République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 décembre 2022 à 14h
2e législature - 5e année - 8e session - 43e séance
PL 13179-A
Premier débat
Le président. Nous abordons à présent le point suivant: le PL 13179-A, traité en catégorie II, trente minutes. La parole revient à Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en tant que représentante de la majorité, je pense qu'il est important de rappeler en préambule que la progression salariale est inscrite dans la loi, et donc à ce titre-là due à la fonction publique. On remarque pourtant que ces dernières années, elle semble être devenue pour le Conseil d'Etat une variable d'ajustement budgétaire. Certes, et Nathalie Fontanet ne manquera certainement pas de le rappeler lors de sa prise de parole, cette annuité a été versée huit fois sur les dix dernières années, dont une fois partiellement. Cela dit, le Conseil d'Etat a proposé soit sa suppression totale soit sa suppression partielle, accrochez-vous, en 2014, 2015, 2016, 2018, 2020, 2021 et 2023. Dans ce sens-là, on peut effectivement considérer qu'il s'agit pour lui d'une variable d'ajustement budgétaire.
Le fait qu'en dix ans le Conseil d'Etat ait proposé sept fois de suspendre le versement de l'annuité introduit dans le débat cette fausse idée que le versement de l'annuité devrait être discuté chaque année. Or c'est totalement faux: comme je le disais, le versement de l'annuité est dû, et proposer sa suspension devrait être fait de façon tout à fait exceptionnelle, dans des situations tout à fait exceptionnelles et à travers une procédure qui est exceptionnelle, c'est-à-dire une modification de la loi. On le constate aussi à la vue de ces chiffres, il est tout à fait usuel que la majorité du Grand Conseil vote contre l'avis du Conseil d'Etat s'agissant de l'annuité.
Alors effectivement, cette année on se retrouve dans une situation un petit peu particulière, puisque le Conseil d'Etat et les représentants du personnel étaient tombés d'accord sur la façon dont les mécanismes salariaux devaient être inclus dans le budget, avec, en ce qui concerne l'annuité, son versement uniquement en cas de résultat positif aux comptes 2022. La majorité de la commission des finances tient à saluer cet accord trouvé et le travail qui a été engagé pour ce faire. Cela dit, on se retrouve dans une situation où le Conseil d'Etat négocie deux choses: l'indexation et l'annuité, sur lesquelles il n'a pas la totalité du pouvoir de décision. En effet, le Conseil d'Etat ne peut pas verser l'indexation s'il n'obtient pas le budget et les crédits nécessaires; de même, il ne peut pas renoncer à verser l'annuité sans modification de la loi et, donc, sans l'accord du Grand Conseil. C'est une situation dont le Conseil d'Etat est bien sûr parfaitement conscient. Il est dès lors tout à fait clair que l'accord passé entre le Conseil d'Etat et les représentants du personnel engage le Conseil d'Etat - qui doit déposer les amendements pour le matérialiser -, engage les représentants du personnel, mais n'engage en rien le Grand Conseil. Dans ce cadre-là, sous-entendre que le Grand Conseil aurait dû impérativement suivre le résultat de cet accord est une négation du principe de séparation des pouvoirs.
Oui, en effet, la majorité de la commission aurait pu se rallier à l'accord, mais elle a choisi de s'en distancier quelque peu. D'abord parce que ces mécanismes salariaux sont dus à la fonction publique, et c'est d'autant plus important vu le contexte d'inflation que l'on vit aujourd'hui, et compte tenu également du devoir d'exemplarité que l'Etat doit avoir vis-à-vis du secteur privé. Il faut relever que la décision de la majorité de la commission des finances diffère formellement de ce qui avait été discuté entre le Conseil d'Etat et la fonction publique, mais il est fort probable qu'au final, sur le fond, ça ne change rien, étant donné que, selon les hypothèses, les revenus fiscaux en particulier sont en très forte hausse en 2022, et les comptes seront très certainement positifs. Il a donc été jugé plus simple, plus clair, et aussi plus transparent de voter une annuité dès le 1er janvier.
Enfin, et il faut le souligner, il n'y avait pas de majorité parlementaire pour voter un budget sur la base de l'accord conclu entre le Conseil d'Etat et la fonction publique. En revanche, il y avait une majorité parlementaire pour voter un budget avec une annuité complète. Dans le cadre de négociations, le Conseil d'Etat devrait donc s'assurer que le résultat de cette négociation permette, contribue ou du moins n'entrave pas la constitution d'une majorité budgétaire. S'il ne le fait pas, et en l'occurrence il ne l'a pas fait, eh bien il s'expose à ce qu'une majorité du Grand Conseil prenne ses responsabilités - c'est ce qu'elle a fait - et s'écarte très légèrement du contenu de l'accord trouvé avec la fonction publique pour trouver une majorité budgétaire et pour voter le budget dont notre canton a grandement besoin. C'est la raison pour laquelle la majorité de la commission vous recommande de refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en préambule, j'aimerais rappeler que le groupe PLR et une partie de ce parlement ont déposé moult projets de lois pour donner la compétence au Conseil d'Etat de verser ou de suspendre l'annuité. La règle de base, avec toute la diatribe que la rapporteure de majorité vient de nous faire... En réalité, on a un vrai problème de partenariat social: lorsque vous allez à une table de négociations, avec le Conseil d'Etat en tant qu'employeur, vous devez avoir les coudées franches, les mains libres pour pouvoir négocier, trouver des solutions. Or on s'aperçoit depuis pas mal d'années que ces négociations, ou ces discussions, sont balancées par une triangulation créée par notre parlement; c'est ce que nous faisons ce soir. Il est donc difficile de jeter la pierre au Conseil d'Etat à propos d'un éventuel accord, lorsque de toute façon le Grand Conseil vient par-derrière ouvrir un petit peu plus les vannes ou les fermer. Là, on ne discute pas uniquement du personnel de l'Etat, mais de toute la conception du partenariat social.
Ce qui est plus déplorable, c'est qu'avec la gauche de ce parlement, la gauche élargie - je comprends bien évidemment le MCG, qui est représenté par de nombreux fonctionnaires -, on a systématiquement des mesures plus favorables aux fonctionnaires, qui, sans vergogne, votent dans ce parlement leur salaire, votent leur annuité, votent l'indexation. Ça, c'est un vrai problème qu'on peut éventuellement sortir du débat, mais qui est la raison fondamentale pour laquelle cette compétence du versement de l'annuité devrait appartenir au Conseil d'Etat. Je le dis très volontiers, maintenant qu'on a un Conseil d'Etat à majorité de gauche, ça ne me pose pas de problème.
Ce qui est malheureux également, c'est que les représentants de la fonction publique, du Cartel, n'ont pas eu la force nécessaire pour se faire entendre dans leurs propres rangs, des partis de gauche donc, parce que si vous êtes fondamentalement loyal au partenariat social, eh bien vous défendez l'accord. Or là, avec le vote notamment d'Ensemble à Gauche, vous avez simplement fait tomber un accord. Lorsque vous allez négocier et que ça ne sert à rien, parce que le travail est repris derrière, je pense à titre personnel qu'on n'est pas sur la bonne voie.
J'aimerais encore rappeler les conditions difficiles, dans ce cadre d'élaboration budgétaire. Pour celles et ceux qui sont représentants dans des entités publiques subventionnées, les scénarios ont été donnés avec des indexations de 1,35% et sans annuité; les budgets de nombreux établissements ont été établis sur ces scénarios. En versant l'annuité de manière inconditionnelle, vous allez forcément déstabiliser la construction de ces mêmes budgets. Quand vous présidez une association et que vous vous battez pour un équilibre, lorsqu'il faut chercher de l'argent pour faire des investissements, c'est difficile, mais on arrive à le faire. Lorsqu'on va chercher de l'argent pour payer des salaires et des annuités, je vous avertis que c'est une autre paire de manches d'aller justifier des augmentations de salaire. Donc c'est vraiment, dans le concept même, un problème.
Le groupe PLR au départ était pour le versement de l'annuité, dans le respect de l'accord. Or dans notre conception, on ne pouvait pas avoir l'indexation passant de 1,35% à 2,44%, l'annuité complète et 421 postes. Il faut arbitrer, il faut faire des choix, c'est notre responsabilité. Notre position était donc très simple: accorder l'annuité et faire un vrai travail sur le nombre de postes qui chaque année sont prétendument indispensables pour un personnel en souffrance et compagnie. On s'aperçoit en examinant les comptes, finalement, que des postes ne sont pas utilisés ou sont décalés. Une centaine de postes se baladent entre les années, entre les différents comptes, et ne sont pas utilisés. Ce travail n'a pas pu être fait. Raison pour laquelle nous avons pris l'option de refuser cette annuité pour mettre cette somme de 59 millions en réduction du déficit. 59 millions, c'est grosso modo 420 postes; c'est l'enjeu du budget. Au moment de faire des choix, le groupe PLR, lui, a pris ses responsabilités, a respecté le protocole d'accord, et a du coup refusé le versement de l'annuité. Donc a minima, a minima, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de voter l'amendement du Conseil d'Etat, qui est annexé au rapport de majorité. Ça serait le service minimum, sinon nous accepterons cette suspension d'annuité. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe la parole à M. Thomas Wenger pour une minute quarante.
M. Thomas Wenger (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la position du parti socialiste a toujours été très claire, et communiquée dès la présentation du budget par le Conseil d'Etat: nous étions en faveur de l'indexation des salaires et du versement de l'annuité. Comme il a été dit, il y a ensuite des travaux que chacun effectue dans le cadre de ses compétences, et le Conseil d'Etat a négocié avec les partenaires de la fonction publique un accord qui prévoyait l'indexation plus une annuité conditionnée par les résultats des comptes. C'est dans les compétences du Conseil d'Etat; nous le remercions, nous saluons Mmes Anne Emery-Torracinta et Nathalie Fontanet qui ont négocié ardemment avec les représentants de la fonction publique pour arriver à cet accord.
Le problème, Mesdames et Messieurs - et vous transmettrez au rapporteur de minorité PLR, Monsieur le président -, c'est que pour que cet accord fonctionne, encore fallait-il une majorité budgétaire; et sur la base de cet accord, il n'y en avait pas: le PLR l'a dit, ils auraient accepté l'accord, mais auraient après coupé tous les postes. Pour nous, c'était absolument inacceptable. Ce que nous avons donc fait en tant que députés et membres de la commission des finances, c'est de négocier pour arriver à une majorité budgétaire; dans le cadre des négociations, la condition sine qua non était le versement de l'annuité non conditionné. Nous sommes dès lors tout à fait satisfaits, au niveau du groupe socialiste, d'avoir pu trouver cette majorité à la commission des finances, et nous espérons qu'elle sera respectée lors du vote du budget. Quant à ce projet de loi, nous sommes très clairs: nous refuserons la suspension de l'annuité. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG a toujours été très clair concernant l'annuité: ça ne peut pas être une variable d'ajustement, comme elle est utilisée malheureusement beaucoup trop fréquemment par le Conseil d'Etat. C'est pour cela que nous refuserons le projet de loi.
Il nous avait été présenté une variante, c'est-à-dire qu'on ne versait pas l'annuité tout d'abord, le Conseil d'Etat l'aurait versée uniquement si les comptes étaient favorables. Or nous ne savions pas quand l'annuité allait être versée, ni de quels comptes il s'agissait. Pour finir, c'est au moment du vote, ou même après, que nous avons connu le fin mot de cet accord. Ça a été très périlleux au sein de la commission des finances de voter un budget, alors qu'on n'avait aucun élément de référence. Bon, quelques députés étaient bien renseignés, grâce à des informations qui leur venaient je ne sais d'où, mais d'autres ne les avaient pas. Nous avons donc fait notre possible et nous sommes restés dans la ligne du MCG, à savoir défendre les acquis sociaux du public et du privé; c'est d'ailleurs la ligne politique que nous défendons de manière continue. Nous avions un accord qui nous a été très mal présenté, auquel nous n'avons malheureusement rien compris au début, je dois dire. Ensuite, on nous en a expliqué les finesses, petit à petit, et au moment du vote, nous nous sommes rendu compte que c'était un attrape-nigaud. De toute manière l'annuité serait versée dans un cas ou dans l'autre, c'est juste une petite combine au niveau des comptes de l'Etat, dans laquelle nous n'allons pas entrer. C'est la raison pour laquelle nous refuserons ce projet de loi. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, comme le dit le titre de ce projet de loi, cette augmentation annuelle, ou annuité, est due. C'est comme ça. Le titre du texte est «sur la suspension de l'augmentation annuelle due aux membres du personnel de l'Etat».
Nous soutenons donc son maintien, et nous préférons le soutenir de façon inconditionnelle. Comme les préopinants, nous tenons toutefois à saluer les efforts du Conseil d'Etat pour obtenir un accord avec le Cartel, qui ont débouché sur le compromis d'une annuité versée sous condition de résultat, en fait le résultat positif des comptes 2022. L'annuité serait versée - je cite ce qui est inscrit dans l'amendement - «en tout ou en partie», et ce à partir de mars ou avril 2023. Cette opération nous paraît compliquée, non seulement à cause du caractère différé de ce versement, mais aussi de son caractère éventuellement partiel. Partiel sous quelles conditions ? Jusqu'à une certaine classe de salaire ? Seulement à partir du milieu de l'année ? Ou une autre possibilité ? On n'en sait rien. Les échelles d'annuités sont fixées, et il est difficile d'y placer des demi-échelons sans se casser assez rapidement la figure.
Techniquement, ce serait vraisemblablement le rôle de la commission des finances d'accepter ou non un crédit supplémentaire lié à cette annuité. Nous préférons ainsi conserver l'annuité dès le départ. Cela va bien entendu charger le budget de 59 millions supplémentaires, mais cela nous paraît ainsi nettement plus clair et plus transparent. Cela nous évitera en outre de devoir nous confronter à un exercice de haute voltige au cours du printemps 2023. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts refusera le PL 13179 ainsi que l'amendement du Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Jean Batou (EAG). A teneur de la loi sur le traitement du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, la rémunération de ce personnel dépend d'une échelle qui comporte deux variables, comme vous le savez, la classe à laquelle il appartient et le nombre d'années de service qu'il a effectué. Le salaire maximum, au sein d'une classe, est atteint à l'issue de quinze augmentations successives; l'alinéa 3 parle d'une première série de douze augmentations annuelles, permettant d'atteindre un premier palier, au-delà duquel les trois dernières augmentations sont accordées après un intervalle de trois ans chacun. (Commentaires.) Dans son article 12, intitulé «Augmentations annuelles», la loi stipule qu'il existe bien un droit aux augmentations annuelles. Il n'existe pas - et j'insiste là-dessus -, comme pour l'indexation au coût de la vie, un alinéa qui permet d'y déroger, et ce droit à l'annuité ne peut être suspendu que par une sanction disciplinaire. C'est donc bien une sanction disciplinaire collective que le Conseil d'Etat se préparait à infliger à son personnel, après deux ans de travail sous haute tension due aux contraintes de la pandémie et au sous-effectif.
En vérité, l'échelle des traitements et le mécanisme des augmentations annuelles ont la double force d'un contrat et d'une loi, auxquels l'employeur, soit le Conseil d'Etat, ne peut déroger. D'abord en raison de la règle de la bonne foi, parce que ce dispositif salarial fait partie intégralement des conditions auxquelles ces employés ont été engagés en connaissance de cause. Ensuite parce que ce dispositif a été décidé par notre Grand Conseil, et que le Conseil d'Etat n'a aucune compétence pour le modifier et doit donc strictement s'y tenir. Il est donc totalement inacceptable, et même franchement illégal, qu'il considère les annuités comme une variable d'ajustement dans les négociations avec les syndicats de la fonction publique; notre groupe espère qu'il sera désormais mis définitivement fin à ce qu'il faut bien considérer comme un abus de confiance du point de vue contractuel et comme un abus de droit du point de vue juridique, soit le blocage ou la manipulation des annuités du personnel de l'Etat. Il vous appelle donc à refuser la suspension de l'augmentation annuelle due aux membres du personnel de l'Etat, qui autoriserait, si les mots ont un sens, notre Grand Conseil à déroger à ses engagements. Merci.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est la première pièce du puzzle du budget. Il faut admettre qu'à la commission des finances, ça a été la surprise du chef, quand on est arrivé à ce point de l'ordre du jour, de voir les positions des uns et des autres concernant ce qui finalement n'était ni plus ni moins qu'une pratique. Dans les PFQ que nous avons depuis un certain nombre d'années, il est en effet régulièrement prévu de différer les annuités en fonction de certains objectifs. Il ne faut pas se leurrer; j'ai écouté avec beaucoup d'attention les circonvolutions de tous ceux qui viennent de parler pour nous faire comprendre la légitimité du choix, mais la légitimité du choix, il n'y en avait pas. Le refus de ce projet de loi par la majorité a fait l'objet d'un marchandage et d'un paquet ficelé, condition sine qua non qui a amené un des groupes à se rallier à cette proposition et à refuser ce projet.
On peut discuter en long, en large et en travers maintenant sur le pourquoi du comment législatif. Nous, on constate une chose: depuis des années - ça a été dit - on souhaite que le Conseil d'Etat, excusez-moi des termes, fasse le job et négocie, parce que c'est lui l'employeur. On a contesté pendant des années car ça ne se faisait pas. Cette année, ça se fait avec un gouvernement de gauche, des signatures entre partenaires et des conseillers d'Etat qui ont certainement apprécié le résultat des courses, et puis des organisations syndicales dont certains ici sont membres, soit le Cartel, qui apprécieront également d'avoir fait le job. Et finalement, on passe ça par pertes et profits uniquement pour pouvoir faire passer un budget. Celui-ci est fait, il est ficelé. On nous dit qu'il n'y avait pas de majorité possible; on est parti d'une hypothèse qu'il y en avait une meilleure - ce que je peux comprendre -, mais le reste est faux ! Et ça, je tiens à le dire, il y aurait une hypothèse de budget autre que celle qui nous est présentée ce soir.
Très objectivement, le PDC était parti du principe et est arrivé à la réunion avec l'idée d'accepter le projet qui résultait des négociations et l'amendement proposé. Quand bien même cette proposition était jugée très généreuse... (L'orateur rit.) ...Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, eh bien on en a encore rajouté une couche ! Franchement, à partir de là, le débat budgétaire était faussé et - de toute façon on en parlera tout à l'heure, ça a été très bien démontré par la majorité - alors que nous étions partis dans l'idée de négocier, nous nous sommes retrouvés dans une situation où plus rien n'était négociable. Nous vous demandons donc de revenir en arrière, d'accepter ce projet de loi avec l'amendement, ce qui permettra de respecter les règles du jeu qui avaient été admises antérieurement dans les PFQ et par les partenaires sociaux. Merci beaucoup. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Dans le cadre du débat budgétaire, le PLR a toujours eu une ligne extrêmement claire: c'est d'abord le respect de la loi. Mme Marti en parlait concernant l'annuité, mais il faut aussi le faire concernant la loi sur la RFFA; celle-ci précise, je le rappelle, que le budget peut être déficitaire, mais à hauteur maximale de 302,3 millions. C'est le peuple qui a voté cela, et ça devait donc être la limite acceptable, mais ça, vous n'en avez rien à faire. Par contre, alors, les projets de lois qui concernent l'annuité, c'est évidemment beaucoup plus important. Eh bien non ! Si on veut respecter la loi, on la respecte de A jusqu'à Z, et pas de A jusqu'à C. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Le groupe PLR était d'accord d'attribuer l'annuité: il fallait effectivement augmenter les fonctionnaires, dont la majorité travaille extrêmement bien, en particulier pendant la crise covid que l'on a connue; mais on ne pouvait pas à la fois voter l'indexation et l'annuité. Je vous rappelle que si vous additionnez l'annuité à l'indexation, l'augmentation de salaire est de 3,44%, quand dans le privé, par exemple dans le second oeuvre, vous avez une augmentation de 1,5%, et parfois même seulement de 1% dans la construction. Mesdames et Messieurs, ce n'est pas acceptable !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Yvan Zweifel. C'est pourquoi je vous invite à aller dans le sens du rapporteur de minorité en votant le projet de loi, de manière que les fonctionnaires soient augmentés, mais pas de 3,44%. (Applaudissements.)
M. Didier Bonny (Ve). Monsieur le président, je vous remercie de transmettre à M. Hiltpold, qui a dit dans son intervention que certaines députées et certains députés - comprendre les fonctionnaires, dont, je le précise, je ne fais plus partie - votent, je cite, «sans vergogne leur propre salaire», que c'est le peuple qui a décidé que les fonctionnaires pouvaient siéger au Grand Conseil ! Mais il est vrai que le PLR n'en a rien à faire de ce que pense le peuple, comme ses élus au Conseil national de même que ceux de l'UDC et du PDC l'ont démontré hier par leur vote contre le salaire minimum pourtant largement soutenu par les Genevoises et les Genevois. (Vifs applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Hiltpold, il ne vous reste plus de temps de parole. (Remarque.) Alors je vous laisse trente secondes.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Merci, ça sera bien suffisant ! Vous avez toujours la possibilité, Monsieur le député Bonny, de vous abstenir, ce que je recommande à tous les fonctionnaires de ce parlement ! (Exclamations.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, écoutez, que vous dire, si ce n'est rappeler le désarroi du Conseil d'Etat ? J'aimerais néanmoins soulever deux éléments. D'abord, nous sommes bien sûr parfaitement d'accord avec vous: l'annuité est due. Evidemment qu'elle est due ! Si elle n'était pas due, nous n'aurions pas à déposer un projet de loi pour la suspendre. Si, comme d'aucuns le disent, nous ne respections pas le droit et étions de mauvaise foi, nous ne déposerions pas de projet de loi. Nous respectons le droit, nous savons que cette annuité est due et nous déposons un projet de loi pour la suspendre, parce que des arbitrages sont faits au sein du Conseil d'Etat et que ces arbitrages prennent en compte l'augmentation constante des charges versus les prestations à la population.
Il est vrai que ces choix se sont faits sur la question de l'annuité, que le gouvernement ait été à majorité de gauche ou à majorité de droite. A titre tout à fait personnel - j'ai déjà eu l'occasion de le dire publiquement -, j'estime qu'un employeur doit commencer par payer ses salariés et ses collaboratrices et collaborateurs avant d'engager d'autres personnes. C'est ce qui se fait dans le privé; c'est plus compliqué à faire au niveau de l'Etat, parce que nous avons une responsabilité publique, il est vrai - ce que n'ont pas les entreprises privées -, parce que nous versons des prestations et avons des obligations vis-à-vis de la population.
Maintenant, le refrain continuel, en particulier à la commission des finances et dans ce parlement, a toujours été que le Conseil d'Etat devait se mettre d'accord avec la fonction publique. Eh bien, Mesdames et Messieurs, c'est ce que le Conseil d'Etat a fait. Au terme de très nombreuses négociations, le Conseil d'Etat est venu présenter cela à la commission des finances. Je rappelle que je suis sortie en pleine séance du Conseil d'Etat, avec évidemment l'autorisation de mes collègues, une fois que celui-ci a validé l'accord passé avec les associations représentatives du personnel, l'ensemble de celles-ci, pas uniquement le Cartel. Alors je sais que pour une partie de ce parlement, seul le Cartel compte, mais il se trouve que nous avons d'autres associations représentatives du personnel au sein de l'Etat de Genève. Cet accord a été passé avec l'ensemble d'entre elles et nous sommes venus vous le présenter. Il faut bien dire que cette année, la question ne portait pas uniquement sur l'annuité, mais également sur l'indexation. C'est du reste une indexation de 2,44% qui a été accordée par le Conseil d'Etat, soit près de 150 millions, Mesdames et Messieurs les députés, ainsi qu'une annuité qui était effectivement conditionnée à des comptes 22 positifs - et non pas des comptes 48, pour rassurer certains, qui manifestement n'écoutent même pas lorsqu'on vient en commission avec les explications.
Mesdames et Messieurs les députés, ce que vous avez fait, pour un projet de budget - je l'entends -, ce que vous avez fait, aux conditions posées par un seul groupe, c'est un coup de poignard dans le partenariat social ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet. Parce que dorénavant, Mesdames et Messieurs, l'employeur a perdu tout pouvoir, et les associations représentatives du personnel sauront qu'il vaut finalement mieux s'adresser à quelques membres de la commission des finances. Ce n'est pas comme cela, Mesdames et Messieurs, que l'on mène une politique des ressources humaines, ce n'est pas comme cela qu'un employeur doit se comporter. Et si dorénavant il faut associer la commission des finances à tout accord, eh bien, cela m'apparaît effectivement donner un coup de poignard dans ce partenariat social. Je le regrette, le Conseil d'Etat le regrette, qu'il soit de gauche ou de droite, et c'est pour cela qu'il a déposé un amendement, de façon à revenir à cet accord qui avait été accepté par l'ensemble des assemblées - et ça, c'est important ! -, l'ensemble des associations représentatives du personnel. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande donc d'accepter l'amendement déposé par le Conseil d'Etat, puis d'accepter le projet de loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, nous votons sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13179 est rejeté en premier débat par 58 non contre 32 oui et 1 abstention.