République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 mars 2023 à 16h05
2e législature - 5e année - 10e session - 63e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h05, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, et Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Virna Conti, Pablo Cruchon, Emmanuel Deonna, Serge Hiltpold, Badia Luthi, Sandro Pistis et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Denis Chiaradonna, Nicolas Clémence, Françoise Nyffeler, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de Thierry Cerutti : N'est pas celui qu'on dit qui l'est ! (QUE-1870)
Question écrite urgente de Jean Romain : Oublie-t-on l'enseignement du français en 8P à Vésenaz ? (QUE-1871)
Question écrite urgente de Pierre Nicollier : Police du feu : plus royaliste que le roi ? (QUE-1872)
Question écrite urgente de Sébastien Desfayes : Uber : des questions qui appellent des réponses (QUE-1873)
Question écrite urgente de Stéphane Florey : Coûts de la prise en charge des demandeurs d'asile auprès des caisses maladie (QUE-1874)
Question écrite urgente de Stéphane Florey : Protection des mineurs et de la jeunesse. Violences domestiques causées par des étrangers (QUE-1875)
Question écrite urgente de Christo Ivanov : Règlements de comptes mafieux dans nos écoles : la violence franchit un nouveau cap ! (QUE-1876)
Question écrite urgente de Alberto Velasco : Nombre de taxations d'office (QUE-1877)
Question écrite urgente de Yvan Zweifel : Quand l'Etat veut l'Uber et l'argent d'Uber, mais aux frais du contribuable ? (QUE-1878)
Question écrite urgente de Vincent Subilia : Régulation de l'économie de plateforme : des employés sur le carreau ? (QUE-1879)
Question écrite urgente de Jean-Pierre Pasquier : Les TPG ont-ils la même stratégie que les CFF pour analyser les comportements et les profils des usagers ? (QUE-1880)
Question écrite urgente de Pierre Eckert : La BNS prend-elle au sérieux le canton de Genève ? (QUE-1881)
Question écrite urgente de Aude Martenot : Fermeture des lieux d'accueil « Les Coccinelles » pour enfants en âge préscolaire dans des centres d'hébergement de migrants et migrantes : quelles explications ? (QUE-1882)
Question écrite urgente de André Pfeffer : Le taux de placement des enfants à Genève est-il supérieur à celui des autres cantons romands ? (QUE-1883)
Question écrite urgente de Diego Esteban : Poursuites pour dettes : adaptation du minimum d'existence en matière de saisie (QUE-1884)
Question écrite urgente de Alexandre de Senarclens : Application cantonale de la loi sur les étrangers et l'asile (QUE-1885)
Question écrite urgente de Marjorie de Chastonay : Questions sur les RMNA et le Foyer de l'Etoile (QUE-1886)
Question écrite urgente de David Martin : Où en sont les études relatives au nouveau pont de Lancy et quid de sa conformité environnementale ? (QUE-1887)
QUE 1870 QUE 1871 QUE 1872 QUE 1873 QUE 1874 QUE 1875 QUE 1876 QUE 1877 QUE 1878 QUE 1879 QUE 1880 QUE 1881 QUE 1882 QUE 1883 QUE 1884 QUE 1885 QUE 1886 QUE 1887
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de Boris Calame : Processus de consultation à Genève : où en est-on ? (Q-3921)
Question écrite de Boris Calame : Bilan de la consommation et des économies d'énergie de Genève pour l'hiver 2022-2023 : quels enseignements en tirer pour la suite ? (Q-3922)
Question écrite de Boris Calame : Léman [genevois] et munitions : où en est-on ? (Q-3923)
Question écrite de Adrienne Sordet : Prix de l'électricité : les SIG peuvent-ils agir ? (Q-3924)
Question écrite de Anne Bonvin Bonfanti : PPE en zone de développement : quel bilan ? (Q-3925)
Q 3921 Q 3922 Q 3923 Q 3924 Q 3925
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 27 janvier 2023 à 16h05
Cette question écrite urgente est close.
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Premier débat
Le président. Nous reprenons le cours de notre session avec le traitement des urgences et nous abordons le PL 13253, classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, Genève n'a pas à rougir de son passé et ne doit pas avoir honte de son histoire. Cette geste populaire rédigée en arpitan genevois, qui relate en soixante-huit strophes les événements historiques de la nuit du 11 au 12 décembre - soit comment les Genevois ont su préserver leur indépendance et leur liberté en mettant en déroute les troupes du duc de Savoie, infligeant ainsi une défaite magistrale aux Savoyards -, fait partie de notre patrimoine culturel. Ce n'est un texte ni sanguinaire ni antilaïque. Il relate simplement un événement du passé et reflète le contexte de l'époque. Et nous pouvons en être fiers !
Ecrit, selon le texte le plus ancien retrouvé à ce jour, le 18 décembre 1602, soit quelques jours seulement après la victoire de Genève sur ses assaillants, le chant a su traverser, en quatre cent vingt et un ans d'existence, les affres du temps, jusqu'au jour malheureux où un ayatollah du wokisme, adepte du grand «reset», a osé vouloir réécrire l'histoire et réinventer notre «Cé qu'è lainô».
Le mal étant fait une fois les doigts mis dans l'engrenage, gageons que cette idée saugrenue reviendra tôt ou tard si elle n'est pas stoppée net dans son élan. C'est pourquoi les signataires de ce projet de loi vous invitent à soutenir le présent texte pour que le «Cé qu'è lainô» devienne officiellement notre hymne cantonal, et ainsi le sauvegarder tel quel, dans sa version originale, en l'inscrivant pour la postérité dans notre constitution. Je vous remercie pour votre attention et votre soutien.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC - démocrate-chrétien-Le Centre - soutiendra la proposition de l'UDC...
Une voix. Eh bien ! Ce n'est pas ce que vous faites de mieux ! (Rires.)
M. Bertrand Buchs. C'est gentil, Monsieur Bonny; vous transmettrez vos remarques au président quand vous prendrez la parole. Dans une constitution, les armoiries sont décrites; si on a un chant national ou patriotique, je pense qu'il est logique qu'on décide aussi de l'y inscrire. Pourquoi est-ce que c'est logique ? Parce qu'en fin de compte, chanter le «Cé qu'è lainô» est maintenant ancré dans la pratique: lorsqu'on prête serment, on chante le «Cé qu'è lainô»; dans tous les grands événements de la république, on chante le «Cé qu'è lainô». Cela se fait tout naturellement et il n'y a par conséquent rien qui choque dans le fait que ce chant soit inscrit dans la constitution genevoise.
Ce qui est aussi très intéressant, c'est la langue dans laquelle il est écrit: l'arpitan. Ce n'est pas de l'arpitan genevois, Monsieur Florey: c'est de l'arpitan, point - du francoprovençal ! Et c'est intéressant d'avoir un chant patriotique dans une langue qu'on ne connaît pas, qu'on n'utilise plus. De cette manière, on peut aussi apprendre des choses: comment les gens parlaient à l'époque, comment ils s'exprimaient et ce que voulait dire ce chant.
Maintenant, on a fait remarquer qu'il est trop violent, qu'il décrit malheureusement des gens qui se font décapiter, tuer, et qu'en plus, à la fin du chant, on glorifie Dieu - ce qui plaît beaucoup au PDC. On glorifie Dieu, eh bien tant mieux ! C'était comme ça, à l'époque; les gens étaient comme ça. Je vous rappelle quand même qu'il est question d'un peuple qui s'est défendu contre un agresseur. Actuellement, on ne parle que de l'Ukraine qui se défend contre un agresseur; eh bien le peuple genevois s'est défendu contre un agresseur et les gens ont immédiatement écrit ce qui s'était passé; ils ont décrit les événements d'une façon tout à fait naturelle.
Je ne vois pas ce qu'il y a à redire à ce chant, dont nous ne chantons que la première strophe alors qu'il y en a beaucoup d'autres; c'est quelque chose de très intéressant, qu'il faut soutenir. Comme l'usage est maintenant fermement établi et que ça ne choque pas du tout, comme nous chantons ce «Cé qu'è lainô» en de multiples occasions, il est naturel qu'on l'inscrive dans la constitution. Ça permettra de le protéger contre certaines lubies et calembredaines de la gauche. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Lefort (Ve). En préambule, je souligne que nous avons tous beaucoup d'affection pour le «Cé qu'è lainô» - et nous, les Verts, aussi. Comme beaucoup, nous pensions, et nous le pensons toujours, que c'est l'hymne de Genève et qu'il n'a pas besoin de l'être officiellement. Ces hymnes non officiels existent dans de nombreux autres cantons: Fribourg, avec le «Ranz des vaches»; le canton de Vaud, avec «Vaudois ! un nouveau jour se lève»; le Tessin, autre exemple, avec «Sacra terra del Ticino»; Zurich, avec le «Sechseläuten-Marsch». Tous sont des hymnes que tout le monde pense être officiels ! Et ils ne le sont pas ! Ce qui les fait vivre, c'est l'engouement des populations pour leur histoire, comme c'est le cas pour le «Cé qu'è lainô».
Le «Cé qu'è lainô», ce n'est évidemment pas la douce pastorale de notre hymne national, du fait de sa genèse: l'Escalade, une énième tentative de la puissance aristocratique voisine de reprendre Genève à ses habitants, organisés en république. Ce chant est porteur d'une mémoire nécessaire et ne doit bien sûr pas être corrigé: il doit continuer à être transmis pour perpétuer l'histoire de la république. Il n'a toutefois pas besoin qu'un projet de loi l'érige en hymne officiel. Même les constituants de 2012 - qui avaient pourtant eu beaucoup d'idées pour nous fabriquer cette merveilleuse nouvelle constitution - n'y ont pas pensé, tant ce chant fait partie de la culture genevoise !
Il ne mérite donc pas, de notre point de vue, un projet de loi constitutionnelle; mais si vous poursuivez cette idée-là, je vous propose de renvoyer d'abord cet objet à la commission législative - comme nous l'avons fait récemment pour un autre projet de loi constitutionnelle, que vous n'avez pas voulu voter sur le siège pour la raison qu'elle était constitutionnelle. Merci. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Quelle absence de confiance dans la place du «Cé qu'è lainô» à Genève que de vouloir protéger ce chant en l'inscrivant dans la constitution ! C'est absurde ! L'Escalade est une fête populaire genevoise, on chante le «Cé qu'è lainô»; il n'est pas nécessaire de faire une votation populaire là-dessus et de l'inscrire dans la constitution ! C'est absurde, c'est un aveu de faiblesse ! On a peur de quelques élucubrations de notre excellent ami ici - vous l'avez traité d'ayatollah ou de je ne sais quoi -, qui émettait quelques avis critiques sur son contenu; il en a encore le droit ! Mais enfin, sérieusement, répondre à ça par un projet de loi constitutionnelle, c'est employer un canon pour tuer une mouche ! Et je ne souhaite pas qu'on le tue... (Rires. Commentaires.) ...mais en fin, tout ça est idiot !
Je soutiens absolument la proposition de notre ami Vert, François Lefort, qui consiste à renvoyer ce texte en commission, parce qu'il faudrait discuter. Pourquoi pas «Ah ! la belle Escalade», par exemple ! (Commentaires.) Elle est sur l'air de quelle autre chanson ? Monsieur Florey, vous qui êtes un patriote genevois, vous le savez ? (Rires.) Sur l'air de «La Carmagnole» ! Pourquoi est-ce que c'est sur l'air de «La Carmagnole» ? Parce que le Conseil d'Etat, à l'époque, s'était appuyé sur des troupes étrangères qu'il avait fait entrer dans notre ville - y compris d'ailleurs pour enlever leur droit de cité genevois à un certain nombre de natifs -, et la célébration de l'Escalade avait été interdite à partir de 1782 parce qu'elle était de mauvais goût ! Puisqu'on avait des troupes savoyardes, dans notre ville, qui appuyaient le régime antidémocratique de l'époque ! Et quand la Révolution s'est produite et a balayé ce régime, eh bien c'est sur un air révolutionnaire du temps - de la Révolution française - qu'on a chanté les hauts faits des ancêtres qui avaient repoussé l'envahisseur savoyard !
Cette question-là, par exemple, pourrait donc être débattue en commission: pourquoi le «Cé qu'è lainô» ? Pourquoi pas «Ah ! la belle Escalade» ? Pourquoi pas «La Carmagnole» directement ? Bref, il y a un débat intéressant à avoir autour de cette question. Je vous propose qu'on ne le continue pas ici, parce que nous avons d'autres points à traiter qui sont, eux, réellement urgents. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour répondre au député François Lefort, j'aimerais le rassurer: à la Constituante, nous n'avons pas eu l'idée d'inscrire le «Cé qu'è lainô» comme hymne officiel dans le texte constitutionnel pour une raison extrêmement simple: nous étions loin de penser que quelqu'un aurait un jour l'idée saugrenue de remettre en question une telle évidence ! Une évidence telle qu'elle figure, écrite noir sur blanc dans ces termes-là, sur le site internet de la Ville de Genève, Ville dont la majorité est celle que vous savez: elle reconnaît le «Cé qu'è lainô» comme l'hymne officiel du canton de Genève.
En d'autres termes, la Constituante n'a nullement procédé à ce que l'on appelle, en droit, un silence qualifié: il s'agit d'une lacune que ce projet de loi se propose de combler - de combler dans des termes tellement limpides qu'un passage en commission est parfaitement inutile. La question qui aujourd'hui se pose à vous, Mesdames et Messieurs, c'est celle de savoir si oui ou non vous souhaitez maintenir le «Cé qu'è lainô» comme hymne officiel en l'inscrivant dans le texte constitutionnel. Nous avons une disposition constitutionnelle relative aux armoiries, nous en avons une aussi sur notre devise officielle; pourquoi donc ne pas faire de même avec l'hymne officiel de notre canton ?
Après, sur la question de l'opportunité du «Cé qu'è lainô», j'ai envie de dire à M. Vanek: mais proposez un amendement ! Proposez un autre chant comme hymne officiel; vous pouvez tenter votre chance, peut-être, avec «L'Internationale» - on n'est jamais à l'abri d'une proposition curieuse lorsque celles-ci viennent de vos rangs.
Enfin, au nom du PLR, j'aimerais surtout remercier le député Sylvain «Théwoke»... (Rires.) ...qui, grâce à son intervention, critiquée même par le président de son propre parti dans la presse, aura réussi l'exploit de produire l'effet parfaitement inverse de celui qu'il recherchait: non seulement le «Cé qu'è lainô» va rester l'hymne officiel, mais on va en plus l'inscrire comme tel dans la constitution. Et si un jour il veut en modifier les paroles ou modifier cet hymne, il devra en référer au peuple ! C'est simplement pour des raisons parfaitement démocratiques, des raisons de bon sens, des raisons liées au respect de l'histoire, de nos traditions et de notre identité que je vous invite donc à voter en faveur de ce projet de loi, sans renvoyer le texte en commission. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole... Monsieur Thévoz, vous souhaitez réagir ? (Remarque.) Tout de suite ? (Remarque.) Vous avez été... (Remarque. Protestations.) Alors allez-y maintenant.
M. Sylvain Thévoz (S). En espérant que la droite sortira des attaques personnelles, Monsieur le président. (Remarque.)
Le président. S'il vous plaît, laissez-le répondre !
M. Sylvain Thévoz. Monsieur «Théwoke», ayatollah wokiste, adepte du grand «reset» ! (Remarque.) On voit la grande peur dans la montagne qu'a provoquée une question écrite urgente, soit une question que j'ai posée au Conseil d'Etat et à travers laquelle je m'enquérais, en gros, de la compatibilité du «Cé qu'è lainô» avec la laïcité... (Remarque.) ...et de son adéquation, à l'heure actuelle, avec une base assez large de la population, qui peut s'interroger sur l'hymne qu'on se choisit. Et la réponse aujourd'hui consiste à dire, en gros - vous transmettrez à M. Alder -, pas touche, on va le mettre dans la constitution, c'est extrêmement urgent. On va ainsi obligatoirement déclencher une votation populaire; c'est du moins le chemin qu'on prend, puisque la droite souhaite une modification constitutionnelle, ce qui est lié à une votation. Les mêmes qui disaient: «Non, non, l'urgence, c'est la classe moyenne; l'urgence, c'est le social; l'urgence, ce sont les enjeux politiques des Genevois et des Genevoises», provoquent aujourd'hui un débat, demandent une urgence et vont conduire...
Le président. Je vous passe sur le temps de votre groupe.
M. Sylvain Thévoz. Je termine là-dessus. (Protestations.) ...vont conduire à une votation populaire qui va coûter des centaines de milliers de francs. Il faut évidemment renvoyer cet objet en commission - c'est important et je le soutiens - pour discuter de cet hymne, mais sans y passer des heures et des heures. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. Patrick Dimier. (Un instant s'écoule.) Monsieur Dimier, vous avez la parole.
M. Patrick Dimier (MCG). Excusez-moi, Monsieur, j'étais tellement abasourdi par mon préopinant que j'en ai perdu le sens de la réponse ! Vous savez, on peut être dans l'Escalade comme dans la désescalade, mais il se trouve que le «Cé qu'è lainô», contrairement à ce qu'on cherche à nous faire croire, n'est ni un chant de guerre ni rien du tout ! C'est un acte de reconnaissance ! C'est un acte de reconnaissance pour avoir été sauvés d'une attaque véritablement sauvage, non des Savoyards, mais des Savoyards aidés des Espagnols ! (Remarque.) Parce que, dans les troupes du duc de Savoie, il y avait peu de Savoyards mais beaucoup d'Espagnols. Donc, ce n'est pas ça.
Je dirai, si vous me permettez, que l'attaque de notre collègue vaut ce que Thévoz et qu'on ne peut, ma foi, pas faire autrement que de répondre par un texte constitutionnel. Comme l'a très bien relevé notre collègue Murat Alder, on y a déjà fait figurer le drapeau, la devise, etc.; je trouve par conséquent que l'hymne national y a sa place - je tiens à rappeler ici que si vous lisez correctement l'article 1 de notre constitution, il parle de la République de Genève, canton suisse ! Ce n'est donc pas le canton qu'on cherche à défendre, mais l'identité de notre république. Merci. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Décidément, on n'a pas de problèmes à Genève et on a le temps, du coup, de s'offrir des débats sur des projets de lois constitutionnelles... (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Cyril Mizrahi. J'en suis un peu désolé ! La première chose que nous dit notre collègue Murat Alder, c'est: mais finalement, pourquoi pas ? On touche là la première incohérence du PLR: il est le premier à dire qu'il faut faire économie de mots dans une constitution, que tout n'a pas besoin de figurer dans une constitution, mais alors là, tout d'un coup, il faut absolument y inscrire le chant ! Un député dépose une question écrite et - ouh là là ! - c'est la panique, Mesdames et Messieurs ! Que d'affolement !
Mais, en fait, pourquoi s'affole-t-on comme ça ? En réalité, je ne crois pas qu'il soit question de panique dans cette histoire. Je crois que des personnes ont simplement flairé l'aubaine en période électorale... (Protestations. Applaudissements. Commentaires.) ...et qu'elles veulent se profiler - pour quoi, Mesdames et Messieurs ? Pour que le peuple de Genève évite de se souvenir que vous luttez pour le maintien des inégalités... (Protestations.) ...pour le maintien des privilèges dans cette république ! (Protestations.) Mais oui, Mesdames et Messieurs, et c'est là-dessus que nous devons avoir un vrai débat... (Protestations.) ...dans le cadre de ces élections et pas... (Les députés du MCG chantent la première strophe du «Cé qu'è lainô».) Laissez-moi finir ! Est-ce que vous êtes des démocrates ?
Le président. S'il vous plaît !
M. Cyril Mizrahi. Est-ce que vous êtes des démocrates ? (Vifs commentaires. Les députés du MCG continuent à chanter le «Cé qu'è lainô».)
Le président. Un instant, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. Il faut arrêter le temps !
Une voix. C'est honteux ! (Commentaires. Les députés du MCG chantent toujours le «Cé qu'è lainô».)
Une autre voix. Monsieur le président, franchement, ce n'est pas sérieux !
Le président. Continuez, Monsieur le député.
M. Cyril Mizrahi. Et le maintien de l'ordre, alors !
Une voix. Ce n'est pas démocratique !
Le président. Nous avons arrêté le temps.
M. Cyril Mizrahi. Est-ce que je peux finir, Monsieur le président ?
Le président. Monsieur le député, reprenez votre intervention.
M. Cyril Mizrahi. M. Murat Alder nous dit qu'il y a une lacune dans la constitution. Il n'y a absolument aucune lacune ! Le «Cé qu'è lainô» est notre hymne depuis bien longtemps; personne ne l'a contesté. Il n'était pas dans la constitution de 1847, et ça n'a dérangé personne ! Personne n'a jamais dit qu'il s'agissait d'une lacune. Si vous voulez lancer ce débat, Mesdames et Messieurs, chers collègues, ayez au moins le respect de nos institutions ! Le PLR - et c'est la deuxième incohérence - ne peut pas dire un jour qu'il faut absolument renvoyer en commission tous les projets de lois constitutionnelles, puis tout à coup, quand c'est son propre objet: non, finalement on ne veut pas.
Votre projet, et ce sera mon dernier point, est complètement inutile: ce n'est pas parce que vous voterez ce texte que vous empêcherez qu'on en change les paroles ! Personnellement, je ne suis pas pour en changer les paroles - je pense que nous avons d'autres chats à fouetter -, mais votre projet est complètement inutile. Si vous avez une once de respect pour nos institutions, alors votez au moins le renvoi en commission ! (Remarque. Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Chers collègues, pour faire suite à ce que mon préopinant Murat Alder a dit, il est vrai que nul parmi nous n'a pensé qu'un élément subversif, qui malheureusement siège dans ce Grand Conseil, allait attaquer le «Cé qu'è lainô» ! Mais je reviens surtout au discours de M. Vanek: nous faisons un aveu de faiblesse ! Alors, permettez-moi, chers collègues, oui et non ! Oui et non ! Parce que face aux agitateurs patentés, dont certains siègent dans vos rangs, il ne nous reste, pour nous battre, que la légalité. C'est ce que nous faisons en déposant un projet de loi, car nous estimons qu'il est complètement loufoque de vouloir supprimer ce chant.
En définitive, vu sa pérennité - ce chant est dans nos événements et autres depuis longtemps - et, mon préopinant MCG l'a dit, l'article 1 de la constitution, cette dernière ne souffrira pas, ne sera pas outragée et ne fera en tout cas pas une jaunisse parce que nous rajoutons simplement ce paragraphe relatif à notre... j'allais dire chant, mais je vais peut-être vous choquer davantage: pour moi, il a un petit côté cantique, ce chant. Je l'aime beaucoup. (Rires.) Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Daniel Sormanni pour une minute vingt.
M. Daniel Sormanni (MCG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, finalement, ce débat n'aurait pas eu lieu si quelqu'un n'avait pas allumé la mèche ! Et vous savez de qui je veux parler; alors ne venez pas donner de leçons sur cette problématique. Et si on veut gagner du temps, on vote sur le siège: on n'a pas besoin de renvoyer le projet de loi en commission.
Cela dit, Mesdames et Messieurs de l'Alternative, vous avez toujours tendance à vouloir réécrire l'histoire. Pourquoi voulez-vous la réécrire ? Il faut être fier de son histoire ! (Commentaires.) Et la faire perdurer. Et je crois que l'histoire de Genève, l'histoire de l'Escalade, nous devons la faire perdurer et nous devons en être fiers ! On ne va pas la réécrire ! On doit assumer notre histoire; on la commente, peut-être, à l'aune d'aujourd'hui.
J'en ai marre d'entendre partout... Aujourd'hui, il est question du «Cé qu'è lainô», hier c'était l'uni Carl-Vogt qu'il fallait débaptiser parce qu'on a honte de M. Carl Vogt - j'en passe et des meilleures ! Arrêtez cette façon de faire: assumez l'histoire de Genève, et on s'en portera beaucoup mieux ! Par conséquent, vive le «Cé qu'è lainô», vive Genève et vive la fête de l'Escalade !
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Wenger, vous n'avez plus de temps de parole. Je cède le micro à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord une précision - il y a peut-être effectivement une petite confusion: Monsieur Buchs, on en a rapidement parlé, mais je vous explique juste que l'arpitan, oui, est du francoprovençal, mais c'est un patois. Il est subdivisé en cinq «sous-arpitans», qui sont des dialectes, dont fait partie celui dont on parle ici: l'arpitan genevois. Il y a en outre l'arpitan savoyard et trois autres dont j'ai oublié le nom, mais c'est de l'arpitan genevois qu'on parle aujourd'hui, c'est de ce dialecte qui vient de l'arpitan, du francoprovençal.
Cela étant précisé, moi, j'entends bien le groupe socialiste avec ses contrevérités. Quand M. Mizrahi - vous lui transmettrez, Monsieur le président - dit que personne ici n'est contre le «Cé qu'è lainô», eh bien c'est faux: il y en a au moins un qui est contre. Ce sont vos milieux qui ont attaqué l'hymne national suisse... (Protestations.) ...en voulant également réécrire l'histoire. (Protestations.) On sait très bien de qui viennent ces attaques, qui ont du reste été un véritable fiasco; vous avez fait perdre des heures et des heures en réécriture alors que personne n'en veut.
Quant à l'aveu de faiblesse évoqué par M. Vanek, non, ce n'est pas un aveu de faiblesse: nous tenons à notre histoire. Si nous avions cette faiblesse que vous évoquez, nous n'aurions pas proposé d'aller devant le peuple puisque, ce projet de loi étant accepté aujourd'hui, il ira de toute façon en votation populaire. Et nous sommes persuadés que le peuple nous donnera raison et exprimera sa fierté d'inscrire cet hymne cantonal dans notre constitution. Il est bien sûr totalement inutile, vous l'aurez compris, de renvoyer ce texte en commission; je vous remercie donc par avance de le soutenir.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Wenger, je vous accorde vingt secondes.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Pour rappel, comme je l'ai dit dans la «Tribune de Genève», il n'est pas question, pour le parti socialiste, de toucher au «Cé qu'è lainô». Quant au débat d'aujourd'hui, c'est une pure mascarade - on l'a dit, c'est de la récupération électoraliste; c'est un débat indigne de notre Grand Conseil !
Le parti socialiste votera le renvoi en commission. Si ce renvoi en commission n'est pas accepté, nous nous lèverons et nous quitterons la salle... (Vives exclamations. Applaudissements sur les bancs du MCG.) ...car nous ne voulons pas voter à la suite de ce débat honteux ! Merci, Monsieur le président. (Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Monsieur Florey, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur le président du Conseil d'Etat, je vous cède le micro.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on peut évidemment remercier le député qui a eu la brillante idée d'allumer la mèche des mousquetons de 1602 en posant une question urgente sur un sujet qui ne le méritait pas. Comme le disait le regretté Coluche, parmi tous ceux qui n'ont rien à dire, les plus sympathiques sont encore ceux qui se taisent ! (Rires. Applaudissements.) Je pense que quelqu'un a perdu une belle occasion de se taire; cela aurait évité ce débat.
Néanmoins, on ne répond pas à une absurdité par une autre absurdité, en montant en symétrie; je pense qu'il faut prendre... (Applaudissements sur les bancs de gauche.) Bon, c'est vrai aussi que menacer de quitter la salle revient à tendre la perche à une partie de cet hémicycle... (Rires.) ...ce qui n'est pas non plus très stratégique au niveau politique, mais je laisse à chacun sa stratégie. (Commentaires.) Cela étant, pour reprendre ce que j'avais à dire, nous avons regardé, avec le peu de temps dont nous disposions, ce qu'ont fait les autres cantons, et je dois dire qu'aucun n'a mentionné dans sa constitution un hymne; la Confédération la première ne l'a d'ailleurs pas fait. Par contre, c'est vrai qu'il y a «Notre Valais» pour le Valais, «La Rauracienne» pour le Jura, «Vaudois ! un nouveau jour se lève» pour les Vaudois, et il y a bien sûr le «Cantique suisse». (Remarque.)
Il existe plusieurs façons de lier au canton un hymne auquel nous sommes particulièrement attachés sans le mettre dans la constitution. D'autant plus qu'un hymne, ce n'est pas seulement un titre: c'est aussi une partition. Encore faudrait-il donc, pour être vraiment sûr que quelqu'un ne vienne pas nous transformer le «Cé qu'è lainô» en chantant autre chose, que le titre soit attaché à une partition incontestable. Prenons donc le temps de faire les choses comme il faut. Le Jura a par exemple adopté un arrêté qui stipule que «La Rauracienne» est l'hymne du canton.
Peut-être pourrait-on trouver une solution analogue, un peu plus souple et élégante, plutôt que d'amener notre population à se poser ce genre de question. Cela donnerait peut-être la fausse idée que nous n'avons aucun sujet duquel débattre dans cette république et que nous nous appliquons finalement à améliorer le folklore. Le Conseil d'Etat vous demande donc de renvoyer ce texte en commission pour que nous puissions en discuter calmement et sereinement. Si vous ne l'acceptez pas, le Conseil d'Etat ne peut évidemment pas souscrire au projet de loi même s'il est très attaché à ce chant - votre serviteur est le premier à l'entonner lorsqu'il doit le faire. L'inscrire dans la constitution serait, nous le pensons, une genevoiserie de plus. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi de ce texte à la commission législative.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13253 à la commission législative est rejeté par 47 non contre 36 oui et 1 abstention. (Une majorité des députés socialistes quitte la salle. Applaudissements.)
Une voix. Bonne nuit !
Le président. Nous passons au vote d'entrée en matière. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Une voix. C'est vraiment un charlot ! (Rires.)
Une autre voix. Bolcheviks !
Une autre voix. Tu sais ce qu'ils disent, les bolcheviks ?
Mis aux voix, le projet de loi 13253 est adopté en premier débat par 46 oui contre 11 non et 13 abstentions.
Le projet de loi 13253 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Un instant s'écoule.) Le Conseil d'Etat ne demandant pas le troisième débat, celui-ci est reporté. (Applaudissements.)
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.
Premier débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante, soit le PL 13259... (Brouhaha. Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Bien, le calme étant revenu... (Remarque.) Monsieur Ivanov, si vous souhaitez intervenir, je vous remercie d'appuyer sur votre bouton. Je reprends: nous traitons maintenant le PL 13259 en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à la première signataire, Mme Diane Barbier-Mueller.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. D'abord, un rappel des faits: une modification du règlement d'application de la loi sur l'accueil préscolaire est intervenue en juillet 2022, qui, si elle est maintenue, conduira à l'exclusion de plus d'une centaine d'enfants, à la fermeture de certaines classes avec tout ce que cela entraîne comme complications pour les familles. Pourquoi est-ce qu'on s'entête à attaquer continuellement le privé ? Nous n'avons pas d'explication.
Toujours dans l'historique, il y a ensuite eu une rupture de dialogue entre la ministre et les associations des écoles privées. Celles-ci ont tenté de parvenir à une solution de conciliation en demandant une échéance, à tout le moins un délai d'une année, et voici ce que le département de l'instruction publique a répondu: «Nous verrons au cas par cas, nous n'instaurons pas de dérogation générale.» Donc tant pis pour vous, les fermetures de classes ne sont pas notre problème. Ce manque d'échange nous a donc amenés à proposer le présent projet de loi.
Pourquoi avons-nous sollicité l'urgence ? Parce que les structures privées ont besoin de visibilité afin de pouvoir accepter les inscriptions pour le mois de septembre. S'il n'y a pas suffisamment d'élèves, elles devront fermer des classes.
Il existe différents systèmes à l'heure actuelle: il y a bien sûr les établissements publics, qui ne sont pas à revoir, ainsi que des institutions alternatives; on parle des écoles internationales qui jouissent de l'attractivité et de la prospérité économique du canton, mais également des écoles Montessori et d'autres établissements qui développent une offre pour les familles dont les enfants ont des besoins spécifiques.
Avec la modification du RAPr opérée en juillet 2022 et que ce projet de loi demande d'annuler - je ne parle pas du règlement qui est en cours de négociation et auquel il ne touche pas -, 150 enfants ont été empêchés de s'inscrire entre le mois de juillet et celui de janvier, et il y en aura probablement beaucoup d'autres. Si ces 150 enfants rejoignaient le système des crèches, ils coûteraient 7 millions à la collectivité. Certaines classes ferment et, du coup, une partie du personnel se retrouve sans emploi.
C'est pourquoi nous estimons qu'il y a urgence aujourd'hui à voter ce texte sur le siège. Nous regrettons que le manque de dialogue de la ministre socialiste et de ses services avec les écoles privées en amont nous ait conduits à déposer ce projet de loi. Tout ce que celui-ci demande, Mesdames et Messieurs, c'est de revenir à la situation qui prévalait avant cette modification incompréhensible du règlement en juillet dernier. Nous demandons le maintien du statu quo ante, et c'est pourquoi le PLR vous invite à adopter cet objet sans le renvoyer en commission. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Didier Bonny (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, discuter de ce projet de loi - de n'importe quel projet de loi, d'ailleurs, comme on l'a vu précédemment - sans un passage en commission est problématique à plus d'un titre, le premier, et non des moindres, étant que cela empêche l'audition du département et que l'on devra se contenter des propos de la magistrate en fin de débat sans pouvoir lui poser de questions. D'un point de vue démocratique, c'est inadmissible.
Ça l'est d'autant plus quand on lit dans la presse d'hier qu'une procédure de consultation est en cours et que, par conséquent, la question de l'accueil des enfants avant 4 ans reste ouverte. La période électorale dans laquelle nous nous trouvons ne devrait pas être une raison suffisante pour court-circuiter le processus en cours en votant un texte sans passer par la case commission. Ce procédé est d'autant plus choquant que, sans ledit passage, qui va répondre aux questions suivantes ?
Premièrement, sachant que le concordat HarmoS est en vigueur depuis 2012 et qu'il fixe, pour tous les cantons, l'âge d'entrée dans la scolarité obligatoire à 4 ans révolus au 31 juillet, qu'en est-il de la pratique des autres cantons s'agissant de l'âge minimum d'entrée dans les écoles privées ? Genève fait-il figure d'exception, s'agit-il d'une Genferei supplémentaire que les mêmes qui ont voté hier l'urgence sur ce projet de loi dénoncent à longueur d'année ?
Deuxièmement, combien coûte en moyenne l'écolage pour une année en école privée à cet âge, et, question corollaire, cette solution n'est-elle pas réservée aux familles qui peuvent se la permettre ? Troisièmement, sachant que la première primaire est obligatoire, qu'advient-il des élèves qui rejoignent le système public après avoir déjà suivi une année scolaire dans le privé ? Sont-ils nombreux à demander un saut de classe à la fin de ladite année scolaire ? Et si oui, quelles sont les implications pour le département ?
Quatrièmement, combien d'enfants nés entre le 1er août et le 31 décembre ont-ils été accueillis dans les écoles privées lors de chaque rentrée scolaire depuis 2012 ? Cinquièmement, quelles conséquences le changement HarmoS, qui a ramené la date d'entrée en première primaire du 31 octobre au 31 juillet, a-t-il eues pour les institutions de la petite enfance ?
A la lecture de ces questions dont la liste n'est pas exhaustive, il apparaît plus qu'évident qu'un renvoi en commission est essentiel; les Vertes et les Verts le sollicitent par conséquent formellement. La députation Verte est ouverte à la discussion sur ce projet de loi, mais n'aurait d'autre choix que d'en refuser l'entrée en matière si une majorité de ce parlement devait faire du forcing avec un vote sur le siège. Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. Monsieur Olivier Baud, vous avez la parole.
M. Olivier Baud (EAG). Merci, Monsieur le président, mais je pensais qu'on allait voter sur le renvoi en commission, ce n'est pas le cas ?
Le président. Il s'agit d'un projet de loi sans rapport, donc je lancerai le vote après la prise de position de tous les intervenants et de la cheffe du département.
M. Olivier Baud. Ah, d'accord. Mesdames et Messieurs les députés, en effet, l'école est obligatoire dès 4 ans, et la question de l'école avant l'école, si je puis dire, de l'ouverture de classes, mérite véritablement d'être étudiée. Parle-t-on d'enseignement ? Quelle est la formation du corps enseignant ou plutôt du personnel éducatif qui encadrerait ces petits ? Dans quelles conditions cela se ferait-il ? Quel serait le niveau des titres requis ? A Genève, de nombreux élèves suivent un cursus dans des établissements privés, aussi le fait de scolariser les enfants avant l'âge minimum de 4 ans nécessite d'être débattu et examiné très sérieusement.
A Ensemble à Gauche, nous ne sommes pas favorables à mettre les enfants à l'école dès le berceau. C'est une aberration ! Devoir se prononcer comme ça, sur le siège, est tout aussi peu correct. Les nombreuses questions que M. Bonny a soulevées, et je l'en remercie - je ne les ai pas toutes notées, mais elles me semblent parfaitement pertinentes -, justifient pleinement le renvoi en commission de cet objet. Il sera certainement beaucoup dit ces prochains temps que des projets sont électoralistes, mais honnêtement, s'il y en a bien un qui l'est, c'est celui-ci. Nous ne devons pas accepter que nos institutions soient dévoyées de la sorte et nous soutenons sans réserve le renvoi en commission. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. (Remarque.) Non, Madame Valiquer Grecuccio, quand il n'y a pas de rapport, les demandes de renvoi sont traitées après les interventions de tous les orateurs et du Conseil d'Etat. Mais puisque vous l'avez demandée, je vous cède volontiers la parole maintenant.
Une voix. Il s'agit de l'article 78A LRGC... Mais attendez, il ne dit pas ça, l'article 78A !
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Bien, merci, Monsieur le président. J'ai écouté M. Vanek citer l'article 78A. Pour le parti socialiste...
Le président. Ecoutez plutôt le président ! (Rires.)
Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...il est tout à fait prématuré de voter ce projet de loi sur le siège en faisant fi des discussions qui ont commencé entre les écoles privées et le département. Un règlement est aujourd'hui en consultation, nombre de points ne sont d'ailleurs pas problématiques.
La question qui mérite d'être débattue est l'accueil des petits dès 2 ans et demi, comme le demande ce texte. Il se trouve que selon le système HarmoS - j'insiste là-dessus -, les enfants entrent à l'école dès 4 ans révolus au 31 juillet. Par conséquent, si on acceptait le projet de loi tel quel, on serait en infraction avec notre propre législation.
Par ailleurs, en admettant que la prise en charge des moins de 4 ans soit comparable à celle de l'accueil préscolaire, cela suppose un taux d'encadrement d'un pour dix s'agissant des 3-4 ans. Ce qu'on constate dans les crèches, c'est que la pénurie concerne les enfants de 0 à 2 ans davantage que ceux de 3 à 4 ans.
Vous voyez bien, Mesdames et Messieurs, qu'un grand nombre de questions restent en suspens. Adopter ce projet de loi aujourd'hui, c'est se mettre en désaccord avec, je l'ai indiqué, les règles sur l'accueil préscolaire, c'est se mettre en désaccord avec le concordat HarmoS, c'est se mettre en désaccord - pour ne pas dire en infraction - avec la loi sur l'instruction publique qui, je vous le rappelle, est entrée en vigueur en 2016.
Faisons-nous plutôt confiance. En tant que représentants de différents partis politiques, au lieu d'instrumentaliser politiquement la question qui nous est posée, nous devrions prendre nos responsabilités, appuyer le renvoi en commission, réaliser un travail sérieux et poursuivre les négociations avec les partenaires comme il se doit, mais certainement pas exploiter le thème des enfants en pleine période électorale.
Nous allons sans doute entendre la conseillère d'Etat à ce sujet. C'est un engagement: si vous renvoyez cet objet à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, dont nous sommes membres, nous y travaillerons de manière diligente. Voilà, donc nous en appelons à un peu raison afin de mener un débat sain et non pas de prendre les enfants en otage. Je vous remercie.
Le président. Merci. La parole va à Mme Danièle Magnin.
Mme Danièle Magnin (MCG). Mon micro ne clignotait pas, Monsieur le président, mais merci beaucoup. Au MCG, nous affirmons spécifiquement être le parti du bon sens. (Exclamations.) Or il est totalement dénué de bon sens d'interdire à des écoles privées, qui ont des classes dites jardins d'enfants depuis au moins un siècle, d'accueillir les élèves, de vouloir tout à coup les fermer. Moi, j'ai fait toute ma scolarité primaire dans le privé et j'ai toujours vu des jardins d'enfants ! Et soudain, ils n'auraient plus leur place ici ?!
Je trouve que c'est une absurdité et je me demande bien ce que vont faire les parents qui ne peuvent plus y scolariser leurs enfants, qui n'ont pas obtenu de place de crèche, qui doivent jongler avec la famille, les grands-parents, décider de les faire garder ou pas - cas échéant d'arrêter de travailler; que vont-ils faire si leurs enfants ne peuvent plus aller dans ces endroits ? C'est une aberration totale, et nous vous demandons de voter ce projet de loi sur le siège. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC refusera le renvoi en commission et trouve la posture de la cheffe du département totalement irresponsable. Venir ainsi, en fin de carrière, modifier un règlement subrepticement, sans consultation... Voyez le tollé que ça soulève aujourd'hui ! On peut véritablement se demander s'il n'y a pas une petite volonté de vengeance vis-à-vis des écoles privées. Pourquoi vouloir, en fin de législature, changer les règles du jeu et laisser son futur prédécesseur se débrouiller avec... (Commentaires. Rires.)
Une voix. Son futur successeur, pas prédécesseur !
Une autre voix. Bravo !
M. Stéphane Florey. Oui, pardon: son futur successeur se débrouiller avec les établissements privés ? On peut vraiment se poser la question.
De notre côté, nous sommes convaincus que la situation qui prévalait avant la modification du règlement était adéquate, il s'agissait d'un bon système. Nous souhaitons que celui-ci soit maintenu et c'est pour cette raison que nous sommes favorables au vote de ce projet de loi sur le siège. J'espère que cette fois-ci, Mme Torracinta et le Conseil d'Etat auront le courage de demander le troisième débat ! Je vous remercie.
M. Xavier Magnin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est essentiel que Genève garde son attractivité, et les écoles ainsi que la formation en général y contribuent, notamment l'offre privée qui est complémentaire au système public. En effet, nombre d'internationaux recherchent un cadre scolaire qu'ils connaissent afin d'assurer à leurs enfants une continuité dans leur cursus quand ils retournent au pays. Par exemple, le système français permet la scolarisation dès 3 ans, et c'est une option qui ne doit pas disparaître ici. Les établissements privés qui le pratiquent le font à satisfaction des parents, lesquels ne sont d'ailleurs pas tous des expatriés.
Cette pluralité, cette mixité constituent les atouts de notre canton, les systèmes ne s'opposent pas. Il est important de conserver une diversité et de ne pas restreindre l'action de ces structures en cherchant à les faire entrer dans un seul et unique moule; cela se ferait au détriment des élèves et aussi de parents qui sont en quête d'autres méthodes pédagogiques. Pour un canton réputé ouvert, une telle restriction est pour le moins étonnante. A ce propos, n'importe qui ne peut pas ouvrir une école sans autorisation ni contrôle ! Les institutions privées permettent de soulager pour partie la demande en garde d'enfants d'âge préscolaire, l'offre étant déficitaire. En fait, la réflexion devrait plutôt s'opérer dans l'autre sens: il faudrait se demander si notre école publique ne devrait pas commencer ou être accessible dès 3 ans.
Le changement tombe particulièrement mal dans ces phases d'inscription scolaire qui sont également des périodes électorales, mais les établissements concernés ne maîtrisent en aucun cas l'agenda politique. Ils ont reçu la consultation fin janvier avec un délai de réponse à début mars, ce n'est pas de leur ressort; partant, ils ont gelé les inscriptions. A ce jour, cela a été relevé, entre 150 et 200 enfants sont en attente sur une prévision d'accueil de plus de 500 enfants. Voilà qui répond à l'une des questions du député Bonny - vous transmettrez, Monsieur le président. Je vous laisse effectuer le savant calcul pour déterminer à quoi cela correspond quant aux besoins en effectifs de crèches.
Pour toutes ces raisons, il est fondamental de maintenir la possibilité de scolariser les petits dès 3 ans en école privée. La discussion est malheureusement difficile, voire impossible, en ce moment, et c'est bien dommage. Il faut dès lors accepter ce projet de loi sur le siège. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Jean Batou pour une minute vingt.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, on est en train de sacrifier les petits enfants sur l'autel d'une opération électorale. Ensuite, la droite passe les plats de l'enseignement aux établissements privés; c'est normal, ce sont leurs amis, ils ont fait leurs études dans le privé, ils en avaient les moyens. Enfin, c'est une manière de colmater le trou abyssal de notre canton en matière de prise en charge de la petite enfance et donc de places de crèche.
Notre groupe s'oppose fermement à cette solution, à ce pis-aller pour les plus riches, et appelle à soutenir l'initiative de la Liste d'union populaire pour des crèches gratuites pour tous les enfants... (Exclamations.) ...c'est-à-dire à offrir aux 4000 à 5000 enfants... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui ne bénéficient pas d'une place en crèche la possibilité d'être accueillis dans des conditions qui permettent aux familles les plus modestes d'avoir accès à l'éducation préscolaire.
Le président. Merci...
M. Jean Batou. Nous soutenons le renvoi en commission de ce projet absolument absurde...
Le président. C'est terminé.
M. Jean Batou. ...afin de prioriser le développement du système d'accueil préscolaire, c'est-à-dire des crèches. Merci.
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. Cyril Aellen pour trois minutes.
M. Cyril Aellen (PLR). Il ne me faudra que quelques secondes, Monsieur le président. Je voudrais juste réagir aux propos de M. Bonny, qui vient nous donner des leçons de démocratie par rapport au renvoi en commission - je ne m'exprimerai que sur ce point-là: quand, lors de la dernière session, j'ai tenu les mêmes propos que lui - au mot près - s'agissant de la proposition de résolution 1010, son groupe en a fait peu cas et le texte a été voté sur le siège. (Commentaires.)
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je vais juste éclaircir la situation, puisque certains députés de gauche n'ont pas bien compris: ce projet de loi ne vise qu'à perpétuer la situation qui prévalait avant la modification du règlement entrée en vigueur en juillet 2022. Il y a deux règlements en parallèle: le premier est actuellement en consultation et n'est pas concerné ici; le second, qui est entré en vigueur en juillet 2022, n'a pas fait l'objet de débats entre le département et l'AGEP ainsi que les autres associations d'écoles privées. (Remarque.) Donc... (Remarque.) Monsieur le président, je n'arrive pas à me concentrer avec ces discussions annexes ! (Commentaires.)
Le président. Poursuivez, Madame la députée.
Mme Diane Barbier-Mueller. Il s'agit de rétablir la situation. Les écoles privées ne sont pas concernées par le concordat HarmoS dont le but est d'harmoniser le système public. De plus, elles ont toujours eu à coeur, depuis aussi longtemps qu'elles existent, de permettre à leurs élèves de passer dans le public, il n'y a pas de changement de ce côté-là. Je le répète: le dispositif HarmoS n'est pas touché. Les établissements privés aimeraient qu'on les laisse vivre en paix et fonctionner comme ils le font depuis toujours.
C'est tout ce que nous demandons, le maintien du statu quo ante. Les élèves ne sont pas sacrifiés, bien au contraire. Quant aux crèches, elles ne sont pas concernées par le projet de loi; on parle des enfants dès 3 ans, pas de la petite enfance dès 4 mois. L'idée, c'est que les petits qui entrent en école privée à 3 ans libèrent des places de crèche pour d'autres qui en auraient besoin, cela a plutôt une valeur sociale. Encore une fois, il s'agit de revenir au statu quo. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il y a une immense confusion dans ce débat. Il n'est pas question, Madame Magnin, d'empêcher les écoles privées d'accueillir des petits. La problématique qui se pose ici, c'est de savoir, s'agissant des enfants de moins de 4 ans, s'ils sont soumis au règlement relatif à l'enseignement privé, qui fixe les normes et autorisations pour les établissements privés, ou au règlement d'application de la loi sur l'accueil préscolaire, qui concerne les crèches et autres jardins d'enfants.
Pourquoi ? Je vous explique l'origine de l'affaire. En 2019, votre parlement - ce parlement ici présent - a voté la loi sur l'accueil préscolaire - rappelez-vous, c'était dans le cadre de la RFFA, il y avait toute une série d'éléments en lien avec cette réforme; son règlement d'application est entré en vigueur en juillet 2022. Lors du travail sur ce règlement, nous nous sommes aperçus qu'il y avait un vide juridique, lequel avait d'ailleurs pris de plus en plus d'ampleur dans les faits, concernant les enfants de moins de 4 ans au 31 juillet (âge HarmoS pour l'entrée à l'école): nombre d'entre eux étaient scolarisés dans le privé de plus en plus tôt.
Le problème soulevé ici est le suivant: quelle surveillance exerce-t-on ? Souhaitez-vous réellement que des enfants en bas âge ne soient pas pris en charge dans un cadre rigoureux avec du personnel formé et un taux d'encadrement suffisant ? Nous avons constaté que rien n'était prévu, si vous voulez, qu'il y avait un vrai vide.
Or il existe une ordonnance fédérale sur le placement d'enfants - je l'ai sous les yeux - qui contraint les cantons à fixer des règles. Lors de l'élaboration du règlement sur l'accueil préscolaire, nous avons ainsi instauré des normes pour l'entier des crèches et jardins d'enfants. Mme Valiquer en a cité une en exemple; on peut discuter de sa valeur, mais le fait est que dans une crèche accueillant des enfants de 3 à 4 ans, le taux d'encadrement doit être d'un pour dix; une formation du personnel est également exigée, tant et tant de pourcentages des employés doivent être formés.
Dès lors, la question suivante s'est posée pour les écoles privées: est-ce que l'on continue ou pas à les laisser accueillir, sous le régime de l'école, des petits qui devraient relever du régime des crèches ? Ce qu'a décidé le département à ce moment-là, c'est d'accorder une dérogation d'une année, c'est-à-dire d'autoriser les établissements privés à prendre en charge des enfants de 3 ans au 31 juillet sous le régime de l'école, et non celui des crèches. Il s'agissait d'une dérogation.
Le point qui est en discussion - voilà pourquoi nous traitons maintenant avec les institutions privées - touche essentiellement les enfants de 2 ans et demi, c'est-à-dire ceux qui, au mois d'août ou de septembre, quand l'école commence, n'ont pas encore 3 ans révolus, mais auront atteint cet âge le 31 décembre. La problématique se situe vraiment à ce niveau-là et la réflexion est en cours. Prenons l'exemple des écoles privées qui suivent le système scolaire français: vous savez que celui-ci permet aux petits de débuter l'école à 3 ans, et c'est l'année civile des 3 ans qui compte, pas le mois de juillet ou la date de la rentrée scolaire. Il s'agit maintenant de déterminer si on autorise ou non l'entrée à l'école durant ces quelques mois, avec potentiellement une dérogation pour les établissements qui appliquent le système français.
Le problème, aujourd'hui, c'est que comme il y a eu un vide juridique pendant un certain nombre d'années, des structures privées se créent - je ne parle pas des grands établissements - qui se disent être des écoles, mais qui reçoivent en réalité des petits sans la surveillance exigée dans le cadre de l'accueil préscolaire. Voilà le noeud du débat, Mesdames et Messieurs les députés. Il faut savoir: voulez-vous pour les petits une prise en charge correcte quant à l'encadrement et à la formation, ou pas ?
Vous voyez bien que la question juridique n'est pas simple, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous prie de renvoyer ce projet de loi en commission. Si vous vous entêtez à vouloir le voter aujourd'hui, eh bien je ne demanderai pas le troisième débat... (Exclamations.) ...non pas tant en raison du fond, parce que j'estime qu'il s'agit d'une vraie question dont il est légitime de débattre... (Commentaires.) S'il vous plaît ! ...que parce qu'aux yeux du Conseil d'Etat, en ce qui concerne les projets de lois - des textes qui ont une incidence importante, donc -, on ne les adopte pas sur le siège, on se donne la peine d'examiner les choses sous l'angle juridique, c'est fondamental.
J'en veux pour preuve, Madame la députée Barbier-Mueller, que vous reconnaissez vous-même implicitement qu'il s'agit d'accueil préscolaire, puisque vous entendez modifier la loi sur l'accueil préscolaire. Or cela n'a rien à voir avec la loi sur l'accueil préscolaire ! Nous avons certes inscrit dans cette loi une dérogation pour les écoles privées qui devraient lui être soumises s'agissant des enfants en dessous de 4 ans, mais c'est bien le règlement relatif à l'enseignement privé qu'il convient de modifier si on souhaite aller dans le sens - et c'est un autre débat politique - d'un changement de l'âge d'entrée à l'école.
Je vous en prie, Mesdames et Messieurs les députés, pensez au bien de nos enfants ! Il s'agit aussi d'éviter que des responsables de crèches et de jardins d'enfants privés, communaux et publics se disent: «Ah, mais attendez, quand on se déclare école privée, on peut accueillir les petits dès 2 ans et demi sans encadrement suffisant ? Eh bien nous allons faire pareil !» Sans parler des complications potentielles s'agissant d'enfants de 4 ans révolus le jour de la rentrée scolaire (qui sont nés par exemple début août) et à qui on refuse tout de même de commencer l'école en raison de l'harmonisation scolaire - qui n'était franchement pas ma tasse de thé. Je serais parent, je ferais recours à la Chambre administrative en arguant: «Regardez les écoles privées, elles peuvent les prendre, il y a inégalité de traitement !»
Ce que je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, c'est simplement que nous examinions les choses sereinement en commission et que nous poursuivions la consultation en cours; certes, elle est difficile, mais je m'engage à ce que nous trouvions un accord avec les établissements privés qui satisfasse tout le monde. Je vous en prie, ne votez pas sur le siège un projet de loi dont les implications pourraient se révéler extrêmement problématiques d'un point de vue juridique. Encore une fois, je ne me prononce pas sur le fond, je ne dis pas qu'il faut accueillir les enfants à 2 ans et demi, à 3 ans ou à 3 ans et demi, je m'occupe uniquement des aspects juridiques.
Une dernière chose: l'argument sur les places de crèche ne tient pas véritablement la route, parce que la pénurie, qui est réelle, importante - il faut toutefois s'adresser non pas au canton, mais plutôt aux communes dont c'est la prérogative principale -, concerne surtout les petits, les moins de 2 ans ou 2 ans et demi; la situation est beaucoup moins grave pour les plus âgés, d'autant que l'offre des jardins d'enfants s'ajoute à ce moment-là.
Aussi, Mesdames et Messieurs, au nom du Conseil d'Etat, je vous invite à renvoyer ce projet de loi en commission. Si vous refusez de le faire, je vous préviens en toute transparence que nous ne demanderons pas le troisième débat, de façon à discuter d'abord avec les groupes et à aborder ces questions juridiques ensemble. Cela étant, j'ai confiance dans la capacité du parlement à réfléchir avant de voter ! Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous procédons au vote sur le renvoi de ce texte à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13259 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 57 non contre 38 oui et 1 abstention.
Le président. A présent, j'ouvre le scrutin sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 13259 est adopté en premier débat par 56 oui contre 39 non et 1 abstention.
Le projet de loi 13259 est adopté article par article en deuxième débat.
Le président. Le troisième débat n'est pas demandé.
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, les points liés M 2904 et M 2907. Nous sommes en catégorie II, 30 minutes. Je passe la parole à l'auteure du premier objet, Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les assistantes et assistants en soins et santé communautaire sont, on va dire, les petits derniers dans les professions de la santé - quoique cela fasse maintenant plus de vingt ans que ce nouveau métier a été créé -, et force est de constater que c'est une profession dont les axes se complexifient année après année. Elles - parce que ce sont majoritairement des femmes, mais les hommes pourront évidemment se reconnaître dans mes propos - ont de plus en plus de compétences, ce qui signifie de plus en plus de responsabilités vis-à-vis des patients. Elles sont amenées à effectuer de plus en plus d'actes médico-techniques: cela va de la prise de sang aux injections en passant par les changements de pansements ou les perfusions.
Ce qui caractérise aussi la profession, c'est la polyvalence des tâches assumées par les ASSC, ce qui leur permet de prendre en charge autant les problèmes physiques des patients que leurs problématiques psychosociales. Cela en fait un maillon absolument essentiel de la chaîne des soins. Eu égard à l'évolution de ce que réalisent les ASSC sur le terrain, c'est une profession qui doit être revalorisée, y compris d'un point de vue salarial, pour que la rémunération soit adaptée à ses nouvelles réalités.
C'est l'objectif de la motion que nous avons déposée avec différents collègues de l'Alternative et évidemment en collaboration avec la délégation des ASSC. Cette nécessaire revalorisation doit aussi nous permettre d'éviter la fuite des cerveaux, parce qu'il s'agit véritablement de personnel qualifié, hautement formé, avec un CFC en main. Plusieurs personnes aujourd'hui quittent cette profession car l'implication qu'elle nécessite n'est pas justement rétribuée.
J'aimerais souligner, Mesdames et Messieurs les députés, qu'à moins que vous ayez passé les trois dernières années dans une grotte, ce que je ne crois pas être votre cas... (Remarque.) ...vous savez que les ASSC ont été en première ligne, comme l'ensemble des professions de la santé, lors de l'épidémie du covid, qu'elles n'ont pas ménagé leurs efforts, non seulement pour protéger la population contre cette menace, mais aussi pour poursuivre coûte que coûte l'accompagnement de leurs patients.
Et puis, si vous n'avez pas passé les trois dernières années dans une grotte, vous savez aussi que nous manquons cruellement de personnel dans le domaine de la santé actuellement. La première mesure à prendre, c'est donc évidemment de maintenir l'attractivité de ces professions, y compris celle d'ASSC, et d'éviter de faire fuir celles et ceux qui l'exercent aujourd'hui.
Après les applaudissements massifs adressés au personnel de soins pendant la crise covid, nous devons aujourd'hui passer aux actes et prendre soin de celles et ceux qui prennent soin de nous. Je vous remercie d'accepter cette motion. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne maintenant la parole à l'auteur du deuxième objet, M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, à l'heure où une pénurie de soignants menace toujours plus l'avenir de notre système de soins, il est urgent de mieux faire connaître et de valoriser la profession d'ASSC à son juste mérite, afin d'intéresser les jeunes - ou les moins jeunes, car il y a des reconversions professionnelles - et de leur offrir d'intéressantes perspectives de formation, d'emploi et de carrière.
C'est pour répondre aux besoins de la première ligne des soins et faire face à la demande croissante de personnel pour les EMS, pour les services de soins à domicile, les hôpitaux et les centres médico-sociaux, que la profession d'ASSC a été conçue. Elle a débuté officiellement en 2002 et les premiers titres ont été délivrés en 2005 sous l'égide de la Croix-Rouge suisse. Aujourd'hui, les compétences d'ASSC sont attestées par une ordonnance du Secrétariat d'Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation et validées par un CFC. L'ASSC fournit des prestations de manière autonome, sur prescription médicale, dans les limites de ses compétences.
La formation d'ASSC, plus courte que celle d'infirmière, est fondée sur la prise en charge holistique des patients: actes médico-techniques, soins et accompagnement. L'ASSC est donc appelée à pallier de multiples carences dans un secteur extrêmement exigeant, où une relève professionnelle est absolument indispensable mais toujours plus difficile à recruter.
Cette profession doit aussi être mieux reconnue et protégée dans le milieu professionnel, particulièrement dans notre canton où la majorité des infirmières des institutions médicales n'ont pas été formées en Suisse et ne connaissaient pas la profession d'ASSC avant leur engagement dans notre pays. Ces infirmières, y compris les cadres, n'ont précédemment connu que la fonction d'infirmière et celle d'aide-soignante. Cette méconnaissance laisse parfois la liberté aux responsables d'équipes d'«utiliser», entre guillemets, les ASSC un peu comme bon leur semble. Il est donc primordial d'établir un cadre précisant les pratiques et de les harmoniser dans tous les secteurs.
Nous voulons attirer les jeunes - et les moins jeunes - vers cette profession spécifiquement suisse pour pallier la pénurie de soignants. Le moment est venu d'accorder aux ASSC les reconnaissances professionnelles justifiées et nécessaires: une formation de haut niveau, une réelle autonomie professionnelle, des possibilités de carrière et un niveau de rémunération correspondant aux qualifications requises et aux responsabilités assumées.
Pour ces raisons, nous invitons le Conseil d'Etat à inciter les jeunes en fin de scolarité obligatoire et les personnes désireuses d'une reconversion professionnelle à s'intéresser aux possibilités de formation d'ASSC; à garantir le plus haut niveau de compétence des enseignants et des formateurs sur le terrain pour la partie pratique de la formation; à assurer que les institutions médicales publiques, comme les HUG et l'IMAD, offrent toutes les places d'apprentissage nécessaires et un encadrement suffisant et compétent; à uniformiser les pratiques dans toutes les institutions médicales; à créer des voies de carrières professionnelles pour les ASSC expérimentées dans des domaines tels que les spécialisations cliniques, la formation et la coordination des équipes pour les soins directs aux patients. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la M 2904 met en lumière les revendications répétées des ASSC. Encore hier, j'expliquais à ce parlement dans mon intervention sur le droit de pratique à quel point la prise en considération de leur métier et de leur statut est essentielle dans toute la chaîne des soins.
Les ASSC luttent depuis de nombreuses années pour leur reconnaissance à leur juste valeur. Cette nouvelle profession, créée il y a vingt ans, n'a cessé de se complexifier, avec toujours plus de tâches et surtout de nouvelles compétences acquises notamment grâce à de nombreuses formations complémentaires. Les ASSC ont gagné en autonomie et en qualifications. Cette profession est aujourd'hui essentielle pour l'ensemble de notre système de santé.
Les Verts et les Vertes soutiennent donc la légitimité des actes de soins polyvalents - cela a été dit - accomplis par les ASSC, parce que c'est une question d'éthique et de valeurs que de considérer ces personnes qualifiées pas seulement par des applaudissements, mais aussi par des actes: des actes politiques, fondamentaux, alors que nous savons que le système de santé peine à attirer et à retenir le personnel qualifié dont il a besoin. Nous parlons ici de plusieurs centaines de personnes qui travaillent à l'hôpital, dans les EMS, dans les soins à domicile, mais aussi dans les établissements accueillant des personnes en situation de handicap (EPH).
Nous allons donc soutenir la M 2904 que nous avons cosignée et qui demande une revalorisation de la profession, une amélioration du dialogue social - parce qu'il y a eu très peu de concertations - et surtout une adaptation du descriptif de fonction prenant en compte les nouvelles compétences de l'ordonnance fédérale. Nous vous invitons également à soutenir cette motion. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). La fonction d'assistant en soins et santé communautaire est un métier relativement nouveau. Depuis le milieu des années 2000, elle s'est progressivement implantée dans les domaines des soins et de l'intervention socioéducative. Attestée au niveau fédéral, elle est validée par un certificat fédéral de capacité. Or, près de vingt ans plus tard, cette fonction largement présente dans le domaine des soins et de l'éducation spécialisée ne bénéficie pas encore de la reconnaissance et de la rémunération qui lui sont dues.
Nous avons eu l'occasion de l'évoquer hier soir à propos de la question du sens du maintien d'une autorisation de pratiquer pour cette profession peu connue des autres corps professionnels avec lesquels elle travaille en interaction, et surtout peu reconnue. Il est essentiel qu'un effort marqué soit réalisé en matière de reconnaissance et de rémunération de ce métier, un métier dont le déploiement auprès des patients et des usagers et usagères est devenu indispensable au développement des soins et de l'intervention socioéducative de qualité, un métier contribuant largement au confort des patients et des résidents.
C'est pourquoi il ne saurait être dévoyé. Les ASSC ne sont pas des auxiliaires corvéables de toutes les tâches que l'on ne saurait à qui attribuer ou dont certaines fonctions souhaiteraient se défausser. L'ordonnance fédérale de 2016 leur a attribué de nouvelles compétences. Il y a donc là, depuis, un métier aux contours clairement définis, dont cependant le cahier des charges doit impérativement être réactualisé en fonction des réalités de terrain et des discussions qui ont eu lieu entre les partenaires sociaux entre 2020 et 2022.
Il faut donc désormais non seulement intégrer la fonction d'ASSC dans son intégralité, mais aussi la valoriser et la faire connaître, ce afin de contrer toutes les velléités de l'utiliser de manière opportuniste dans le but de combler de manière durable des lacunes dans les effectifs d'autres métiers. Les ASSC ne sont pas les jokers des politiques de gestion du personnel spéculant sur l'activité à flux tendu et sur les transferts subreptices de compétences, autant d'éléments dont nous connaissons les effets délétères sur la qualité des conditions de travail et sur les taux d'absence.
Si la rémunération des ASSC a été améliorée l'année dernière à la faveur de négociations, elle ne satisfait pas les aspirations des personnes concernées. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est pourquoi la M 2904 invite le Conseil d'Etat non seulement à reconnaître cette fonction à sa juste valeur, mais qui plus est, à lui attribuer la reconnaissance salariale correspondante. Elle revendique également plus de transparence sur les critères présidant à l'évaluation de cette fonction et à l'ouverture d'un dialogue avec les ASSC et leurs représentants.
Le président. Il vous faut terminer, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. Je conclus, Monsieur le président. La M 2907, quant à elle, axée plutôt sur la reconnaissance de ce métier et surtout sa valorisation auprès des personnes en fin de formation et des personnes désireuses de reconversion professionnelle...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...est absolument importante. C'est pourquoi nous soutiendrons ces deux textes en vous demandant d'en faire autant, Mesdames et Messieurs les députés.
M. Bertrand Buchs (PDC). Ces deux propositions de motions sont extrêmement importantes, parce qu'elles reflètent la crise du système de santé que nous connaissons actuellement. Il n'y a plus personne au lit du malade. Les tâches administratives, les responsabilités que l'on donne aux médecins, aux infirmiers et infirmières ont fait que le temps passé au lit du malade diminue. Il a donc fallu trouver et créer une profession pour pouvoir pallier ce manque de personnel au lit du malade.
Nous avons entendu les ASSC lorsque nous avons discuté du droit de pratique à la commission de la santé et nous avons été extrêmement étonnés de voir que ces personnes avaient des responsabilités énormes, n'étaient pas soutenues et avaient de la peine à savoir ce qu'elles avaient le droit de faire ou de ne pas faire. On s'est retrouvés avec une profession dont le cadre nous semblait particulièrement flou, avec des responsabilités extrêmement importantes et sans soutien de la part de la hiérarchie.
C'est vraiment impressionnant. Personnellement, j'ai été impressionné, parce que je ne m'imaginais pas du tout qu'on se retrouverait face à une profession qui était aussi peu cadrée. Il est donc essentiel d'en discuter, de définir et de soutenir cette profession qui amène énormément pour la prise en charge des soins. Mais... Je n'ose pas le faire, mais je vais le faire quand même: je pense qu'il faut renvoyer en commission ces deux textes pour que nous puissions en discuter, écouter le Conseil d'Etat, écouter de nouveau ces personnes et leurs syndicats, pour savoir ce qu'on peut faire. S'agissant de la revalorisation salariale, c'est une compétence qui relève du Conseil d'Etat et non de ce parlement. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC). Les deux motions sollicitent une revalorisation de la fonction d'assistant en soins et santé communautaire. Cette profession de la santé est active et indispensable aux hôpitaux, dans les EMS, dans les soins à domicile et dans les établissements pour personnes handicapées. Ces assistants en soins et santé communautaire sont un maillon important de notre système de santé. L'un des deux textes relève que la Croix-Rouge suisse et la Confédération soutiennent depuis 2002 cette profession, notamment pour pallier la pénurie chronique de soignants.
Les principales invites de ces deux motions sont: inciter nos jeunes à cette profession; garantir un haut niveau de formation; offrir des postes d'apprentissage; créer des voies de carrière; revaloriser la profession; favoriser le dialogue social. Le groupe UDC ne peut pas ne pas soutenir ces invites. Pour cette raison, il acceptera ces deux motions. Maintenant, il s'agit de motions; je pense qu'un retour en commission ne devrait pas s'appliquer dans ce cas. Merci de votre attention. (Commentaires.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG votera ces deux motions, qui demandent la valorisation des ASSC. En préambule, il convient de dire qu'un travail est en train d'être fait et a été fait pour valoriser cette nouvelle profession, pour aller dans la direction d'une augmentation de classe salariale. C'est quelque chose d'important, c'est une reconnaissance à la fois financière et psychologique, mais il y a un problème plus fondamental qu'un des préopinants a évoqué tout à l'heure en parlant d'infirmières qui connaissaient mal la profession d'ASSC. Parce qu'avec notre système qui dysfonctionne à Genève, on engage, on a engagé en masse du personnel infirmier venant de l'autre côté de la frontière, du personnel infirmier qui reste du personnel frontalier; cet engagement massif fait fuir le personnel formé sur place. (Exclamations.) On entend un nombre important d'infirmières ou d'infirmiers qui vont dans d'autres cantons, parce qu'il y a une sorte de mobbing contre les résidents genevois à Genève. Il faut avoir le courage de le dire ! Il faut avoir le courage de reconnaître que l'abus de frontaliers, le déficit gravissime de formation dans la santé - et pas uniquement dans la santé, mais aussi dans un nombre gigantesque de professions à Genève - nous amènent droit dans le mur.
Alors bien évidemment, beaucoup de personnes dans cette salle ont une situation, sont bien assises et ne connaissent pas ces réalités, et ceux qui la connaissent ne veulent pas la voir et ferment les yeux. Mais il faut ouvrir les yeux, voir le problème fondamental qu'est celui de la formation, qui est structurel et qui mène à un recours excessif aux frontaliers et à une fuite des cerveaux genevois, malheureusement. Cette situation dramatique, nous devons la combattre à la source. Il faut bien entendu reconnaître les ASSC, qui sont, d'après mes informations, principalement ou presque exclusivement de nationalité suisse. On se trouve donc dans une situation complètement absurde, où ceux qui sont dans le bas de l'échelle dans le domaine médical sont des résidents suisses ou principalement des personnes habitant en Suisse et où le personnel frontalier est en haut et a une méconnaissance de ce personnel, avec un véritable mépris, et des syndicats, bien sûr, qui ne veulent pas reconnaître cette réalité, qui la cachent. Nous, politiques - en tout cas le MCG ne cachera pas la vérité, osera la dire et soutiendra ces deux motions, mais les soutiendra de manière critique. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Philippe Morel pour une minute trente.
M. Philippe Morel (HP). Merci, Monsieur le président. Ce sera largement suffisant. Beaucoup de choses ont été dites pour soutenir les ASSC. Effectivement, c'est un métier nouveau, important: dans la chaîne des soins, ces personnes ont une fonction essentielle pour les patients. Il faut donc soutenir les ASSC, c'est évident. Il faut bien sûr considérer qu'il y a une augmentation de la variation des formations dans le domaine des soins. L'ASSC est une de ces branches, d'autres vont apparaître au fur et à mesure du développement de la variété des soins. Il faut bien sûr, pour soutenir ces ASSC, préciser leurs qualifications, leurs fonctions, leurs limites de compétences et leurs limites de responsabilités. Bref, il faut établir un cahier des charges précis, pour qu'elles ne deviennent pas, cela a été mentionné, les personnes à tout faire au service des patients. La formation est donc importante, la revalorisation est importante, le salaire est important et la reconnaissance de la fonction de ces personnes doit être, à mon avis, consacrée par notre parlement. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à Mme Delphine Bachmann pour une minute quinze.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste revenir sur les propos qui ont été tenus par M. Baertschi - vous transmettrez, Monsieur le président. Je pense que, quand on utilise les termes de «mépris» et d'«irrespect», ceux-ci s'appliquent surtout à sa propre personne. (Protestations.) Je rappelle que, durant la crise du covid, s'il n'y avait pas eu toutes ces infirmières frontalières... (Vive remarque.) Mais vous répondrez quand vous en aurez l'occasion ! S'il n'y avait pas eu toutes ces infirmières frontalières, hein, les mêmes que vous dénoncez, qui soi-disant volent des postes... Car il n'y a, premièrement, aucune infirmière genevoise formée en Suisse au chômage ou qui part dans un autre canton. (Commentaires.) Elles ont l'opportunité d'avoir un poste ici. (Vive remarque.) Vous avez dit explicitement que les infirmières françaises volaient le travail du personnel de santé suisse. C'est profondément irrespectueux ! Les morts se seraient juste empilés dans les couloirs de l'hôpital durant les deux dernières années de crise si elles n'avaient pas été là !
Je rappelle encore une chose: les ASSC ne sont là pour remplacer ni les infirmières ni les aides-soignants, c'est une profession complémentaire. Donc dire que les ASSC suisses sont prétérités dans l'emploi à cause des infirmières frontalières, à nouveau, ce sont juste des propos complètement démagogiques et irrespectueux pour celles et ceux qui au quotidien soignent nos malades ! Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Dimier, il ne vous reste pas de temps de parole.
Une voix. Ils sont mis en cause !
Une autre voix. Mis en cause ! (Commentaires.)
Le président. Si quelqu'un a été mis en cause, c'est M. Baertschi. (Commentaires.) Monsieur Baertschi, je vous accorde trente secondes.
M. François Baertschi (MCG). Le mépris, je crois que vous êtes une spécialiste... (Exclamations.) ...vous transmettrez, Monsieur le président. (Protestations.) Parce que le mépris de l'autre, le mépris des travailleurs genevois...
Une voix. De son électorat !
M. François Baertschi. ...de son électorat également... Et vous êtes dans une vision purement corporatiste d'un petit milieu très restreint, en oubliant totalement tous ceux qui ont dû fuir Genève, qui ont dû fuir le marché du travail parce qu'ils n'y ont pas trouvé leur place.
M. Pierre Conne (PLR). Je vais essayer de reprendre le style du début du débat et commencer par vous dire qu'après avoir déposé la motion, j'ai reçu un message d'une personne qui m'a envoyé la copie d'une demande de soutien de projet, dans le cadre de l'initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié lancée par le SECO en 2018. Ce projet, qui malheureusement est arrivé deuxième et n'a pas été soutenu financièrement, est intitulé «ASSC, un réservoir de talents à retenir pour la santé». Je trouve donc que nous sommes exactement dans l'air du temps, même si on peut considérer que les années écoulées ont été un peu longues et un peu dures du point de vue de l'avancement de la promotion de cette profession.
Dans les arguments du projet, il a été indiqué que, selon la dernière enquête de l'Observatoire suisse de la formation professionnelle, 20% des ASSC ont quitté leur branche cinq ans après la fin de leur apprentissage. Ces arguments ont également été présentés par nos collègues dans le cadre de la présentation de la motion complémentaire à la nôtre.
Sur le fond, il nous paraît important de relever tout de même que les ASSC ont bénéficié, sur une décision du Conseil d'Etat, fin 2022, d'une reconnaissance et d'une revalorisation professionnelle, qui a été actée. Alors certes, c'est une seule classe, on pourrait dire, il ne m'appartient pas de juger si c'est trop, pas assez ou si c'est juste, mais le Conseil d'Etat a déjà pris en considération une bonne partie des arguments que nous avons développés ici. Maintenant, il y a notamment toute la partie de promotion de la profession que j'ai soulevée et qui doit à mon avis être déployée de façon beaucoup plus importante.
Quoi qu'il en soit, la position du PLR est la même que celle du PDC: il ne nous appartient pas d'interférer dans les négociations employeurs-employés et de décider, nous, ce qui est opportun ou pas pour une filière professionnelle de la fonction publique, parce que si nous entrons dans ce jeu, demain, ce sont toutes les filières de la fonction publique qui, à tour de rôle, instrumentaliseront l'un ou l'autre de nos groupes pour arriver au même débat que celui où nous sommes aujourd'hui.
Ce que je demande donc, au nom du PLR, et je m'associe à la demande du PDC, c'est de renvoyer ces deux textes en commission, de pouvoir continuer à travailler comme nous l'avons fait ce soir, sereinement, parce que nous sommes convaincus de l'importance de promouvoir ces professions et de voir quel sort nous allons donner aux revendications, que j'entends et que je peux considérer comme légitimes, de la part des professionnels.
Notre demande est donc le renvoi en commission. Si la plénière le refuse, le PLR votera évidemment sa motion et vous invite à faire de même. S'agissant de la M 2904, le PLR s'abstiendra pour les raisons de forme - et non pas de fond - que j'ai évoquées il y a un instant. Je vous remercie de votre attention.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, très rapidement, je vous indiquerai que le groupe socialiste refusera le renvoi en commission de ces deux textes. Il souhaite les voter tous deux sur le siège. Cela fait des mois que les ASSC réclament, arguments à l'appui, en discussion avec le Conseil d'Etat, une revalorisation de leur rémunération eu égard à l'évolution de leur pratique professionnelle. Des discussions ont été entamées, les ASSC ont apporté un certain nombre d'arguments sur leur cahier des charges pour justifier cette augmentation salariale. Pour l'instant, elles n'ont pas obtenu gain de cause et ces revendications n'ont pas été suffisamment entendues par le Conseil d'Etat. C'est pour donner un nouveau souffle à ces discussions que pourront mener les ASSC et leurs représentants syndicaux que nous vous invitons à ne pas tergiverser sur le sort à donner à ces deux motions et à les voter sur le siège. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous voyons clairement, depuis hier - à l'approche d'une échéance électorale -, que l'on veut plaire, et les professions qui sont les plus audibles, qui se plaignent davantage, se font plus entendre. Nous avons accepté hier, malgré les remarques pertinentes de M. le député Buchs, une exception dans le domaine des délivrances du droit de pratique, parce que, précisément, les ASSC et les assistantes médicales étaient venues en commission nous dire à quel point il était important pour elles d'obtenir ce document qui n'avait clairement aucune plus-value pour elles.
Aujourd'hui, les ASSC sont très présentes. Bien sûr, nous leur devons toute reconnaissance, reconnaissance qui s'est matérialisée en novembre dernier par l'acceptation par le Conseil d'Etat d'une réadaptation de la classe de fonction. Or, ce corps professionnel sent clairement que le moment est là pour obtenir des avantages supplémentaires - sans doute mérités au niveau subjectif, mais il faut encore se rappeler qu'il doit y avoir un équilibre par rapport à l'ensemble des professionnels de la santé. Les ASSC sont actuellement en classe 11, ce qui est un niveau CFC - les infirmiers et infirmières sont en classe 15; elles souhaiteraient être en classe 12, ce qui laisserait à peine trois classes de différence entre les ASSC et les infirmiers et les infirmières. Vous pouvez donc être certains qu'immédiatement après, les infirmières, à juste titre, diront qu'il faudra également revaloriser leur profession. Ensuite, les policiers, qui sont en classe 15, vous demanderont: «Pourquoi sommes-nous en classe 15, si les infirmières sont en classe 16 ?», etc., etc., etc.
C'est pourquoi il faudrait peut-être songer un jour à interdire le dépôt de tout nouveau texte parlementaire dans les trois mois qui précèdent une échéance électorale... (Commentaires.) ...comme ça, au moins, nous pourrions examiner les textes la tête froide et dans l'intérêt de l'Etat qui nous a placés chacune et chacun là où nous sommes aujourd'hui. Le Conseil d'Etat considère qu'un renvoi en commission serait le bienvenu pour essayer d'objectiver un peu tout cela et ne pas voter dans l'émotion - même si beaucoup de ces invites sont déjà en route, puisque évidemment, nous faisons en sorte que les jeunes d'aujourd'hui soient sensibilisés à toutes ces professions de la santé, qui ont clairement des débouchés: aujourd'hui, un jeune qui entre dans le domaine de la santé est certain d'en trouver. Nous avons donc intérêt à le faire, et mon département subventionne largement OrTra santé-social, qui, avec un bus, va voir les jeunes dans les cycles d'orientation pour leur montrer à quel point la palette dans ce domaine est vaste, de même que les passerelles: si l'on entre dans une profession et que l'on veut ensuite bifurquer dans une autre, voire poursuivre les études pour devenir infirmier ou infirmière - études de niveau HES, comme vous le savez, à Genève, donc de niveau haute école, universitaire, ce qui explique aussi la différence de positionnement salarial entre ASSC et infirmiers et infirmières -, il y a toujours cette possibilité pour nos jeunes.
Ce que je voulais dire, c'est que tout cela est juste. J'ai entendu dans ce que vous avez exprimé beaucoup de choses justes - beaucoup plus de choses justes que de fausses d'ailleurs -, mais rien de véritablement nouveau ou concret, un discours qui est fait davantage pour celles et ceux qui nous écoutent que pour faire avancer le débat dans cet hémicycle; et je trouve que c'est regrettable. Nous le verrons sur des sujets que nous aborderons certainement aujourd'hui encore: malheureusement, l'objectivité ne préside pas au débat dans ces périodes difficiles où chacun essaie de se positionner dans certains domaines, dont celui de la santé fait partie, bien sûr. Nous avons une reconnaissance importante envers tous ces professionnels de la santé, mais ayons aussi une pensée pour toutes les personnes qui travaillent dans le bâtiment, dans des conditions difficiles... (Commentaires.) ...en hiver également ! Il s'agit de ne pas occulter toutes les professions pénibles qui s'exercent dans notre canton au motif que nous avons traversé une pandémie.
Le Conseil d'Etat vous demande de renvoyer ces textes en commission pour qu'ils soient débattus sereinement. Sinon, évidemment, je m'en rapporte à votre sagesse - je ne sais pas si c'est une démarche très sensée de ma part ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons sur le renvoi de ces deux textes à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2904 à la commission de la santé est rejeté par 54 non contre 38 oui.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2907 à la commission de la santé est rejeté par 59 non contre 35 oui.
Le président. Nous votons à présent sur la prise en considération de ces deux textes.
Mise aux voix, la motion 2904 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 55 oui et 37 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Mise aux voix, la motion 2907 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 93 oui (unanimité des votants) (vote nominal).
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprendrons nos travaux à 18h précises.
La séance est levée à 17h45.