République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 mars 2023 à 20h30
2e législature - 5e année - 11e session - 66e séance
RD 1504 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs, le traitement des urgences se poursuit avec les objets liés suivants: RD 1504 et M 2722-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Nicole Valiquer Grecuccio, à qui je cède la parole.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députées et députés, j'interviendrai brièvement sur ce rapport divers de la commission de contrôle de gestion étant donné, vous l'avez vu, qu'il a fait l'objet d'une communication étayée à la presse et qu'il a été adopté à l'unanimité de la commission de contrôle de gestion.
En préambule, j'aimerais remercier d'une part mes collègues Daniel Sormanni et Alexis Barbey qui ont travaillé avec moi au sein de la sous-commission, d'autre part les collaboratrices et collaborateurs du corps de police qui ont participé à nos travaux en faisant preuve d'énormément d'engagement. Nous avons recueilli en toute confiance des témoignages de policières et de policiers sur la réalité du terrain, et je tiens vraiment à les remercier pour cela.
Notre mission était de faire la lumière sur ce qu'on a appelé «l'affaire de Savatan» et la question du harcèlement durant la formation, mais très vite, nous nous sommes rendu compte qu'il fallait élargir la problématique et avons travaillé sur deux volets: la prévention du harcèlement au sein des forces de l'ordre et la féminisation du corps policier. En cela, nous avons essayé de donner corps à la réalité du terrain et de la faire remonter. Nous remercions le département ainsi que la commandante pour leur collaboration.
Je commenterai rapidement ces deux axes, puisque, comme je l'ai indiqué, le rapport a fait l'objet d'une communication et de recommandations, donc on ne va pas utiliser plus de temps que nécessaire. Cela étant, ce sujet mérite qu'on y accorde un minimum d'attention eu égard aux réponses qui nous ont été fournies par les personnes auditionnées.
La question de la prévention du harcèlement est importante, et nous saluons à cet égard les efforts déployés par la police, qui a lancé un sondage auprès de ses collaboratrices et collaborateurs afin de mesurer l'existence du harcèlement sous des manifestations diverses allant des propos sexistes jusqu'à des formes sévères de comportements inopportuns. La police s'est emparée de cette problématique et a considéré, au vu des résultats de l'enquête, que ces attitudes existaient. Nous avons nous-mêmes constaté qu'elles existaient à différents degrés et que tout résidait dans la prévention. Nous saluons le travail réalisé par le département des finances et Mme Fontanet sur ce sujet: la politique de prévention du harcèlement a vraiment été prise à bras-le-corps, tant par la commandante que par le département. Nous souhaitons d'ailleurs que le sondage puisse être reconduit dans d'autres départements.
Quant à la féminisation du corps de police, c'est également un enjeu d'importance, car on remarque que quand on parvient à un taux de 30% du sexe sous-représenté, c'est-à-dire de femmes, eh bien les mentalités sexistes vont en diminuant. La féminisation des forces de l'ordre permettra de répondre non seulement au problème du harcèlement, mais aussi à celui du recrutement. En effet, comme les statistiques le montrent, à terme, il manquera énormément de personnel, donc la police a tout intérêt à augmenter le nombre de femmes dans ses rangs.
La problématique touche par ailleurs le temps partiel: si celui-ci n'était sollicité que de manière très marginale entre 2016 et 2020 - trois à quatre demandes par an -, depuis 2020, ces requêtes ne se comptent plus à l'année, mais mensuellement. Octroyer des temps partiels constitue une manière d'entendre les besoins liés à la qualité de vie, non seulement des policières, mais aussi des policiers.
Nous avons formulé différentes recommandations sur lesquelles je ne reviendrai pas au vu du temps qui nous est imparti, mais je souhaite vraiment souligner l'articulation qu'il est nécessaire d'opérer entre prévention du harcèlement et féminisation d'un corps professionnel. A signaler également que toutes les mesures que nous préconisons sont en lien avec celles proposées par les personnes sur le terrain. Mesdames et Messieurs, je vous invite à approuver ces recommandations qui, toutes, ont été adoptées par l'ensemble des membres de la commission de contrôle de gestion. Merci de votre attention.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais remercier Mme Valiquer pour son excellent rapport et souligner que la commission de contrôle de gestion a une nouvelle façon d'appréhender les dossiers puisque, depuis quelques années, on crée des sous-commissions «d'enquête», entre guillemets, sur des sujets qui nous paraissent importants. Il s'agit d'un travail extrêmement long et difficile, généralement effectué par trois députés ou députées, mais qui permet d'aller dans les détails de manière beaucoup plus souple que si on créait une commission d'enquête parlementaire du Grand Conseil.
Nous avons discuté de nombreuses thématiques, trois d'entre elles seront abordées ce soir. Ce sont des sujets d'importance qui montrent qu'on peut réaliser du bon travail avec une attitude non pas négative, mais positive et poser des jalons pour que les choses changent dans le bon sens.
Concernant l'objet qui nous intéresse ici sur le problème du harcèlement au sein de la police, il est essentiel à nos yeux, comme l'a relevé Mme Valiquer, d'opérer une féminisation des forces de l'ordre, que de plus en plus de femmes rejoignent leurs rangs. L'armée suisse aussi connaît des problématiques de ce type, on a entendu que la conseillère fédérale avait dû gérer des attitudes inadéquates vis-à-vis de femmes qui voulaient faire l'armée. Il est fondamental d'avoir des femmes au sein de la police, parce que ça apporte beaucoup - comme dans n'importe quel métier, évidemment, mais c'est particulièrement le cas dans la police.
En l'occurrence, il y a eu une bonne écoute du corps de police et de Mme la commandante, qui s'est montrée très ouverte à nos discussions. C'est un excellent rapport que je vous invite à approuver, Mesdames et Messieurs, et je vous demande en revanche de rejeter la proposition de motion qui y est associée. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas commenter longuement ce rapport, puisqu'il a été très bien présenté par Mme Valiquer et que la presse s'en est déjà fait l'écho. Les Vertes et les Verts l'ont voté en commission et nous le soutiendrons également ce soir.
Ce qui nous importe, au sein de la commission, c'est que les recommandations soient appliquées au plus vite. Un cas de discrimination a encore été mis en évidence par la presse il y a quelques jours. Nous avons donc demandé l'urgence afin que ce rapport ne soit pas renvoyé aux calendes de la prochaine législature. (Remarque.) Pas du tout ! En tant qu'actuel président de la commission de contrôle de gestion, j'aimerais saluer les membres de la sous-commission - comme ceux de toutes les sous-commissions - pour le travail minutieux qui a été fourni et les conclusions qui ont été présentées.
Au sujet des recommandations, ce qui compte pour nous, je le répète, c'est leur mise en oeuvre. J'aimerais juste relever un ou deux éléments. D'une part, ce qui est important, ce n'est pas d'éteindre les incendies, mais de généraliser les mesures de prévention - c'est d'ailleurs relevé dans le rapport. D'autre part, il convient d'améliorer les dispositifs d'alerte s'agissant des situations de harcèlement, notamment de disposer de locaux plus adaptés aux consultations et de recourir à des mandataires externes.
La féminisation du corps de police a déjà été évoquée. Ce qui n'a peut-être pas été indiqué, c'est que nous souhaitons que ce processus ait lieu à tous les grades, pas seulement aux premiers grades ou pour les personnes qui entrent dans la police. Et enfin, cela a déjà été relevé, il faut de meilleures options de travail à temps partiel, ce qui bénéficiera à la fois aux femmes et aux hommes.
Pour ce qui est de la proposition de motion, le rapport divers y répond certes, mais à notre avis, ce n'est pas une raison pour la rejeter, car elle a servi de déclencheur aux travaux; nous nous abstiendrons donc à son sujet. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Alexis Barbey (PLR). Je ne vais pas répéter les très bons propos de Mme Valiquer sur ce rapport divers et sur l'enquête de la commission de contrôle de gestion. J'aimerais juste relever deux petits éléments.
Le premier point qui me paraît important concerne les possibilités de recours des policières et des policiers qui se sentent harcelés d'une manière ou d'une autre. On s'aperçoit qu'à la police, il existe de nombreuses voies permettant de faire aboutir des réclamations: il y a la hiérarchie, naturellement, mais aussi l'organe de médiation de la police, le Groupe de confiance - qui est destiné à l'ensemble de l'Etat - de même que le service psychosocial de la police.
Il est fondamental de disposer de ces différents organes, parce que dans un monde comme celui de la police, si la plainte hiérarchique ne fonctionne pas, il règne un esprit de corps qui fait qu'on n'ose pas s'adresser à des personnes extérieures. C'est donc uniquement en laissant un maximum de choix aux gens pour chercher de l'aide, en leur offrant cette diversité qu'on parviendra à un résultat.
La deuxième chose que je voulais souligner, c'est que la sous-commission de la commission de contrôle de gestion sur le harcèlement au sein de la police a auditionné énormément de monde de tout rang, de tout genre, et l'impression que ces policiers m'ont laissée, à moi qui en étais membre, c'est qu'ils étaient tout à la fois bien informés, ouverts d'esprit, modernistes dans leur vision et très respectueux du cadre hiérarchique. L'image de la police qui s'en est dégagée, à travers l'ouverture dont ont fait preuve les différentes personnes qui ont participé à l'enquête, eh bien c'est une police prête à affronter les changements de demain, et je tiens à les en féliciter.
Au nom du PLR, Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'accepter ce rapport divers et, en revanche, de refuser la proposition de motion 2722 qui a eu le mérite de poser les problèmes sur la table, mais dont le ton est un peu clivant et qui, à elle toute seule, n'aurait pas permis de dresser un portrait du harcèlement à la police tel qu'effectué dans le cadre du rapport divers. Aussi, je vous propose - enfin, le PLR vous propose - de la rejeter. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je remercie également la présidente de la sous-commission, la rapporteuse de ce soir pour l'excellente synthèse du travail réalisé dans le cadre de cette sous-commission à laquelle j'ai participé. Ce n'était pas facile, nous avons mené de nombreuses auditions qui se sont révélées nécessaires, parce qu'elles nous ont permis de prendre le pouls, en quelque sorte, des différentes situations et de nous montrer réalistes dans les conclusions de ce rapport divers, que mon groupe approuvera évidemment.
Incontestablement, il en ressort qu'il est important de féminiser davantage le corps de police, car cela favorise l'intégration. On peut remercier la commandante, les cadres de la police et tous ceux qui sont venus s'exprimer tout à fait ouvertement à la commission. Nous avons ainsi pu déterminer où se situaient les soucis, voire les problèmes, mais aussi constater que les choses avaient déjà été prises en main avant que nous commencions à travailler via des enquêtes, via un certain nombre de mesures - il y a le service psychosocial de la police auprès duquel il est possible de s'annoncer, mais ce n'est pas la seule voie -, et je pense que désormais, on va aller dans la bonne direction.
Ce rapport a été accueilli favorablement par le Conseil d'Etat, donc merci au magistrat de l'avoir accepté et de mettre en oeuvre les recommandations formulées. Enfin, même si la proposition de motion 2722 a servi de déclencheur à la création d'une sous-commission, ses termes sont excessifs et nous vous invitons à la rejeter, mais à approuver les conclusions du RD. Je vous remercie.
M. Thomas Bläsi (UDC). J'aimerais associer la voix de notre parti aux remerciements pour ce rapport que nous soutiendrons bien entendu. Comme mon préopinant, le groupe UDC ne votera pas non plus la proposition de motion, estimant qu'un certain nombre de choses qu'elle affirme ne sont pas réelles, du moins pas le reflet de la vérité.
La féminisation du corps de police est un sujet qui a été beaucoup évoqué lors des travaux de commission. Il nous a été expliqué que passé un certain taux de femmes dans un corps constitué, les situations de harcèlement diminuent d'elles-mêmes ou ont tendance à disparaître, donc qu'il faut une représentation féminine suffisante pour parvenir à un équilibre et éviter ce genre de déviance.
Il est important de relever que l'impact du titre du rapport et des différents objets examinés est beaucoup plus fort sur la population ou sur ceux qui les lisent que la réalité que nous avons pu constater au sein du corps de police. Il y a certes eu quelques cas, mais il conviendrait de les mettre en balance avec d'autres corps de métier dans lesquels règne une sorte de secret autour de ce sujet. On voit bien qu'au sein de la police, cela n'a pas été le cas, il n'y a pas eu d'omerta: des enquêtes ont été menées sur un nombre de cas extrêmement limité, des mesures ont été prises pour que les collaboratrices de la police puissent se sentir à l'aise dans leur travail et avec leurs collègues. Le groupe UDC soutiendra les conclusions du rapport et rejettera la proposition de motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, étant donné que le rapport de la commission de contrôle de gestion permet de répondre aux invites de la proposition de motion 2722, le groupe socialiste la retire en remerciant la commission de contrôle de gestion pour son travail.
La proposition de motion 2722 est retirée par ses auteurs.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie à mon tour la commission de contrôle de gestion et sa sous-commission pour le travail effectué sur ce sujet ainsi que Mme Valiquer Grecuccio pour son rapport. Ce sont en effet des travaux conséquents qui ont été menés, avec pour point de départ un fait divers publié dans le quotidien «Le Temps» - c'était le 5 octobre 2020. Rapidement, deux propositions de motions ont été déposées.
Nous nous sommes rendu compte que cela ne concernait pas vraiment le fait divers en question ou la police genevoise. Néanmoins, on le sait, les cas de sexisme et parfois aussi de harcèlement sont malheureusement un problème réel; s'il est réel partout dans le monde du travail, il l'est peut-être davantage dans des fonctions traditionnellement occupées par des hommes qui, pour certains, ont vu l'arrivée du sexe féminin avec une certaine réticence.
Il est vrai que plus la police se féminisera, plus ces comportements diminueront, donc il faut féminiser le corps de police tout comme la profession d'agent de détention, mais c'est plus facile à dire qu'à faire. Il s'agit de créer des vocations, et ce n'est pas toujours simple. En effet, ce qui constitue une réalité dans ces rangs l'est aussi dans la société, à savoir que ce n'est pas forcément - encore - dans ces métiers que se projettent les femmes. Mais les choses changent de plus en plus, heureusement, et le travail réalisé dans ce sens par la police est admirable, qui démontre que ces fonctions peuvent parfaitement - et ce, dans tous les sens du terme - être exercées par des femmes. A cet égard, je ne peux que saluer le travail accompli dans cette perspective.
Sur les deux propositions de motions, l'une a donné lieu à ce rapport divers, l'autre... Oui, à l'origine, il y avait deux propositions de motions: la M 2723 et la M 2722. Voilà pourquoi... (Remarque.) Résolution ? Ah ! Mes documents indiquent qu'il s'agissait initialement d'une motion, alors peut-être était-ce une résolution - si vous le dites, vous avez certainement raison. Quoi qu'il en soit, j'ai bien entendu qu'en ce qui concerne la seconde, il vous est proposé de la rejeter; le Conseil d'Etat va également dans ce sens. Il est vrai que les propos qui y sont tenus - enfin, les termes qui y sont utilisés - sont brutaux et ne correspondent pas à l'action déployée, et celle-ci ne l'a pas été sous l'impulsion ou la pression de l'enquête menée par la sous-commission.
Toutefois, il s'agit d'une réaction salutaire qui se produit dans tous les services de l'Etat, et ma collègue Nathalie Fontanet excelle dans l'incitation à poser les bonnes questions dans ce domaine. La police travaille conjointement avec l'office du personnel de l'Etat et le Groupe de confiance pour lutter contre le harcèlement qui, malheureusement, est parfois encore une réalité, mais qui est toujours sanctionné. En effet, nous appliquons une tolérance zéro en la matière: en tant que chef du département, je peux vous garantir, s'agissant des cas qui nous remontent, que nous ne faisons preuve d'aucune tolérance, et nous nous en réjouissons.
Il faut maintenant continuer à avancer. Ce rapport donne une impulsion, vous l'avez dit, peut-être faudrait-il effectuer le sondage ailleurs pour que les gens puissent s'exprimer et qu'on brise ce que l'on appelle l'omerta; le terme est sans doute un peu fort, mais il est vrai que ce n'est pas quelque chose que l'on reconnaît volontiers dans les services et les offices lorsque cela se produit, parce que ce n'est évidemment pas glorieux, c'est même tout le contraire. Ainsi, le fait de libérer la parole est indispensable pour lutter contre ce phénomène. Merci pour votre travail, nous en tiendrons compte et poursuivrons les efforts entrepris dans ce contexte.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous procédons au vote sur le RD 1504.
Mis aux voix, le rapport divers 1504 est approuvé et ses recommandations sont transmises au Conseil d'Etat par 81 oui (unanimité des votants) (vote nominal).