République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 juin 2023 à 14h
3e législature - 1re année - 2e session - 10e séance
P 2162-A
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la P 2162-A. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité de la commission des pétitions vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, pour une raison toute simple: la commission a remarqué qu'elle est contraire à la réalité, dans le sens où ce que demandent les pétitionnaires n'a pas lieu d'être, en tout cas dans la situation actuelle.
L'audition du département nous a prouvé que ce texte n'avait pas lieu d'être. La majorité a été largement convaincue du fait qu'il fallait déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, aussi parce qu'il s'agit - comme souvent avec ce genre de pétition - d'une discussion qui doit avoir lieu entre les syndicats et le département, et ce n'est pas notre rôle, au Grand Conseil, de faire le travail du syndicat en allant nous-mêmes négocier avec le Conseil d'Etat. Ce n'est pas notre rôle. On a compris que oui, les syndicats... Puisque en plus, cette pétition émane encore et une fois de plus du Syndicat des services publics, qui, quand il n'arrive pas à se faire entendre, vient systématiquement demander l'avis de notre Grand Conseil. Encore une fois, ce n'est pas de notre ressort. Des discussions ont lieu de manière constante; chaque fois qu'on auditionne les conseillers d'Etat sur ces sujets, ils nous disent que les syndicats sont reçus, fort heureusement, d'année en année, cela fait partie du jeu des négociations. La majorité estime, encore une fois, que ce n'est pas du ressort du Grand Conseil d'intervenir dans les discussions syndicales. Je vous recommande donc le dépôt de cette pétition. Je vous remercie.
Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, présidente
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition est un cri d'alarme bienvenu, qui demande un signal politique pour augmenter les PAT (postes de personnel administratif et technique) lors des prochains budgets. Personnel administratif et technique, c'est une appellation un peu fausse, parce qu'elle recouvre des professions aussi diverses que les infirmiers scolaires, les conseillers en orientation, les secrétaires, les bibliothécaires, bref, tous ces postes au sein de l'école qui permettent de veiller à la santé des élèves et à leur capacité d'apprendre.
Vous le savez, ce n'est pas un scoop, la jeunesse va mal, le covid a fait des ravages: chez les jeunes femmes âgées de 10 à 24 ans, les troubles mentaux ou du comportement ont augmenté de 26% entre 2020 et 2021, et il y a des problèmes de déscolarisation. L'augmentation des effectifs crée une pression supplémentaire sur les enseignants. Si les postes d'enseignants ont suivi - il y a une progression mécanique (plus ou moins) de ceux-ci en fonction de la démographie -, malheureusement, pour ces postes cruciaux de personnel administratif et technique, on n'observe aucune augmentation, voire une régression: il y a moins de psychologues en 2022 qu'en 2020, il y a moins d'infirmières, moins de bibliothécaires et pas un poste d'assistant social en plus au cycle d'orientation et dans l'enseignement secondaire II.
Cette pétition lance un signal d'alarme, parce que si vous n'avez pas un encadrement de cette jeunesse et ces professionnels qui peuvent agir, il se trouve que ce sont les enseignants qui doivent le faire; or de plus en plus de professeurs se plaignent de ne tout simplement plus pouvoir enseigner. Ils se retrouvent à devoir régler des problèmes sociaux, familiaux, de réseau. Or, on l'a souvent entendu dans ce parlement, il y a une volonté que les enseignants soient dans leur classe, à enseigner. Malheureusement, ils ne peuvent plus le faire, parce qu'ils sont pris dans des situations sociales inextricables, ils doivent s'occuper de problèmes sociaux et d'intégration qui vont crescendo. Si on n'agit pas sur ces postes-là, évidemment, la situation va continuer à se détériorer. Quand vous avez un jeune qui plante un autre jeune à Thônex ou des bagarres, ce n'est pas un cas isolé, ce n'est pas un fait divers, c'est un problème structurel, mis en lumière à partir de limitations, au sein de l'école d'accueil, dans les soins, dans la prévention de ces situations-là.
Nous vous invitons donc à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, particulièrement à la nouvelle conseillère d'Etat chargée du DIP, qui saura, j'en suis certain, en faire un très bon usage, afin de pouvoir renforcer ces postes importants, cruciaux, et ainsi garantir à nos jeunes la capacité d'éducation qui leur revient. Merci.
M. Alexis Barbey (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, c'est un peu le retour de la PAT'Patrouille ! (Rires.) Je voudrais, au nom du PLR, m'élever contre cette dérive syndicale consistant à déposer des pétitions chaque fois qu'ils n'ont pas réussi à obtenir ce qu'ils voulaient dans le cadre de l'assemblée tripartite. C'est extrêmement dommageable, parce qu'arbitrer les problèmes qu'il peut y avoir entre un syndicat et un conseiller d'Etat ne fait pas partie des attributions de la commission des pétitions; or, nous sommes amenés à le faire en raison des pratiques de ces syndicats.
Quant au fond de cette pétition, il faut dire qu'il n'y a absolument aucun problème de personnel administratif et technique dans les écoles. (Commentaires.) J'en veux pour preuve le fait que la conseillère d'Etat chargée du DIP a déposé des demandes de postes d'enseignants pour suivre la courbe démographique des élèves, mais n'en a déposé aucune pour des postes de personnel administratif et technique. C'est donc qu'elle était satisfaite avec la dotation de ces postes à l'heure actuelle. Pour cette raison majoritairement et parce qu'il ne faut pas abuser du droit de pétition, mais utiliser les canaux d'influence qu'on a directement sur le Grand Conseil, le parti libéral-radical vous proposera de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme on l'a dit, cette pétition a l'avantage de mettre en lumière la forte charge de travail des établissements du secondaire I et II (cycle d'orientation et postobligatoire), une hausse des effectifs d'élèves, notamment au cycle d'orientation, liée à l'arrivée des élèves du primaire - on a vu cette croissance démographique qui arrive au cycle - et le manque de postes de PAT, essentiel pour la vie de l'école et des établissements, puisque c'est tout le personnel (comme des conseillers et conseillères d'orientation, des infirmiers et des infirmières, des psychologues, des secrétaires, des éducateurs et éducatrices, et encore beaucoup d'autres) qui gravite autour des enseignants et des élèves, et de cette microsociété qu'est l'école en général.
Effectivement, s'il n'y a pas une augmentation du personnel administratif et technique en fonction de l'augmentation du nombre d'élèves ou du personnel enseignant, cela crée un décalage, de facto. S'ajoutent à cela des jeunes qui sont davantage en souffrance, suite notamment à la crise du covid, mais pas seulement: on sait qu'il y a d'autres problématiques, liées peut-être à leur avenir, de l'anxiété, en lien avec l'écologie et à leur planète, et d'autres problématiques. S'ajoute aussi cette fameuse croissance démographique, qui, du coup, a permis au Conseil d'Etat de planifier cette croissance et de densifier certains cycles, de les agrandir, etc., pour accueillir tous ces élèves de primaire qui arrivent maintenant au secondaire.
Il s'agit donc d'un message d'alerte: si on continue ainsi - et je trouve très important que les syndicats fassent leur travail en alertant le parlement -, la situation risque de s'aggraver, puisque cela va à contresens dans les deux sens; l'écart s'agrandit et je pense que cela ne va aider ni les enseignants ni les élèves à bien étudier. La pétition demande juste que le Grand Conseil prenne la mesure de la détérioration des conditions de travail dans les établissements scolaires et qu'il comprenne l'urgence d'accorder suffisamment de postes. C'est donc un message pour les prochaines discussions budgétaires, mais ce sont aussi des cicatrices qui datent de 2020, quand il n'y avait pas eu suffisamment de postes accordés, même pour les enseignants, même en situation de croissance démographique. Il s'agit d'un message d'alerte, que je pense qu'on peut entendre, et d'une question très importante qu'on ne doit pas négliger. Merci de soutenir cette pétition et de la renvoyer au Conseil d'Etat !
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de minorité. Pour conclure, je regrette que ce débat ne soit pas allé au fond des choses. On a vu la droite, en tout cas le rapporteur de majorité et M. Barbey - vous transmettrez - qui disaient, en gros: «Cela vient des syndicats, cela ne nous intéresse pas.» Mais cela pourrait venir des directions, des parents d'élèves, de la moitié de la population qui se rend bien compte qu'il y a un problème grave aujourd'hui avec notre jeunesse, des problèmes de désaffiliation, de parents qui, du fait d'avoir des charges de travail trop lourdes, ont de la peine à assurer le suivi en termes d'éducation, une jeunesse livrée à elle-même dans certains quartiers, une crise générationnelle forte face à une société qui se trouve dans un moment de rupture puissante.
L'enjeu n'est pas de savoir si ce sont les syndicats ou je ne sais qui qui ont déposé la pétition, de grâce ! L'enjeu est de prendre conscience du fond, du fait qu'il y a une régression de ces postes essentiels d'éducateurs, d'infirmières, d'infirmiers, de psychologues. Pourquoi cette régression ? Parce que la magistrate précédente a dû grignoter ce qu'elle pouvait pour assurer le nombre d'enseignants face à l'augmentation du nombre d'élèves. Et pourquoi a-t-elle dû le faire ? Parce que ce parlement votait du bout des lèvres uniquement les augmentations du nombre de postes d'enseignants en disant: «On veut les profs dans les classes et on ne veut rien d'autre !» Mais vous ne pouvez pas faire tourner une école si vous n'avez pas une direction, si vous n'avez pas des secrétaires, si vous n'avez pas des convocations qui partent, toute une charge administrative essentielle. (Remarque.) Et si vous n'avez pas ces postes, ce sont les professeurs qui se retrouvent à le faire.
Il faut en prendre conscience. Renvoyer une pétition - qui n'a pas une puissance ahurissante, ce serait un signal pour Mme Hiltpold, une invitation à prendre conscience... Mais elle en a sûrement déjà conscience, elle doit se demander: «Comment vais-je faire mon budget si je n'arrive pas à avoir ces postes-là, qui sont essentiels ?» Il faut donner un signal politique et montrer aux enseignants et aux directeurs que ce parlement n'est pas coupé de la réalité et qu'il comprend ces problématiques de terrain. Une directrice pour 650 élèves, quatre groupes scolaires, un éducateur, pas de poste de psychologue - cela se passe aux Ouches: comment voulez-vous faire ? Comment voulez-vous que cette jeunesse puisse trouver les appuis dont elle a besoin dans certains quartiers ? Merci beaucoup pour le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat et pour votre écoute. (Commentaires.)
La présidente. Je vous remercie. (Remarque.) S'il vous plaît ! On parle quand on a la parole. Monsieur Stéphane Florey, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Personnellement, j'ai trouvé certains propos du rapporteur de minorité assez choquants: le drame de Thônex, qui est vraiment dramatique, j'insiste, n'a absolument rien à voir avec la question qui nous occupe aujourd'hui. Je trouve que c'est assez choquant de se servir de cela pour faire passer des augmentations de postes. (Commentaires.)
Le rôle de l'école n'est justement pas d'éduquer, comme l'a soutenu le rapporteur de minorité. L'école est là pour enseigner. Durant les dix années où Mme Torracinta a gouverné le DIP, elle n'a cessé de surmédicaliser l'école, ce à quoi une majorité de ce Grand Conseil était opposée, à savoir spécifiquement le PLR, l'UDC et le MCG, qui ont justement refusé cette médicalisation à outrance. C'est pour ça que, oui, des majorités se sont formées pour refuser systématiquement certains postes et axer l'école sur son rôle premier, à savoir enseigner. On enseigne avec des enseignants et non pas des psychologues, des médecins et des infirmières.
A titre personnel, j'espère que Mme Hiltpold, nouvellement élue, saura aller dans ce sens, en rationalisant l'école... (Remarque.) ...et en allant vraiment vers son but premier, à savoir d'enseigner, et je l'encourage fortement à aller dans ce sens-là et à nous proposer les budgets pour y arriver. Voilà. Je vous recommande donc fortement le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil pour toutes les raisons qui ont été expliquées ici. Merci.
La présidente. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous allons procéder au vote.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2162 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 53 oui contre 29 non (vote nominal).