République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 octobre 2022 à 16h
2e législature - 5e année - 5e session - 31e séance
R 1002
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour, la R 1002, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole est à son auteur, M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Après ce moment de détente, un autre moment arrive qui n'apportera aucune détente puisqu'on parlera des primes d'assurance-maladie. Je dirais que le système arrive à ses limites et qu'on ne comprend plus grand-chose au sujet de la fixation de l'augmentation des primes d'assurance-maladie. Dans certains cantons, les primes augmentent de 10%, dans d'autres de 4%, dans d'autres encore de 3% ou de 5%; c'est un peu comme le tirage au sort des listes électorales, c'est à n'y rien comprendre. Depuis des années, ce parlement vote des résolutions que nous renvoyons aux Chambres fédérales; depuis des années, nous déposons des motions pour demander plus d'éclaircissements, mais sans obtenir de réponses.
Nous avons l'impression d'une part d'avoir un système vivant pour lui-même et se désintéressant complètement du citoyen qui paie ses primes; d'autre part - et étant médecin, je suis le premier dans ce système - que le marché de la santé est tellement énorme et rapporte tellement d'argent que tout le monde y gagne et que, pour cette raison, personne n'a intérêt à changer le système. On se moque un peu de connaître le montant que le citoyen doit payer à la caisse maladie. De toute façon, c'est l'Etat qui paie pour ceux qui n'arrivent pas à le faire; d'une manière ou d'une autre, le problème est donc réglé pour ceux qui décident des coûts des primes.
Ce qu'on voit clairement, c'est qu'il y a toujours une différence entre les coûts de la santé et ceux des caisses maladie. Or cette différence est énorme puisque - je l'ai fait figurer dans l'exposé des motifs - depuis 1996, l'augmentation des primes a atteint 146% et celle des coûts 82%. Cet écart n'est absolument pas compréhensible, de même que ne le sont pas la gestion des réserves ni celle des assurances privées et publiques des caisses maladie. On est donc en présence de systèmes qui dysfonctionnent. J'ai pensé, et le PDC-Le Centre aussi, qu'il était plus simple de proposer d'indexer l'augmentation des primes sur celle des coûts de la santé. Cela permettrait d'avoir enfin un débat intéressant aux Chambres fédérales et aussi, peut-être, dans les cantons, afin de savoir ce qu'on peut faire pour diminuer les coûts de la santé, de pointer les dysfonctionnements et de mener un débat vraiment démocratique. Je pense qu'en ne parlant que des coûts de la santé, on pourrait avoir ce débat; cela éviterait d'être face à cette caisse noire qui décide d'une augmentation sans qu'on sache quoi que ce soit.
L'OFSP n'en sait pas plus et le canton se bat depuis de nombreuses années pour avoir accès aux vrais chiffres, sans y parvenir. Nous avions demandé que la Cour des comptes puisse regarder, à Berne, les chiffres des caisses maladie qui sont donnés, mais on nous a répondu que ce n'était pas possible parce que la Cour des comptes est cantonale. Le canton ne saura donc pas plus pourquoi vous voyez vos primes augmenter de 5% ou 6% cette année ni ce qui va se passer l'année prochaine. Pour ces raisons, nous proposons d'indexer les primes sur les coûts de la santé pour avoir une discussion beaucoup plus claire. Je vous remercie.
M. Didier Bonny (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chaque automne ou presque, la litanie de l'augmentation des primes d'assurance-maladie revient aux oreilles de la population suisse sans que cette dernière comprenne vraiment pourquoi. De guerre lasse, elle renonce à comprendre quelle est la responsabilité dans l'augmentation des primes, notamment, de la pandémie, du vieillissement de la population, des médicaments beaucoup plus chers qu'ailleurs, de l'augmentation constante des frais administratifs, du lobby des assureurs à Berne ou encore de la non-utilisation des réserves. Et si, dans un sursaut de résistance, le bon peuple veut quand même savoir pourquoi année après année son budget consacré à l'assurance-maladie est de plus en plus important, il lui sera répondu, avec un brin de condescendance, que le système est complexe et qu'il est difficile de le réformer.
Est-ce que mes propos sont caricaturaux ? A peine, et la résolution dont nous débattons aujourd'hui est bien la preuve de la complexité du système: elle met en avant la part en constante augmentation de l'assurance obligatoire des soins dans le financement du système de santé, et indique que cela n'est pas près de s'arrêter en raison du transfert des prestations hospitalières subventionnées par les impôts vers l'ambulatoire. L'augmentation des primes va donc bien au-delà de celle des coûts de la santé.
La députation Verte ne peut dès lors que partager le constat du premier signataire de cette résolution: il faut - selon ce que l'auteur écrit dans l'exposé des motifs - considérer le système de santé dans son ensemble si on veut empêcher que les payeurs de primes assument une part toujours plus grande de la facture globale. Cette résolution demande aux Chambres fédérales d'indexer l'augmentation des primes d'assurance-maladie au maximum sur la croissance réelle des coûts de la santé; elle s'inscrit parfaitement dans le programme de la législature 2023-2028 des Vertes et des Verts qui soutient toute initiative visant la baisse, ou une meilleure répartition, des coûts de la santé.
Vous l'aurez compris, la députation Verte votera cette résolution en espérant qu'elle contribuera, si ce n'est à stopper, du moins à freiner l'augmentation constante des primes d'assurance-maladie et par conséquent les subventions étatiques également, sans lesquelles une partie de la population genevoise ne pourrait plus payer ses primes. Merci. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Deonna (S). D'après la Radio Télévision Suisse et l'Office fédéral de la santé publique, les ménages suisses sont contraints d'accorder jusqu'à 27% de leur revenu aux primes d'assurance-maladie ! Lors de l'entrée en vigueur de la loi sur l'assurance-maladie, il était prévu que les ménages ne consacrent pas plus de 8% de leur revenu à ces primes.
Mesdames et Messieurs les députés, pendant que les assureurs sablent le champagne, le Conseil fédéral se montre d'une pingrerie navrante. Il annonce une hausse de 2,5% des rentes pour 2023, alors que la hausse du coût de la vie était de 3,3% en septembre. Les salaires et les rentes n'ont pas augmenté depuis des années, cependant, les primes d'assurance-maladie ont doublé au cours des vingt dernières années. 9% à Neuchâtel, 8,5% dans le canton de Vaud, 4,7% à Genève: les primes augmenteront encore d'une façon insupportable et honteuse en 2023 ! Le PS et les syndicats luttent depuis des années pour protéger le pouvoir d'achat et alléger les primes d'assurance-maladie. Avec son initiative d'allégement des primes, le PS veut s'assurer qu'aucun ménage ne doive consacrer plus de 10% de son revenu aux primes maladie.
La résolution du PDC invite l'Assemblée fédérale à lutter activement contre l'augmentation des primes maladie en objectivant l'augmentation des coûts de la santé; notre groupe soutiendra cette résolution ! Cependant, les socialistes exhortent les élus du Centre à Berne à suivre l'exemple de leurs collègues genevois, à dialoguer avec la gauche au parlement, à s'engager sérieusement non seulement pour des mesures de maîtrise des coûts, mais aussi pour un financement socialement durable qui se fonde sur des prélèvements calculés en fonction des revenus, comme dans la plupart des pays européens. La droite bourgeoise doit cesser de céder aux pressions incessantes des cliniques privées, des caisses maladie et des sociétés pharmaceutiques. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Le groupe Ensemble à Gauche votera naturellement cette résolution: cette limitation des hausses des primes est absolument nécessaire, c'est certain. Mais, Mesdames et Messieurs, il y a quand même quelques problèmes. Premièrement, au lieu de s'agiter de manière un peu hypocrite à Genève, le PDC ferait mieux de défendre les intérêts de la population aux Chambres fédérales et de cesser cette politique un peu schizophrénique: ici, il s'indigne contre les primes d'assurance-maladie trop élevées, mais, à Berne, il soutient inconditionnellement les assureurs privés.
Mesdames et Messieurs, les assureurs maladie organisent chaque année le braquage du siècle, ils arrivent à racketter la population grâce, et seulement grâce au soutien inconditionnel de leurs sbires PDC, PLR et UDC - ceux-ci les défendent fermement et depuis des années contre les intérêts d'une vaste majorité de la population - et, il faut le dire, grâce au coup de main régulier du parti socialiste lorsqu'il se retrouve au Conseil fédéral !
Deuxièmement, Mesdames et Messieurs - et c'est sans doute le point le plus important -, on a parlé de la limitation de la hausse des primes à la hausse des coûts de la santé, mais l'enjeu central, je crois, est la répartition des coûts de la santé: la santé coûte cher, coûte de plus en plus cher et va coûter de plus en plus cher. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle: c'est aussi le signe que les gens vivent plus longtemps et que les technologies et infrastructures médicales se développent. Le système extraordinairement bureaucratique des assureurs privés plombe un peu aussi les coûts de la santé, mais l'essentiel est ailleurs.
Si on veut épargner ces coûts mirobolants à une grande partie de la population, étouffée sous les primes, eh bien il faut les répartir de manière plus juste ! Je vous rappelle d'ailleurs qu'une grande partie de la santé est déjà prise en charge par l'Etat, c'est-à-dire par l'impôt, proportionnel au revenu. De la même manière, il faut revoir le financement des assurances-maladie et le rendre proportionnel au revenu, ou alors miser sur un financement paritaire employeur-employé. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Mesdames et Messieurs, c'est là la seule solution viable en matière de santé publique.
Je rappelle tout de même que les primes sont tellement élevées qu'il est devenu impossible pour une grande partie de la population genevoise de les payer et que nous devons...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...les subventionner, dans le projet de budget 2023, à hauteur de 670 millions ! Ces subsides aux assurances-maladie sont évidemment nécessaires dans le contexte actuel.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. Mais si la droite ne défendait pas de manière aussi obstinée les intérêts des assureurs maladie...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...nous pourrions faire à Genève des économies de 670 millions... (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG soutiendra cette proposition de résolution, parce qu'il faut impérativement défendre la cause des assurés, mise à mal. Mais, comme l'a dit un des préopinants, la solution à ce problème ne se trouve pas à Genève ni dans cette résolution; elle se trouve aux Chambres fédérales, parce que c'est là que tout se décide. C'est pourquoi j'aurais préféré que le groupe PDC dépose son texte aux Chambres fédérales plutôt qu'il nous fasse perdre du temps ici. (Remarque.) C'est, en effet - j'ai le regret de le dire -, une perte de temps.
Ce qu'un préopinant a dit est vrai, on le constate: un certain nombre de partis de ce Grand Conseil ont des représentants aux Chambres fédérales appartenant au lobby des caisses maladie, c'est-à-dire que des parlementaires fédéraux reçoivent de l'argent; c'est presque de la corruption institutionnelle pour défendre les intérêts des caisses maladie contre ceux des assurés. Voilà ce que font certains partis, et je crois qu'il faut avoir le courage de les nommer: il y a le PLR, l'UDC et malheureusement le PDC également. C'est la tendance au niveau national. Je pense qu'il faut assumer, quand on est un parti national, la politique menée à ce niveau-là, et la politique menée par ces partis est dramatique pour les assurés genevois. Selon moi, le problème est véritablement là, et les Genevois ne doivent pas être dupes dans cette histoire, parce que nous nous faisons escroquer à haut niveau. Cela continue année après année, et il faut se révolter contre ces partis nationaux indignes que sont le PLR, l'UDC et le PDC ! Je vous demande, électeurs genevois, de vous révolter contre ces partis indignes ! (Commentaires.) Merci ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Dis donc, il n'y va pas par quatre chemins. Bravo !
M. Pierre Nicollier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je vais commencer par remercier l'auteur de cette proposition de résolution. L'augmentation des primes est un problème. (Commentaires.) C'est intéressant, on a de nombreuses remarques farfelues. Cela peut être des propositions complètement farfelues d'Ensemble à Gauche, comme d'essayer de contenir les primes alors qu'on ne va pas les contenir. C'est juste une question... On paie un peu plus de la poche gauche, un peu moins de la droite. On entend d'autres remarques farfelues d'Ensemble à Gauche.
En fait, on parle peu du problème de fond, qui est l'augmentation des coûts. Cette augmentation - et c'est ce qui est mentionné dans le texte - doit se retrouver dans les primes, et celles-ci ne devraient pas augmenter plus rapidement que les coûts. Pourtant, toutes les propositions faites ce soir portent sur la maîtrise des primes, mais jamais sur celle des coûts. Or si on ne fait rien, les coûts vont continuer à augmenter, et on peut décider qu'ils seront payés de la poche de droite ou de celle de gauche, ça ne changera rien !
Par ailleurs, les assureurs ne font pas de profits sur l'assurance obligatoire des soins. L'article 56 de la LAMal stipule en effet que s'il y a des avantages en termes de prix, ils doivent être répercutés chez l'assuré. Celui-ci doit donc obtenir un avantage ou une baisse de sa prime, ou avoir un investissement dans la qualité du traitement. Mais c'est toujours en faveur de l'assuré.
Il y a un problème: celui des réserves. Elles ont peut-être un peu baissé, parce que certaines assurances ont voulu faire des gestes. Mais ces derniers étaient peut-être davantage des postures que des changements fondamentaux, et ça, c'est un élément qui doit être modifié; nous devons apporter des changements plus fondamentaux dans le financement de notre système de santé pour pouvoir transformer cette dynamique. L'un d'entre eux est le projet EFAS, qui vise à unifier les paiements des différentes prestations, qu'elles soient ambulatoires ou stationnaires, et à ce que les cantons contribuent également aux prestations ambulatoires. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Mais ça signifie également qu'ils devront moins contribuer aux prestations stationnaires. Il y a des pistes, mais on n'en parle pas: on préfère prendre des postures politiques et critiquer plutôt que proposer.
Le groupe PLR vous suggère de renvoyer cette résolution en commission. Elle y serait rapidement traitée; on pourrait entendre les assurances, leur poser des questions et leur demander d'y répondre.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Nicollier. Pour cette raison, je demande formellement le renvoi à la commission de la santé et vous invite à soutenir cette requête. Je vous remercie beaucoup.
Le président. Merci, nous avons bien noté. Je passe la parole à M. le député Gilbert Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je partage l'avis de l'auteur de la proposition de résolution: le système est perverti, les primes sont insupportables. Je regrette que dans cette résolution, on ne parle pas d'une inégalité de traitement, à savoir de la part de l'effort de solidarité demandée aux enfants et jeunes adultes pour payer les primes de l'ensemble de la collectivité.
Un assuré, s'il est domicilié en France voisine et consomme tous ses soins dans le canton de Genève, ne paiera pas 550 ou 600 francs de prime mensuelle mais 180. Qu'on puisse avoir un tel écart de prime, une telle différence de participation aux coûts de la santé en bénéficiant des mêmes prestations - au seul motif qu'on veut considérer le Grand Genève comme un territoire global - est particulièrement effarant. Or cette résolution n'en parle absolument pas, et pour moi c'est un problème. Je vous remercie.
M. Thomas Bläsi (UDC). Concernant les caisses maladie et les contestations des assurés par rapport à certaines décisions qu'elles prennent, contestations traitées par l'association ASSUAS - anciennement présidée par notre conseiller d'Etat, Mauro Poggia -, je voudrais dire qu'à l'heure actuelle, l'ASSUAS gagne 87% des contestations faites sur la gestion de l'assurance de base. Ce qui témoigne quand même d'une certaine mauvaise foi des caisses maladie, parce que, les problèmes étant souvent les mêmes, des leçons devraient a priori en être tirées: les assurés devraient être moins souvent lésés avec, a priori, la connaissance pleine et entière des assurances-maladie.
Tout le monde paie sa caisse maladie; c'est une charge importante. Elle est effectivement plus importante en Suisse pour les petits salaires, puisqu'elle n'est pas proportionnelle au revenu, au contraire de la CMU qui, elle, l'est. Dans notre contexte frontalier, cela crée une situation très particulière: quand vous touchez un gain inférieur à 60 000 francs, vous avez intérêt à adhérer à la CMU; dans le cas d'un gain supérieur à 60 000 francs, vous avez intérêt à cotiser à la LAMal. Cela engendre effectivement une inégalité de traitement, d'autant plus prononcée que nous sommes en zone frontalière. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Concernant les coûts, je rejoins l'avis de M. Nicollier: ce qu'il faudrait analyser, c'est la chaîne du traitement de la prise en charge des coûts au sein d'une même caisse maladie. Et durant les auditions, la commission a fait l'erreur, je pense, d'entendre santésuisse, qui avait une fonction de représentation...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Thomas Bläsi. Merci. ...mais pas suffisamment une fonction d'efficacité. Typiquement, un certain nombre de revenus des caisses maladie sur l'assurance de base, particulièrement si vous prenez les médicaments vendus en Suisse...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Thomas Bläsi. La convention RBP IV prévoit que 0,2% de la totalité des médicaments vendus en Suisse soit reversé aux caisses maladie pour l'assurance de base...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Thomas Bläsi. ...en contribution aux frais de la santé, et ça, personne ne... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Mme Delphine Bachmann (PDC). J'aimerais clarifier la position du PDC, notamment en raison de quelques accusations que l'on a pu entendre ce soir. Je rappelle que la position du président du parti suisse, Gerhard Pfister, a été assez claire: il n'est aujourd'hui plus tolérable que l'on cumule une fonction de parlementaire au niveau fédéral et un siège dans le conseil d'administration d'une assurance-maladie. Cela, d'ailleurs, notre parti cantonal l'a dénoncé depuis des années et des années, et il a lutté contre par le biais d'une initiative. Je rappelle aussi que le parti a lancé une initiative sur la maîtrise des coûts au niveau fédéral, parce que c'est là que nous avons un impact. Il faut réaliser qu'aujourd'hui, le citoyen lambda paie ces fameux coûts de la santé via des primes, mais aussi par sa franchise, sa quote-part et par le biais des impôts. On entend aujourd'hui que le projet EFAS, qui vise à uniformiser le financement de l'ambulatoire et du stationnaire, pourrait diminuer ces coûts, mais permettez-moi d'en douter: on paiera juste par nos impôts ce qu'on ne paie pas aujourd'hui par les primes; ce changement de financement permettrait de faire peu d'économies, juste des transferts d'une poche à l'autre.
Maintenant, je souhaite évoquer la question des coûts. On parle de coûts de la santé, mais j'aimerais rappeler qu'on parle aussi de la notion de consommation de soins. Qui, aujourd'hui, est prêt à renoncer à des soins pour diminuer les coûts ? La réalité, c'est que personne n'y renoncera, et certainement pas moi ! On doit donc travailler sur la manière d'optimiser les prises en charge pour qu'elles soient plus efficaces et coûtent moins, pour une même qualité: pour cela, on peut diminuer les doublons en évitant la double facturation et en misant sur les synergies existantes entre le public et le privé.
Enfin, je tiens à rappeler que nos primes paient aussi le coût des structures administratives des assurances-maladie et les salaires, notamment celui des dirigeants de ces mêmes assurances. Or nous n'avons à l'heure actuelle aucune prise ni sur le fonctionnement ni sur la manière dont sont financées ces structures, et ce n'est pas un passage en commission qui permettra aux choses d'avancer. En revanche, c'est sur le système qu'il faut mettre la pression, à l'image de ce qu'ont fait les Chambres fédérales récemment: mettre la pression sur le système est nécessaire maintenant, mais pas en commission ! Je vous remercie d'avance de soutenir ce texte. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Bertrand Buchs, il vous reste vingt-trois secondes pour conclure. (Remarque.) Vous renoncez ? Monsieur Baertschi, il vous reste cinquante-sept secondes.
M. François Baertschi (MCG). On a entendu que le gros problème actuel était l'augmentation des coûts. C'est ce que disait un préopinant PLR, mais c'est relativement loin d'être le cas. Les coûts ! Quels coûts ? Nous n'avons aucune transparence ! Nous avons demandé depuis des années et des années la transparence dans le système et nous ne l'avons pas: le PLR a mis des bâtons dans les roues de manière générale en s'opposant à cette transparence. Je suis donc assez surpris de l'entendre indiquer la chose sans parler des réserves phénoménales, qui se comptent en milliards et ruinent les assurés de notre pays. Nous devons aller contre ces logiques-là; pour cela, il faut se mobiliser et être le plus nombreux possible. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Bachmann, il vous reste vingt secondes.
Mme Delphine Bachmann (PDC). J'aimerais juste corriger ce qui a été dit: aujourd'hui, on sait parfaitement à combien se montent les coûts à charge de l'AOS. C'est ce qui nous permet de déduire que les primes que nous payons sont supérieures aux coûts aujourd'hui facturés pour l'assurance de base. Arrêtons le populisme et parlons avec des mathématiques. Merci ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Baertschi, vous n'avez plus de temps de parole. Je cède donc le micro au conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les primes d'assurance-maladie sont un sujet récurrent. Les résolutions déposées par votre parlement ne se comptent plus; les rejets ne se comptent plus non plus, si ce n'est que c'est le même compte: aucune résolution ne passe. Les dernières résolutions que nous avons déposées - à savoir trois initiatives cantonales - l'ont été simultanément avec celles d'autres cantons latins il y a quelques années, vous vous en souvenez. Elles étaient parfaitement ciselées et calibrées et permettaient de manière tout à fait évidente d'équilibrer ce système pour lui apporter une justesse et une justice que tout le monde attend. Et pourtant, ces initiatives ont été rejetées. D'ailleurs, le rapporteur sur la dernière au Conseil des Etats est M. Josef Dittli, président de Curafutura, PLR.
On comprend donc bien qu'il y a des difficultés à faire passer certains messages, même d'élémentaire bon sens. Cependant - et il faut le reconnaître -, de plus en plus de parlementaires de droite sont sensibilisés à la problématique; ce qui n'était pas le cas jusqu'à maintenant, puisqu'ils avaient quand même une position assez dogmatique. D'ailleurs, les spécialistes de chaque parti auprès des Chambres étaient eux-mêmes suffisamment proches des assureurs pour avoir des positions parfaitement adaptées à ce que souhaitaient lesdits assureurs; les autres parlementaires ne comprenaient pas toujours toutes les subtilités du système et suivaient les mots d'ordre de leurs spécialistes.
Aujourd'hui, on commence à se dire que le système ne fonctionne pas bien et, au sein de la droite, que la régulation par la libre concurrence est quand même problématique: si cela s'était fait, on devrait en voir les résultats depuis 1996. Or rien ne change et les disparités sont toujours là. C'est comme si nous n'avions qu'une seule boulangerie dans tout le canton de Genève et que l'on payait la baguette à un prix différent à la Coop, à la Migros, chez Denner ou je ne sais où. Evidemment, s'il n'y avait qu'une seule boulangerie, le prix devrait être le même, mais les choses ne sont pas aussi simples, et c'est pourquoi, parfois, les bonnes intentions ne sont pas aussi efficaces qu'on le souhaiterait.
Je rappelle quand même, pour montrer la complexité du système, que cet automne, l'Office fédéral de la santé publique a dû approuver 273 736 tarifs de primes différents pour la Suisse. Il y a évidemment la liberté de choix de l'assureur, la liberté de choix de la franchise, la liberté de choix du modèle d'assurance, et tout cela dans vingt-six cantons, dont certains ont même deux ou trois régions de primes. Vous voyez donc quelle jungle nous est proposée ! Bien évidemment, plus personne ne s'y retrouve.
Alors quand on nous demande d'adapter les primes aux coûts, c'est de l'élémentaire bon sens, si ce n'est que lorsque je dois fixer les primes de 2023, je ne connais pas les coûts de 2023, car je le fais au milieu de l'année 2022; je ne connais même pas les coûts de 2022 ! Comment donc voulez-vous que j'adapte les primes de 2023, que je dois fixer, par rapport à des coûts que j'ignore ? Le bon sens est de dire qu'une fois les coûts connus, c'est-à-dire en 2024, la différence retourne à ceux qui ont trop payé si on se rend compte qu'on a fixé les primes avec trop de pessimisme. Cette différence ne devrait du reste pas être considérée comme un excédent de recettes, terme pudique pour ne pas parler de bénéfices, que l'on jette dans les réserves. Celles-ci sont aujourd'hui de 12,1 milliards, alors qu'elles devraient être au minimum de 7,6 milliards. Vous avez bien entendu: au minimum ! On peut donc évidemment aller au-delà. Entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2022, les réserves ont diminué de 300 millions. On n'a toutefois que des photographies au 1er janvier et on ne sait pas ce qui se passe entre-temps ni ce que sont ces 300 millions. Est-ce que c'est une perte en bourse ? Est-ce que c'est une restitution à des assurés qui auraient trop payé ? Ou est-ce que c'est la prise en charge par les réserves d'une insuffisance de primes qui auraient été calculées au-dessous de ce que furent effectivement les coûts ?
Dans cette résolution, on dit qu'il faut indexer l'augmentation des primes au maximum sur la croissance réelle des coûts de la santé; c'est plein de bon sens, mais je vous avertis, ce sera rejeté en deux coups de cuillère à pot, si vous me passez l'expression. Renvoyons au moins tout cela en commission pour essayer de faire un travail sérieux - non pas que le texte ne le soit pas, mais sérieux aux yeux de ceux qui devront l'examiner à un moment donné; sinon, ils se rueraient évidemment sur le fait que le texte de la résolution est imprécis pour le rejeter et ne même pas ouvrir un débat sur le sujet. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous allons maintenant voter sur la demande de renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 1002 à la commission de la santé est rejeté par 45 non contre 33 oui.
Le président. Nous nous prononçons à présent sur la proposition de résolution elle-même.
Mise aux voix, la résolution 1002 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 71 oui contre 1 non et 4 abstentions (vote nominal).