République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 novembre 2022 à 14h
2e législature - 5e année - 6e session - 35e séance
M 2560-B
Débat
Le président. Nous examinons à présent la M 2560-B. La parole échoit à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je demande le renvoi de ce rapport à la commission de la santé pour les raisons suivantes. Tout d'abord, il faut rappeler que la motion 2560 avait pour but de mettre en place un véritable contrôle de la qualité de vie en institution pour les personnes en situation de handicap. La réponse du Conseil d'Etat, qui est tout à fait satisfaisante, met cependant en lumière que l'organe de contrôle est d'une part en grande partie en devenir, d'autre part sera placé sous la responsabilité du GRESI - groupe risque pour l'état de santé et inspectorat - qui, à l'origine, intervient dans les EMS et relève de la direction générale de la santé.
Ce qui nous paraît important, c'est de pouvoir bien comprendre comment s'articulent, du point de vue politique, à la fois la responsabilité du département de la cohésion sociale, qui est chargé des EPH - puisque cette surveillance concerne les EPH -, et l'instrument de contrôle qui se développe dans le cadre de la DGS.
Nous sommes convaincus que le processus est sur les bons rails, mais nous souhaitons obtenir un peu plus d'informations pour avoir une meilleure vision de la façon dont les contrôles vont s'effectuer. Je précise que ceux-ci auront essentiellement pour objectif de vérifier que les droits des personnes en situation de handicap sont respectés dans le cadre de la prise en charge et de l'accompagnement en EPH. Voilà pourquoi je sollicite le renvoi à la commission de la santé. Merci, Monsieur le président.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Je souhaite d'abord souligner que la proposition de motion a été déposée il y a longtemps et qu'il a fallu plus de trois ans pour voir venir un rapport. Le Conseil d'Etat s'est saisi de ce problème une fois que le scandale du foyer de Mancy a paru au grand jour. Evidemment, je trouve cela fortement dommageable, car les familles et les associations ont fait remonter de manière bien antérieure à l'affaire et même au dépôt du texte le souhait d'avoir un contrôle de la qualité de vie des bénéficiaires, qui sont souvent dans l'incapacité de s'exprimer ou de se défendre eux-mêmes.
Je ne suis pas favorable à un renvoi à la commission de la santé précisément parce qu'il ne s'agit pas de patients malades, mais de personnes en situation de handicap. Ce qui est mis en avant depuis des années, c'est que si la santé constitue l'un des éléments qui composent la prise en charge, tout le reste - soit le droit à l'éducation, mais aussi les droits des bénéficiaires en général, par exemple le fait de disposer d'une clé de sa chambre, l'accès à une alimentation telle qu'on la souhaite, la possibilité de faire des sorties - ne relève pas de la santé des personnes, mais bien de leurs droits fondamentaux.
Mesdames et Messieurs, je vous propose de prendre acte de ce rapport et de ne le renvoyer ni en commission ni au Conseil d'Etat. Les choses semblent être sur la bonne voie. Toutefois, nous nous réservons la liberté de déposer un nouveau texte si nécessaire; aujourd'hui, on nous parle du GRESI pour effectuer ces contrôles, mais nous ne savons pas encore qui en aura la compétence et la charge au sein de cette entité. En effet, on ne vérifie pas un EPH comme on contrôle une infirmière qui effectue une prise de sang à l'hôpital, cela nécessite bien entendu une formation spécifique.
Deuxièmement, pour être réalisé correctement, en plus d'être accompli par la bonne personne, il faut surtout que le contrôle soit fait à l'aide des bons critères. Or, à ce jour, nous n'avons connaissance ni de la grille ni des critères. Certes, le lancement du plan proposé par le Conseil d'Etat suite à la motion n'aurait sans doute pas empêché la totalité des événements dramatiques qui sont survenus de se produire, cependant j'espère sincèrement, au nom du Centre, que cela permettra à l'avenir de garantir aux parents, mais aussi aux bénéficiaires, la qualité de leur prise en charge.
Pour terminer, parce qu'une majorité des employés qui oeuvrent dans ces établissements le font avec beaucoup de bonne volonté et de bienveillance, c'est aussi reconnaître le travail de tous ceux-ci que de dénoncer ceux qui ne le font pas. Je vous remercie.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport du Conseil d'Etat indique les mesures prises par ce dernier pour pallier les lacunes mises en lumière par la motion 2560. A ce propos, il est intéressant de remarquer à quel point, durant ces deux dernières décennies, la priorité a été portée sur le contrôle financier et la mise sous la loupe des procédures. «New public management» oblige, certains ont cru bon de construire l'action publique sur l'illusion que la qualité se nichait essentiellement dans ces deux domaines alors qu'on aurait pu légitimement la voir ailleurs, la rechercher dans la vérification du bien-fondé et de la bienveillance, pour les usagers, des processus de soins et du suivi socio-éducatif.
Deux établissements sur dix-sept sont contrôlés chaque année et sur annonce, ce qui donne environ un contrôle tous les neuf ans et met passablement la bride sur le cou aux immanquables risques de détérioration de toutes origines de la qualité des prestations. A plus forte raison quand on considère que ces deux dernières décennies, des pressions budgétaires se sont exercées, avec toutes les incidences que cela implique sur la dotation en personnel et les choix - souvent discutables - réalisés en matière d'employés formés aux tâches requises.
Le rapport du Conseil d'Etat énumère les dispositions prises afin de contrôler l'activité au sein des institutions ainsi que la qualité de vie pour les personnes en situation de handicap, c'est bien; mais ce qui serait encore mieux, ce serait de donner à ces établissements les moyens d'assurer la qualité des prestations qui leur incombent. Or cela relève autant de la responsabilité du Conseil d'Etat que de la nôtre, Mesdames et Messieurs les députés. Alors oui, le groupe Ensemble à Gauche prendra acte de ce rapport, mais il vous rappellera constamment qu'en matière de quantité et de qualité des prestations dans les services publics ou les structures subventionnées, il ne suffit pas de mettre sous la loupe le fonctionnement de ces entités, il faut encore interroger nos responsabilités en la matière.
Les événements dramatiques survenus au foyer de Mancy ne peuvent être réduits à des responsabilités individuelles, à des erreurs de gestion d'un établissement ou d'une magistrate; c'est bien la logique de financement de l'action publique qui est en cause, dont les coutures commencent à lâcher de tous les côtés, depuis des années au sein des services publics - HUG, SPMi, SPAd, Hospice général, OCPM -, plus récemment à Mancy et cette semaine encore au sein de l'unité d'observation de La Clairière. Oui, il faut contrôler l'activité des institutions et des services publics, mais il faut aussi que nous soyons prêts à mettre le prix de la qualité qu'on exige d'eux. Au plaisir, donc, Mesdames et Messieurs, de vous entendre à ce propos lors de notre rendez-vous budgétaire en décembre prochain. (Applaudissements.)
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe socialiste est satisfait que la motion 2560 ait été prise au sérieux et surtout que l'orientation interdisciplinaire du contrôle voulue par celle-ci, qui était également fortement souhaitée par les associations, ait été entendue au sein du département de Thierry Apothéloz.
On voit que le virage a été pris, et c'est une bonne chose, car comme l'a dit ma collègue Delphine Bachmann, les personnes handicapées ne sont pas des patients, les établissements pour personnes handicapées sont des lieux de vie et non des hôpitaux. Dès lors, il n'y a pas de sens à renvoyer ce rapport à la commission de la santé, ainsi que le propose le PLR.
Une fois encore, le PLR nous gratifie d'une vision passéiste du handicap, une vision essentiellement sanitaire qui ne date même pas du siècle dernier, mais de celui d'avant encore, une vision qui marque également la proposition de motion qui vient d'être déposée au sujet de l'OMP. Naturellement, nous ne pouvons pas cautionner un tel point de vue, nous soutenons la démarche qui consiste à exercer un contrôle interdisciplinaire prenant en compte la dimension des droits fondamentaux inscrits dans la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées. Voilà pourquoi si ce rapport doit être renvoyé en commission, ce qui n'est pas forcément utile à nos yeux, eh bien nous souhaiterions qu'il soit plutôt adressé à la commission des affaires sociales. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. S'agit-il d'une deuxième demande formelle, Monsieur le député ?
M. Cyril Mizrahi. Oui, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). La motion 2560 est très importante aux yeux des Vertes et des Verts, et nous sommes contents d'avoir obtenu une réponse du Conseil d'Etat, même si, comme l'a souligné Mme Bachmann, nous avons dû attendre longtemps. J'ai envie de dire: plus jamais ça. Le texte a été déposé il y a quelques années déjà, il y a eu le scandale du foyer de Mancy qui a traumatisé la population d'un point de vue médiatique, d'un point de vue humain, mais il ne s'est pas passé grand-chose depuis.
Je lis dans ce rapport que des réflexions sont menées, que des choses se mettent en place. Nous allons accepter cette réponse, parce que nous constatons qu'il y a vraiment des programmes d'action qui vont être mis en oeuvre. Nous avons envie d'aller de l'avant, nous voulons qu'il y ait plus de contrôle, plus d'accompagnement, plus de vigilance dans les institutions pour éviter les drames.
Je parle des institutions, parce que la motion évoquait la qualité de vie en institution pour les personnes en situation de handicap, mais qu'il s'agisse d'établissements, de foyers, de centres, d'écoles spécialisées, quels qu'ils soient, il faut absolument accompagner les employés, suivre leur formation et faire en sorte que plus jamais de tels événements, tragiques, ne se reproduisent.
Evidemment, nous n'allons pas renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion, parce que cela fait déjà plusieurs mois - bientôt une année - que celle-ci s'est saisie de la problématique, et je pense que c'est beaucoup trop long eu égard à la situation d'urgence qui a été vécue au sein du foyer de Mancy, en premier pour les jeunes, en second pour le personnel et les familles, et aussi pour la population genevoise qui attend des réponses de cette commission.
Nous allons prendre acte de ce rapport du Conseil d'Etat, puisque les choses vont de l'avant, mais nous resterons extrêmement vigilants et vigilantes quant au suivi du contrôle et de l'accompagnement afin de garantir plus de dignité de même que le respect des droits fondamentaux à tous les jeunes et à toutes les personnes en situation de handicap qui, je le répète à la suite de Mme Delphine Bachmann et de M. Cyril Mizrahi, sont bien en situation de handicap, et pas malades. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. M. Mizrahi ayant retiré sa demande de renvoi à la commission des affaires sociales, nous allons voter sur la proposition émanant de M. Conne, à savoir le renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2560 à la commission de la santé est rejeté par 46 non contre 32 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2560.