République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 13178-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2023 (LBu-2023) (D 3 70)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous en arrivons au plat de résistance de cette session, à savoir le PL 13178 établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2023. Nous commençons avec le premier débat et le vote d'entrée en matière sur ce projet de loi. En ce qui concerne les temps de parole, il y a sept minutes pour chaque rapporteur, par groupe et pour le Conseil d'Etat. La parole échoit tout d'abord à Mme Caroline Marti.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce qui rassemble les partis composant la majorité de la commission des finances, à savoir le groupe socialiste, les Verts, Ensemble à Gauche et le MCG, c'est la conviction d'une part de l'impérieuse nécessité que Genève dispose d'un budget pour l'année à venir, soit l'année 2023, d'autre part de la responsabilité qui incombe aux membres du Grand Conseil pas nécessairement de tomber d'accord, mais au moins d'essayer de négocier entre partis pour qu'une majorité se dégage en faveur d'un budget.

Je pense parler au nom de l'ensemble des groupes qui constituent cette majorité en signalant qu'aucun d'eux n'était prêt à voter un budget à n'importe quel prix, mais que tous étaient disposés à faire un certain nombre de concessions, de compromis afin de trouver un point d'équilibre acceptable pour toutes et tous. Nous sommes satisfaits que ce point d'équilibre ait pu être atteint autour d'un projet de budget qui, somme toute, est relativement proche de celui proposé par le Conseil d'Etat en septembre dernier, certains amendements ayant été ajoutés dans le courant de l'automne.

Ce budget, je le rappelle, a été proposé et validé non pas par la majorité de gauche du Conseil d'Etat, mais par l'ensemble du gouvernement, y compris la ministre des finances, Mme Nathalie Fontanet, issue des rangs du PLR. Il ne s'agit dès lors pas d'un budget de gauche, il ne s'agit pas d'un budget irresponsable et déséquilibré, comme d'aucuns tenteront certainement de vous le faire croire tout à l'heure - c'est en tout cas ce qui ressort des rapports de minorité -, il s'agit d'un budget de consensus nécessaire pour notre canton, mais aussi et surtout pour sa population.

Aux yeux de la majorité, il est indispensable de voter ce budget, car nous nous trouvons aujourd'hui en sortie de crise covid, bien qu'une partie des conséquences de celle-ci se fassent toujours sentir, à quoi s'ajoutent maintenant une crise humanitaire, une crise énergétique, une crise sociale liée à l'inflation. Cette nécessité provient également du fait que nous venons de fonctionner une année entière en douzièmes provisionnels, ce qui représente déjà en soi un échec institutionnel et est très compliqué pour les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat - mais ce n'est pas l'essentiel du problème.

Le problème de ne pas avoir de budget, c'est l'impossibilité de lancer des projets qui ne soient pas immédiats et à court terme, mais qui visent le moyen et le long terme. L'Etat ne peut faire preuve d'aucune réactivité vis-à-vis de situations qui évoluent extrêmement vite. Mais surtout, nous sommes actuellement dans un contexte où les besoins de la population augmentent, notamment en raison des diverses crises que nous traversons depuis trois ans, et il est impossible de répondre à ces besoins évolutifs, à ces besoins en hausse avec un budget basé sur celui de deux ans en arrière.

C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission des finances vous invite à accepter ce budget qui répond autant que faire se peut aux besoins actuels, aux besoins engendrés par la crise énergétique, par exemple en augmentant le montant de certaines contributions aux entités subventionnées de manière que celles-ci puissent faire face au renchérissement des coûts énergétiques sans rogner sur les prestations qu'elles offrent à la population et sans péjorer les conditions de travail de leurs employés.

Ce budget répond également à la crise humanitaire et donne à notre canton les moyens d'accueillir, d'héberger, de scolariser des personnes en provenance d'Ukraine, mais pas seulement: il y a aussi des flux migratoires venant d'autres pays comme l'Afghanistan, des personnes que nous devons accueillir dans le respect et la dignité. Par ailleurs, ce budget permet de répondre à l'urgence sociale, notamment à travers le plan d'action qui a été adopté et inscrit dans son cadre, un plan d'action pour lutter contre l'augmentation du coût de la vie à travers une hausse des subsides d'assurance-maladie ou des allocations logement.

Ce budget permet encore, toujours tant que faire se peut, de soulager des services qui sont en souffrance car, année après année, les postes ont été rognés, voire complètement supprimés dans certains cas, et les retards s'accumulent tant qu'un certain nombre de ces services n'arrivent tout simplement plus à faire face aux sollicitations et aux besoins de la population. Enfin, ce budget permet de maintenir les droits et les conditions de travail de la fonction publique. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission des finances vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Comme Mme Marti l'a indiqué, nous sortons d'une période de crise sanitaire, économique et sociale liée au covid, mais nous en sortons en réalité plutôt positivement sur le plan de l'Etat, puisque celui-ci s'est retrouvé avec des comptes largement meilleurs que ce qui avait été prévu lors des budgets précédents. On le doit à notre économie, à nos entreprises, on le doit aussi aux nombreuses mesures que ce parlement a prises et à celles qui ont été proposées par le Conseil d'Etat. Nous pensions enfin retrouver une pente qui allait vers le positif; malheureusement, une nouvelle crise à la fois guerrière - ukrainienne - et énergétique, qui est la conséquence de la première, vient poindre et nous plonge à nouveau dans une situation largement déficitaire.

Mesdames et Messieurs, les choses sont assez simples: la Confédération appelle notre population à économiser l'énergie et, de manière générale, à se serrer la ceinture pour éviter ce qui pourrait arriver, à savoir des coupures d'électricité, ce que nous ne souhaitons évidemment pas. Les entreprises et les particuliers font tous des efforts, aussi à cause de l'inflation - Mme Marti l'a souligné à juste titre; l'ensemble des cantons prennent des mesures pour mettre des moyens de côté, tout le monde se prépare à économiser. Tout le monde ? Non, Mesdames et Messieurs: à l'ouest de notre pays, un petit canton peuplé d'irréductibles dépensiers résiste encore et toujours à la raison !

Alors que la sobriété est de mise partout - sauf chez nous, vous l'aurez compris -, la majorité de gauche du Conseil d'Etat, sourde à la réalité économique et aveuglée par son idéologie dépensière, ose proposer un surréaliste budget déficitaire de 419,6 millions ! Mais, Mesdames et Messieurs, il y a pire encore: la majorité parlementaire de gauche a réussi à péjorer encore la situation, puisque le déficit final qui sort des travaux de la commission des finances, n'en déplaise à ceux qui ne savent toujours pas compter, n'est pas de 419,6 millions ni de 417,7 millions, mais de 501,7 millions. Un demi-milliard, voilà le déficit que nous soumet la majorité de gauche de ce parlement !

Il faut rappeler ici le contexte que nous connaissons; je ne vais pas faire d'immense laïus, vous trouvez tout cela dans mon rapport, mais j'aimerais tout de même citer l'étude BAK, cette fameuse étude, vous savez, qui relève la chose suivante - je mentionne quelques points, celui-ci se trouve à la page 5 du rapport, pour ceux que ça intéresse: «La combinaison du potentiel de ressources et d'exploitation du potentiel fiscal donne les recettes fiscales par tête. Dans le canton de Genève, celles-ci sont supérieures d'environ 90% à la moyenne des cantons.»

Cette donnée est confirmée par l'Administration fédérale des finances, qui publie chaque année une comparaison par cantons de l'exploitation du potentiel fiscal: Genève figure en tête de ce classement - elle y figure en tête chaque année ! - avec 34,2% contre une moyenne de 24,6% pour toute la Suisse. Enfin, malgré ce que prétendent ceux qui se trouvent derrière moi en ce moment - et j'espère qu'ils resteront derrière moi -, en matière de fiscalité, Genève est aujourd'hui d'ores et déjà le canton où les plus aisés sont les plus solidaires, tout simplement parce que les taux d'imposition tant sur le revenu que sur la fortune sont à Genève les plus élevés, et de très loin, par rapport au reste du pays.

Nous n'avons dès lors pas de problème de recettes. D'ailleurs, nos revenus ne cessent de progresser chaque année, non pas parce qu'on augmente les impôts, mais parce que notre économie fonctionne très bien: elle est florissante et crée des recettes fiscales - je n'ai pas besoin de vous rappeler les chiffres que je vous donne d'habitude.

Concernant les charges, cette même étude BAK signale ceci - c'est à la page 19, pour ceux que ça intéresse: «L'indice des coûts standards du canton de Genève s'élève au total à 188. Le canton de Genève affiche par conséquent des dépenses nettes par habitant supérieures de 88% à la moyenne des 25 autres cantons.» Même si on ne fait pas ce simple calcul en divisant toutes les charges par l'entier de la population, mais qu'on divise, politique publique par politique publique, les charges liées à chaque politique publique, non pas par le total des habitants, mais par les bénéficiaires des prestations, on est toujours de 39% supérieurs, non pas à la moyenne de tous les autres cantons, mais à celle des cantons du groupe de comparaison spécifique. Genève dépense beaucoup trop - je ne vous apprends rien, mais c'est toujours bien de le rappeler.

Qu'a-t-on fait de ce rapport BAK, Mesdames et Messieurs ? Il a été, comme on dit dans le jargon, «schubladisé» - de l'allemand «in der Schublade lassen», «schubladisieren» -, c'est-à-dire jeté aux oubliettes, abandonné quelque part au fond d'un tiroir. Bien entendu, lorsqu'une étude ne va pas dans le sens de la majorité, que ce soit du Conseil d'Etat ou de ce parlement, on la rejette.

Que dire par ailleurs de la neuvième étude fiscale menée par la Chambre de commerce, d'industrie et des services de Genève, fort intéressante ? Son directeur, qui est dans la salle, ne m'en voudra pas d'en citer quelques éléments que j'ai repris dans mon rapport - vous les trouvez à la page 304. Dépenses par habitant, cantons et communes - oui, c'est bien additionné: Bâle figure en tête - ça, c'est pour M. Pfeffer -, puis vient Genève, mais ensuite, il y a un énorme fossé avec l'intégralité des autres cantons. Qu'est-ce que l'on constate assez simplement ? Genève dépense 6238 francs de plus par habitant et par année que le canton et les communes de Vaud, soit 39% de plus, et 8672 francs de plus par habitant et par année que le canton et les communes de Zurich, c'est-à-dire 64% de plus. Mesdames et Messieurs, a-t-on à Genève 39% de prestations supplémentaires par rapport aux Vaudois, a-t-on 64% de prestations en plus que les Zurichois ? Non, et suivant les cas de figure, c'est même le contraire.

Je n'ai pas besoin de vous citer l'exemple du registre du commerce où, lorsqu'une personne appelle pour fonder une nouvelle société, des juristes expliquent que non, il faut faire autrement que ce qui se pratique dans tout le reste du pays, et si vous n'êtes pas content, eh bien vous prenez un avocat - bien sûr, l'entrepreneur n'a que ça à faire; je n'ai pas besoin de vous parler des 103 lois et règlements qui encadrent la politique du logement et qui font qu'à Genève, on a besoin de quinze ans pour construire un logement qui, dans le canton de Vaud, se fait en quatre ans seulement; je n'ai pas besoin non plus de vous dire que malgré des recettes fiscales abondantes dues à des impôts très élevés, le Conseil d'Etat et l'administration ajoutent systématiquement des émoluments qui sont sacrément plus chers que dans le reste de la Suisse pour faire passer encore une fois à la caisse - après les impôts et les taxes, il y a les émoluments - nos entreprises et les particuliers.

La cause est connue, et vous me permettrez de paraphraser Clemenceau qui parlait de son pays - je vais parler de Genève: Genève est un canton extrêmement fertile: on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts ! (Applaudissements.) Eh bien oui, Mesdames et Messieurs ! Chaque année, ce parlement cautionne la politique de la majorité de gauche du Conseil d'Etat consistant à engager massivement des fonctionnaires qui, une fois en place, travaillent, évidemment, et travaillent bien, mais une fois que ce travail est terminé, doivent justifier leur poste et donc créer des règlements et nouvelles lois à profusion, lesquels induisent ensuite des contrôles, suite à quoi il faut embaucher des contrôleurs pour vérifier tout cela. Les entreprises et les particuliers passent leur temps à dépenser leur argent, à respecter des règlements qui n'existent nulle part ailleurs dans ce pays ! Voilà, Mesdames et Messieurs, l'explication de la folie dépensière de notre canton.

A la page 305 de mon rapport, vous voyez les dépenses de personnel par habitant, je n'ai pas besoin de passer beaucoup de temps dessus, elles sont éloquentes. Mais si je compare les salaires médians, parce que c'est intéressant, entre la fonction publique et la fonction privée, Mesdames et Messieurs, voici le résultat: le salaire médian mensuel de la fonction publique genevoise s'élève à 8956 francs par mois contre 6957 francs dans le secteur privé, soit une différence de 2000 francs par mois, de 24 000 francs par année ou encore de 29%. Et naturellement, tout ça ne va pas s'améliorer avec le vote précédent et celui qui va arriver, puisque nos fonctionnaires qui, je le répète ici, ont droit à une rémunération juste et ont massivement et en majorité...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur, vous êtes à sept minutes.

M. Yvan Zweifel. Mais j'ai encore du temps sur mon groupe, non ?

Le président. Non. (Remarque.) Ah, vous voulez passer sur le temps du groupe ? C'est sept minutes par intervention.

M. Yvan Zweifel. Alors je rappuie sur le bouton de mon micro, parce que mon chef de groupe est d'accord que je reprenne la parole. (Rires.)

M. Eric Leyvraz (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Le plus étonnant dans ce budget, c'est que le Conseil d'Etat ait le culot de le présenter. Nous avons, et de loin, la dette cantonale la plus élevée de Suisse, le coût de la fonction publique également le plus haut par habitant, et le gouvernement présente, la conscience tranquille, un déficit d'un demi-milliard. Bien sûr, en année électorale, il ne faut surtout fâcher personne, continuer à satisfaire toutes les demandes, et on espère que les rentrées fiscales seront supérieures aux attentes pour boucher les trous. Ce n'est pas une politique responsable, Mesdames et Messieurs. La commission des finances en est consciente, hélas pas sa majorité, puisqu'elle a accepté ce budget à huit contre sept.

Nous assistons à une fuite en avant continue, avec un nombre de fonctionnaires qui explose: plus de 650 ETP en deux ans, soit une somme incompressible de 100 millions annuels, c'est-à-dire que le solde net des entrées fiscales supplémentaires, qui était de 127 millions, est déjà englouti. Et il y a cinquante fonctionnaires chargés de communication, c'est fou ! Toujours plus d'Etat plombe la croissance.

Aucune réflexion autour d'une nouvelle approche des services de l'Etat, d'un début de changement du fonctionnement de l'administration, de modifications structurelles. Jamais de recherche où on se dit: on nous demande plus pour ce service, comment faire avec la même somme d'argent ? Tout de suite, il faut plus de moyens, plus de personnel, comme si l'Etat était déjà à flux si tendu qu'aucune mesure d'économie ne serait envisageable. Laissez-moi sourire, j'observe son fonctionnement depuis dix-sept ans. La Cour des comptes vient de nous décrire la gabegie des créances de l'Etat qui, un peu mieux organisé et transversal, pourrait récupérer un montant de 35 millions par année.

La situation générale doit nous amener à une certaine prudence, particulièrement à Genève où nous connaissons une pression fiscale énorme, des loyers prohibitifs pour habiter dans des cages à lapins, une circulation cauchemardesque, une qualité de vie qui se dégrade véritablement. Le fait qu'une société aussi genevoise que Rolex construise sa prochaine usine à Bulle avec 2000 postes à la clé soulève bien des questions.

On nous rétorque que la situation reste bonne, que la société a fait preuve d'une grande résilience et que l'économie a bien fonctionné pendant ces deux années difficiles. Ce n'est pas une raison pour immédiatement dépenser l'argent supplémentaire, qui aurait mieux servi à faire diminuer une dette colossale qui va coûter cher en intérêts.

Le Conseil d'Etat présente certes un plan financier quadriennal, mais franchement, c'est une vaste plaisanterie ! J'avais pensé - voyez comme on peut rester naïf, même à mon âge - qu'il s'agirait de fixer des objectifs et puis, au bout de quatre ans, de dresser un bilan et de corriger ce qui n'allait pas. Eh bien, rien de tout cela ! L'Etat revoit chaque année son plan financier quadriennal en promettant le retour à l'équilibre dans quatre ans; il se moque des députés et des contribuables. Son argument: «Ah, il est difficile de prévoir, les choses changent vite !» Que voilà une nouveauté ! Le grand savant Pline l'Ancien, mort en 79 pour avoir voulu voir de trop près la fameuse éruption du Vésuve, disait déjà il y a deux mille ans: «La seule certitude, c'est que rien n'est certain.» Soit le gouvernement nous présente un plan financier quadriennal avec des objectifs raisonnables et atteignables, soit il arrête cette mascarade. L'inquiétude est grande quand il annonce, surprise, un plan 2023-2026 toujours dans le rouge.

Quand le déficit annoncé est de l'ordre de 100 à 150 millions de francs, le mot à la mode est: «On est dans l'épaisseur du trait» - c'est 1% ou 2% du budget. D'accord, mais lorsque le Conseil d'Etat veut un milliard sur dix ans pour ses bâtiments, il ne dit pas que 100 millions par année, c'est dans l'épaisseur du trait et qu'il va trouver les économies nécessaires. On n'est plus face à un trait, mais à un mur infranchissable.

Venise a brillé encore longtemps alors que l'axe du monde changeait avec la découverte des Amériques. Aujourd'hui, les choses vont très vite. L'Europe n'est plus le centre du monde, la zone Pacifique prend le dessus, des cités d'Asie ont le vent en poupe, les dents longues et des propositions alléchantes pour obtenir leur part du gâteau diplomatique. Pensez-vous vraiment que Genève va traverser ces épreuves en restant la ville des organisations internationales comme si de rien n'était ? Et que les pays ne seront pas appelés à se rencontrer de plus en plus près du nouveau centre politico-économique du monde ?

Soixante-troisième agglomération européenne, notre petit canton a connu un sort incroyable avec des revenus uniques pour une si petite population, mais rien n'est pérenne, la situation peut changer rapidement, un Etat ne peut pas toujours dépenser plus qu'il ne gagne. C'est la prudence qui devrait guider nos pas. Nous en sommes bien loin, et l'UDC refusera par conséquent l'entrée en matière sur ce budget. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo, Eric !

M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de troisième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi, en guise d'introduction à ce rapport de troisième minorité, de reprendre la teneur du communiqué du PDC publié à l'issue de la séance de présentation du budget en septembre dernier: «Le projet de budget 2023 annonce un déficit de 419,6 millions, dépassant ainsi de 117,3 millions la limite admissible fixée par le frein au déficit. Ce budget largement déficitaire témoigne une nouvelle fois de l'incapacité de l'Etat à se réformer pour contenir durablement l'augmentation des charges.» Vous aurez relevé tout à l'heure que la rapporteure de majorité a fait référence à ce budget en estimant que c'était la norme, puisque globalement, nous sommes restés au même niveau, en ne considérant bien sûr pas les points qui ont été développés par le rapporteur de première minorité.

Nous disions alors: «Le PDC appelle depuis des années à repenser le rôle et le fonctionnement de l'Etat mais force est de constater que Genève se trouve toujours dans une situation de blocage. [...] Alors que notre canton compte déjà le plus grand nombre de fonctionnaires par habitant du pays, 488 ETP supplémentaires sont demandés, ce qui fait 700 postes sur deux ans.» En effet, si nous retournons l'année dernière, à la période où nous avions refusé le budget, le cumul de ce qui a été accordé cette année plus les nouveaux postes, ça fait 700 postes !

«L'augmentation de la population et l'évolution des besoins peut justifier des engagements ciblés mais la création de postes ne doit pas être la seule réponse à tous les problèmes de la république. Le PDC attend donc que l'utilité de ces nouveaux postes, sous l'angle d'une amélioration des prestations à la population et de l'efficience de l'Etat, soit démontrée. [...] Pour limiter le déficit, nous relevons que le Conseil d'Etat propose une demi-indexation des salaires». A l'époque où je parlais de ce projet de budget, vous vous rappelez, c'était le mois de septembre.

«Nous serions prêts à discuter d'une compensation complète [des salaires de la fonction publique] si des efforts étaient consentis ailleurs, notamment concernant la création de postes. Nous regrettons que l'ensemble de la fonction publique soit pénalisé et perde du pouvoir d'achat en raison des problèmes de gestion du personnel au sein de l'administration. Heureusement, au niveau des recettes, Genève peut toujours compter sur le dynamisme et la résilience de son économie.» En effet, ça a été relevé, et heureusement que c'est comme ça.

«Les prévisions pour les années à venir sont bonnes, même si les incertitudes actuelles incitent à la prudence. Il nous paraît donc primordial de conserver une fiscalité équilibrée pour maintenir l'attractivité du canton. [...] Notre position par rapport au budget 2023 dépendra des compromis qui pourront être trouvés (ou pas) au Grand Conseil. Les discussions s'annoncent difficiles mais le PDC prendra ses responsabilités et s'engagera afin que Genève ne se retrouve pas sans budget deux années de suite.» Voilà, c'est la fin de notre communiqué du mois de septembre.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est dans cet état d'esprit que les commissaires PDC à la commission des finances ont abordé les négociations sur le budget 2023, saluant l'accord conclu par le Conseil d'Etat avec les associations représentatives du personnel, Avenir syndical, l'UCA, le GCA et le Cartel. Cet accord - on ne va pas y revenir, on en a parlé tout à l'heure - prévoyait la prise en compte de l'annuité sur les résultats de l'exercice en cours et représentait un montant total de 144,4 millions alors qu'au projet de budget, c'était la somme de 75,9 millions avec une hypothétique indexation de 1,35%. Il y aurait donc eu une augmentation de 68 millions au budget avec l'indexation et de 59 millions pour l'annuité.

C'est un accord que nous considérions comme généreux au moment où nous en avons pris acte, mais il faut encore tenir compte d'un élément qui n'a pas été évoqué tout à l'heure, à savoir que le Conseil d'Etat s'engageait à reprendre les discussions concernant l'amélioration des conditions de travail et les droits du personnel. Cet aspect-là est important, parce que ça permettait de renouer le dialogue avec la fonction publique afin de trouver, une fois pour toutes, des solutions hors le seul salaire des fonctionnaires. J'espère que cette considération ne tombera pas avec le rejet du projet de loi.

Alors que depuis des années, le Grand Conseil demande au Conseil d'Etat de régler lui-même les questions salariales - c'est le Conseil d'Etat qui est l'employeur - et pour une fois que cela était fait en accord entre les partis dans le sens du partenariat social qui nous est si cher à tous, il s'est trouvé de manière surprenante une coalition disparate pour refuser l'accord passé. L'amendement présenté par le gouvernement afin de formaliser l'accord a été refusé par une majorité de gauche et du MCG qui a considéré comme négligeable un accord quasi historique et a posé l'obligation d'une annuité pleine au budget 2023 sans condition.

Dès lors, le PDC s'est retrouvé dans l'opposition, les conditions imposées par la coalition gauche-MCG ne permettant plus d'amender de quelque manière que ce soit le projet de budget 2023, les rares suppressions de postes ayant été verrouillées par la majorité ainsi constituée. Le PDC rappelle qu'il était prêt à participer à la recherche d'un budget en acceptant l'adaptation des salaires dus à la fonction publique, mais la majorité, en ne modifiant le budget que de manière homéopathique au niveau des postes, en ajoutant même des amendements électoralistes qui chargent encore plus le bateau, a fait qu'on se retrouve finalement avec un déficit de près de 500 millions - 501,7 millions, pour être précis -, soit quelque 200 millions de plus que la limite du frein à l'endettement.

Mesdames et Messieurs, s'agissant des postes, le nombre d'équivalents temps plein - ETP - passe de 17 603 dans le cadre des douzièmes provisoires 2022 à 18 303 dans le projet de budget 2023 - ces données figurent dans les rapports du Conseil d'Etat -, soit bel et bien une augmentation de 700 ETP. Je dois relever que suite aux négociations qui ont eu lieu sur le budget présenté par la majorité, 45 à 50 postes ont depuis lors été biffés. Je ne reviendrai pas sur les problématiques structurelles conditionnées par ce projet - cumul des déficits, gestion de la dette - qui sont évidentes.

J'aimerais en revanche souligner l'évolution des différents projets de budgets qui nous ont été présentés. En septembre, la première version était de 419 millions; la deuxième variante du Conseil d'Etat s'élevait à 353 millions - il y a eu une baisse dans l'intervalle en raison de rentrées fiscales; la mouture numéro trois était de 417 millions; enfin, avec une différence très fine, la proposition de base qui nous est soumise aujourd'hui est de 417,7 millions. Mais, ne l'oublions pas, il faut ajouter l'indexation et l'écrêtage, ce qui nous amène à un excédent de charges de 501,7 millions.

Au vu de toutes ces considérations et du niveau excessif du déficit envisagé pour 2023, le PDC proposera des amendements pour ramener l'excédent de charges 2023 au plus près de la limite du frein au déficit, pour rappel situé à 302,3 millions. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Si nous devions être suivis, alors nous voterions le budget; si le cadre posé par le mariage de la carpe et du lapin que représente la majorité qui soutient le projet de budget actuel est maintenu, alors nous le refuserons.

Pour terminer - juste une seconde, Monsieur le président -, je cite un libellé du Conseil d'Etat issu de l'exposé des motifs lors de sa présentation du budget: «Les budgets de l'Etat, tout comme les enjeux environnementaux, n'ont pas vocation à s'inscrire en dehors de certaines limites naturelles. Ces dernières, s'agissant de maintenir les prestations publiques sur le long terme, correspondent à notre capacité à financer nos charges, autrement que par un mécanisme consistant à multiplier les déficits.» C.Q.F.D. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Alberto Velasco (S). Pour commencer, Monsieur le président, j'ai entendu M. Zweifel dire que l'argent de la république est dilapidé; mais enfin, le trésor public est dépensé jusqu'au dernier franc pour des prestations ou des constructions ! Ce n'est pas le cas de la fortune de ceux et celles qui engrangent des millions: on ne sait pas où vont ces fonds ou alors ceux-ci sont totalement inactifs. Il faut dès lors défendre la fonction publique et soutenir le budget, parce que les 9 ou 10 milliards récoltés, c'est autant d'argent réparti dans l'ensemble de l'économie genevoise.

Mesdames et Messieurs, il faut savoir qui a intérêt à ce que la république ne soit pas dotée d'un budget. Pour qui cela présente-t-il un intérêt ? Et ce pour une deuxième année consécutive, Mesdames et Messieurs ! Eh bien pour les plus aisés de ce canton, il n'y a aucun problème, puisque vous savez très bien que sans budget, on entre dans le régime des douzièmes provisionnels, c'est-à-dire qu'on restreint les dépenses au maximum, ce qui constitue une manière comme une autre de faire baisser la pression fiscale. A l'exception évidente, il faut le souligner, des investissements qui sont à hauteur de 720 millions: comme vous le savez, 720 millions, c'est du blé pour les entreprises, donc on n'y touche pas.

En revanche, Mesdames et Messieurs, pour les personnes défavorisées et les associations qui s'occupent de cette population-là, ne pas avoir de budget représente un problème, parce que la pauvreté dans notre canton a augmenté, et les besoins de cette catégorie de gens également. Le fait de ne pas avoir de budget constitue un problème pour eux, effectivement, c'est un problème. Par conséquent, nous qui, en principe, nous battons pour ces personnes, nous avons tout intérêt à ce qu'un budget soit voté. Il en va de même des fonctionnaires qui, une deuxième année de suite, devraient fonctionner sans budget; la vie de la fonction publique n'est pas facile.

Chaque année, lors du débat sur le budget - un débat totalement stérile -, on arrive toujours à la solution finale: couper dans les postes, c'est-à-dire que les partis de droite pourraient rejoindre la majorité à condition qu'on accepte de supprimer des postes. Certains proposent de sabrer cent postes, d'autres deux cents, d'autres encore trois cents, mais sans en connaître exactement les conséquences, on ne sait pas si en supprimant cent ou deux cents postes, on améliore la qualité de vie des citoyens. Non, non: on coupe des postes, voilà tout, et on pense qu'on ira de l'avant comme ça.

Pour ma part, j'aimerais bien qu'on s'interroge. Effectivement, on pourrait se demander si les deniers publics investis dans les prestations sont utilisés de manière efficace, on pourrait faire cet exercice. On constaterait peut-être qu'à certains endroits, des postes supplémentaires sont nécessaires; on constaterait peut-être aussi que la hiérarchie des directions dans notre république mériterait d'être un peu restreinte, par exemple. Mais alors là, pas question, on n'y touche pas, on ne se pose pas de questions à ce sujet.

Pour justifier cette politique ainsi que les mesures proposées, on l'a entendu tout à l'heure avec le rapporteur de minorité PLR, on balance des chiffres, comme si ceux-ci représentaient la vérité universelle alors que tout le monde sait que l'économie n'est pas du tout une science. Qui commande ces chiffres ? Le rapport BAK, par exemple, que M. Zweifel a cité, qui l'a commandé ? Qui ? (Remarque.) L'Etat, le Conseil d'Etat ! Eh bien oui ! Vous savez, c'est comme les avis de droit: quand on en commande un, on demande ce qu'on veut y trouver à la fin. Eh bien quand on commande un rapport à des économistes, on leur demande ce qu'on veut à la fin. Donc ils vous donnent des chiffres, ils vous confortent dans vos idées, parce que, je le répète, l'économie n'est absolument pas une science.

Par ailleurs, Mesdames et Messieurs, j'ai lu dernièrement dans la presse que 35 000 de nos concitoyens ne paient que la taxe personnelle, et ils ont été pratiquement insultés. Pratiquement insultés ! Or qui ne paie pas d'impôts, Mesdames et Messieurs ? Il y a trois catégories de personnes. Il y a d'abord des personnes qui ont travaillé dans les années 50 et 60, quand il n'y avait pas de deuxième pilier, et qui ont des retraites minuscules; ces gens sont obligés d'aller à l'aide sociale et, évidemment, ils ne paient que la taxe. Ensuite, il y a ceux qui sont malheureusement au chômage, qui n'ont pas eu la chance d'être intégrés à l'économie; ils se retrouvent cabossés par la vie, avec des revenus minimaux, et ils s'acquittent en effet de cette fameuse taxe de 35 ou 40 francs. Enfin, il y a les personnes handicapées qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ne peuvent pas avoir de travail rémunéré.

Or on stigmatise toutes ces personnes, et je trouve ça regrettable, parce que certaines d'entre elles ont travaillé toute leur vie, c'est grâce à elles que nous disposons de certaines infrastructures dans ce canton. Vous savez, de nombreux ouvriers italiens, espagnols ont construit nos immeubles, ont construit bien des ouvrages, et ils se retrouvent aujourd'hui avec des rentes très, très, très minces. Mais franchement, ils ont apporté leur force de travail et leur labeur, ce qui justifie totalement qu'ils aient une retraite adéquate et ne paient que 35 francs. Dès lors, je trouve vraiment détestable de relever que certains citoyens ne paient pas ce qu'ils devraient payer.

Je conclurai par là, en disant à Mme la conseillère d'Etat que ces personnes seraient heureuses de payer plus d'impôts, Madame, très heureuses ! Malheureusement, elles n'en ont pas la possibilité, et peut-être que l'une des raisons d'être de notre république et de notre budget, c'est de faire en sorte que ces citoyens puissent s'acquitter d'impôts comme tout le monde, à la hauteur que vous voulez. Merci. Et, évidemment, nous voterons l'entrée en matière sur ce projet de budget. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à M. Yvan Zweifel, sur le temps de son groupe.

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Ah, merci, Monsieur le président ! Reprenons. En préambule, je voudrais répondre à M. Velasco sur un point. Je l'ai entendu dire que l'économie n'est pas une science; il voulait peut-être dire qu'il ne s'agit pas d'une science exacte, à l'image des mathématiques, mais il n'en demeure pas moins que c'est une science, et c'est un licencié en sciences économiques de l'Université de Genève qui tient à le souligner.

Cela étant dit, j'ai relevé les éléments de contexte, donc plongeons-nous maintenant dans le budget proprement dit en rappelant cette donnée essentielle, à savoir que le 19 mai 2019, le peuple genevois a accepté en votation populaire un objet qui s'appelait la RFFA - ça donne des boutons à certains, mais c'est comme ça - à 58,21%. L'un des points marquants du projet, c'était de revoir le déficit admissible, qui n'était évidemment pas de zéro, mais qui devait intégrer à la fois le coût statique de la réforme - 186 millions - et le coût réel du contreprojet à l'initiative 170, adopté le même jour, d'un même montant de 186 millions, c'est-à-dire un déficit acceptable de 372 millions, amorti sur huit années, mais uniquement sur 186 millions, c'est-à-dire 23,25 millions, ce qui amène, pour 2023, un déficit admissible de 302,3 millions.

Alors, Mesdames et Messieurs, le groupe PLR pourrait vous signaler: «Oui, bon, en même temps, on a dit qu'il faudrait huit ans pour absorber la RFFA.» Or, comme on l'a constaté - et là aussi, les chiffres sont clairs, n'en déplaise à ceux qui pensent que ce n'est pas une science - la RFFA a été absorbée en deux ans seulement. Nous pourrions donc, de manière totalement justifiée, en conclure: «D'accord, alors on veut un déficit de zéro.» Mais voilà, le PLR, lui, respecte non seulement ses engagements, mais également la loi et surtout le vote populaire; par conséquent, nous sommes d'accord d'accepter un déficit pour l'année 2023, mais plafonné à 302,3 millions, et c'est tout.

Mesdames et Messieurs, au regard de tous les éléments de contexte que j'ai relevés et puisque le canton de Genève est riche - c'est le troisième plus gros contributeur du pays - et impose ses contribuables, c'est-à-dire sa richesse et les revenus issus de celle-ci, plus que tous les autres, il n'est tout simplement ni compréhensible, ni envisageable, ni acceptable d'avoir un déficit supérieur à cette limite LGAF de 302,3 millions.

C'est précisément sur ce point que nous avons voulu agir en commission, nous avons indiqué: «Nous voulons un budget, mais avec un déficit maximum de 302,3 millions, donc nous déposerons des amendements allant dans ce sens.» Nous étions d'accord d'entrer en matière sur un budget comprenant une hausse pour la fonction publique, car oui, celle-ci travaille majoritairement bien - c'était particulièrement le cas pendant la crise covid que nous avons connue - et il est juste qu'elle touche une augmentation. Dans cette optique, nous étions prêts à voter l'annuité, mais pas l'annuité plus l'indexation qui, additionnées, donnent une augmentation de 3,44%. Ce n'est pas acceptable, ce n'est pas respectable, ce n'est pas respectueux par rapport à ce qui se passe dans le secteur privé dont je rappelle, je l'ai noté avant, que le salaire mensuel médian est de 2000 francs inférieur à celui de la fonction publique.

Que s'est-il passé en commission ? Personne n'a voulu écouter... Enfin, sur les bancs de la majorité de gauche, personne n'a voulu entendre ces arguments de raison, et ce qui s'est passé, c'est que non seulement l'accord du Conseil d'Etat avec la fonction publique qui visait une indexation de 2,44% a été validé, mais on a chargé la barque avec l'annuité en plus, soit 59 millions supplémentaires. Puis, de manière homéopathique, on a supprimé quelques postes - c'était une exigence de l'une des composantes, à savoir le MCG, qui s'est dit: «On va quand même enlever quelques postes, comme ça la droite ne pourra pas dire qu'on a voté l'intégralité des postes.» Bon, ça s'est malheureusement vu, je suis désolé de le dire.

Et à gauche, on a accepté ça, mais il faut expliquer de quelle manière: la rapporteure de majorité en face de moi - ou quasiment en face de moi - a commencé par dire: «Bon, on va supprimer deux postes au département des finances.» On lui a demandé: «Lesquels ?» «Oh, je n'en sais rien, le département choisira.» C'est ça, la méthode de la majorité ?! Puis, elle a continué: «On enlève trois postes dans un autre département.» Sans nous expliquer pourquoi, tout à coup, ces postes-là n'étaient pas utiles. (Commentaires.)

De notre côté, quand nous décidons de supprimer des postes, soit nous vous expliquons pourquoi nous estimons qu'ils ne sont pas indispensables... (Exclamations. Rires.) Ça fait rire, parce que vous n'écoutez jamais ce qu'on dit, mais ce n'est pas grave ! (Exclamations.) Soit nous proposons de supprimer l'intégralité... (Commentaires.)

Le président. Un instant, Monsieur, s'il vous plaît !

M. Yvan Zweifel. ...des nouveaux postes, parce que nous considérons que la fonction publique est d'ores et déjà pléthorique et que les personnes en place sont capables de délivrer les prestations supplémentaires nécessaires. C'est aussi simple que cela, mais ce n'est pas du tout ce qui s'est passé en commission.

La majorité voulait être sûre d'avoir à la fois l'indexation et l'annuité pour faire plaisir et obtenir l'onction populaire du tout-puissant Cartel intersyndical de la fonction publique qui, pourtant, n'en demandait même pas tant ! Donc on a quatre partis qui se sont dit: «Ah, le Cartel va appeler à voter pour nous !» Eh bien je suis navré de vous informer qu'il ne va pas appeler à voter pour quatre partis différents, donc trois d'entre eux seront inévitablement déçus, à commencer par le MCG qui n'a toujours pas compris qu'à part la police, aucun fonctionnaire ne vote pour lui, mais ce n'est pas grave, ils pleureront peut-être l'année prochaine, et puis on verra bien pour les autres. Peu importe !

Mesdames et Messieurs, la majorité de gauche a également souligné, dans le cadre du débat budgétaire, qu'il était important, lorsqu'on est en situation de crise, que l'Etat dépense pour aider ses citoyens. Je pourrais entendre ce discours si, a contrario, lorsque les choses vont bien, on fait en sorte de mettre des moyens de côté, par exemple en créant des excédents qui permettent de rembourser la dette, de manière à disposer de ressources et à pouvoir emprunter lorsqu'une crise advient. C'est ce qu'on a connu avec le covid: les autres cantons et la Confédération avaient les moyens d'emprunter, parce que leur dette était faible, ce qui n'était bien entendu pas le cas du canton de Genève. Donc j'entends bien votre discours, Mesdames et Messieurs, mais à un moment donné, il faut être cohérent.

Mesdames et Messieurs, je ne vais pas faire beaucoup plus long. Je précise simplement que nous proposerons un certain nombre d'amendements; vous en trouverez la liste à la page 311 de mon rapport. Il s'agit de revenir sur certains amendements du Conseil d'Etat présentés à la commission des finances et de supprimer ceux, électoralistes, d'Ensemble à Gauche, qui a décidé d'arroser un certain nombre de personnes.

Un député d'Ensemble à Gauche s'est écrié: «Ah, je veux donner 100 000 francs au Conservatoire populaire de musique !» Non, je ne sais plus combien c'était... Attendez... (Un instant s'écoule.) C'était 250 000 francs. On lui a demandé: «Mais pourquoi ?» Il nous a répondu: «Parce que quelqu'un là-bas m'a dit qu'ils en avaient besoin.» Oui, moi aussi, je peux avoir besoin de beaucoup de choses, hein ! Si chaque fois que quelqu'un vient à la commission des finances demander quelque chose en dehors d'un contrat de prestations, on le lui accorde... Cette manière de faire n'est tout simplement pas admissible, ça permet juste d'aller ensuite vers l'institution en question pour dire: «Hé, regardez: vous avez 250 000 francs en plus, c'est grâce à moi !» «Merci, Monsieur Batou !» «Mais je vous en prie !» (Rires.)

Cette manière de procéder n'est juste pas admissible, nous reviendrons donc à la charge pour supprimer tous ces amendements. Enfin, nous maintiendrons un certain nombre de montants de la nature 3100, donc il n'y a aucune coupe, on conserve simplement le niveau du budget précédent, douzièmes provisoires compris. Enfin, puisque...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Yvan Zweifel. Oui j'arrive ! ...l'annuité a été acceptée, nous souhaitons ne pas indexer, de manière qu'il n'y ait pas à la fois l'indexation et l'annuité. Mesdames et Messieurs, nous accepterons l'entrée en matière sur ce projet de loi, mais nous voterons des amendements pour revenir à un budget triple R, c'est-à-dire raisonnable, rigoureux et responsable ! (Applaudissements.)

Mme Delphine Bachmann (PDC). Je souhaite prendre le temps de revenir ici sur ce qui s'est déroulé ces deux dernières années pour faire comprendre clairement le positionnement qui sera celui du PDC-Le Centre durant ces deux jours de débat.

Il y a deux ans, nous avions fait d'importantes concessions. Nous avions accepté la discussion et accepté de voter un budget très largement déficitaire, en nous basant sur l'espoir que les discussions pour l'exercice suivant tiendraient compte de nos préoccupations. Espoir rapidement déçu: pour le budget 2022, les tentatives pour trouver un accord échouent d'emblée, le budget est refusé, ce qui a imposé tout au long de cette année un fonctionnement avec le système des douzièmes provisoires. Sauf que, droit derrière, une majorité de la commission des finances - à peu près la même qu'aujourd'hui - vote en commission des centaines de postes et crédits complémentaires.

Lorsque nous avons abordé le budget 2023, nous avions à coeur de trouver une solution permettant de le voter. Nous estimons déjà que c'est notre responsabilité parlementaire. Nous avons d'emblée communiqué que nous souhaitions ramener le déficit annoncé à un niveau plus raisonnable, proche du frein au déficit, en tenant compte des besoins en postes de terrain et en valorisant le travail de celles et ceux qui travaillent au sein de la fonction publique, en reconnaissant aussi que l'augmentation du coût de la vie impacte les fonctionnaires, comme tous les autres employés.

Nous attendions en revanche des réformes structurelles de la part du Conseil d'Etat et une priorisation des postes demandés. La croissance n'est pas la seule réponse aux inquiétudes de la population. Si dépenser plus est le credo de certains ici, des mêmes qui viennent traiter de radins celles et ceux qui permettent à notre canton de vivre et de délivrer les prestations, le nôtre est de dépenser mieux. En dehors des prestations indispensables, il y a, comme dans toute entreprise, toute institution subventionnée, toute entité parapublique, des priorités qui peuvent être fixées, des synergies qui peuvent être trouvées et des solutions internes favorisées, plutôt que de systématiquement demander de nouveaux ETP. Force est de constater que, sur ces deux points, c'est un échec. Les quelques pistes du Conseil d'Etat n'ont pas trouvé de majorité et la demande en postes reste très élevée: nous sommes quasiment à 800 sur ces deux dernières années.

Ce que nous considérions en revanche comme une bonne nouvelle, c'était l'accord trouvé entre le Conseil d'Etat employeur et la fonction publique: 2,44% d'indexation, annuité accordée en cas de comptes positifs. Le groupe PDC-Le Centre était prêt à soutenir ces mesures, en échange d'une réduction des postes demandés, considérant que cela entrait parfaitement dans la ligne politique défendue de longue date. Je rappelle ici que l'indexation permet aussi de toucher toute la fonction publique, même les employés ayant atteint le plafond, et qu'elle est pérenne, car il y a une certitude: les salaires ne sont jamais indexés à la baisse, et ce, même si le coût de la vie, d'ici quelques années, diminue, ce que je souhaite évidemment, comme nous tous ici.

Alors que s'est-il passé ? Une fois de plus, c'est simple, l'électoralisme de bas étage a pris le dessus, notamment dans un parti dont la colonne vertébrale est équivalente à celle d'un mollusque: inexistante. Un parti qui, à lui seul, a brisé la valeur du partenariat social, soutenu par la gauche. Et voilà que se crée une majorité de circonstance qui torpille l'accord entre les syndicats et le Conseil d'Etat, et ce alors même que ce sont précisément ces partis qui sont majoritaires au Conseil d'Etat, avec cinq représentants. Méthode utilisée: s'assurer l'aide d'Ensemble à Gauche grâce à l'acceptation d'amendements qui viennent alourdir le déficit en donnant des moyens non nécessaires et non demandés. Après tout, dépensons encore, en laissant les générations futures face à un déficit qui ne cesse de s'aggraver ! Une partie de ce parlement a littéralement acheté un groupe parlementaire pour devenir une majorité. (Remarque. Exclamations.) Belle image de la politique genevoise !

Et puis on essaie de nous faire croire que le déficit serait d'environ 417 millions. Mais il faut le dire, il est en fait d'un demi-milliard, car le projet actuel contient toujours le projet de loi d'écrêtage - qui n'a aucune chance d'être accepté en l'état, mais que l'on préfère mettre sous le tapis plutôt que d'assumer cela - et ne prévoyait pas l'annuité. (Remarque.) La majorité de circonstance manque donc cruellement de sincérité budgétaire et veut s'autoproclamer ici la grande défenseuse de la fonction publique et des prestations, tout en n'ayant aucune garantie et aucune capacité à s'assurer du bon fonctionnement de l'Etat et de la bonne délivrance desdites prestations, car elle ne réalise pas que le plus n'est pas le mieux.

Le groupe PDC-Le Centre votera l'entrée en matière sur ce projet de loi budgétaire et fera son travail en proposant des amendements permettant de revenir à un déficit plus raisonnable, à un budget qui mise sur la confiance dans le partenariat social, permettant une juste rémunération de la fonction publique, un budget de confiance dans notre capacité à fixer des priorités pour notre canton, un budget qui ne vire pas dans la bassesse électorale, où certains se targuent de générosité pour se donner bonne conscience auprès du grand public, sans se soucier du prix qu'il y aura à payer plus tard. Nous ferons donc entendre nos arguments pour un retour à la responsabilité, au sens du bien commun, afin de garantir non seulement les prestations, mais surtout leur pérennité. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Patrick Saudan pour trois minutes et demie. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président, pour ces trois minutes accordées. Mesdames et Messieurs les députés, je vais faire court. Ce projet de budget est totalement excessif, avec ce déficit qui va avoisiner les 500 millions. Ce déficit est excessif et n'est pas expliqué par des charges contraintes, il n'est pas expliqué par la situation en Ukraine, il n'est pas expliqué par la crise sanitaire que nous avons vécue ces dernières années. Il est expliqué aussi par une politique clientéliste de la majorité de la commission des finances, comme l'ont rapporté mes préopinants, avec le versement prévu de cette annuité et l'indexation totale.

Je parle aussi au nom de mon collègue indépendant Boris Calame: nous allons évidemment voter l'entrée en matière, parce que c'est notre rôle de députés que d'essayer d'améliorer ce projet de budget. Mais notre vote sera vraiment conditionné à l'issue du troisième débat, et nous espérons vivement que la majorité de ce plénum, qui actuellement le soutient, sortira de son déni de réalité et reviendra avec un budget plus conforme à l'environnement économique dans lequel va devoir se battre Genève à l'avenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le premier principe qui nous a animés, et qui nous anime encore, c'est l'obtention d'un budget. On vous l'a déjà expliqué, je n'aimerais pas répéter ce qu'a dit la rapporteure de majorité, il est hors de question de poursuivre une deuxième année avec des douzièmes provisoires. L'exercice budgétaire de cette année est déjà compliqué, parce qu'on ne sait plus sur quelle base danser: celle du budget 2021 ? Celle du budget 2022, qui a été refusé ? Celle du budget 2021, avec les crédits supplémentaires votés en cours d'année 2022 ? On ne sait plus très bien où on en est. L'Etat a besoin d'une prévisibilité budgétaire pour conduire son action, donnons-la-lui ! Et je ne vous raconte pas la difficulté qu'aurait un nouveau Conseil d'Etat fraîchement élu - je vous rappelle qu'on a des élections au milieu de l'année prochaine -, avec très certainement de nouvelles têtes, à devoir naviguer à vue dès son entrée en fonction, à devoir demander des crédits supplémentaires ! Il est donc totalement hors de question que nous acceptions une fois de plus de ne pas avoir de budget et de partir une deuxième année de suite sur des douzièmes provisoires. C'est essentiellement ce qui a conduit notre action dans le cadre de ce budget.

Ces considérations sur le fonctionnement ont certainement leur importance, mais ne doivent pas cacher l'essentiel: le fond. Lors de sa présentation en septembre - je vais faire comme M. Blondin -, nous avions déjà salué «un budget responsable pour renforcer le service public, les prestations à la population et la transition écologique». Mais nous regrettions déjà le gel de la progression salariale et la limitation de l'indexation. Ces paramètres ont depuis pu être corrigés et l'essentiel des postes a été préservé au cours des travaux de la commission. Nous soutenons ainsi l'entrée en matière sur ce projet de budget. Nous accepterons également l'ensemble des politiques publiques, même celles qui ne sont pas gérées par des magistrates ou des magistrats de notre bord. Nous soutiendrons en fin de compte le budget tel que sorti de commission, assorti des amendements nécessaires, suite à notre vote initial sur l'annuité.

Nous sortons d'une crise sanitaire sans précédent, qui laisse encore des traces aujourd'hui; la population augmente et vieillit, avec des besoins par tête qui augmentent aussi largement - ce qui fait que les budgets augmentent plus rapidement que la population; nous accueillons passablement de réfugiés ukrainiens, que nous soutenons et scolarisons; le nombre de réfugiés d'autres origines - cela nous a également été dit à la commission des affaires sociales -, majeurs ou mineurs, est également en nette recrudescence; l'inflation galope et les énergies deviennent chères: cela implique non seulement des besoins supplémentaires directs pour l'Etat, mais aussi, à travers lui et à travers divers types de subventionnement, des soutiens à la population.

J'aimerais mentionner enfin - parce que cela me paraît important dans ce budget - des perspectives à plus long terme, qui se traduisent par des investissements, qui, je le rappelle, font également partie du budget. Nous saluons largement les intentions du Conseil d'Etat dans ce domaine, que cela soit pour l'assainissement du parc bâti, public ou privé, pour les infrastructures de transports publics ou la nécessaire transition des entreprises - qu'elle soit énergétique ou numérique - et enfin les investissements que nous devons consentir pour la formation.

Tout cela a certes un prix - et nous assumons ce prix -, mais tout cela est pris en compte au mieux dans ce budget, qui vise non seulement la gestion de la situation compliquée dans laquelle nous nous trouvons, mais qui vise aussi le long terme. Nous vous invitons donc à soutenir ce budget, en acceptant pour commencer l'entrée en matière. Je vous remercie.

M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs, le groupe Ensemble à Gauche acceptera l'entrée en matière. La commission des finances a adopté un budget qui prévoyait au départ un déficit de 418 millions. Ce chiffre a été modifié en troisième débat, en intégrant le résultat des négociations avec la fonction publique sur l'indexation à hauteur de 2,44% - ce qui n'est pas le 2,7% effectif -, ensuite, en refusant de déroger à la loi sur les mécanismes salariaux, et enfin, malheureusement, en renonçant à cinquante postes, à la demande du MCG, mais en acceptant une augmentation des subventions et aussi d'un certain nombre de postes, à la demande d'Ensemble à Gauche, à hauteur de 4,4 millions dans des secteurs en difficulté. Le déficit actuel se situe, allez, autour de 500 millions, si on intègre l'ensemble de ces paramètres, mais en réalité, de 200 millions, si on tient compte de l'autorisation de déficit liée à l'introduction de la RFFA. Et, figurez-vous, tout le monde sait que les comptes 2022 vont être largement positifs et que nous ne sommes donc pas, contrairement à ce que certains disent, dans une situation budgétaire désespérée.

Dans cette situation, évidemment, la droite s'étrangle, d'une part, parce qu'il y a un peu plus de 400 postes supplémentaires, d'autre part, parce qu'elle avait réussi à convaincre le Conseil d'Etat à majorité de gauche de renoncer à la pleine indexation des salaires, d'accepter une demi-indexation et de renoncer aux annuités, pourtant prévues par la loi. Toutefois, en réponse au mouvement de grève de la fonction publique, Mme Fontanet, ministre des finances, a accepté de relever l'indexation à hauteur de 2,44% et de verser une pleine annuité si les comptes le permettent. La bataille syndicale a donc permis de gagner l'essentiel, une indexation des salaires proche des 2,7% effectifs, et la commission des finances s'est contentée de rappeler au Conseil d'Etat que la progression légale des salaires relève de la compétence du parlement et qu'elle ne peut pas être conditionnée par l'exécutif à un excédent des comptes.

Une majorité de la commission des finances s'est dégagée pour voter un budget proche de celui du Conseil d'Etat, mais avec l'indexation à 2,44%, que le PLR vous propose aujourd'hui de ramener à 0%, ce même PLR qui, avec ses amis de droite, veut torpiller le salaire minimum à Genève. (Remarque.) Dans cette situation, pourquoi cet accord - de la carpe et du lapin, comme un député du PDC l'a qualifié - s'est-il dégagé ? Il s'est dégagé parce qu'il n'y a pas eu d'accord au centre qui aurait pu réunir, par hypothèse, le PDC, le MCG et la gauche gouvernementale, parce que le PDC était trop gourmand en suppression de postes; ses demandes ont paru totalement irréalistes, même pour les plus modérés de nos amis de la gauche gouvernementale et du MCG.

Ensuite, l'accord a été possible parce qu'Ensemble à Gauche a accepté d'y souscrire à la condition que des secteurs particulièrement en difficulté puissent recevoir une aide d'urgence, c'est-à-dire l'éducation spécialisée et l'accueil des enfants, la culture et le sport populaires, l'encadrement des maisons pour personnes âgées en difficulté, et enfin, à la condition de l'obtention de trois postes pour le centre de détention de La Clairière, qui était en grève ces derniers temps - grève qui a été soutenue par nos députés, parce qu'effectivement, il est totalement indécent d'accueillir des jeunes détenus dans les conditions actuelles. (Remarque.)

Pourtant, la suppression d'une cinquantaine de postes - qui devront sans doute être récupérés l'année prochaine en crédits extraordinaires parce qu'ils sont indispensables - mine cet accord avec une concession dangereuse: il admet du bout des lèvres qu'il ne serait pas possible de maintenir le salaire réel du personnel de la fonction publique, c'est-à-dire les annuités et l'indexation, sans accroître encore sa charge de travail et réduire les prestations à la population. Au contraire, nous n'avons cessé de défendre que les besoins de la population augmentent beaucoup plus vite que la population elle-même, avec l'explosion des charges de la santé due au vieillissement, de la formation due aux exigences du marché du travail et de l'aide sociale due à l'explosion de la pauvreté dans notre canton, de même que la multiplication des cadeaux fiscaux aux privilégiés depuis une vingtaine d'années... (Remarque.) ...prive aujourd'hui l'Etat et les communes d'environ 1,5 milliard de francs de recettes par an. (Remarque.) En fait, les déficits budgétaires annoncés frisent l'arnaque, puisqu'ils sont généralement suivis d'excédents aux comptes.

Pour cela, nous exigeons que les privilégiés contribuent au ménage public à hauteur de leurs moyens. C'est pourquoi il faudra voter oui le 12 mars prochain à notre initiative pour taxer les dividendes des gros actionnaires sur un pied d'égalité avec les salaires et les retraites, ce qui rapportera 150 millions complémentaires au canton et aux communes. C'est pourquoi il faut aussi signer le référendum contre le nouveau cadeau fiscal fait par la droite aux propriétaires de villas, c'est pourquoi il faut soutenir les organisations syndicales et accroître leur capacité de résistance aux contre-réformes que prépare la droite... (Commentaires de désapprobation.) ...et c'est pourquoi enfin il faut que la gauche combative se renforce au Grand Conseil le 2 avril prochain ! Merci. (Commentaires.)

Mme Françoise Sapin (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a une année, le Grand Conseil refusait le budget 2022. Ce serait totalement irresponsable de ne pas avoir de budget pour la deuxième année consécutive. Il en va de la crédibilité de notre canton. Pour accepter ce budget, nous devrons avoir 51 voix. Ce n'est pas la solution idéale, mais c'est celle qui va rencontrer une majorité que nous avons choisie. La tâche est loin d'être facile, puisque, sur la gauche, il y a ceux qui se plaignent de ne jamais avoir de moyens, mais qui proposent des solutions qui font à coup sûr fuir les riches contribuables de ce canton. A droite, on est prêt à prendre le risque que Genève se ridiculise une fois de plus en n'ayant pas de budget.

Lors des travaux préparatoires à la commission des finances, le MCG était prêt à faire le maximum pour arriver à une majorité. Au final, nous avons trouvé un accord de raison, nous avons obtenu un frein aux postes supplémentaires. Certes, il est insuffisant à nos yeux, mais non négligeable quand même. Ce budget est déficitaire de 417,7 millions - pour l'instant, puisqu'il risque de s'alourdir suivant les votes de ce jour -, mais il faut quand même relativiser cette situation. Dans les comptes 2021, il y a 10 milliards de revenus inscrits. Les revenus dans le budget 2023 se montent à 9,5 milliards. Cela démontre que Genève a encore une marge budgétaire devant elle.

Quelles seraient les conséquences d'un refus aujourd'hui de ce budget 2023 ? Tout d'abord, le bon fonctionnement de notre république serait mis à mal. Ensuite, cela signifierait que des prestations à la population ne pourraient pas être délivrées, comme les suppléments pour les subsides d'assurance-maladie. Une autre conséquence, et non des moindres: il y aurait une absence totale d'indexation des salaires, ce qui serait assez dur, compte tenu des prix que nous connaissons et de ce que nous vivons actuellement.

Ce sont ces raisons qui ont guidé les commissaires de la commission des finances lors des votes. Aussi, le MCG acceptera l'entrée en matière, suivra les pistes réalistes d'améliorations, parce que c'est impératif pour l'avenir de notre canton et pour que Genève continue à fonctionner d'une manière prospère. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je rends la parole au rapporteur de troisième minorité, M. Jacques Blondin, pour une minute cinquante.

M. Jacques Blondin (PDC), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Je me dois de réagir à deux ou trois propos qui ont été tenus. Tout d'abord, vous transmettrez à M. Velasco qu'on ne coupe rien, ici: on parle de postes et de charges qui n'ont pas encore été attribués et qui sont en augmentation par rapport à la réalité. Les amendements qui seront proposés reposent sur le principe du statu quo, c'est important à relever.

Ensuite, pour ce qui est du budget, il ne s'agissait pas de venir ici pour ne pas avoir de budget, mais de trouver un équilibre budgétaire. Or on se trouve aujourd'hui avec une variante très bien verrouillée, qui a exclu d'autres approches budgétaires. M. Batou - vous transmettrez également - a distribué des bons et des mauvais points, que je relève: cinquante postes rayés, là, c'est d'une certaine façon le MCG le méchant; 4,7 millions en plus, c'est Ensemble à Gauche le gentil. Vous constaterez qu'en termes budgétaires, c'est plus ou moins équilibré: c'est donc bien joué.

Et puis, on nous dit que le PDC est trop gourmand. Alors oui, il est beaucoup plus gourmand que ce qui avait été discuté avec certains groupes, mais je répète quand même que si on avait respecté la décision de ce Grand Conseil, on n'aurait pas attribué des postes supplémentaires via une manipulation à la commission des finances au mois de mars. On parle donc de 700 postes supplémentaires en une année, et quand on parle de ne pas attribuer de postes supplémentaires, il ne s'agit pas de les couper, il s'agit de ne pas en attribuer 700, mais hypothétiquement 550, 600, à voir. C'est donc là que le débat réside aujourd'hui, et je répète que le PDC entrera en matière pour en discuter, pour rechercher un budget, mais qui ne sera pas celui qui est défendu actuellement par la majorité. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe maintenant la parole à Mme la rapporteure de majorité pour deux minutes.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je répondrai rapidement à quelques éléments évoqués dans le cadre de ce débat. Tout d'abord, M. Zweifel nous explique - et j'avoue ne pas avoir très bien compris - que, comme on demande à la population de faire des économies d'énergie, il faudrait que l'Etat fasse des économies budgétaires. Alors là, je crois qu'on a largement dépassé le stade où on compare des pommes et des poires; là, on compare des brouettes et des castors ! (Rires.) Cela n'a absolument aucun sens et cela montre que le PLR commence à être un petit peu à court d'arguments pour justifier ses propositions de coupes budgétaires. M. Zweifel, qui est manifestement un peu fâché avec les comparaisons aujourd'hui, compare le salaire médian du public et du privé, plus élevé dans le public, ce qui est vrai. C'est vrai, mais tiens donc ! Cela fait plusieurs années que le PLR et la droite externalisent, privatisent les bas salaires de la fonction publique ! Alors évidemment que maintenant, le salaire médian de la fonction publique est supérieur à celui du privé ! (Commentaires. Rires.)

J'aimerais aussi revenir sur un dernier point, qui a été énormément discuté et amené par différents groupes, la question du déficit. (Brouhaha. L'oratrice s'interrompt.) Beaucoup de groupes se sont alarmés de ce déficit important prévu au budget. Il est effectivement important, mais il faut quand même faire la comparaison entre les résultats budgétaires et les résultats comptables de ces dernières années. 2017: déficit prévu de 80 millions, 70 millions d'excédent aux comptes. 2018: 186 millions de déficit prévu au budget, 222 millions d'excédent. 2019: on avait un excédent au budget et aux comptes, beaucoup plus important aux comptes. En 2020 - on va la mettre un peu de côté, c'est l'année covid -, les coûts cumulés covid auraient dû mener au milliard de déficit, en réalité, il n'a été, entre guillemets, «que» de 500 millions. En 2021, le budget prévoyait un déficit de 847 millions, les comptes ont été excédentaires de 49 millions ! On a aujourd'hui dans notre canton une situation financière qui est bonne, et l'ensemble des résultats comptables de toutes ces dernières années nous le prouve. Aujourd'hui, la minorité de ce Grand Conseil se laisse happer par une espèce de catastrophisme du déficit budgétaire, qui n'a absolument pas lieu d'être si on regarde un tout petit peu en arrière, et notamment les résultats comptables de ces cinq dernières années. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter l'entrée en matière sur ce budget. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ces deux jours que nous allons passer ensemble autour du vote du budget sont finalement le moment principal pour les députés. La population attend de ce débat que vous vous prononciez sur les moyens qui seront alloués à différents domaines, que ce soit la santé, l'enseignement, nos infrastructures. Et bien sûr, la population attend également de voir quelles seront les mesures prises pour faire face à l'inflation, pour faire face aux crises de l'énergie.

Ce budget est nécessaire, aussi déficitaire soit-il, parce que nous sortons d'une année sans budget, en douzièmes provisoires. Bien entendu, cela crée malheureusement un effet - il est regrettable, mais c'est ainsi: après une année en douzièmes, on s'aperçoit qu'il y a des besoins plus importants. C'est le cas pour les postes, c'est aussi le cas pour les dépenses publiques, ce que nous pouvons effectivement regretter ensemble ou ce dont nous pouvons nous féliciter.

La fonction publique n'a de loin pas été oubliée dans ce projet de budget, puisque ce sont près de 200 millions qui lui seront octroyés, notamment avec l'indexation, à laquelle s'ajoute l'annuité. Et j'aimerais vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le rôle d'employeur est essentiel. Alors c'est vrai qu'on a eu un enlèvement, une prise d'otage de ce rôle d'employeur, mais, en ce qui me concerne, je ne vous cache pas qu'avec le Conseil d'Etat, nous sommes satisfaits de pouvoir offrir aux collaboratrices et collaborateurs, d'une part l'annuité, et d'autre part une indexation, qui demeure partielle, il faut le préciser; elle n'est pas pleine et entière.

J'aimerais vous dire, Mesdames et Messieurs, que les collaboratrices et collaborateurs de l'Etat sont, dans l'immense majorité des cas, des personnes extrêmement investies, à l'engagement desquelles on ne trouve rien à redire, qui servent la population, qui nous représentent et qui vous représentent aussi. Je crois qu'il ne faut pas confondre la fonction publique avec la situation de certains syndicats et lui taper dessus. Cela n'est pas une raison non plus pour taper sur ces derniers, mais je ne crois pas que l'ensemble de la fonction publique se sente représentée par les syndicats, qui souvent prennent la parole ou manifestent. Pour rencontrer souvent des membres de la fonction publique, je peux vous assurer que leur engagement et leur loyauté sont immenses, tant vis-à-vis du Conseil d'Etat que du Grand Conseil.

Le déficit de ce projet de budget, cela a été abordé, se monte aujourd'hui à 417 millions, mais il ne tient évidemment pas compte de l'amendement lié à l'annuité que le Conseil d'Etat a déposé et que vous accepterez ou non tout à l'heure. On est donc déjà à 476 millions, et, comme certains ont eu l'occasion de le dire, j'estime à titre personnel que ce déficit sera plus élevé et se montera à 500 millions, puisque, j'en suis convaincue, le Grand Conseil ne votera pas le projet de loi sur l'écrêtage et que nous avons donc 25 millions de charges en moins dans le projet de budget qui ressort de votre commission. Ce déficit est extrêmement important. Il l'est d'autant plus que le déficit admissible se montait à 302 millions et qu'il avait été autorisé pour prendre en compte les pertes fiscales qu'occasionnerait de façon statique la RFFA. Or, on le sait, les comptes 2021 en tout cas l'ont montré, il n'y a pas eu de pertes fiscales liées à la RFFA, bien au contraire.

Alors que nous dit ce projet de budget tel que ressorti de commission ? D'abord, il nous dit que nous avons des suppléments extrêmement importants s'agissant des estimations de revenus fiscaux. Ce sont près de 8 milliards de revenus fiscaux que nous attendons en 2023, dont 244 millions supplémentaires entre le dépôt du projet de budget 2023, donc au mois de septembre, et fin octobre. C'est dire si, contrairement à ce que d'aucuns essaient d'instiller, à savoir le fait que nous n'aurions pas assez de revenus fiscaux et que nous ne taxerions pas assez, ce n'est pas là que se trouve le problème: nos revenus fiscaux sont amplement suffisants pour faire face aux dépenses et, parlons-en, aux charges qui augmentent; en particulier, Mesdames et Messieurs - et ne voyez pas dans mes paroles un reproche, bien au contraire -, il nous faut avoir des finances solides pour supporter cette augmentation des charges, liée notamment aux prestations sociales.

Entre 2011 et le projet de budget 2023, les prestations sociales ont augmenté de 72%, du fait - j'ai entendu certaines voix le dire, vous avez raison - d'une part de la pauvreté, et d'autre part du caractère extrêmement social du canton de Genève. C'est pour financer cela que nous avons besoin d'avoir des finances saines. C'est aussi pour cela que nous ne devons pas, comme le font certains, déséquilibrer la prévisibilité que nous avons dans le cadre de la taxation et de l'imposition. Parce que, Mesdames et Messieurs, ces 244 millions supplémentaires dont je vous parlais tout à l'heure proviennent des entreprises qui composent notre canton... (Remarque.) ...et toute tentative consistant à augmenter leurs impôts et à taxer davantage la population est vécue comme une source de déstabilisation, d'insécurité, et c'est ce qui pourrait impliquer à terme que nous n'ayons plus les moyens de financer ces charges sociales qui sont en constante augmentation.

Le Conseil d'Etat a aussi formulé le souhait d'investir, de faire de très nombreux investissements. Vous avez vu, ce ne sont pas moins de 11 milliards qui sont inscrits au plan décennal d'investissement... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vais aller très très très vite ! Alors, Mesdames et Messieurs, si faire appel à la dette dans le cadre du plan décennal d'investissement, c'est effectivement quelque chose que l'on peut entendre - on construit pour les générations futures -, dans le cadre du fonctionnement de l'Etat, c'est un peu moins acceptable.

Mesdames et Messieurs, je vous recommande d'entrer en matière sur ce projet de budget et de l'accepter. Je l'ai dit, nous avons besoin d'un budget. C'est aux comptes que nous mesurerons la santé financière du canton, et je me réjouis d'ores et déjà de retrouver celles et ceux qui vilipendent notre canton à cet égard.

Je ne terminerai pas sans remercier l'ensemble des équipes qui ont contribué à l'élaboration du projet de budget, qui nous ont ensuite accompagnés dans les travaux de la commission des finances. Je pense particulièrement aux collaborateurs et collaboratrices de la direction générale des finances de l'Etat, de l'office du personnel de l'Etat et de mon secrétariat général, mais aussi à toutes celles et tous ceux qui travaillent dans les directions financières des départements. Je remercie le président de la commission des finances, M. Alberto Velasco. Je remercie également son secrétaire scientifique, M. Raphaël Audria, pour la parfaite organisation des travaux. Je remercie enfin, parce que je suis bonne joueuse et bonne perdante, les députés de la commission des finances pour leur accueil toujours - ou presque - chaleureux, sympathique et ouvert ! (Rires. Commentaires.) Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, je mets aux voix l'entrée en matière sur le projet de budget.

Mis aux voix, le projet de loi 13178 est adopté en premier débat par 83 oui contre 8 non.

Deuxième partie des débats sur le budget 2023 (début du 2e débat): Séance du jeudi 15 décembre 2022 à 17h05