République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 mars 2023 à 16h05
2e législature - 5e année - 10e session - 63e séance
PL 13253
Premier débat
Le président. Nous reprenons le cours de notre session avec le traitement des urgences et nous abordons le PL 13253, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, Genève n'a pas à rougir de son passé et ne doit pas avoir honte de son histoire. Cette geste populaire rédigée en arpitan genevois, qui relate en soixante-huit strophes les événements historiques de la nuit du 11 au 12 décembre - soit comment les Genevois ont su préserver leur indépendance et leur liberté en mettant en déroute les troupes du duc de Savoie, infligeant ainsi une défaite magistrale aux Savoyards -, fait partie de notre patrimoine culturel. Ce n'est un texte ni sanguinaire ni antilaïque. Il relate simplement un événement du passé et reflète le contexte de l'époque. Et nous pouvons en être fiers !
Ecrit, selon le texte le plus ancien retrouvé à ce jour, le 18 décembre 1602, soit quelques jours seulement après la victoire de Genève sur ses assaillants, le chant a su traverser, en quatre cent vingt et un ans d'existence, les affres du temps, jusqu'au jour malheureux où un ayatollah du wokisme, adepte du grand «reset», a osé vouloir réécrire l'histoire et réinventer notre «Cé qu'è lainô».
Le mal étant fait une fois les doigts mis dans l'engrenage, gageons que cette idée saugrenue reviendra tôt ou tard si elle n'est pas stoppée net dans son élan. C'est pourquoi les signataires de ce projet de loi vous invitent à soutenir le présent texte pour que le «Cé qu'è lainô» devienne officiellement notre hymne cantonal, et ainsi le sauvegarder tel quel, dans sa version originale, en l'inscrivant pour la postérité dans notre constitution. Je vous remercie pour votre attention et votre soutien.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC - démocrate-chrétien-Le Centre - soutiendra la proposition de l'UDC...
Une voix. Eh bien ! Ce n'est pas ce que vous faites de mieux ! (Rires.)
M. Bertrand Buchs. C'est gentil, Monsieur Bonny; vous transmettrez vos remarques au président quand vous prendrez la parole. Dans une constitution, les armoiries sont décrites; si on a un chant national ou patriotique, je pense qu'il est logique qu'on décide aussi de l'y inscrire. Pourquoi est-ce que c'est logique ? Parce qu'en fin de compte, chanter le «Cé qu'è lainô» est maintenant ancré dans la pratique: lorsqu'on prête serment, on chante le «Cé qu'è lainô»; dans tous les grands événements de la république, on chante le «Cé qu'è lainô». Cela se fait tout naturellement et il n'y a par conséquent rien qui choque dans le fait que ce chant soit inscrit dans la constitution genevoise.
Ce qui est aussi très intéressant, c'est la langue dans laquelle il est écrit: l'arpitan. Ce n'est pas de l'arpitan genevois, Monsieur Florey: c'est de l'arpitan, point - du francoprovençal ! Et c'est intéressant d'avoir un chant patriotique dans une langue qu'on ne connaît pas, qu'on n'utilise plus. De cette manière, on peut aussi apprendre des choses: comment les gens parlaient à l'époque, comment ils s'exprimaient et ce que voulait dire ce chant.
Maintenant, on a fait remarquer qu'il est trop violent, qu'il décrit malheureusement des gens qui se font décapiter, tuer, et qu'en plus, à la fin du chant, on glorifie Dieu - ce qui plaît beaucoup au PDC. On glorifie Dieu, eh bien tant mieux ! C'était comme ça, à l'époque; les gens étaient comme ça. Je vous rappelle quand même qu'il est question d'un peuple qui s'est défendu contre un agresseur. Actuellement, on ne parle que de l'Ukraine qui se défend contre un agresseur; eh bien le peuple genevois s'est défendu contre un agresseur et les gens ont immédiatement écrit ce qui s'était passé; ils ont décrit les événements d'une façon tout à fait naturelle.
Je ne vois pas ce qu'il y a à redire à ce chant, dont nous ne chantons que la première strophe alors qu'il y en a beaucoup d'autres; c'est quelque chose de très intéressant, qu'il faut soutenir. Comme l'usage est maintenant fermement établi et que ça ne choque pas du tout, comme nous chantons ce «Cé qu'è lainô» en de multiples occasions, il est naturel qu'on l'inscrive dans la constitution. Ça permettra de le protéger contre certaines lubies et calembredaines de la gauche. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). En préambule, je souligne que nous avons tous beaucoup d'affection pour le «Cé qu'è lainô» - et nous, les Verts, aussi. Comme beaucoup, nous pensions, et nous le pensons toujours, que c'est l'hymne de Genève et qu'il n'a pas besoin de l'être officiellement. Ces hymnes non officiels existent dans de nombreux autres cantons: Fribourg, avec le «Ranz des vaches»; le canton de Vaud, avec «Vaudois ! un nouveau jour se lève»; le Tessin, autre exemple, avec «Sacra terra del Ticino»; Zurich, avec le «Sechseläuten-Marsch». Tous sont des hymnes que tout le monde pense être officiels ! Et ils ne le sont pas ! Ce qui les fait vivre, c'est l'engouement des populations pour leur histoire, comme c'est le cas pour le «Cé qu'è lainô».
Le «Cé qu'è lainô», ce n'est évidemment pas la douce pastorale de notre hymne national, du fait de sa genèse: l'Escalade, une énième tentative de la puissance aristocratique voisine de reprendre Genève à ses habitants, organisés en république. Ce chant est porteur d'une mémoire nécessaire et ne doit bien sûr pas être corrigé: il doit continuer à être transmis pour perpétuer l'histoire de la république. Il n'a toutefois pas besoin qu'un projet de loi l'érige en hymne officiel. Même les constituants de 2012 - qui avaient pourtant eu beaucoup d'idées pour nous fabriquer cette merveilleuse nouvelle constitution - n'y ont pas pensé, tant ce chant fait partie de la culture genevoise !
Il ne mérite donc pas, de notre point de vue, un projet de loi constitutionnelle; mais si vous poursuivez cette idée-là, je vous propose de renvoyer d'abord cet objet à la commission législative - comme nous l'avons fait récemment pour un autre projet de loi constitutionnelle, que vous n'avez pas voulu voter sur le siège pour la raison qu'elle était constitutionnelle. Merci. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Quelle absence de confiance dans la place du «Cé qu'è lainô» à Genève que de vouloir protéger ce chant en l'inscrivant dans la constitution ! C'est absurde ! L'Escalade est une fête populaire genevoise, on chante le «Cé qu'è lainô»; il n'est pas nécessaire de faire une votation populaire là-dessus et de l'inscrire dans la constitution ! C'est absurde, c'est un aveu de faiblesse ! On a peur de quelques élucubrations de notre excellent ami ici - vous l'avez traité d'ayatollah ou de je ne sais quoi -, qui émettait quelques avis critiques sur son contenu; il en a encore le droit ! Mais enfin, sérieusement, répondre à ça par un projet de loi constitutionnelle, c'est employer un canon pour tuer une mouche ! Et je ne souhaite pas qu'on le tue... (Rires. Commentaires.) ...mais en fin, tout ça est idiot !
Je soutiens absolument la proposition de notre ami Vert, François Lefort, qui consiste à renvoyer ce texte en commission, parce qu'il faudrait discuter. Pourquoi pas «Ah ! la belle Escalade», par exemple ! (Commentaires.) Elle est sur l'air de quelle autre chanson ? Monsieur Florey, vous qui êtes un patriote genevois, vous le savez ? (Rires.) Sur l'air de «La Carmagnole» ! Pourquoi est-ce que c'est sur l'air de «La Carmagnole» ? Parce que le Conseil d'Etat, à l'époque, s'était appuyé sur des troupes étrangères qu'il avait fait entrer dans notre ville - y compris d'ailleurs pour enlever leur droit de cité genevois à un certain nombre de natifs -, et la célébration de l'Escalade avait été interdite à partir de 1782 parce qu'elle était de mauvais goût ! Puisqu'on avait des troupes savoyardes, dans notre ville, qui appuyaient le régime antidémocratique de l'époque ! Et quand la Révolution s'est produite et a balayé ce régime, eh bien c'est sur un air révolutionnaire du temps - de la Révolution française - qu'on a chanté les hauts faits des ancêtres qui avaient repoussé l'envahisseur savoyard !
Cette question-là, par exemple, pourrait donc être débattue en commission: pourquoi le «Cé qu'è lainô» ? Pourquoi pas «Ah ! la belle Escalade» ? Pourquoi pas «La Carmagnole» directement ? Bref, il y a un débat intéressant à avoir autour de cette question. Je vous propose qu'on ne le continue pas ici, parce que nous avons d'autres points à traiter qui sont, eux, réellement urgents. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour répondre au député François Lefort, j'aimerais le rassurer: à la Constituante, nous n'avons pas eu l'idée d'inscrire le «Cé qu'è lainô» comme hymne officiel dans le texte constitutionnel pour une raison extrêmement simple: nous étions loin de penser que quelqu'un aurait un jour l'idée saugrenue de remettre en question une telle évidence ! Une évidence telle qu'elle figure, écrite noir sur blanc dans ces termes-là, sur le site internet de la Ville de Genève, Ville dont la majorité est celle que vous savez: elle reconnaît le «Cé qu'è lainô» comme l'hymne officiel du canton de Genève.
En d'autres termes, la Constituante n'a nullement procédé à ce que l'on appelle, en droit, un silence qualifié: il s'agit d'une lacune que ce projet de loi se propose de combler - de combler dans des termes tellement limpides qu'un passage en commission est parfaitement inutile. La question qui aujourd'hui se pose à vous, Mesdames et Messieurs, c'est celle de savoir si oui ou non vous souhaitez maintenir le «Cé qu'è lainô» comme hymne officiel en l'inscrivant dans le texte constitutionnel. Nous avons une disposition constitutionnelle relative aux armoiries, nous en avons une aussi sur notre devise officielle; pourquoi donc ne pas faire de même avec l'hymne officiel de notre canton ?
Après, sur la question de l'opportunité du «Cé qu'è lainô», j'ai envie de dire à M. Vanek: mais proposez un amendement ! Proposez un autre chant comme hymne officiel; vous pouvez tenter votre chance, peut-être, avec «L'Internationale» - on n'est jamais à l'abri d'une proposition curieuse lorsque celles-ci viennent de vos rangs.
Enfin, au nom du PLR, j'aimerais surtout remercier le député Sylvain «Théwoke»... (Rires.) ...qui, grâce à son intervention, critiquée même par le président de son propre parti dans la presse, aura réussi l'exploit de produire l'effet parfaitement inverse de celui qu'il recherchait: non seulement le «Cé qu'è lainô» va rester l'hymne officiel, mais on va en plus l'inscrire comme tel dans la constitution. Et si un jour il veut en modifier les paroles ou modifier cet hymne, il devra en référer au peuple ! C'est simplement pour des raisons parfaitement démocratiques, des raisons de bon sens, des raisons liées au respect de l'histoire, de nos traditions et de notre identité que je vous invite donc à voter en faveur de ce projet de loi, sans renvoyer le texte en commission. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole... Monsieur Thévoz, vous souhaitez réagir ? (Remarque.) Tout de suite ? (Remarque.) Vous avez été... (Remarque. Protestations.) Alors allez-y maintenant.
M. Sylvain Thévoz (S). En espérant que la droite sortira des attaques personnelles, Monsieur le président. (Remarque.)
Le président. S'il vous plaît, laissez-le répondre !
M. Sylvain Thévoz. Monsieur «Théwoke», ayatollah wokiste, adepte du grand «reset» ! (Remarque.) On voit la grande peur dans la montagne qu'a provoquée une question écrite urgente, soit une question que j'ai posée au Conseil d'Etat et à travers laquelle je m'enquérais, en gros, de la compatibilité du «Cé qu'è lainô» avec la laïcité... (Remarque.) ...et de son adéquation, à l'heure actuelle, avec une base assez large de la population, qui peut s'interroger sur l'hymne qu'on se choisit. Et la réponse aujourd'hui consiste à dire, en gros - vous transmettrez à M. Alder -, pas touche, on va le mettre dans la constitution, c'est extrêmement urgent. On va ainsi obligatoirement déclencher une votation populaire; c'est du moins le chemin qu'on prend, puisque la droite souhaite une modification constitutionnelle, ce qui est lié à une votation. Les mêmes qui disaient: «Non, non, l'urgence, c'est la classe moyenne; l'urgence, c'est le social; l'urgence, ce sont les enjeux politiques des Genevois et des Genevoises», provoquent aujourd'hui un débat, demandent une urgence et vont conduire...
Le président. Je vous passe sur le temps de votre groupe.
M. Sylvain Thévoz. Je termine là-dessus. (Protestations.) ...vont conduire à une votation populaire qui va coûter des centaines de milliers de francs. Il faut évidemment renvoyer cet objet en commission - c'est important et je le soutiens - pour discuter de cet hymne, mais sans y passer des heures et des heures. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. Patrick Dimier. (Un instant s'écoule.) Monsieur Dimier, vous avez la parole.
M. Patrick Dimier (MCG). Excusez-moi, Monsieur, j'étais tellement abasourdi par mon préopinant que j'en ai perdu le sens de la réponse ! Vous savez, on peut être dans l'Escalade comme dans la désescalade, mais il se trouve que le «Cé qu'è lainô», contrairement à ce qu'on cherche à nous faire croire, n'est ni un chant de guerre ni rien du tout ! C'est un acte de reconnaissance ! C'est un acte de reconnaissance pour avoir été sauvés d'une attaque véritablement sauvage, non des Savoyards, mais des Savoyards aidés des Espagnols ! (Remarque.) Parce que, dans les troupes du duc de Savoie, il y avait peu de Savoyards mais beaucoup d'Espagnols. Donc, ce n'est pas ça.
Je dirai, si vous me permettez, que l'attaque de notre collègue vaut ce que Thévoz et qu'on ne peut, ma foi, pas faire autrement que de répondre par un texte constitutionnel. Comme l'a très bien relevé notre collègue Murat Alder, on y a déjà fait figurer le drapeau, la devise, etc.; je trouve par conséquent que l'hymne national y a sa place - je tiens à rappeler ici que si vous lisez correctement l'article 1 de notre constitution, il parle de la République de Genève, canton suisse ! Ce n'est donc pas le canton qu'on cherche à défendre, mais l'identité de notre république. Merci. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Décidément, on n'a pas de problèmes à Genève et on a le temps, du coup, de s'offrir des débats sur des projets de lois constitutionnelles... (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Cyril Mizrahi. J'en suis un peu désolé ! La première chose que nous dit notre collègue Murat Alder, c'est: mais finalement, pourquoi pas ? On touche là la première incohérence du PLR: il est le premier à dire qu'il faut faire économie de mots dans une constitution, que tout n'a pas besoin de figurer dans une constitution, mais alors là, tout d'un coup, il faut absolument y inscrire le chant ! Un député dépose une question écrite et - ouh là là ! - c'est la panique, Mesdames et Messieurs ! Que d'affolement !
Mais, en fait, pourquoi s'affole-t-on comme ça ? En réalité, je ne crois pas qu'il soit question de panique dans cette histoire. Je crois que des personnes ont simplement flairé l'aubaine en période électorale... (Protestations. Applaudissements. Commentaires.) ...et qu'elles veulent se profiler - pour quoi, Mesdames et Messieurs ? Pour que le peuple de Genève évite de se souvenir que vous luttez pour le maintien des inégalités... (Protestations.) ...pour le maintien des privilèges dans cette république ! (Protestations.) Mais oui, Mesdames et Messieurs, et c'est là-dessus que nous devons avoir un vrai débat... (Protestations.) ...dans le cadre de ces élections et pas... (Les députés du MCG chantent la première strophe du «Cé qu'è lainô».) Laissez-moi finir ! Est-ce que vous êtes des démocrates ?
Le président. S'il vous plaît !
M. Cyril Mizrahi. Est-ce que vous êtes des démocrates ? (Vifs commentaires. Les députés du MCG continuent à chanter le «Cé qu'è lainô».)
Le président. Un instant, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. Il faut arrêter le temps !
Une voix. C'est honteux ! (Commentaires. Les députés du MCG chantent toujours le «Cé qu'è lainô».)
Une autre voix. Monsieur le président, franchement, ce n'est pas sérieux !
Le président. Continuez, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. Et le maintien de l'ordre, alors !
Une voix. Ce n'est pas démocratique !
Le président. Nous avons arrêté le temps.
M. Cyril Mizrahi. Est-ce que je peux finir, Monsieur le président ?
Le président. Monsieur le député, reprenez votre intervention.
M. Cyril Mizrahi. M. Murat Alder nous dit qu'il y a une lacune dans la constitution. Il n'y a absolument aucune lacune ! Le «Cé qu'è lainô» est notre hymne depuis bien longtemps; personne ne l'a contesté. Il n'était pas dans la constitution de 1847, et ça n'a dérangé personne ! Personne n'a jamais dit qu'il s'agissait d'une lacune. Si vous voulez lancer ce débat, Mesdames et Messieurs, chers collègues, ayez au moins le respect de nos institutions ! Le PLR - et c'est la deuxième incohérence - ne peut pas dire un jour qu'il faut absolument renvoyer en commission tous les projets de lois constitutionnelles, puis tout à coup, quand c'est son propre objet: non, finalement on ne veut pas.
Votre projet, et ce sera mon dernier point, est complètement inutile: ce n'est pas parce que vous voterez ce texte que vous empêcherez qu'on en change les paroles ! Personnellement, je ne suis pas pour en changer les paroles - je pense que nous avons d'autres chats à fouetter -, mais votre projet est complètement inutile. Si vous avez une once de respect pour nos institutions, alors votez au moins le renvoi en commission ! (Remarque. Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Chers collègues, pour faire suite à ce que mon préopinant Murat Alder a dit, il est vrai que nul parmi nous n'a pensé qu'un élément subversif, qui malheureusement siège dans ce Grand Conseil, allait attaquer le «Cé qu'è lainô» ! Mais je reviens surtout au discours de M. Vanek: nous faisons un aveu de faiblesse ! Alors, permettez-moi, chers collègues, oui et non ! Oui et non ! Parce que face aux agitateurs patentés, dont certains siègent dans vos rangs, il ne nous reste, pour nous battre, que la légalité. C'est ce que nous faisons en déposant un projet de loi, car nous estimons qu'il est complètement loufoque de vouloir supprimer ce chant.
En définitive, vu sa pérennité - ce chant est dans nos événements et autres depuis longtemps - et, mon préopinant MCG l'a dit, l'article 1 de la constitution, cette dernière ne souffrira pas, ne sera pas outragée et ne fera en tout cas pas une jaunisse parce que nous rajoutons simplement ce paragraphe relatif à notre... j'allais dire chant, mais je vais peut-être vous choquer davantage: pour moi, il a un petit côté cantique, ce chant. Je l'aime beaucoup. (Rires.) Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni pour une minute vingt.
M. Daniel Sormanni (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, finalement, ce débat n'aurait pas eu lieu si quelqu'un n'avait pas allumé la mèche ! Et vous savez de qui je veux parler; alors ne venez pas donner de leçons sur cette problématique. Et si on veut gagner du temps, on vote sur le siège: on n'a pas besoin de renvoyer le projet de loi en commission.
Cela dit, Mesdames et Messieurs de l'Alternative, vous avez toujours tendance à vouloir réécrire l'histoire. Pourquoi voulez-vous la réécrire ? Il faut être fier de son histoire ! (Commentaires.) Et la faire perdurer. Et je crois que l'histoire de Genève, l'histoire de l'Escalade, nous devons la faire perdurer et nous devons en être fiers ! On ne va pas la réécrire ! On doit assumer notre histoire; on la commente, peut-être, à l'aune d'aujourd'hui.
J'en ai marre d'entendre partout... Aujourd'hui, il est question du «Cé qu'è lainô», hier c'était l'uni Carl-Vogt qu'il fallait débaptiser parce qu'on a honte de M. Carl Vogt - j'en passe et des meilleures ! Arrêtez cette façon de faire: assumez l'histoire de Genève, et on s'en portera beaucoup mieux ! Par conséquent, vive le «Cé qu'è lainô», vive Genève et vive la fête de l'Escalade !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Wenger, vous n'avez plus de temps de parole. Je cède le micro à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord une précision - il y a peut-être effectivement une petite confusion: Monsieur Buchs, on en a rapidement parlé, mais je vous explique juste que l'arpitan, oui, est du francoprovençal, mais c'est un patois. Il est subdivisé en cinq «sous-arpitans», qui sont des dialectes, dont fait partie celui dont on parle ici: l'arpitan genevois. Il y a en outre l'arpitan savoyard et trois autres dont j'ai oublié le nom, mais c'est de l'arpitan genevois qu'on parle aujourd'hui, c'est de ce dialecte qui vient de l'arpitan, du francoprovençal.
Cela étant précisé, moi, j'entends bien le groupe socialiste avec ses contrevérités. Quand M. Mizrahi - vous lui transmettrez, Monsieur le président - dit que personne ici n'est contre le «Cé qu'è lainô», eh bien c'est faux: il y en a au moins un qui est contre. Ce sont vos milieux qui ont attaqué l'hymne national suisse... (Protestations.) ...en voulant également réécrire l'histoire. (Protestations.) On sait très bien de qui viennent ces attaques, qui ont du reste été un véritable fiasco; vous avez fait perdre des heures et des heures en réécriture alors que personne n'en veut.
Quant à l'aveu de faiblesse évoqué par M. Vanek, non, ce n'est pas un aveu de faiblesse: nous tenons à notre histoire. Si nous avions cette faiblesse que vous évoquez, nous n'aurions pas proposé d'aller devant le peuple puisque, ce projet de loi étant accepté aujourd'hui, il ira de toute façon en votation populaire. Et nous sommes persuadés que le peuple nous donnera raison et exprimera sa fierté d'inscrire cet hymne cantonal dans notre constitution. Il est bien sûr totalement inutile, vous l'aurez compris, de renvoyer ce texte en commission; je vous remercie donc par avance de le soutenir.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Wenger, je vous accorde vingt secondes.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Pour rappel, comme je l'ai dit dans la «Tribune de Genève», il n'est pas question, pour le parti socialiste, de toucher au «Cé qu'è lainô». Quant au débat d'aujourd'hui, c'est une pure mascarade - on l'a dit, c'est de la récupération électoraliste; c'est un débat indigne de notre Grand Conseil !
Le parti socialiste votera le renvoi en commission. Si ce renvoi en commission n'est pas accepté, nous nous lèverons et nous quitterons la salle... (Vives exclamations. Applaudissements sur les bancs du MCG.) ...car nous ne voulons pas voter à la suite de ce débat honteux ! Merci, Monsieur le président. (Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Monsieur Florey, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur le président du Conseil d'Etat, je vous cède le micro.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on peut évidemment remercier le député qui a eu la brillante idée d'allumer la mèche des mousquetons de 1602 en posant une question urgente sur un sujet qui ne le méritait pas. Comme le disait le regretté Coluche, parmi tous ceux qui n'ont rien à dire, les plus sympathiques sont encore ceux qui se taisent ! (Rires. Applaudissements.) Je pense que quelqu'un a perdu une belle occasion de se taire; cela aurait évité ce débat.
Néanmoins, on ne répond pas à une absurdité par une autre absurdité, en montant en symétrie; je pense qu'il faut prendre... (Applaudissements sur les bancs de gauche.) Bon, c'est vrai aussi que menacer de quitter la salle revient à tendre la perche à une partie de cet hémicycle... (Rires.) ...ce qui n'est pas non plus très stratégique au niveau politique, mais je laisse à chacun sa stratégie. (Commentaires.) Cela étant, pour reprendre ce que j'avais à dire, nous avons regardé, avec le peu de temps dont nous disposions, ce qu'ont fait les autres cantons, et je dois dire qu'aucun n'a mentionné dans sa constitution un hymne; la Confédération la première ne l'a d'ailleurs pas fait. Par contre, c'est vrai qu'il y a «Notre Valais» pour le Valais, «La Rauracienne» pour le Jura, «Vaudois ! un nouveau jour se lève» pour les Vaudois, et il y a bien sûr le «Cantique suisse». (Remarque.)
Il existe plusieurs façons de lier au canton un hymne auquel nous sommes particulièrement attachés sans le mettre dans la constitution. D'autant plus qu'un hymne, ce n'est pas seulement un titre: c'est aussi une partition. Encore faudrait-il donc, pour être vraiment sûr que quelqu'un ne vienne pas nous transformer le «Cé qu'è lainô» en chantant autre chose, que le titre soit attaché à une partition incontestable. Prenons donc le temps de faire les choses comme il faut. Le Jura a par exemple adopté un arrêté qui stipule que «La Rauracienne» est l'hymne du canton.
Peut-être pourrait-on trouver une solution analogue, un peu plus souple et élégante, plutôt que d'amener notre population à se poser ce genre de question. Cela donnerait peut-être la fausse idée que nous n'avons aucun sujet duquel débattre dans cette république et que nous nous appliquons finalement à améliorer le folklore. Le Conseil d'Etat vous demande donc de renvoyer ce texte en commission pour que nous puissions en discuter calmement et sereinement. Si vous ne l'acceptez pas, le Conseil d'Etat ne peut évidemment pas souscrire au projet de loi même s'il est très attaché à ce chant - votre serviteur est le premier à l'entonner lorsqu'il doit le faire. L'inscrire dans la constitution serait, nous le pensons, une genevoiserie de plus. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi de ce texte à la commission législative.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13253 à la commission législative est rejeté par 47 non contre 36 oui et 1 abstention. (Une majorité des députés socialistes quitte la salle. Applaudissements.)
Une voix. Bonne nuit !
Le président. Nous passons au vote d'entrée en matière. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Une voix. C'est vraiment un charlot ! (Rires.)
Une autre voix. Bolcheviks !
Une autre voix. Tu sais ce qu'ils disent, les bolcheviks ?
Mis aux voix, le projet de loi 13253 est adopté en premier débat par 46 oui contre 11 non et 13 abstentions.
Le projet de loi 13253 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Un instant s'écoule.) Le Conseil d'Etat ne demandant pas le troisième débat, celui-ci est reporté. (Applaudissements.)
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.