeuvres: 80% de l'impôt serait prélevé par la commune de travail, cette même commune qui touche l'imposition sur les personnes morales, donc des sociétés dans lesquelles ces personnes travaillent.
Cette initiative a également un autre mérite, et je vais conclure par là, c'est de faire bouger le processus parlementaire et de nous forcer à travailler et à mener des réformes. Si nous n'avions pas lancé l'initiative sur la taxe professionnelle, je ne suis pas sûr que celle-ci aurait été abolie. J'espère que la commission s'attellera... Notre groupe soutiendra cette initiative en l'état, en raison de l'absurdité du mécanisme de part privilégiée, comme je vous l'ai dit, et de l'absurdité de l'imposition au lieu de travail; le cas échéant, il soutiendra le principe d'un contreprojet afin de simplifier tout ce système fiscal à Genève. Je vous remercie, Madame la présidente.
M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je voudrais d'abord relever une fausse assertion, prononcée innocemment - je dis «innocemment», parce qu'il y a une présomption d'innocence - par le rapporteur de troisième minorité, et rétablir la vérité: non, le MCG n'est pas favorable à cette initiative. Il s'y est d'ailleurs opposé. Par contre, le MCG est ouvert à un contreprojet, qu'il examinera sur pièce et sur lequel il se prononcera lorsqu'il sera présenté.
Cette initiative - vous en avez parlé en long et en large, je ne veux pas répéter les choses, mais vulgariser un peu, parce que j'ai l'impression que certains s'y perdent - veut simplement une imposition au lieu de domicile, ni plus ni moins, et en terminer avec l'imposition actuelle qui se fait en partie au lieu de domicile et en partie au lieu de travail. Ce que veut cette initiative, c'est ce qui existe au niveau intercantonal. C'est vrai, c'est un fait objectif. Je lis l'exposé des motifs - je précise que ce sont des Genevois qui écrivent ceci, parce qu'on pourrait s'y méprendre: «Le collaborateur d'une entreprise sise à Genève et domicilié dans le canton de Vaud ne se voit pas appliquer un tel mécanisme.» Jusque-là, rien à dire. «A la différence de son collègue domicilié dans le canton de Genève, le collaborateur vaudois voit, à juste titre d'un point de vue fiscal, l'intégralité de ses impôts être perçue à son lieu de domicile.» Comprenez: dans le canton de Vaud.
En d'autres termes, et le MCG l'a déjà dénoncé à plusieurs reprises, il est absurde de se dire qu'au niveau fiscal, l'Etat de Genève a davantage intérêt à ce qu'un employeur engage des travailleurs frontaliers plutôt que des confédérés domiciliés dans un autre canton, et en particulier les Vaudois, qui sont nombreux à travailler ici, dans notre canton. Genève promeut son économie, investit pour que celle-ci soit florissante, et cela profite bien sûr à elle-même, d'abord, mais aussi à l'ensemble de ces travailleurs vaudois qui y viennent tous les jours et qui sont exclusivement imposés dans le canton de Vaud. Je peux vous le dire, la délégation du MCG à Berne se fera un point d'honneur de remettre la question sur le tapis, car nous ne sommes pas les seuls punis par ce système confédéral: Zurich est aussi largement prétérité, puisqu'il est une source de richesse pour l'ensemble des cantons environnants, qui accueillent cette population travaillant la journée dans le canton de Zurich et profitant des investissements opérés largement par ce dernier, pour ensuite retourner se prélasser dans les cantons voisins; c'est le même cas ici, pour Genève.
On nous a dit - j'aimerais y répondre et finir par cela: «Mais regardez ce qui se passe avec les frontaliers, soyez logiques !» La question des frontaliers, je ne l'apprends à personne, est réglée non pas au niveau national, mais au niveau international: il y a une convention internationale datant de 1966 entre la Suisse et la France contre la double imposition, qui dit clairement que les personnes qui travaillent en Suisse - ou vice versa, même s'il y en a beaucoup moins - sont imposées là où elles travaillent; c'est d'ailleurs conforme aux accords de libre circulation. Nous demandons bien sûr que ces accords soient maintenus, la convention de 1973 n'étant pas une convention fiscale mais une convention de soutien financier aux communes françaises environnantes, qui hébergent effectivement une partie des travailleurs dont Genève a besoin - leur nombre est certainement moins grand que celui de tous les titulaires d'un permis G, mais ces derniers sont toutefois nécessaires pour notre économie florissante.
Il n'y a donc pas de contradiction de la part du MCG à demander, d'une part, l'application stricte du droit international pour ce qui concerne l'imposition des frontaliers ici, à Genève, et, d'autre part, au contraire, que l'on maintienne la situation actuelle intercommunale et que cette pratique soit ensuite appliquée à l'ensemble de la Suisse pour qu'il y ait davantage de justice fiscale dans ce pays. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. La parole est à M. Sylvain Thévoz pour quatre minutes quarante-trois.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, on arrive au bout de ce débat. Du côté du parti socialiste, on a entendu sans grande surprise les partis de droite dire: «C'est compliqué, il faut rendre cela plus transparent, plus léger.» On connaît cette rhétorique qui vise simplement à faire payer aux plus pauvres les avantages des plus riches. Parce que ce projet de loi est simple: 126 millions vont changer de mains, vont passer des communes qui sont les plus précaires ou qui ont les charges de villes-centres les plus fortes - Genève, Carouge, Vernier, Meyrin, Lancy - pour être transférés vers Vandoeuvres, Collonge-Bellerive, Cologny, Chêne-Bougeries, les communes les plus riches de la rive gauche.
On a entendu, un peu écoeurés, cette rhétorique que la droite impose: il faut être plus svelte, il ne faut pas être conservateur, il faut aller vers ce que souhaitent finalement le PLR et les fiscalistes - principalement les fiscalistes députés et les avocats députés qui se sont exprimés: un Etat sans ressources, un Etat affaibli. M. Andersen rigole - il peut rigoler: il est à Vandoeuvres, c'est lui qui a déposé ce projet de loi, au fond, il en bénéficie directement ! (Remarque. Rires.) Ce sont les lobbys... Moi, je vais parler clairement - mon camarade Grégoire Carasso mettra de la diplomatie à la fin de mon intervention, je lui laisserai un peu de temps. (Rires.)
Pour le parti socialiste, c'est inacceptable ! C'est inacceptable, en 2023, quand on parle de gens qui ont de la peine à boucler les fins de mois et qui voient leurs prestations en danger, de dire qu'on va précisément affaiblir les villes qui offrent encore des prestations, comme des bibliothèques, des piscines, de l'éducation, avec toutes les difficultés qu'on a. C'est vraiment d'une arrogance et d'une violence extrêmes. Le slogan du MCG - vous transmettrez -, «les nôtres avant les autres»... On sait ! On sait qui sont les autres ! Ce sont ceux de Cologny, ceux de Vandoeuvres, et en tout cas pas ceux de Vernier et de la Ville de Genève, il faudra s'en souvenir.
S'agissant du panier de la ménagère de l'UDC, là aussi, on est plutôt dans la métaphore de la soupe de Gargamel, vous savez, où vous mettez deux-trois poisons et deux-trois choses néfastes. Les masques tombent dans le domaine de la fiscalité, on le voit bien, projet de loi après projet de loi, à la commission fiscale, la volonté est claire: invoquer la lourdeur de l'Etat, la complexité des lois, la difficulté, pour simplement mettre à bas ce qui assure la répartition des richesses, ce qui assure une possibilité pour les personnes les plus précaires d'avoir accès à des prestations. Un exemple: le Grand Théâtre de Genève, 56 millions payés par la Ville. Qui va au Grand Théâtre ? Précisément ceux qui bénéficieraient de ce projet de loi: les personnes de Collonge, de Vandoeuvres, qui vont, sans coup férir... (Exclamations.) ...consommer de la culture en ville de Genève.
Pour terminer, pour ce qui est de la péréquation, on a vu qu'une commune - encore une de ces communes les plus riches - s'est opposée jusqu'au tribunal... (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît, un peu de silence ! Si vous souhaitez vous exprimer, appuyez sur le bouton !
M. Sylvain Thévoz. ...à la LAPSA (la loi sur l'aide aux personnes sans abri), parce qu'on avait procédé à un rééquilibrage et qu'il y avait un fonds de 18 millions pour justement accueillir les sans-abris. Par conséquent, ceux qui disent qu'il y aura un contreprojet, qu'on va trouver les équilibres pour refinancer ces communes... C'est faux ! Les communes les plus riches font des recours au tribunal pour s'y opposer.
Pour toutes ces raisons, évidemment, le parti socialiste, parce qu'il défend - notamment avec le projet de loi pour l'allocation pour les fins de mois de mon collègue Thomas Wenger, dont vous avez refusé l'urgence - le pouvoir d'achat et des allocations pour permettre aux personnes de boucler leurs fins de mois, s'opposera tant à l'initiative qu'au contreprojet. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je donne la parole à M. Michael Andersen pour deux minutes cinquante.
M. Michael Andersen (UDC). Merci, Madame la présidente. Vous transmettrez à mon collègue Thévoz qu'il serait bien qu'il mette à jour son disque dur, parce que je ne réside plus à Vandoeuvres, mais à Genève, ce qui a démultiplié mon envie que cette initiative passe, au vu de ce qui est fait en ville de Genève du point de vue budgétaire. (Rire. Commentaires.) Je vous remercie, Madame la présidente.
La présidente. Merci. Je vais passer la parole aux rapporteurs, en commençant par le rapporteur de troisième minorité, M. Grégoire Carasso, pour une minute et treize secondes.
M. Grégoire Carasso (S), rapporteur de troisième minorité. Merci, Madame la présidente. Il faut faire des choix quand il ne reste qu'une minute. Vous transmettrez à nos amis du MCG, Madame la présidente, qu'après s'être illustrés pendant des années sur le registre anti-frontaliers, quand Genève, en 1999 encore, essayait précisément - et à nos yeux, c'est fondamentalement juste de payer une part d'impôts là où on travaille, parce que les Vaudois utilisent nos infrastructures, nos prestations, mais ne paient pas d'impôts... Et on découvre que le MCG, après s'être illustré strictement par son caractère anti-frontaliers, se transforme maintenant en ami de Lausanne ! Franchement, vu les exploits de Servette - alors peut-être pas ceux de ce soir... (Rire. Commentaires.) Je trouve ça franchement regrettable.
S'agissant des fondamentaux politiques, le MCG a très longtemps été un parti qui défendait l'imposition au lieu de travail, parce que les personnes qui viennent de l'extérieur du canton, que ce soient des confédérés, des frontaliers suisses, français, ou des personnes venant d'ailleurs, viennent utiliser nos prestations publiques. Vous avez toujours défendu le fait qu'il fallait que cette part existe et qu'elle soit même la plus importante possible. Alors franchement, je trouve cette position du MCG illisible. J'ai bien compris que vous étiez opposés à l'initiative et favorables à un contreprojet, mais vous ouvrez une boîte de Pandore, dans laquelle vous ne trouverez pas le PS, et nous serons particulièrement vigilants sur les mécanismes de compensation. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. Je donne la parole au rapporteur de seconde minorité, M. Julien Nicolet-dit-Félix, pour deux minutes quinze.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Pour moi aussi, il va falloir choisir entre les différents éléments qu'il convient de rectifier ou de préciser.
Premièrement, on a dit que le système fiscal genevois est particulier. Oui, il est particulier. Pourquoi ? Parce que Genève est un canton particulier: c'est un canton où la ville-centre cumule une part très importante des habitants; les villes périphériques plus la ville-centre cumulent à elles seules largement plus de la moitié des habitants. C'est aussi un canton où les différences de richesse entre les communes sont nettement plus élevées que dans les autres cantons. C'est enfin un canton où les communes s'enchevêtrent sur le plan géographique. A ce propos, si, après ce long débat, vous souhaitez vous délasser un petit peu, je vous invite à ouvrir le rapport à la page 49, où un petit quiz vous est proposé: il vise à tester vos connaissances sur les communes précises où se trouvent différentes infrastructures publiques et privées. Vous verrez, c'est assez compliqué d'obtenir le score de 10/10, tant ces communes sont enchevêtrées et tant on ignore en général sur quelle commune on se trouve.
La deuxième chose qu'il convient d'interroger, c'est la question de la simplification. Le rapporteur de majorité nous dit que les Genevois, les contribuables ne sont manifestement pas assez malins pour comprendre leur bordereau. C'est en gros le discours qu'on entend. On appréciera la considération envers nos concitoyens. Mais c'est un petit peu comme si vous alliez acheter une voiture - je suis désolé, ce n'est pas très vert ! - chez un concessionnaire et qu'on vous disait: «Vu que vous n'êtes pas assez malin pour comprendre comment fonctionne le moteur, on va vous le sceller et vous interdire de regarder ce qu'il y a dedans, parce que c'est une affaire de spécialistes !» C'est exactement ce qu'on propose avec ce mécanisme, cette espèce de «black box» de la péréquation qui sortirait d'un contreprojet dont on nous dit qu'en définitive, les différences avec la situation actuelle ne seraient pas énormes.
Alors je vous le demande: si l'intention des tenants du contreprojet est véritablement de se retrouver dans cinq, six, dix ans avec une situation globalement équivalente à celle d'aujourd'hui, à quoi bon ? Et si leur intention est de se retrouver avec une situation différente, quels sont leurs buts ? La question a été posée en commission, nous n'avons pas obtenu de réponse. C'est pour cela que je vous invite, une fois de plus - et là, pour le coup, je suis certain que vous serez tous persuadés - à voter contre l'initiative et contre le principe d'un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci. La parole est au rapporteur de première minorité, M. Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. (Commentaires.) Vous transmettrez à mon préopinant...
La présidente. Je ne suis pas un monsieur !
M. Christo Ivanov. Euh, Madame la présidente ! Pardon ! (Commentaires. Rire.) Mea culpa ! Vous transmettrez à mon préopinant qui, tout à l'heure, disait qu'il n'y avait pas de zone de baignade ou pas de piscine à Russin, qu'il y a des zones de baignade à La Plaine, à Dardagny, et que c'est gratuit; les gens n'ont pas besoin d'aller à Meyrin, ils n'ont qu'à descendre, même à pied, depuis chez eux, ils ont des zones de baignade et des aménagements faits pour eux !
Revenons à notre initiative. Le Tribunal fédéral a appelé implicitement de ses voeux une réforme du système d'imposition communale des personnes physiques à Genève, en relevant que la législation genevoise s'écartait des règles de jurisprudence en matière d'interdiction de la double imposition intercantonale.
J'aimerais revenir sur l'audition du président de l'ACG, qui a déclaré: «Le système actuel avec ses derniers renforcements arrive au bout de l'exercice.» Même les communes-villes, qui sont les fers de lance de l'ACG, reconnaissent que le système fiscal actuel arrive au bout, c'est écrit noir sur blanc à la page 10 du rapport. Je poursuis: «Le comité de l'ACG, très crispé au début du processus, soutenait que "rien n'était possible". Pourtant, une solution satisfaisante pour l'ensemble des parties intéressées a pu être trouvée.» Ils sont donc maintenant favorables à un contreprojet... (Remarque.) ...et ils proposent...
Une voix. Non, non ! Non, non ! C'est faux !
Une autre voix. Non !
M. Christo Ivanov. Apprenez à lire, Monsieur Nicolet ! «La situation est encore plus favorable en l'espèce, dans la mesure où la réforme est voulue par les communes pour autant que le temps nécessaire à cet effet lui soit dévolu.» (Remarque.) Lisez le rapport page 11 ! On ne va pas s'égosiller.
La présidente. Je vous laisse vous adresser à moi.
M. Christo Ivanov. Toujours est-il qu'il convient de voter l'initiative 187 et son contreprojet. Je vous remercie.
La présidente. Merci. (Remarque.) Je ne redonne pas la parole après. Quand on passe aux rapporteurs... (Remarque.) Non, il ne vous a pas interpellé: vous lui avez coupé la parole d'abord et ensuite, il vous a répondu. Je le dis aux autres partis, tout comme je le dis au MCG, qui avait demandé la parole: je ne donne pas la parole après les rapporteurs. J'annonce qu'on passe aux rapporteurs et chacun prend la parole dans l'ordre. C'est maintenant le tour du rapporteur de majorité, M. Sébastien Desfayes, qui n'avait plus de temps, mais à qui j'accorde trois minutes pour répondre. (Commentaires.)
M. Sébastien Desfayes (LC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. C'est même plus de temps qu'il ne m'en faut pour conclure. J'aimerais terminer en relevant que malgré une heure de débat, on n'a entendu aucun argument sérieux de la gauche pour s'opposer au principe d'un contreprojet. Alors on a entendu des invectives, en particulier de mon ami Sylvain Thévoz, et surtout des procès d'intentions, notamment de la part de Grégoire Carasso, qui nous dit: «Ils ont cette intention-là, ils vont nous piéger, attention, soyons vigilants !» Mais pour l'instant, il n'y a pas de contreprojet et je ne doute pas une seconde que vous, comme moi d'ailleurs, nous serons vigilants pour qu'un contreprojet équilibré soit établi. Mais ne nous faites pas de mauvais procès d'intentions ! Finalement, vous avez la même attitude ce soir que celle que vous aviez il y a six mois pour l'IN 182 «Climat urbain». Vous disiez qu'il ne fallait pas voter le principe d'un contreprojet, et on va voter dans dix minutes sur un contreprojet que vous avez approuvé. Il ne faut pas être si angoissé, Monsieur Carasso ! (Rires. L'orateur rit.)
Voilà comment j'imagine simplement les grandes lignes d'un contreprojet, qui reprend le PL 11491 - au demeurant, le président de l'ACG avait relevé devant la commission fiscale les avantages offerts par le PL 11491, tout en précisant que la feuille de route restait à établir. Les points principaux seraient, premièrement, le principe d'une imposition au lieu de domicile; le deuxième point, le principe d'un système de péréquation à concrétiser dans une loi - je répète: à concrétiser dans une loi - permettant d'atténuer les inégalités en matière de capacité financière entre les communes; le troisième point, c'est qu'évidemment, les communes participeraient à l'élaboration du système de péréquation.
Après une heure de débat intéressant, nourri et intense, le rapporteur de majorité vous invite à - et, au besoin, vous enjoint de - refuser l'initiative 187 et accepter le principe d'un contreprojet. Merci.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je dirai quelques mots pour rappeler la position du Conseil d'Etat et ce qui a été fait dans le cadre de cette initiative. Comme l'ont relevé certains dépités... députés ! Pas dépités, pour l'heure ! (Rires.) ...l'administration fiscale cantonale a procédé à des simulations sur les exercices 2012 à 2020 afin de mesurer les conséquences de la mise en oeuvre de l'IN 187. Il est vrai que certaines communes auraient vu leurs recettes fiscales relatives aux personnes physiques augmenter massivement, cela a été dit: Vandoeuvres, Veyrier, Troinex. Et, a contrario, d'autres communes auraient vu leurs recettes fiscales diminuer de manière très importante: Lancy, Vernier, Carouge et Meyrin. Pour la Ville de Genève, la baisse était également massive: 50 millions de francs. Mais surtout, ce que ces simulations ont démontré, c'est que l'application des mécanismes prévus dans la loi sur le renforcement de la péréquation financière intercommunale et le développement de l'intercommunalité n'atténuaient que très partiellement les impacts de l'IN 187.
Le Conseil d'Etat a donc estimé que cette modification et cette initiative portaient atteinte à la solidarité entre les communes, dans la mesure où les communes à forte capacité financière et dont le centime additionnel est déjà plus bas recevraient des recettes fiscales supplémentaires, au détriment des communes à faible capacité financière, dont les besoins sociaux sont évidemment plus importants. Le Conseil d'Etat a aussi estimé que cette initiative apporte de la confusion quant au lieu de fiscalisation des indépendants - je parle bien uniquement des indépendants. C'est pour ces raisons que le Conseil d'Etat vous encourage - et c'est ce qu'il avait indiqué dans le rapport - à refuser cette initiative.
S'agissant du contreprojet, le Conseil d'Etat n'y était pas favorable non plus, mais avant tout parce que le temps nécessaire pour revoir l'ensemble de la péréquation intercommunale et de la fiscalité communale dépasse très largement le délai fixé pour remettre un contreprojet. Et à moins que la commission et votre Grand Conseil n'élaborent qu'un contreprojet de principe, qui permette ensuite au Conseil d'Etat de prendre le temps de mettre en oeuvre ce principe et de revoir toute cette péréquation... Parce que, Mesdames et Messieurs, il ne faut pas nous mentir: vous n'y arriverez pas ! Ni à trouver un accord avec les communes ni à refaire l'ensemble de ce système que vous jugez, pour la majorité d'entre vous, peu transparent.
Le Conseil d'Etat prendra acte de votre décision et vous accompagnera, le cas échéant, en tout cas s'agissant de mon département, dans les travaux, mais vous encourage à refuser cette initiative et, si vous allez de l'avant avec un contreprojet, à vous assurer que celui-ci ne soit pas trop complexe et qu'il nous donne le temps de mettre en oeuvre correctement une nouvelle fiscalité. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote, d'abord de l'initiative, puis du principe d'un contreprojet.
Mise aux voix, l'initiative 187 est refusée par 63 non contre 32 oui (vote nominal).
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 63 oui contre 33 non (vote nominal).
Le rapport IN 187-B est renvoyé à la commission fiscale.