République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 mars 2023 à 18h
2e législature - 5e année - 10e session - 64e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, et Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Thomas Bläsi, Emmanuel Deonna, Serge Hiltpold, Badia Luthi, Xavier Magnin, Sandro Pistis, Patrick Saudan, Salika Wenger et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Alia Chaker Mangeat, Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Aude Martenot, Philippe Perrenoud, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous continuons le traitement des urgences avec la R 1013, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Je laisse la parole au premier signataire, M. Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Comme nous le savons tous, la loi 12521 a été adoptée par ce Grand Conseil le 3 novembre dernier, puis promulguée par le Conseil d'Etat le 22 décembre. Notre projet de loi - et donc la loi votée - indiquait clairement, dans le commentaire de son article 6: «La gendarmerie constitue le corps intégrant les missions de la police de secours, de proximité, routière et internationale, lesquelles ne sont plus des services», était-il précisé, «(avec toute la lourdeur administrative qui en découle à ce jour: états-majors pléthoriques, etc.), mais des missions.» Voilà comment était formulé le commentaire de l'article 6. Les dispositions transitoires donnaient au Conseil d'Etat un délai au 1er juin pour réorganiser la police dans ce sens.
Notre texte de loi avait placé au centre du débat public et des travaux de commission la suppression des silos, c'est-à-dire l'hyperspécialisation des tâches de police qui tend à vider cette profession de son caractère citoyen polyvalent. Or le gouvernement a édicté, en même temps qu'il promulguait la loi, un règlement sur l'organisation de la police qui viole frontalement celle-ci, puisqu'il maintient un fonctionnement où chaque mission est affectée non plus à un service distinct, mais à une unité spécifique. Autant dire qu'on change de mot pour que tout reste comme avant.
C'est le rôle du Grand Conseil d'exercer la haute surveillance sur le Conseil d'Etat et, par conséquent, ce soir, nous ne pouvons pas nous déresponsabiliser par rapport à une violation flagrante de la loi que nous avons acceptée de la part de l'exécutif, nous ne pouvons pas laisser les syndicats de police saisir la justice pour contester ce règlement sans, de notre côté, en tant que pouvoir législatif, signaler au gouvernement qu'il doit réviser sa copie et qu'il a jusqu'au 1er juin pour mettre en place un règlement respectant la loi. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous invite à soutenir cette proposition de résolution. Merci. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Je vais certainement paraphraser quelque peu M. Batou. Nous nous trouvons dans une situation particulière qui, de mémoire de jeune député, ne me rappelle aucun événement similaire. Le 3 novembre dernier, nous avons voté une nouvelle loi sur l'organisation de la police contre l'avis du Conseil d'Etat, et celui-ci a tout de même promulgué ce texte le 22 décembre. Mais, pratiquement le même jour, il adoptait un règlement totalement contraire à cette loi et les publiait tous deux dans la FAO le 23 décembre.
Je comprends bien que le gouvernement ait été extrêmement ulcéré par ce que nous avons commis contre lui et que cette façon de procéder constitue en quelque sorte une réponse du berger à la bergère, mais, Monsieur le conseiller d'Etat, la bergère est très fâchée, elle aussi; la bergère, c'est nous. C'est la raison pour laquelle nous vous adressons cette proposition de résolution: nous vous demandons de réparer ce que vous avez fait à la bergère en édictant un règlement qui ne contredise pas la loi.
Vous avez choisi la confrontation, vous avez décidé, par voie réglementaire, via ce règlement que vous avez publié le même jour que la promulgation de la loi, de maintenir l'organisation de la police en silos ainsi que la hiérarchie pléthorique - certains disent «mexicaine» - qu'elle induit, toutes choses que nous avions supprimées le 3 novembre. Il s'agit là d'une violation flagrante et indigne des principes de la séparation des pouvoirs, mais surtout de la bonne foi.
Nous vous invitons dès lors, par le biais de cette résolution élégante et polie, à mettre le règlement sur l'organisation de la police en conformité avec la loi que nous avons votée ici contre votre opinion. Voilà, j'espère que le message de la bergère au berger sera entendu et qu'une fois cette résolution validée, vous établirez un nouveau règlement conforme à la loi que nous vous avons portée le 3 novembre. Merci. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, au cours de mes treize ans et demi de présence dans ce parlement, d'excellents projets de lois ont été discutés, voire disputés, certains acceptés, d'autres pas. Mais ce que j'ai surtout appris au cours de ces trois législatures, souvent grâce à des décisions de tribunaux suite à des recours, c'est que quand des règlements édictés par le Conseil d'Etat ne s'appuient pas sur une base légale solide, ils sont retoqués, refusés, ils doivent être refaits.
Ce qui se passe est dommage. Je sais que nous sommes en opposition avec le gouvernement par rapport à la loi 12521, mais elle a été votée: l'expression démocratique que nous représentons - que nous ne représenterons peut-être plus dans quelques jours - s'est clairement manifestée par une majorité incontestable. Même si ça ne plaît pas à tout le monde, dans notre démocratie, la démocratie du consensus, les votes majoritaires prédominent, et le Conseil d'Etat doit s'y soumettre.
Nous n'avons pas agi en catimini, ça n'a pas été décidé dans son dos, le but n'était pas de porter ombrage à qui que ce soit, mais simplement de revoir une organisation dont la mise en oeuvre a montré qu'elle ne fonctionnait pas, qu'elle fonctionnait mal, qu'elle engendrait non seulement des problèmes, mais aussi une insatisfaction par rapport à toutes les interventions que la police doit faire auprès du public. Sur cette base, l'Union démocratique du centre se joint à cette proposition de résolution et demande au Conseil d'Etat - j'allais dire «pour une fois», non: comme la constitution l'exige - qu'il se conforme aux décisions prises par ce Grand Conseil. Je vous remercie.
Mme Xhevrie Osmani (S). Comme cela a été rappelé, à la fin de l'année dernière, une nouvelle mouture de la LPol a été votée par la majorité des partis ici présents, suite à presque quatre années de travaux en commission. Le rapport conséquent que j'ai défendu à cette occasion montre l'ampleur du travail déployé pour parvenir à un retour de la gendarmerie à Genève en mettant fin à un système éprouvé et désapprouvé par la police.
Dès lors, la question qui se pose est plus que légitime: comment l'esprit de la loi a-t-il pu être retranscrit différemment dans le règlement d'application ? A la lecture de ce dernier, on constate que les unités établies - que l'on appelle ainsi aujourd'hui, mais qui hier constituaient des services - ne respectent pas l'organisation de la police que nous avons décidée en instituant le principe du policier polyvalent en lieu et place d'une politique des silos. Je n'entrerai pas dans les détails et laisserai ces questions en suspens; elles sont assumées par mon groupe.
Si, ne serait-ce qu'un instant, le département a douté que la loi telle qu'adoptée corresponde à l'esprit dans lequel nous, législateur, l'avons rédigée, pourquoi ne s'est-il pas manifesté pour faire respecter cette volonté ? C'est ce qu'on pourrait attendre d'un Conseil d'Etat responsable, et si tel est son raisonnement, compte-t-il corriger le tir pour concrétiser le souhait du parlement en déposant un projet de loi ? Ce qui est à déplorer aussi, c'est le manque d'attitude proactive du gouvernement et, cela a été relevé, le peu de consultation et d'ouverture dont il a fait preuve avec les partenaires dans l'élaboration du règlement. A défaut de réponse de sa part, nous voterons favorablement cette proposition de résolution. Merci. (Applaudissements.)
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je constate que le bal des courbettes devant les syndicats de la police se poursuit... (Protestations.) ...en cette période électorale, on continue de voir les mêmes laquais de ces syndicats venir pleurnicher parce que le règlement, cette fois-ci, ne leur convient pas. Je doute fort que ces personnes aient procédé à une analyse juridique sérieuse de la conformité du nouveau règlement à la loi inique qui a été adoptée il y a quelques mois, une loi qui comporte «Desfayes» ! (Exclamations. Rires.)
Une voix. Joli !
M. Murat-Julian Alder. Mais surtout, Mesdames et Messieurs, j'ai envie de vous dire qu'il s'agit là d'une résolution, et vous savez très bien avec quelle force, avec quelle vigueur le Conseil d'Etat pourra s'asseoir dessus.
Et vous savez qui va s'asseoir dessus également ? Les juges qui ont été saisis du recours déposé contre ce nouveau règlement. Les juges ne sont pas liés par les considérations politiques qui ont été entendues ici, ils pratiqueront un examen juridique de fond sur cette question; un résultat sous la forme d'un jugement sera rendu, jugement qui pourra lui-même faire l'objet d'un recours, on n'en sait encore rien à ce stade, mais laissons la justice accomplir son travail, laissons l'autorité judiciaire régler cette affaire sans interférer. Cela s'appelle le principe de la séparation des pouvoirs, cela s'appelle le respect des institutions, et quelle que soit la décision que les juges prendront, nous la respecterons, dans un sens comme dans un autre. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe PLR s'opposera à cette proposition de résolution. (Applaudissements.)
M. Sébastien Desfayes (PDC). J'ai de plus en plus de peine à fermer ma veste, ce sont les années qui passent ! Mesdames et Messieurs, je connais Murat Alder de très longue date, il possède de nombreuses qualités, mais ce soir, nous apprenons de surcroît qu'il est drôle ! (Exclamations.) Il a évoqué les laquais des syndicats de la police, des mots qui ne sont pas tout à fait dignes de sa personne, mais peu importe. En tout cas, le groupe PDC-Le Centre ne se sent pas visé, vous verrez tout simplement notre prise de position sur le prochain objet.
Plaire ou déplaire à une corporation n'a jamais été notre but; notre objectif, en l'occurrence, est de servir le bien commun. Peut-être que peu de partis s'intéressent à la sécurité, mais pour notre part, au contraire, nous considérons que la sécurité constitue l'un des grands enjeux pour Genève ces prochaines années. Pour vous en convaincre, il suffit de consulter les chiffres du Tribunal des mineurs: en quatre ans, une augmentation de 100% des crimes et des délits ! Observez aussi ce qui se passe dans les pays voisins; la Suisse ne sera pas épargnée par une hausse de la criminalité. Pour relever ces défis, pour y faire face, nous avons besoin d'une police bien formée, d'une police organisée, d'une police motivée. C'est uniquement dans cet esprit-là que nous avons voté la révision de la LPol, que nous avons fait sauter les silos qui conduisaient à un excès de hiérarchie.
Allez regarder, par exemple sur Smartvote, la réponse des députés PLR à la question: voulez-vous plus d'agents sur le terrain ? Tous répondent oui. Or comment accroître la présence policière sur le terrain ? Eh bien tout simplement en mettant fin à ce ruissellement bureaucratique, à ces armées mexicaines qui ne font que compliquer la tâche des policières et des policiers.
On peut s'interroger: pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas voulu respecter la volonté du parlement ? Certaines langues diraient que le Conseil d'Etat - ou le conseiller d'Etat, en l'occurrence - a préféré choisir l'épreuve de force. Ce n'est pas mon point de vue. A mon sens, dans l'exercice de son pouvoir, on va dire, solitaire, le magistrat Mauro Poggia s'est retrouvé bien isolé, dépendant de la hiérarchie... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et peut-être que, pour lui faire plaisir, il a cédé à ses doléances.
Un deuxième point est tout aussi important et a finalement été admis, quand bien même on l'a nié pendant l'essentiel des travaux parlementaires, c'est que la «lex Maudet» a créé un nombre extrêmement important de nouilles et de spaghettis...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Sébastien Desfayes. ...c'est-à-dire de gradés, et qu'il a fallu les recaser par le biais de ces unités, par la création de nouveaux silos. Mesdames et Messieurs, chers amis députés...
Le président. C'est terminé...
M. Sébastien Desfayes. ...le but de la hiérarchie est de servir la police, donc la population...
Le président. C'est fini, Monsieur le député !
M. Sébastien Desfayes. ...et pas le contraire, raison pour laquelle le groupe PDC-Le Centre soutiendra cette proposition de résolution. Merci. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). Les laquais des syndicats ! J'apprécie beaucoup l'humour de Murat Alder, qui reprend d'ailleurs une terminologie un peu fanée, normalement plutôt pratiquée à ma droite, c'est-à-dire par les membres de l'extrême gauche de ce parlement, lesquels ont reconnu et reconnaissent aussi votre humour, Monsieur Murat Alder - vous transmettrez, Monsieur le président. Mais si, parce que nous entendons les revendications justes des policiers, qui font partie de notre population, si pour cette raison-là nous leur servons de laquais, eh bien je vous le dis: je l'assume. Je pense d'ailleurs que la majorité de ce Grand Conseil qui a voté la nouvelle loi sur la police l'assume tout à fait. Et c'est au moins aussi honorable que d'être un cabot, sinon un cabotin, au service du Conseil d'Etat. Merci.
M. François Baertschi (MCG). En 2014, le MCG s'est engagé contre le démantèlement de la police genevoise en lançant un référendum contre la LPol, laquelle a démembré et affaibli nos forces de l'ordre. A cette époque, le PLR, uni au PDC, aux Verts et au PS, avait permis à cette loi et à ses silos d'être acceptés à une majorité de 57 oui. Si ces partis avaient eu le bon réflexe de voter contre cette réforme, nous n'en serions pas là. Il est piquant d'observer aujourd'hui les mêmes groupes s'attaquer à une organisation à laquelle ils ont contribué de manière déterminante. Le MCG maintiendra sa position en s'opposant au fonctionnement de la police en silos, donc soutiendra cette proposition de résolution, mais ne peut s'empêcher de relever que sans le vote de 2014, nous n'aurions pas à examiner cette question.
Nous sommes par ailleurs surpris d'entendre le parti de l'auteur de la résolution (Ensemble à Gauche) réclamer une défense intransigeante de la loi. En parallèle, la même extrême gauche viole la loi avec la même intransigeance en s'impliquant directement dans une manifestation non autorisée et dans l'occupation illégale d'un immeuble avec, en prime, une offensive violente à l'encontre des policiers. Pour l'extrême gauche, c'est tout et son contraire: défense et attaque de la police, respect et non-respect de la loi. Cela étant, le MCG votera cette proposition de résolution, parce que nous sommes fidèles à notre politique menée depuis le début.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Jean Batou, je vous rends la parole pour trois minutes.
M. Jean Batou (EAG). Pour combien de temps ?
Le président. Trois minutes.
M. Jean Batou. Trois minutes, d'accord. Merci, Monsieur le président. Un parti qui se respecte - vous transmettrez à M. Baertschi - tend à concilier sa position avec celle du magistrat qu'il a porté au Conseil d'Etat. Je suis très surpris de constater que le principal ennemi de la loi que j'ai eu le plaisir d'élaborer et que vous avez soutenue - cette loi que nous avons votée ici au Grand Conseil - est votre conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia ! Il l'a combattue par tous les moyens, notamment dans la presse.
Il a également menacé la commission judiciaire et de la police de geler ses travaux. Dans une lettre, il a écrit: «Le Conseil d'Etat va suspendre votre décision présumée, nous reviendrons avec un autre projet.» J'ai dû rappeler, par une missive adressée à tous les conseillers d'Etat, qu'il n'est pas de la compétence de l'exécutif, même d'un ministre qui a dirigé Genève dans le cadre de la lutte contre le covid, de s'attribuer le rôle de président de la république et d'invoquer un article - je ne sais plus lequel - permettant d'ajourner la décision d'une commission parlementaire. Nous sommes allés jusqu'au bout du processus, vous avez voté avec nous et maintenant, je demande simplement que la loi soit appliquée !
Par ailleurs, je m'étonne qu'un avocat comme M. Alder - vous transmettrez, Monsieur le président -, qui a par ailleurs été membre de la Constituante, puisse soutenir ici que le Conseil d'Etat va s'asseoir sur une résolution du Grand Conseil. Le gouvernement devrait respecter non seulement une résolution du parlement, mais surtout le vote d'une loi; si ce n'est plus le cas, nous pouvons tous plier bagage et rentrer à la maison. Quand bien même le Conseil d'Etat pourrait s'asseoir sur une résolution, cela m'étonnerait qu'il puisse s'asseoir sur une loi; si c'est le cas, alors il peut tout aussi bien s'asseoir sur une initiative populaire et, demain, décréter la république bananière du Conseil d'Etat ! Je pense que nous tous, que nous soyons sur les bancs de droite ou de gauche, devons faire respecter l'Etat de droit. Dans ce sens, j'appelle ce Grand Conseil à approuver cette résolution et le Conseil d'Etat à ne pas s'asseoir dessus. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole retourne à M. Murat-Julian Alder pour une minute vingt.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président. Vous prierez M. Batou de rester assis pour l'occasion. Je n'ai jamais soutenu que le Conseil d'Etat pouvait s'asseoir sur une loi, j'ai relevé qu'il pouvait s'asseoir sur une résolution pour une raison très simple, c'est que ce genre de texte n'est pas contraignant. En l'occurrence, la présente proposition de résolution a une portée tout au plus déclamatoire, mais n'est contraignante ni pour le gouvernement ni pour les juges qui ont été saisis du recours déposé. A aucun moment je n'ai dit que le règlement était conforme ou contraire à la loi; il s'agit d'une question strictement juridique, et nous n'avons pas à en faire un enjeu politique. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons à cette proposition de résolution.
Une voix. Très bien.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Jean Burgermeister, il vous reste quinze secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président, mais j'aurais besoin d'un peu plus de temps pour répondre à M. Baertschi...
Des voix. Non !
M. Jean Burgermeister. ...qui m'a accusé de ne pas respecter la loi pour avoir participé à une manifestation dans le cadre de laquelle j'ai été matraqué.
Le président. Je n'ai pas entendu que vous ayez été nommément cité, Monsieur le député.
Une voix. Mais si !
M. Jean Burgermeister. Il me semble, Monsieur le président, que c'était parfaitement clair pour tout le monde.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. Monsieur le président, c'était parfaitement évident pour tout le monde !
Le président. Non.
M. Jean Burgermeister. Or cela participe à une conception démocratique quelque peu discutable...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Pour conclure, je passe la parole à M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ainsi donc, la gauche combative autoproclamée dépose une proposition de résolution à l'attention du Conseil d'Etat - celle-là même qui défile avec des calicots sur lesquels il est inscrit: «Moins de flics !» - afin de venir au secours de la police. Peut-être qu'il s'agit de camarades de jeu que l'on veut maintenir totalement efficaces pour pouvoir continuer, de son côté, à braver les limites de la légalité, comme cela est fait régulièrement, comme cela a encore été fait tout récemment ?
Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs, on prête au Conseil d'Etat et singulièrement à votre serviteur une mentalité revancharde: il essaierait de revenir par la fenêtre alors qu'on lui avait dit de sortir par la porte et réétablirait, au moyen d'un règlement, ce que la loi lui interdit de faire. Excusez-moi, cet après-midi même, j'ai signé un mémoire adressé à la Chambre administrative, qui a été saisie pour une prétendue non-légalité du règlement adopté, et l'autorité judiciaire décidera si le règlement contesté est conforme à la loi ou non.
Vous savez, Mesdames et Messieurs, le problème n'est pas tant que j'aie tort ou raison, cela m'indiffère, ma personnalité dans ce débat est totalement accessoire et marginale. Ce qui m'importe, c'est que notre police puisse continuer à remplir ses missions. On a créé deux entités distinctes alors qu'il n'y en avait qu'une - il y a maintenant un corps de gendarmerie et un corps de police judiciaire qui sont totalement hermétiques - et considéré que seule la commandante doit être au-dessus d'eux.
Ladite commandante est actuellement en vacances. Pour ne prendre qu'un exemple d'actualité, la semaine dernière, vous l'avez appris, il y a eu des informations quant à une possible menace terroriste; qui aurait dû mettre en place les dispositifs nécessaires de protection de la population ? Le chef de la gendarmerie ? Non, cela concerne également le renseignement et toute l'activité de la police judiciaire. Le chef de la police judiciaire ? Non, bien sûr que non, puisque la gendarmerie doit intervenir en masse pour des situations de ce type. Vous voyez bien qu'il faut quelqu'un au-dessus. Vous ne voulez plus de chef des opérations, mais il faut bien que la commandante, lorsqu'elle n'est pas là - on peut tout de même lui accorder quelques heures de repos journalier -, puisse être remplacée par une autre personne.
Nous avons donc décidé qu'il fallait un adjoint, comme il en existe ailleurs: il y a par exemple une directrice adjointe à l'office cantonal de la détention, précisément pour que le département puisse réagir dans certaines situations se présentant le week-end ou durant les vacances, lorsque le directeur de l'OCD est absent. On vient nous dire que c'est illégal; ce n'est pas illégal, la loi n'interdit pas d'instituer un remplaçant à la commandante. Un tel système existe dans d'autres cantons, notamment dans celui de Vaud.
En ce qui concerne la gendarmerie, alors il faut un policier polyvalent: tout le monde fait tout, mais personne ne fait rien et surtout personne ne commande ceux qui doivent tout faire. Finalement, chacun décide le matin en arrivant quelle sera sa mission du jour: est-ce que je vais faire de la police routière ? Ah non, j'en ai déjà fait hier. Et toi, qu'est-ce que tu choisis ? Allons d'abord boire un café, et puis on verra. Non, mais j'entends, ce n'est pas sérieux.
On a certes supprimé les services, mais dans la gendarmerie d'antan, de bien avant la LPol de M. Maudet, puisque c'est ainsi qu'on l'a estampillée, il y avait des unités. Nous avons tout simplement rétabli ces unités. Cela n'empêche pas la mobilité interne afin de se concentrer sur des priorités, mais il faut tout de même des divisions avec des spécialistes. Les activités de la police routière ne se résument pas à venir sur place relever l'identité des auteurs; si vous saviez la technicité nécessaire pour établir les circonstances d'un accident - vitesse respective des véhicules, ondes d'impact, etc. Dès lors, oui, il faut des unités au sein de la gendarmerie. D'autant plus que dans l'article 10 de la LPol tel que vous l'avez modifié, vous énumérez clairement les missions de la gendarmerie. Eh bien pour pouvoir accomplir ces différentes missions, il faut des unités au sein du nouveau corps de gendarmerie.
Somme toute, j'ignore pourquoi je vous explique tout cela. Vous évoquiez la séparation des pouvoirs, eh bien chacun son job, j'ai envie de dire. De votre côté, rédigez des lois; nous, le gouvernement, ne sommes pas vos commis administratifs... (Commentaires.) Nous ne sommes pas vos commis administratifs, nous sommes là pour faire fonctionner l'administration. Et il y a des commissions, notamment celle de contrôle de gestion, qui, si les choses ne fonctionnent pas ou si le système dysfonctionne, nous réclament des explications.
Vous voudriez tout mettre dans la LPol; c'est comme si, s'agissant par exemple de l'office cantonal de la population et des migrations, vous veniez m'indiquer: «Non, il ne faut pas faire un service de l'asile, mais réunir le service de l'asile et celui des permis étrangers, parce que ça va mieux fonctionner.» Pardon, mais laissez ceux du terrain, ceux qui savent comment agir, organiser la police; ensuite, vous jugerez si le dispositif fonctionne ou pas. Mais surtout, ne laissez pas l'extrême gauche nous expliquer comment doit fonctionner la police ! (Rires.) Je me prends la tête dans les mains, on est dans l'absurdité, le surréalisme total ! (Applaudissements.)
Il est vrai, même si ce n'est pas très élégant, que nous pouvons nous asseoir sur une résolution, mais mon but n'est pas de m'asseoir sur une résolution, c'est de vous faire tout simplement comprendre qu'il existe une séparation des pouvoirs et que le Conseil d'Etat n'a pas la volonté maligne de contourner ce que vous avez décidé, même si je pense qu'on aurait pu faire autrement, avec beaucoup plus d'intelligence, d'égards mutuels et de respect des institutions, en entendant celles et ceux qui font usage des activités policières avant de transformer une loi comme vous l'avez fait. Le règlement que nous avons édicté est, à mon sens, parfaitement conforme au texte de la loi ainsi qu'à son esprit - quoique, en parlant d'esprit, je n'en aie pas trouvé beaucoup, même si j'ai cherché quel esprit avait pu balbutier dans vos débats pour tenter de mieux le comprendre; il faut venir ici pour saisir ce que vous vouliez exactement.
Quand je lis dans l'exposé des motifs de votre résolution: «Ce non-respect de la volonté du législateur a été clairement relevé par la "Tribune de Genève"», Mesdames et Messieurs ! (Rires.) N'attendons pas la décision des juges, la «Tribune de Genève» l'a dit ! (Rires.) A part cela, j'ai beaucoup de respect pour les journalistes de la «Tribune de Genève», mais ceux-ci n'ont fait que relayer les protestations véhémentes des syndicats de la police et des députés, donc ce n'est même pas leur avis. La «Tribune de Genève» a relayé des protestations, et celles-ci sont devenues une réalité incontournable démontrant que le Conseil d'Etat ne respecte pas la volonté du parlement !
Mesdames et Messieurs, soyons sérieux. Nous avons des institutions, dont un Pouvoir judiciaire qui est là pour déterminer si le Conseil d'Etat outrepasse ses prérogatives; laissons l'autorité judiciaire... (Commentaires.) Apparemment, les partisans de la liberté d'expression sont là pour défendre surtout la leur, pas celle des autres ! (Rires. Applaudissements.) Il n'en demeure pas moins, ne vous en déplaise, Mesdames et Messieurs de la gauche prétendument combative - je dirais plutôt gesticulante -, qu'il faut attendre ce que la justice dira sur le travail du Conseil d'Etat, et nous nous plierons naturellement à sa décision. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je mets cet objet aux voix.
Mise aux voix, la résolution 1013 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 63 oui contre 26 non et 3 abstentions (vote nominal).
Premier débat
Le président. Nous passons à notre urgence suivante, le PL 13212-A, classé en catégorie II, soixante minutes. Je vous rappelle que ce projet de loi a été retiré hier par le Conseil d'Etat et repris par Mme Caroline Marti.
Le président. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ferai peut-être un petit rappel, pour ceux qui ont eu le temps de lire ce long rapport. Je rappelle que les travaux de commission ont quand même commencé avec un ordre du jour éclectique, qui regroupait trois projets de lois - les PL 13212, 13211 et 13068 - et une motion - la M 2856.
Suite aux premières auditions du Conseil d'Etat, de l'ASFIP Genève et du comité de la CP, une analyse de compatibilité avec le droit fédéral incitait à revoir quelques projets de lois. Les députés de la commission, signataires du PL 13211, ont décidé de ne plus examiner ni modifier le PL 13211, mais de rédiger un amendement général au PL 13212 et de consacrer les travaux exclusivement à ce projet de loi. La rédaction de cet amendement général a été confiée à la députée socialiste de la commission des finances. Les travaux des séances qui suivirent le dépôt de cet amendement général ont permis de bien déterminer l'essentiel qui devait figurer dans le projet de loi final, ce qui a permis en cours de route non pas de modifier, mais d'ajuster cet amendement général. Le Conseil d'Etat a également présenté un amendement général modifiant la première mouture de son PL 13212, amendement présenté et discuté, mais qui n'a pas été retenu.
L'analyse des différentes auditions d'experts et de celle du département des finances a permis de mettre en lumière que deux concepts s'opposent sur les variables à retenir pour la gestion d'une caisse de retraite. Chaque concept se justifie par une appréciation différente des critères retenus par les actuaires des caisses, certains plus restrictifs que d'autres quant aux valeurs à considérer pour l'équilibre. Mais au final, en examinant le plan de prestations, dont la conformité au droit supérieur est assurée par l'ASFIP, autorité de surveillance, et qui est présenté par le comité de la CP et, surtout, validé par l'actuaire de la CP, il ressort que le choix final est une option d'appréciation des évolutions financières et non une décision de favoritisme pour les pensionnés de la CP et ceux à venir.
C'est lors de la séance du 1er février 2023 qu'ont été auditionnés tant le directeur de la CP que l'expert LPP de la CP, de la société Pittet associés, et que notre majorité a été confortée dans son choix de voter l'amendement de la députée socialiste. La conclusion des commentaires du comité de la CP et de son actuaire - je vous demande de regarder, si vous ne l'avez pas déjà fait, l'annexe 13, en page 12, à la conclusion - précise que l'amendement général socialiste est viable. Je rappelle que, pour déterminer si une modification du règlement d'une caisse de retraite et de son plan financier est viable, l'ASFIP se fonde sur l'expertise et les conclusions de l'expert LPP et actuaire désigné de la CP. Après ces dernières remarques techniques et écrites de l'ASFIP, parvenues après la rédaction de ce rapport, un amendement uniquement technique portant sur quelques termes vous sera présenté au cours des débats.
Mesdames et Messieurs les députés, après ces longs travaux de commission, en pleine conscience de l'option retenue, la majorité de la commission vous recommande de voter non seulement l'entrée en matière, mais aussi l'amendement. Je reprendrai la parole plus tard, Monsieur le président.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité. Nous entamons l'épisode 147 de cette série que l'on connaît tous à Genève: «Genève au secours de ses caisses de prévoyance étatiques, ou comment alimenter une baignoire trouée, tout ça aux frais du contribuable ?» (Rires. Commentaires.) Après la CPEG, après la caisse de prévoyance des TPG, et j'en ai certainement oublié d'autres, nous nous attaquons cette fois-ci à la caisse de prévoyance de la police. Le rapporteur de majorité l'a dit, celle-ci se trouve dans une situation financière structurellement totalement déséquilibrée, tant à court qu'à long terme. Il suffit d'ailleurs de regarder les comptes au 31 décembre 2021 pour en prendre conscience: vous avez des capitaux de prévoyance, des actifs (c'est donc l'argent de ceux qui sont aujourd'hui actifs, mais futurs retraités) de 558 millions, mais, par ailleurs, des réserves mathématiques (l'ensemble des engagements de prévoyance des bénéficiaires de rentes, donc de ceux qui sont déjà à la retraite) de plus de 1 milliard. Je travaille pour beaucoup de caisses de prévoyance, et, à titre personnel, je n'ai jamais vu en Suisse un tel déséquilibre - accentué en 2022 par la chute des marchés.
A cela s'additionnent des prestations tout simplement exceptionnelles. Vous trouvez à la page 336 du rapport de minorité une comparaison entre caisses de prévoyance étatiques. Je rappellerai qu'à la CP, un assuré qui entre dans la caisse à 23 ans pourra bénéficier d'une rente de retraite de 75% de son dernier traitement, assuré dès l'âge de 58 ans, c'est-à-dire après trente-cinq ans de cotisation. Les tableaux de la page 336 sont éloquents. Si vous ajoutez à cela la rente AVS, vous avez à Genève des policiers qui partent à la retraite en moyenne à 61 ans, avec plus de 80% de rente équivalant à leur dernier salaire. Tant mieux pour eux ! Même à la CPEG, qui est pourtant très généreuse, on n'y arrive pas, puisqu'on part à la retraite en moyenne à 65 ans, avec un peu plus de 60%; si vous comparez avec les autres cantons, la caisse de police de Genève est de très loin la plus généreuse.
La minorité est d'accord avec le fait qu'il faut un refinancement. La minorité a été tellement responsable et raisonnable que, pour une fois, nous n'avons même pas insisté pour résoudre maintenant le problème de fond, qui est celui, évidemment, de la primauté des prestations. Tant et aussi longtemps que toutes nos caisses étatiques seront en primauté de prestations, on continuera à mettre de l'eau dans une baignoire trouée, tout ça aux frais du contribuable, mais comme cela se verra plus tard, bien sûr, les députés qui aujourd'hui votent ce genre de proposition s'en fichent complètement, ce qui est accentué par les échéances électorales qui approchent.
Nous n'avons donc même pas demandé cela. Nous avons dit: «D'accord pour un refinancement, mais qu'alors au moins celui-ci se fasse à des conditions extrêmement strictes.» C'était l'avantage du projet déposé au départ - le PL 13212 du Conseil d'Etat, à la base - qui conditionnait l'aide financière de l'Etat à des paramètres bien précis et définis. Et on ne l'a pas fait au hasard, puisque à partir du moment où le 52e amendement général de Mme Marti a finalement été adopté... (Commentaires.) ...par la commission des finances - parce qu'on s'est rendu compte que les 51 premiers étaient totalement illégaux -, on a voté - tenez-vous bien ! tenez-vous bien ! - une enveloppe totale de 200 millions sans aucune condition ! (Exclamation.)
Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que, si la situation permettait de renflouer la caisse, mais pour moins cher, eh bien, on s'en fiche, on va quand même mettre 200 millions et donc augmenter les prestations de la caisse la plus généreuse de tout le pays ! Et c'est exactement ce qu'il se passe, puisque la direction de la caisse qui a été auditionnée ensuite, lorsque le 52e amendement général de Mme Marti a enfin réussi à être approuvé et à recevoir le blanc-seing du Conseil d'Etat et des juristes de la couronne... Ceux-ci nous ont dit: «Alors voilà, on a changé quelques paramètres... Mais c'est pas grave, hein ! On est dans l'enveloppe des 200 millions !» Ils ont donc réussi l'exploit, et la majorité de ce parlement a réussi l'exploit, de renflouer la caisse la plus généreuse de tout le pays, en augmentant encore les prestations déjà les plus exceptionnelles de tout le pays. Franchement, on peut applaudir cet exploit absolument incommensurable ! (Applaudissements.)
D'où l'intérêt d'un certain nombre d'amendements, dont celui qui cornaque le tout à 110 millions, puisque l'expert cité par M. Lussi à juste titre nous a démontré en commission qu'avec 110 millions, on renflouait la caisse sans aucun problème. Je vous invite donc à voter au moins cet amendement-là, qui permettra totalement de renflouer la caisse, en gardant toujours les prestations les plus généreuses de tout le pays, mais, cette fois-ci, en ne se faisant pas avoir, comme cela a été le cas avec la CPEG, j'y reviendrai aussi tout à l'heure.
La solution votée par une majorité de la commission, à l'instar du vote sur la recapitalisation de la CPEG, n'a aucun avenir à long terme. Il est certain que l'Etat et donc les contribuables devront repasser à la caisse. Une majorité a voulu aujourd'hui, comme en 2019, ménager une partie de la fonction publique par pur calcul électoraliste. Et, à tous ceux qui nous ont expliqué que tous les projets dont on a discuté aujourd'hui ou avant étaient électoralistes, je dois dire que celui-là alors, c'est le pompon, parce que ça, c'est de l'électoralisme à 200 millions ! Voilà ce que c'est vraiment, de l'électoralisme ! (Commentaires.) Je m'inquiète, parce que tous ces partis qui balancent les 200 millions des contribuables par la fenêtre espèrent le vote du syndicat de la police - probablement que nous, on ne l'aura pas, mais je me demande bien si certains ne pleureront pas lorsqu'ils découvriront que le vote n'est pas allé là où ils pensaient qu'il irait.
Mesdames et Messieurs, la majorité... la minorité - pardon ! - responsable et raisonnable de la commission des finances vous invite, pour minimiser les conséquences du vote de cette majorité, à voter les amendements proposés et, à défaut, à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, même si le conseiller d'Etat Mauro Poggia nous le dénie, à Ensemble à Gauche, nous défendons les fonctionnaires de la police, comme nous défendons la fonction publique et tous les fonctionnaires. C'est notre devoir. Or là, de quoi parle-t-on ? En fait, de conditions de retraite plus ou moins acceptables... (Rire. Commentaires.) Parfaitement ! La caisse de prévoyance de la police doit être modifiée. Nous soutenons pleinement ce projet de loi. Il a fait l'objet de nombreuses discussions, ce qui n'est pas le cas, par exemple, du projet sur l'école dès 3 ans dans les écoles privées. Le Conseil d'Etat aurait donc là très mauvais jeu, disons, de refuser le troisième débat. Nous devons voter ce texte, qui a été tout à fait étudié.
Pourquoi est-ce que la droite s'étrangle ? M. Yvan Zweifel dit que c'est n'importe quoi, qu'on va dans le mur, etc., et brandit l'argument de privilèges incroyables... Non ! La réalité, c'est que la police, pour faire court, a fait de notables efforts justement, puisqu'un temps, elle pouvait prendre sa retraite à 52 ans, puis 55 ans, 58 ans, et, maintenant, concède un âge pivot de départ à la retraite normal à 60 ans. Les années de cotisation augmentent aussi: 37 ans. Ce n'est pas rien.
Il ne s'agit pas de monter les uns contre les autres et de dire que d'autres fonctionnaires, etc. Non ! Il ne s'agit pas du tout de privilèges. C'est un effort important qui est fait. Et on peut lire justement, dans son rapport de minorité, que M. Zweifel nie cet effort. Pourquoi ? C'est un raisonnement assez pervers. Parce que, sous prétexte que l'allongement de l'espérance de vie serait avéré - c'est ce qu'on verra, ou pas -, il ne faudrait pas tenir compte du tout, n'est-ce pas, de ces deux ans supplémentaires auxquels consent la police.
Voilà. C'est assez aberrant. En tout cas, nous ne partageons pas du tout, à Ensemble à Gauche, ce raisonnement. Nous pensons que pouvoir profiter de sa retraite, profiter d'un temps où on n'est pas au travail est quelque chose de normal et qu'il ne faut pas juste avoir un regard glacial sur le prix que cela coûte. (Commentaires.) On a parfois l'impression que, selon le PLR, un bon fonctionnaire devrait travailler jusqu'à ce qu'il ait le pied dans la tombe. Ce serait beaucoup plus simple pour tout le monde. Qu'il crève vite... (Exclamation.) ...et qu'il bosse bien avant ! Non, sérieusement, la question, c'est - mais c'est une question plus philosophique, une question de société: est-ce que nous voulons que toutes et tous, pas seulement la police, puissent avoir l'occasion de profiter en pleine santé d'années de retraite, oui ou non ? Là, j'ai vraiment l'impression que le PLR dénie ce droit à la population. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à relever ce que le rapporteur de majorité a rappelé au début de son rapport, c'est-à-dire, et je cite, que «chaque concept se justifie par une appréciation différente des critères retenus par les actuaires des caisses, certains plus restrictifs que d'autres quant aux valeurs à considérer pour l'équilibre. Mais au final, face au droit supérieur, dont la conformité est assurée par l'ASFIP, autorité de surveillance, en examinant le plan de prestations présenté par le comité et, surtout, validé par l'actuaire de la CP, il ressort que le choix final est une option politique». Pour moi, c'est exactement le mot-clé de tout le débat qui a eu lieu. Je ne vais donc pas redire les explications qui ont été excellemment présentées par le rapport de minorité, quant à la réalité comptable des expectatives de la caisse, mais je tiens quand même à rappeler quelques considérations qu'il est important de ne pas oublier.
Pour rappel, le Conseil d'Etat a toujours considéré que la caisse de police devait rester plus attractive que la CPEG, comme l'avaient décidé les précédents gouvernements et comme le recherchaient ceux et celles entrés à la police pour ces conditions. C'est un point important. Il faut cependant tenir compte de la capacité de la caisse à être solvable sur le long terme; le but étant d'éviter de revenir tous les cinq ans pour demander de l'argent afin de recapitaliser les caisses.
Il est bon de se rappeler que l'Etat n'a plus l'obligation depuis 2013 de recapitaliser la caisse. Il assure ses obligations jusqu'à un certain point, mais n'est pas obligé d'aller plus loin. Cela oblige le comité de la caisse à adapter les prestations en fonction du financement. Aujourd'hui, théoriquement, l'Etat de Genève pourrait jouer le rôle de spectateur et regarder ce que fait le comité de la caisse, conformément aux obligations qui sont les siennes. En fait, les syndicats souhaiteraient ne rien changer et estiment que l'argent placé permettra suffisamment de rendement pour ne pas avoir à verser quoi que ce soit. Ce ne sont donc pas les versements de l'Etat qui inquiètent les syndicats, mais l'effort qui serait demandé en parallèle aux assurés.
Pour ce qui est de la répartition des compétences entre les parties, il faut se souvenir que, depuis le 1er janvier 2012, suite à la modification de la LPP, l'article 50, alinéa 2, prévoit que l'Etat doit choisir entre fixer le financement ou fixer les prestations. Il ne fixe pas les deux. L'Etat de Genève a décidé de fixer le financement, ce qui veut dire que le comité de la caisse dispose de la compétence inaliénable et intransmissible de fixer les prestations et a donc l'obligation de les adapter, pour que le financement disponible permette d'assurer l'équilibre financier. La caisse intervient donc sur les prestations, avec les conséquences que cela a sur l'ensemble des assurés - ça, il ne faut pas l'oublier. Il faut rappeler que la caisse de pension est en capitalisation intégrale, ce qui veut dire que sa fortune doit être supérieure aux engagements pris dans le temps et qu'elle doit constituer une réserve de fluctuation de valeurs - M. Zweifel l'a relevé tout à l'heure.
Ce projet de loi est complexe, vraiment complexe et demande, pour sa compréhension, bien plus que les quelques minutes dont nous disposons ce soir. Etant donné que le PDC-Le Centre fait partie de la minorité, je rejoins bien évidemment les conclusions du rapporteur de minorité quand il dit que, lorsque l'on compare la caisse de police et ses prestations à d'autres caisses publiques, le résultat est éloquent et sans nuance: aucun fonctionnaire de ce pays n'a de perspective de retraite plus favorable que les policiers genevois (entre nous, tant mieux pour eux !); qu'il sied de rappeler que la caisse de pension de la police se trouve dans une situation structurellement instable et impossible à tenir, qui n'est même pas liée à la situation sur les marchés; qu'il est dès lors nécessaire d'agir et qu'il sera même probablement aussi nécessaire, à l'image de la CPEG et tant que ces caisses de prévoyance continueront à fonctionner avec le modèle de la primauté des prestations, de revenir avec un financement dans le futur, un énième qui sera payé par les contribuables; que ce déséquilibre s'additionne à des prestations exceptionnelles qu'aucune autre institution de prévoyance professionnelle ne connaît, ce qui est certes une bonne nouvelle pour les assurés, mais interroge face à la situation de la caisse et à la pratique dans d'autres caisses publiques; qu'il est aussi évidemment difficile d'expliquer aux contribuables dans le privé qu'ils doivent faire des efforts, alors même que leurs prestations ont baissé, quand les assurés de la caisse de police n'en font pas un seul; que - je le répète, et c'est important, parce que ce n'est pas parce que nous votons contre ce projet que nous ne sommes pas d'accord avec cette affirmation - renflouer la caisse de police est une évidence et que la minorité en convient.
Mais, outre le fait que les solutions proposées ne résolvent pas le vrai problème de fond, à savoir la primauté des prestations, il s'agit au moins de s'assurer que tout franc investi par l'Etat et donc par le contribuable servira bien à effacer le déficit structurel de financement de la caisse de pension, et en aucun cas à améliorer des prestations qui sont déjà les plus favorables de tout le pays.
A ce stade de la négociation et compte tenu de tous les amendements qui ont été présentés - M. Zweifel en a relevé 51, un 52e va arriver -, je demande le renvoi en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Sur le renvoi en commission, Monsieur Zweifel, rapporteur de minorité ?
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Puisqu'on demande le renvoi en commission, que je soutiendrai évidemment, parce que les travaux ont été poussés trop rapidement, il y a un point essentiel à aborder et j'aimerais le souligner, parce que c'est un argument en faveur d'un renvoi.
Que l'on renfloue la caisse, la minorité le dit et le répète, nous y sommes évidemment favorables, mais ce refinancement doit se faire avec des conditions. C'était l'objet du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat. Si on ne le fait pas, il va se passer exactement ce qu'il s'est passé avec la CPEG. Permettez-moi de vous le rappeler: en 2019...
Une voix. Sur le renvoi en commission ! (Commentaires.)
M. Yvan Zweifel. ...en 2019, le peuple s'est prononcé pour une recapitalisation de la CPEG. Que s'est-il passé ? C'était une enveloppe maximum de 5,4 milliards, mais une enveloppe maximum basée sur les critères au 31 décembre 2018. Il se trouve qu'au 31 décembre 2019, la situation des marchés financiers était bien meilleure que prévu et que la même recapitalisation avec les mêmes critères aurait pu se faire avec un coût de 3,3 milliards. On aurait donc économisé 2 milliards; les contribuables auraient économisé 2 milliards en recapitalisant exactement comme le souhaitait le peuple. Qu'est-ce que le comité félon de la CPEG a fait ? Il a profité de ces 2 milliards supplémentaires pour augmenter les prestations en faisant deux choses: en changeant les bases de calcul actuarielles et en abaissant le taux technique au plancher prévu de 1,75%, ce qui est une honte et qui a coûté 2 milliards au peuple genevois ! 2 milliards au contribuable ! 2 milliards qui auraient pu servir à bien d'autres choses.
L'idée ici est de dire oui à un refinancement, mais que celui-ci soit conditionné pour éviter cela. Et, Mesdames et Messieurs, ce que je dis n'est pas spéculatif; je le répète, la direction de la caisse est venue en commission... (Remarque.) ...avec ses critères, nous démontrer qu'ils allaient faire exactement la même chose que la CPEG, en disant: «On va modifier les critères pour pouvoir renflouer comme on le souhaite, et on va profiter du surplus pour offrir des prestations supplémentaires à nos assurés !» Cela n'est pas acceptable.
Alors renvoyons ce texte en commission, trouvons un amendement qui permette, oui, de refinancer, mais de refinancer sans que cela se fasse sur le dos du contribuable ! Je propose donc effectivement le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission ?
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On parle du retour en commission. J'admire le rapporteur de majorité, qui fait un grand argumentaire... (Commentaires.)
Une voix. J'aimerais bien !
M. Patrick Lussi. Euh, de minorité ! ...et qui a une mauvaise foi flagrante ! Parce que la démonstration qu'il a faite est vraie - elle est vraie ! -, mais elle a changé ! Les textes ont changé, il ne serait plus possible actuellement pour un comité d'utiliser les arguments que peut-être le comité de la CPEG avait utilisés. Soyons donc quand même honnêtes, regardons ce qu'il en est. Et vous venez sans arrêt avec la primauté de prestations et la primauté de cotisations; tout le monde montre que c'est «kif-kif bezef», c'est pareil, c'est... Ne dites pas... (Vifs commentaires.) Ne dites pas que c'est un avantage ! (Commentaires.) Je pense qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission. Je propose simplement de refuser le renvoi. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le conseiller d'Etat Mauro Poggia, sur le renvoi en commission ?
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat pense qu'un retour en commission serait souhaitable pour une raison tout à fait simple: vous avez, dans le projet modifié selon l'amendement accepté en commission et qu'une majorité s'apprête à voter, indiqué à l'article 67, alinéa 4, que «les apports prévus aux alinéas 2 et 3 sont versés dès lors que la Caisse aura procédé à une nouvelle expertise de la situation de la Caisse au 31 décembre 2022». Or tout récemment, le 27 février dernier, l'ASFIP, l'autorité de surveillance, nous indique: «Nous demanderons à la caisse de nous fournir la nouvelle expertise actuarielle au 31 décembre 2022» - précisément celle dont il est question à l'alinéa 4 que je viens de lire - «afin de déterminer si le financement voté permet d'assurer l'équilibre financier à long terme», ce qui est quand même la condition d'approbation de ce plan financier.
Dans la précipitation, vous avez accepté un amendement qui fixe des conditions suspensives, qui seront réalisées prochainement, pour avoir absolument une loi votée et dire - avant les élections bien sûr, je ferme la parenthèse: «Nous avons fait le job, Mesdames et Messieurs, votez pour nous !», alors que finalement, cet amendement ne pourra pas déployer ses effets puisque les conditions ne seront pas encore réalisées.
Le plus sage serait évidemment de laisser ce projet de loi avec l'amendement tel qu'il est en commission, le temps de recevoir ces éléments, qui vous conforteront dans la conclusion que le plan qui est proposé est parfaitement viable, et non seulement viable, mais qu'il va dans le sens impératif exigé par la LPP, c'est-à-dire qu'il assure la viabilité de la caisse sur le long terme. Ainsi, vous voterez le moment venu, ou alors ceux qui seront élus dans la prochaine législature voteront - et c'est ça qui vous embête, évidemment, vous n'êtes pas sûrs d'avoir les mêmes majorités ! (Commentaires.) - vous voterez donc, le cas échéant, un projet de loi qui sera bien ficelé, sans conditions suspensives. Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous votons sur le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13212 à la commission des finances est rejeté par 55 non contre 31 oui.
Le président. Nous poursuivons donc notre débat et je donne la parole à Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, se basant sur des expertises excessivement prudentes et, selon la majorité de la commission des finances, tout simplement obsolètes - puisque les paramètres économiques ont considérablement évolué depuis -, la caisse a été contrainte de décider d'un plan provisionnel qui a entériné une baisse drastique des prestations de retraite des assurés. Le Conseil d'Etat a, sans concertation sérieuse avec les représentantes et les représentants du personnel - qui pourtant étaient prêts, et le sont toujours, à faire un certain nombre de compromis -, déposé un projet de loi qui, effectivement, amoindrit un petit peu les coûts de prestations du plan provisionnel, mais qui n'est, à notre sens, au sens de la majorité de la commission, pas satisfaisant, puisque, très concrètement, cela aboutirait à une baisse encore importante des retraites du personnel assuré auprès de la caisse de pension de la police.
Le parti socialiste considère qu'une retraite digne, après une vie de travail, devrait être un droit inaliénable et est un acquis, que nous devons protéger. C'est pour cette raison que le parti socialiste s'est toujours tenu à côté de celles et ceux qui luttent, quel que soit leur corps de métier, pour préserver leur droit à la retraite. C'est dans cet objectif-là que nous avons déposé un amendement général au projet de loi, qui à l'époque était encore un projet de loi du Conseil d'Etat, et qui proposait, premièrement, de maintenir les prestations de retraite des assurés actuels de la caisse; deuxièmement, de concrétiser la concession qu'est prêt à faire le personnel, c'est-à-dire de repousser l'âge de la retraite de deux ans, avec l'introduction d'un âge pivot à 60 ans, et de passer de 35 à 37 années de cotisation d'assurance pour obtenir une rente pleine et entière, ce qui signifie repousser très concrètement l'âge de la retraite de deux ans; troisièmement, de limiter le coût de ce refinancement pour l'Etat, en introduisant un montant maximum de refinancement de 200 millions, un chiffre qui d'ailleurs est repris du projet du Conseil d'Etat. J'insiste sur cet élément de maximum pour répondre à M. Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président -, qui disait: «Finalement, cela pourrait tout à fait coûter moins, alors pourquoi dépenser 200 millions si on peut en dépenser 120 ou 150 ?» Il s'agit d'un maximum. Si on a besoin de moins d'argent pour mettre en place cette réforme, eh bien, on en utilisera moins.
Je reviendrai aussi sur les différentes comparaisons qui figurent dans le rapport de minorité, que M. Zweifel a également rappelées tout à l'heure, entre différents cantons, caisses et professions. Toutes les comparaisons qui sont faites dans le cadre de ce débat ont pour seul objectif de s'attaquer aux retraites et d'en faire baisser les prestations par un nivellement par le bas. Jamais le PLR ne s'est basé sur ces mêmes comparaisons en disant: «Dans cette caisse de pension ou cette profession, les retraites sont inférieures à la moyenne, du coup, il faudrait les augmenter !»
J'aimerais enfin insister sur le sérieux avec lequel la commission des finances a traité ce projet de loi. Nous avons effectivement travaillé rapidement, mais nous avons procédé à l'ensemble des auditions qui étaient nécessaires; nous nous sommes appuyés - et quand je dis «nous», je parle de la majorité de la commission - sur les conseils d'une experte actuaire et d'un avocat spécialiste dans le domaine de la prévoyance professionnelle pour formuler l'amendement général qui a été présenté et voté en commission, et je profite d'avoir la parole pour les remercier de leur collaboration.
Nous avons également pris soin de solliciter à deux reprises la caisse de pension de la police, ainsi que l'ASFIP, pour avoir leur avis au fur et à mesure de l'avancée des travaux de commission. Ces deux instances ont émis au cours des travaux un certain nombre de questionnements, auxquels nous avons répondu par de nouveaux amendements, puis encore un, qui vous est soumis aujourd'hui. En revanche, ni la caisse de pension de la police et son expert ni l'ASFIP n'ont émis d'objections contre ce projet de loi et l'amendement général qui a été élaboré à la commission des finances.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous recommande d'entrer en matière, de voter l'amendement, qui est purement technique et que je vous présenterai tout à l'heure, pour finalement accepter ce projet en troisième débat. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, bien entendu, les caisses de retraite constituent un leitmotiv de cette législature, qui aura commencé avec la CPEG et qui se terminera - presque - aujourd'hui avec la caisse de la police. Les deux situations ne sont toutefois pas les mêmes et ne doivent pas être comparées. La CPEG était historiquement sous-capitalisée, alors que, pour la caisse de la police, il s'agit plutôt d'une question structurelle, avec un nombre élevé de retraités comparé aux actives et aux actifs. C'est le premier point.
Le deuxième point, c'est que la caisse de la police regroupe des cotisants de métiers plutôt exposés - aux dangers, aux intempéries, aux horaires irréguliers. Vous me direz que d'autres fonctions à l'Etat regroupent ces mêmes caractéristiques et sont probablement moins bien traitées du point de vue des caisses de pension. Mais ce n'est pas une raison de dégrader les conditions de la caisse de la police; revalorisons plutôt les autres !
Au sujet des conditions dont on parlait justement et dont le rapporteur de minorité a dit qu'elles étaient les meilleures de la galaxie - plus loin, je ne sais pas ! -, on peut voir qu'elles se sont déjà dégradées: ce ne sont plus les conditions que l'on connaissait en 2011, avec un âge de la retraite fixé à 52 ans: cela a passé à 58 ans; maintenant, on propose 60. C'est la proposition qu'on vous fait: augmenter l'âge pivot, plutôt que de diminuer les prestations ou d'augmenter les cotisations. C'est un choix qu'on fait, à savoir l'augmentation de l'âge de la retraite, mais il ne faut pas dire que les conditions de retraite sont aussi bonnes qu'avant. Cette augmentation de l'âge de la retraite va bien entendu, comme cela a été démontré par les différents experts que nous avons entendus, contribuer à atténuer le déséquilibre structurel dont je parlais au début, et donc pouvoir donner une viabilité à moyen et à long terme à cette caisse.
Le rapporteur de minorité peint aussi passablement le diable sur la muraille en prêtant à la caisse des intentions négatives, en mettant en avant des parallèles douteux avec la CPEG. Pour ma part, j'aimerais plutôt me référer au texte de loi que nous allons voter et aux déclarations de la caisse, sans extrapolations intempestives. La loi que nous soutenons est assez simple. Elle laisse toute la latitude à la caisse de préserver les conditions de cotisation et les rentes, tout en maintenant un cadre financier bien défini, qui est au maximum de 200 millions de francs de participation de l'Etat. La loi fédérale sur la prévoyance professionnelle ne permet d'ailleurs pas de fixer un cadre trop rigide à la caisse, et c'est exactement ce qui a été fait.
Le grand débat reste bien entendu de savoir quel est le rendement du capital placé. Si certains de ces rendements, comme ceux de l'immobilier ou des obligations, sont assez prévisibles, la bourse quant à elle est bien entendu très fluctuante, comme on le voit ces derniers temps. Les faibles rendements de 2021 et début 2022 ont placé la caisse de pension - c'est ce qui est arrivé - dans une situation difficile, mais c'est évidemment ce qui a servi comme première base de calcul pour le projet de loi qui avait été déposé par le Conseil d'Etat. Il est difficile actuellement de savoir si ces conditions défavorables étaient liées au covid ou au début de la guerre en Ukraine. Les dernières perspectives ont l'air d'être plutôt meilleures. Pour notre part, les Vertes et les Verts, nous ne poussons pas à des rendements trop élevés, sachant que ceux-ci s'exercent souvent au détriment des locataires en ce qui concerne les placements immobiliers ou des pays situés plus au sud ou plus à l'est pour ce qui concerne les placements boursiers. Quoi qu'il en soit, le plan esquissé par la caisse nous paraît réaliste. Nous observons aussi avec satisfaction que le projet de loi que nous vous proposons d'adopter demande une mise à jour actuarielle au 31 décembre 2022 et d'arrêter de se baser sur la fin de 2021.
Enfin, nous faisons confiance au comité de la caisse pour mettre en place un nouveau plan de prévoyance solide qui ne demandera pas rapidement une recapitalisation de la part de l'Etat. L'expert de la caisse propose un plan structurellement équilibré qui pourrait satisfaire aux exigences de financement posées par le projet de loi: instauration d'un âge pivot à 60 ans; augmentation de la durée de cotisation à 37 ans et maintien des prestations, pour un coût à la charge de l'Etat un peu inférieur à 200 millions de francs, selon une projection - mais cela peut être plus bas, comme cela a été dit par Mme Marti. Je répète qu'il s'agira donc d'un plan structurellement équilibré, qui ne demandera pas à court terme un financement additionnel de la part de l'Etat.
En adoptant ce projet de loi, nous accordons notre confiance à la caisse pour mettre en oeuvre un plan équilibré qui n'exigera pas de financement supplémentaire de la part de l'Etat. Ainsi, notre groupe le soutiendra. Je vous remercie.
M. Cyril Aellen (PLR). La différence avec le débat précédent, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il n'y a pas de laquais: le président sortant du Cartel s'est exprimé directement au sein de ce parlement. C'est la première chose à souligner.
Deuxièmement, je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur le conseiller d'Etat Poggia: rien ne changera la prochaine fois. Ce qui compte pour la majorité aujourd'hui, c'est de voter ce texte pour s'assurer des voix en vue des élections du 2 avril. La question n'est pas de savoir si on fait correctement le travail ou si on le repousse à plus tard, c'est un autre débat; si le sujet a été déclaré urgent, ce n'est pas pour réaliser du bon travail, c'est juste pour obtenir des suffrages le 2 avril prochain.
J'ai bien entendu les plaintes, à savoir qu'on a déjà exigé un effort sensible pour une retraite pleine. Je me permets de compléter: à près de 80%, dès 58 ans et en moyenne à 61 ans. Voilà pourquoi on se bat aujourd'hui, je le répète pour tous les fonctionnaires de la république qui ne sont pas affiliés à la CP et pour tous les patrons privés qui, eux, augmentent leurs cotisations régulièrement en faveur de leurs employés, précisément pour assurer leurs retraites. Et selon l'initiative défendue par la gauche, ils devront financer non seulement celles de leurs employés, mais également celles de la fonction publique.
En réalité, que se passe-t-il ? Pour la première fois, il ne s'agissait pas d'une caisse de pension garantie par l'Etat, pas du tout. Elle était à 100% au moment de la modification législative. Le problème, et c'est pour ça qu'elle se retrouve en difficulté, c'est qu'on ne paie pas assez pour une retraite trop longue avec une durée de cotisation moindre.
On aurait eu la possibilité - j'ai soumis cette option très concrètement en commission, mais j'ai été shooté - d'augmenter les cotisations - deux tiers pour l'Etat, un tiers pour l'affilié - afin de maintenir les mêmes prestations au même âge. Cette proposition du PLR a été écartée, il faut que les gens le sachent. Nous avons suggéré de conserver les prestations en adaptant simplement les cotisations, comme partout dans le pays, mais cela n'a pas été suivi, il est important de le signaler.
On soutient que le projet a été approuvé par l'ASFIP, c'est faux: l'ASFIP doit encore se prononcer, cela a été indiqué par le conseiller d'Etat. Concernant le plan provisionnel, il faut juste savoir que celui qui a été mis en oeuvre - le plan provisionnel qui abaisse les prestations, donc - assure aujourd'hui plus que pour tous les autres fonctionnaires de l'Etat. Pour répondre aux commentaires selon lesquels on procède comme pour la CPEG, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai. Dans la situation actuelle, les prestations sont plus élevées à la police qu'à la CPEG, et dans le cadre de la recapitalisation, à qui a-t-on donné le plus par tête ? A la police. Si on avait dû consentir aux mêmes efforts que pour la police, il aurait fallu dépenser environ 600 millions de plus pour la CPEG. Donc non, ceux qui ont déjà beaucoup au sein de l'Etat obtiennent encore plus - alors qu'il n'y avait rien à garantir - que ceux qui avaient moins et à qui on avait donné des garanties. C'est quand même intéressant de le relever, sous l'angle de l'égalité de traitement.
Maintenant, quelques mots sur l'existence même de la caisse de la police. En fait, la CP est un résidu du patriarcat, d'une époque où la fonction n'était assurée que par des hommes; il n'y avait pas de femmes, et on avait considéré que c'était un métier extrêmement pénible. C'est la raison pour laquelle, plus tard, on a créé une caisse spécifique - la CEH - en faveur des professions plus féminines comme celles dans le domaine des soins. Et à l'heure actuelle, cette inégalité-là, ce reliquat du patriarcat demeure.
Ce n'est pas moi qui le dis, qui mets en lumière ce problème d'inégalité des sexes et de traitement. Qui le dit ? Eh bien c'est l'administration fédérale, plus précisément le Bureau fédéral de l'égalité entre femmes et hommes, qui nous explique - allez le lire sur son site, c'est accessible - pourquoi il existe des différences structurelles et des inégalités de salaire entre les hommes et les femmes. Certes, les choses ont un peu changé, il y a maintenant quelques infirmiers au sein des HUG ainsi que des gendarmes de sexe féminin, c'est vrai. Mais l'inégalité entre ces deux professions, elle, demeure, et elle est importante. Voilà ce qu'il faudrait, de mon point de vue, sous l'angle de l'égalité pour tous et sans privilèges, modifier. Or non seulement la gauche refuse de changer le système, mais elle amplifie le phénomène. Avec ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, vous allez amplifier ce phénomène ! Il est essentiel de le préciser.
J'ai entendu Mme Marti plaider - elle l'avait déjà fait en commission: «Oui, mais on pourrait mettre tout le monde au régime de la CP !» Faites le calcul, ce n'est pas une initiative 179 qui serait nécessaire, ce ne serait pas taxer les dividendes à 100%, mais probablement à 1200% ! Ce ne serait pas augmenter seulement les impôts des plus riches, les actionnaires favoris de M. Thévoz ne suffiraient pas, c'est l'entier de la fiscalité qu'il conviendrait d'élever massivement, en particulier celle de la classe moyenne supérieure que constituent les fonctionnaires de la république. Voilà la réalité aujourd'hui. Je comprends que c'est ce que vous voulez, mais vous savez que c'est impossible et c'est pour ça que vous ne l'avez jamais demandé; un tel système n'est juste pas finançable, il ferait totalement couler le navire qui est le vôtre.
Un dernier point: cette réforme est-elle favorable aux policiers ? Oui et non. Pour ceux qui partiront très rapidement, à court terme, c'est probablement favorable, mais pour ceux qui s'en iront dans quelques années, le dispositif est clairement défavorable. Ainsi, si vous êtes agent de police et que vous avez grosso modo plus de 46 ou 47 ans, votez pour ceux qui ont élaboré ce projet de loi et qui s'apprêtent à l'adopter; si vous avez moins, franchement, réfléchissez: peut-être que d'autres partis prennent votre défense correctement. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Une retraite digne pour chacun, des moyens suffisants pour la financer, tel est le combat du MCG. C'est pour cette raison que nous nous sommes battus - avec succès - en faveur du sauvetage de la CPEG, il s'agissait de garantir des prestations dignes. En ce qui concerne la caisse de pension de la police et du pénitentiaire, c'est la même lutte que mène le MCG. Il n'est pas concevable d'attaquer ceux qui s'engagent pour la défense de notre Etat comme les policiers et les gardiens de prison; ce sont les piliers de notre société.
Ces serviteurs de l'Etat ne bénéficient pas d'une rente à vie, eux, rente à vie dont jouissent encore les conseillers d'Etat en fonction ! Voilà le vrai privilège contre lequel le MCG a milité - nous venons d'ailleurs de retirer le projet de loi que nous avions déposé il y a bien longtemps, lors de la précédente législature, contre cette retraite à vie. Non, ce ne sont pas des privilégiés. Regardons la réalité en face: il y a davantage de privilégiés dans les milieux du PLR, parmi les financiers qui touchent des retraites dorées, ce n'est pas le cas ici.
Le texte accepté par la commission des finances est solide, comme en atteste la caisse de pension de la police elle-même, qui l'a indiqué noir sur blanc. Cet organisme connaît parfaitement la question, c'est la seule référence, au contraire de l'ASFIP qui n'exerce qu'une tâche de surveillance suprême, qui ne connaît pas la réalité de la caisse. La CP nous a expliqué que le projet de loi que nous allons voter est tout à fait solide et permettra de financer à long terme les retraites des policiers et des gardiens de prison. Par ailleurs, l'expertise de la société Prevanto, qui figure dans l'excellent rapport du député Lussi, démontre qu'il est possible de mener une politique intelligente permettant d'assurer la pérennité financière de l'institut sans mettre en péril les prestations accordées aux retraités.
On remarque dans ce débat qu'une fois de plus, le PLR attaque les retraites, multiplie les contrevérités et joue au pompier pyromane. Ce parti veut réduire le financement des retraites pour en arriver finalement à baisser les prestations. Telle est sa stratégie; une stratégie masquée, bien évidemment, parce que le PLR dissimule sa vraie politique, mais il vise en fait la destruction des prestations pour les retraités. Une fois encore, le MCG s'opposera à cette offensive massive du PLR à tous les niveaux contre les retraites des fonctionnaires, car ce sont aussi les retraites de l'ensemble de la population qui sont menacées directement par cette attaque sournoise et inacceptable. Nous nous opposerons à cette manoeuvre et adopterons ce projet de loi tel qu'amendé.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. Jean Batou pour deux minutes cinquante.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, les policiers acceptent de travailler deux ans de plus, c'est leur part du contrat dans cet accord. On nous dit qu'en moyenne, ils partent à la retraite à 61 ans; cela va repousser cet âge de la retraite à plus tard. Il est intéressant de consulter l'âge moyen de la sortie du marché du travail dans les tableaux de l'OFS. Les personnes qui partent le plus tôt sont issues des professions de la finance et des assurances: 62 ans en moyenne au niveau suisse. Ce sont précisément les milieux que représente le PLR. Or c'est à peu près ce qu'on obtient dans la fonction publique quand on bénéficie de la pénibilité, voyez-vous. Les métiers des assurances et de la finance bénéficient de la pénibilité !
Maintenant, pour ce qui est de la note féministe de M. Aellen, mais allez jusqu'au bout de votre raisonnement, Monsieur, qui est tout à fait juste: les professions dans le domaine des soins sont exposées aux risques, il s'agit de fonctions épuisantes, et on le voit, peu d'infirmières et d'aides-soignantes continuent à travailler au-delà de 55 ou 60 ans. Aussi, allons dans le sens d'offrir une retraite beaucoup plus tôt à ce personnel qui subit, comme les policiers - parfois plus - des contraintes de danger et de pénibilité.
Enfin, vous avez évoqué - et en cela, vous m'avez tendu une perche, Monsieur Aellen - les profits exceptionnels que réalisent les gros actionnaires de ce canton. (Un instant s'écoule.) Tiens, je n'entends rien du côté des bancs de la droite ! On parle de 2 milliards de francs distribués à 1850 gros actionnaires. Si on taxait ces 2 milliards de francs comme vous et moi, eh bien on engrangerait 200 millions de plus chaque année dans les caisses de l'Etat; les mêmes 200 millions qu'il va falloir investir cette année pour sauver la caisse de pension de la police.
L'année prochaine, nous pourrions, M. Aellen et moi, nous occuper de proposer une amélioration des conditions de retraite du personnel soignant. Je vous donne rendez-vous pour cela ! (Commentaires.) Oh, vous savez, nul ne sait de quoi l'avenir sera fait !
Enfin, une dernière chose: il faut que ce projet de loi soit voté ce soir, puis promulgué par le Conseil d'Etat, et cela se passera entre les deux tours, donc j'ai bon espoir que le Conseil d'Etat prendra ses responsabilités.
Le président. Merci bien. La parole retourne à M. Yvan Zweifel pour trente secondes.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de minorité. Trente secondes, Monsieur le président, d'abord pour répondre à M. Baertschi: je ne sais pas si ma retraite sera bonne ou mauvaise, mais au moins - et c'est l'immense différence -, elle ne sera pas financée par les impôts des contribuables genevois !
Mesdames et Messieurs, il s'agit ici d'un débat fondamental qui consiste à déterminer si l'on veut ou pas dégrader les prestations. Pour notre part, ce n'est pas ce que nous souhaitons; nous entendons justement les assurer sur le long terme. Si vous votez ce projet de loi aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, cela aura pour conséquence que les jeunes et futurs policiers verront leurs prestations diminuer dans le futur. Ce ne sera pas la faute du PLR, ce sera la faute de tous les partis qui n'ont pas accepté de mener les réformes de fond nécessaires. Je vous invite dès lors à refuser ce texte et à retourner en commission pour élaborer un vrai projet de fond, comme nous le souhaitons.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Lussi... (Remarque.)
M. Patrick Lussi. Merci, Monsieur le président...
Le président. Excusez-moi, vous avez sollicité le renvoi en commission, Monsieur Zweifel ?
M. Yvan Zweifel. Euh, je... D'accord ! (Rires.)
Le président. Bien, alors Monsieur Lussi, je vous laisse vous exprimer sur le renvoi en commission.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. On recommence sur le renvoi ?
Le président. Oui, il y a une nouvelle demande de renvoi en commission.
M. Patrick Lussi. Eh bien écoutez, je vais garder mon temps pour autre chose, parce que beaucoup d'inepties et de contrevérités se racontent. Nous sommes - et je suis - toujours contre le retour en commission de ce projet de loi.
Le président. Merci. Le Conseil d'Etat souhaite-t-il dire un mot sur le renvoi en commission ?
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Non, pas de «bis repetita», je confirme ce que j'ai déjà indiqué.
Le président. Parfait, merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13212 à la commission des finances est rejeté par 49 non contre 25 oui.
Le président. Nous poursuivons la discussion. Je rends la parole à M. Patrick Lussi pour la suite de son intervention.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. On est bien d'accord qu'on termine le premier débat et que je peux faire mon intervention ? (Remarque.) J'ai entendu M. Aellen indiquer que les retraités et les anciens gendarmes profitaient de ne pas avoir eu de femmes dans leurs rangs; ce n'est pas tout à fait ça. Rappelons qu'il s'agissait d'une époque presque militaire, qu'ils devaient faire trente ans de service, qu'il y avait un âge maximum pour entrer dans le métier, voilà pourquoi c'était 52 ans. Puis, au fil des années, ces avantages ont diminué. N'oublions pas qu'on parle d'une profession - comme d'autres, peut-être - qui est exposée, où il y a des risques, où il faut travailler la nuit, le week-end. Comme dans la restauration, me direz-vous, mais les policiers ne touchent pas de pourboires quand ils servent ! Les avantages ont donc baissé, on est passé à 58 ans.
Le rapporteur de minorité a mentionné que la CP était la meilleure caisse; eh bien, en fouillant un peu - j'espère que je ne m'attirerai pas d'ennemis -, j'en ai trouvé une autre dont les conditions sont encore meilleures.
Une voix. Laquelle ?
M. Patrick Lussi. Elle compte environ cinq cents adhérents, à savoir les contrôleurs aériens suisses. Le critère de pénibilité s'applique en raison de leur mission de sécurité, puisqu'ils surveillent l'espace aérien. Il s'agit d'une profession difficile, donc ils ont pu bénéficier de l'abaissement à 56 ans alors que tout le monde passait à 58 ans. Voilà, c'était juste pour montrer que quand on cherche la petite bête, on la trouve, mais ce n'est pas l'objectif.
Ensuite, signalons tout de même que ce projet de loi ne vise pas à faire bénéficier d'avantages exceptionnels les fonctionnaires affiliés à la CP, que ce soit les gardiens de prison ou les gendarmes. Nous essayons de rendre le moins douloureuses possible les différentes réductions de prestations annoncées. Malgré tout ce que vous dites, et je me réfère aux différentes annexes qui figurent dans le rapport, notamment l'expertise de la société Prevanto, nous ne sommes pas dans un schéma qui va mener à la faillite de la caisse, comme vous semblez l'insinuer à l'attention des jeunes collègues affiliés à la CP. Non, ce n'est pas vrai.
Vous taxez ce projet d'électoraliste, mais ce ne sont pas les quelques membres de la commission des finances qui ont décidé, nous nous sommes appuyés sur des documents, sur des études d'experts. Nous, en tout cas - et je ne m'exprime plus là comme rapporteur de majorité, mais en tant que député de l'Union démocratique du centre -, nous n'aurions pas suivi ce texte si c'était uniquement pour faire de l'électoralisme, comme beaucoup le soutiennent, à l'approche des élections. Non, Monsieur, ce n'est pas le but.
J'aurais encore d'autres explications à fournir, mais soyons clairs: l'Union démocratique du centre ne veut pas que les effectifs des fonctionnaires grossissent... (Remarque.) Je prends sur le temps de mon groupe, si tu as remarqué, personne n'a encore pris la parole ! ...mais commence à s'inquiéter - je ne prétends pas que c'est une volonté de la minorité - quant à une forme de paupérisation organisée de nos retraités. On travaille de plus en plus, on gagne de moins en moins, le coût des loyers augmente, le prix de l'essence prend l'ascenseur, celui du chauffage aussi, et on aura moins pour vivre. Donc non, je le répète, nous ne visons pas une explosion du nombre de fonctionnaires, mais nous estimons que, quels que soient ceux-ci, ils méritent notre respect, ils méritent qu'on les considère. Respecter, considérer les gens, je ne vois pas le rapport avec de la générosité, ça n'a rien à voir. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tel Sisyphe, je vais reprendre, et dire que Camus imaginait Sisyphe heureux. Cette caisse n'est peut-être pas la plus généreuse - encore faut-il déterminer le taux de rente -, mais c'est certainement l'une des plus généreuses de notre pays, peut-être du monde. Tant mieux, dirais-je même, à l'instar d'un député tout à l'heure.
Encore une fois, le but n'est pas de rendre ces professions, qui sont difficiles, moins attractives. Certaines personnes sont entrées dans ces métiers, et des garanties leur ont été données; il s'agit dès lors de rester dans le cadre de ces garanties, pour autant bien sûr que des efforts symétriques soient consentis. A cet égard, je rappelle que depuis 2012, l'Etat de Genève n'a plus aucune obligation financière: il pourrait être un simple spectateur, attendre que l'ASFIP pose ses exigences, que la caisse fixe ses conditions, mais cela aurait évidemment des conséquences financières extrêmement lourdes. Non, l'Etat de Genève, par l'intermédiaire du Conseil d'Etat, a assumé ses responsabilités et proposé 200 millions - c'est vite dit, 200 millions, il s'agit tout de même d'une somme importante - avec quelques conditions permettant d'assurer que cet argent ne sera pas, pour reprendre les propos du rapporteur de minorité, versé dans une baignoire trouée, mais qu'on colmate au moins les trous et que tout le monde se relève les manches.
Nous sommes tous d'accord que l'objectif est de restaurer l'équilibre financier de la caisse sur le long terme; il s'agit d'une obligation légale, la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle l'exige; c'est aussi une requête de l'ASFIP, qui demande l'application de cette loi. C'est dans ce sens que le projet de loi du Conseil d'Etat a été déposé, toujours dans l'esprit d'une symétrie des efforts; une symétrie, cela ne signifie pas forcément une équivalence, mais que tout le monde réalise un effort et tire à la même corde, sachant que ce que nous versons, nous le versons par devoir moral, et non par obligation légale.
Au final, un amendement général a été présenté. On a entendu 200 millions, donc on a dit: «Nous prenons 200 millions, et de quoi avez-vous à vous plaindre, puisque vous étiez prêts à céder 200 millions ?» Oui, mais attention: il s'agissait de 200 millions à condition qu'on ne revienne pas dans cinq ou dix ans nous redemander encore 200 millions, voire davantage. Il faut s'assurer que ce soit pour le long terme. Mais non, on a oublié la fin de la phrase. «Vous avez proposé 200 millions, on les prend et, ce faisant, on ne fait que respecter la volonté du Conseil d'Etat»: voilà comment on nous explique la démarche.
Concernant l'âge pivot à 60 ans, contrairement à ce qu'a indiqué le député Batou, cela n'implique pas que les gens vont prendre leur retraite plus tard. Aujourd'hui, ils partent grosso modo à 61 ans; ainsi, que l'on fixe un âge pivot ou non, ils continueront de partir à 61 ans. Ce projet de loi ne va rien changer, voire améliorer la position de celles et ceux qui étaient nos interlocuteurs dans le cadre des négociations avec les syndicats, c'est-à-dire ceux dont l'âge est plus proche de la retraite que de celui de l'entrée dans la police.
On parle de respect, mais pardonnez-moi: il convient de respecter non seulement ceux qui sont là et discutent le bout de gras, si vous me passez l'expression triviale, mais également ceux qui sont entrés récemment comme ceux qui entreront demain dans la police afin que les gens aient l'assurance sur le moyen et le long terme que les prestations qu'on leur garantit leur seront servies. On s'exclame: «Regardez l'effort qu'ils font !» Or, il n'y a aucun effort, puisqu'on nous donne dans la loi ce qui est déjà une réalité dans les faits. A l'heure actuelle, les gens entrent plus tard dans la police, donc même s'ils peuvent sortir plus tôt - 58 ans aujourd'hui -, ils se retireront tout de même à 61 ans pour obtenir le maximum des prestations.
D'ailleurs, vous êtes bien conscients que tout cela ne joue pas, puisque vous instituez - je reviens sur ce que j'ai mentionné tout à l'heure - une condition suspensive à l'article 67, alinéa 4, stipulant que la caisse doit procéder à une nouvelle expertise de sa situation au 31 décembre 2022 avec les nouveaux paramètres de votre amendement, la situation au 31 décembre 2022 avec les paramètres actuels étant connue. Aussi, vous attendez quelque chose. Nous espérons que ce rapport contenant les nouveaux paramètres sera approuvé par l'ASFIP, que celle-ci nous dira non pas que c'est possible - bien entendu que c'est possible -, mais que c'est viable pour rétablir un équilibre financier sur le long terme. Je me réfère à la lettre de l'ASFIP du 27 février que j'ai citée tout à l'heure.
Ce que vous allez voter aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, est légal, quant à la faisabilité, mais cela ne veut pas encore dire que l'ASFIP considérera que c'est conforme à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle et se contentera des efforts que vous avez exigés ici. Nous participons à hauteur de 200 millions, mais ce montant doit être réparti pour assurer à la fois que ceux qui partiront à la retraite ces prochaines années ne perdent rien, mais aussi une viabilité sur le long terme, ce qui n'est pas le cas en l'état actuel de nos connaissances.
Vous allez donc adopter cet objet. De toute façon, même si nous ne demandions pas le troisième débat, il reviendrait devant votre parlement avant même que nous ayons obtenu le rapport réactualisé de la caisse ainsi que l'analyse de l'ASFIP, donc nous solliciterons ce troisième débat. Cela sera publié, un délai de référendum courra et, d'ici là, nous espérons recevoir des éléments nous confirmant que les sommes exigées de l'Etat permettront d'atteindre les buts.
Et si tel n'est pas le cas, parce que nous sommes transparents, nous déterminerons si la promulgation doit être faite ou si, au contraire, nous devons revenir vers vous en vous disant: «Regardez, votre condition suspensive n'est pas celle que vous pensiez, entendez-vous malgré tout aller dans ce sens ?» A vous, alors, d'assumer vos responsabilités; les élections étant passées, peut-être serez-vous davantage enclins à examiner objectivement la situation... (Remarque.) Ou plus là, en effet, et d'autres le feront à votre place. C'est dommage, parce que je pense que le travail aurait pu être mieux effectué, mais apparemment, dans certains secteurs de notre administration, on confond rapidité avec précipitation. Voilà ce que je voulais vous dire pour le compte du Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13212 est adopté en premier débat par 59 oui contre 33 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 9, al. 3 (nouvelle teneur), et 14, al. 1 (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Yvan Zweifel:
«Art. 16 Déduction de coordination (nouvelle teneur)
La déduction de coordination prise en compte dans la détermination du traitement cotisant correspond à 11 845 francs (base 2023); elle est adaptée automatiquement dans la même proportion que l'échelle des traitements.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 33 oui et 1 abstention.
Le président. Madame Marti, j'imagine que vous voulez intervenir sur votre amendement ? (Remarque.) Je vous passerai la parole au moment voulu; il vous restera une minute.
Mis aux voix, l'art. 25, al. 2 (nouvelle teneur), est adopté.
Le président. Voici une autre demande d'amendement de la minorité:
«Art. 27, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Pour les sociétaires de plus de 23 ans révolus, le taux de cotisation annuelle est fixé à 31,2% du traitement cotisant.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 34 oui et 1 abstention.
Le président. M. Zweifel nous soumet encore l'amendement suivant:
«Art. 27, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Cette cotisation est perçue tant que le sociétaire est en fonction, mais au maximum jusqu'à ce que l'objectif maximal de rente de 70,73% du traitement assuré soit atteint, compte tenu des retraits éventuels effectués au titre d'encouragement à la propriété du logement et de partage en cas de divorce. Elle cesse en cas de démission, d'invalidité, de retraite ou de décès. Les années rachetées sont considérées comme des années d'assurance.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 34 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 27, al. 1 et 2 (nouvelle teneur), est adopté.
Le président. La prochaine proposition d'amendement de la minorité est libellée ainsi:
«Art. 67, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Si la Caisse décide d'introduire immédiatement un âge pivot unique de retraite de 61 ans et si elle décide de prolonger de 35 à 37 ans la durée de cotisation donnant droit à une pleine rente, l'Etat verse les montants définis aux alinéas 2 et 3 du présent article.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 33 oui et 1 abstention.
Le président. A présent, je cède la parole à Mme Caroline Marti pour la présentation de son amendement.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Très rapidement, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'un amendement purement technique qui vise à répondre à un certain nombre d'interrogations émises en commission par l'ASFIP et la caisse en précisant de quel plan de prévoyance on parle, respectivement de quel règlement.
Je profite d'avoir la parole pour bien expliciter la volonté du législateur au sujet d'une question qui a également été soulevée en commission, à savoir si deux plans - un ancien et un nouveau - continueraient à coexister ou si le nouveau plan absorberait les conditions et prestations de l'ancien.
Eh bien c'est la deuxième option qui a été retenue; je le mentionne précisément pour que cela figure au Mémorial et que si l'ASFIP, respectivement un ou une juge, est appelée à interpréter le souhait du législateur à l'avenir, on puisse lire noir sur blanc que le nouveau plan absorbera l'ancien plan ainsi que ses prestations de manière qu'il n'en demeure plus qu'un. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. L'amendement déposé par Mme Marti est rédigé comme suit:
«Art. 67, al. 2 (nouvelle teneur)
Modifications du ... (date à compléter)
2 En particulier, pour les sociétaires présents au 31 décembre 2022, si la Caisse leur garantit les droits selon le règlement général en vigueur au 31 décembre 2022, l'Etat verse à la Caisse le montant en prime unique correspondant à la réserve mathématique nécessaire pour financer la différence de rente entre:
a) la rente de l'ancien plan de prévoyance (règlement général en vigueur au 31 décembre 2022), à l'âge de retraite réglementaire de l'ancien plan, sur la base du traitement assuré au 1er janvier 2023;
b) la rente du nouveau plan de prévoyance (règlement général en vigueur au 1er janvier 2024), à l'âge de retraite réglementaire de l'ancien plan de prévoyance, sur la base du traitement assuré au 1er janvier 2023.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 57 oui contre 31 non et 2 abstentions.
Le président. M. Yvan Zweifel nous propose un nouvel amendement:
«Art. 67, al. 4 (nouvelle teneur)
4 Les apports prévus aux alinéas 2 et 3 sont versés dès lors que la Caisse aura procédé à une nouvelle expertise de la situation de la Caisse au 31 décembre 2022. Le total des apports ne pourra toutefois pas dépasser 110 millions.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 34 oui.
Mis aux voix, l'art. 67 (nouveau) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Il y a un dernier amendement de la minorité:
«Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouvelle teneur)
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 33 oui.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13212 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 33 non et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous donne rendez-vous le jeudi 23 mars à 17h pour la dernière session de la deuxième législature. Dans l'intervalle, je vous souhaite une bonne soirée et un bon week-end !
La séance est levée à 19h45.