République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.

Assiste à la séance: Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Thierry Apothéloz et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Pierre Conne, Pablo Cruchon, Serge Hiltpold, Katia Leonelli, Patrick Saudan et Salika Wenger, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Corinne Müller Sontag, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Pascal Uehlinger.

Annonces et dépôts

Néant.

Questions écrites urgentes

Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:

Question écrite urgente de François Baertschi : Qui paie les déficits du Léman Express ? (QUE-1767)

Question écrite urgente de François Baertschi : L'OCAS veut expulser les assurés AI du canton de Genève pour les envoyer se loger en France (QUE-1768)

Question écrite urgente de Didier Bonny : Variole du singe : quel plan d'action pour le canton de Genève ? (QUE-1769)

Question écrite urgente de Patricia Bidaux : Garde de l'environnement, un métier pénible ? (QUE-1770)

Question écrite urgente de François Baertschi : Attention ! Citoyens, le Ministère public vous écoute ! (QUE-1771)

Question écrite urgente de Aude Martenot : Accueil temporaire au Foyer Gavard : le canton de Genève ne doit-il pas proposer un hébergement digne à toutes les personnes en exil ? (QUE-1772)

Question écrite urgente de Boris Calame : Le bénévolat peut-il être réellement considéré comme une activité soumise à autorisation ? (QUE-1773)

Question écrite urgente de Adrien Genecand : Structure des coûts des tarifs SIG (QUE-1774)

Question écrite urgente de Charles Selleger : Nomination à la tête de l'office médico-pédagogique (QUE-1775)

Question écrite urgente de Charles Selleger : Secrétaires généraux adjoints : évolution au cours de la législature (QUE-1776)

Question écrite urgente de Alberto Velasco au sujet du formalisme excessif de l'OCE et du mandat à l'Université de Genève (QUE-1777)

Question écrite urgente de Caroline Marti : Vols nocturnes à l'aéroport de Cointrin : quelle en est l'ampleur ? (QUE-1778)

Question écrite urgente de Sylvain Thévoz : Prisons surpeuplées : que faire pour éviter que des gens se retrouvent en prison pour amendes impayées ? (QUE-1779)

Question écrite urgente de Katia Leonelli : Est-ce que l'Etat entend agir contre la prolifération des puffs chez les mineurs ? (QUE-1780)

Question écrite urgente de Sophie Desbiolles : Maltraitance animale, quelles améliorations ? (QUE-1781)

Question écrite urgente de Sophie Desbiolles : Des jets privés pour les uns, le brasier pour les autres (QUE-1782)

Question écrite urgente de Marjorie de Chastonay : Poussières du Sahara (QUE-1783)

QUE 1767 QUE 1768 QUE 1769 QUE 1770 QUE 1771 QUE 1772 QUE 1773 QUE 1774 QUE 1775 QUE 1776 QUE 1777 QUE 1778 QUE 1779 QUE 1780 QUE 1781 QUE 1782 QUE 1783

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

QUE 1747-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. André Pfeffer : Conséquences du passage en mains étrangères du fleuron genevois Firmenich

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1747-A

QUE 1748-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Nicole Valiquer Grecuccio : La direction de la Haute école du paysage, d'ingénierie et d'architecture (HEPIA) connaît-elle la réalité du métier d'architecte ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1748-A

QUE 1749-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Joëlle Fiss : Incendies au Lignon

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1749-A

QUE 1750-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Suppression de l'impôt anticipé : quelles conséquences pour Genève ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1750-A

QUE 1751-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Alexis Barbey : Combien coûte l'entretien des ports ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1751-A

QUE 1752-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Rémy Pagani relative aux plus-values générées par le marché des matières premières fossiles grâce à la nouvelle règlementation européenne

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1752-A

QUE 1753-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Pierre Conne : Soutien financier de la Ville de Genève à Extinction Rebellion : quelle est la position du Conseil d'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1753-A

QUE 1754-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Qu'attend le Conseil d'Etat pour invoquer l'article 14 alinéa 2 LAsi pour permettre à une personne intégrée en Suisse et participant à la vie sociale et économique de notre canton de continuer à le faire ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1754-A

QUE 1755-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Dilara Bayrak : Canicule à Champ-Dollon, que fait le Conseil d'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1755-A

QUE 1756-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Gilbert Catelain : Dette et hausse des taux d'intérêt : des mesures correctrices ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1756-A

QUE 1757-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Rémy Pagani relative à la saisie des avoirs des oligarques russes ayant entreposé des marchandises aux Ports Francs de Genève

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1757-A

QUE 1758-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Pierre Eckert : Pourquoi un col de catégorie 3 pour les cyclistes se rendant de Versoix en ville ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1758-A

QUE 1759-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Pierre Eckert : Une nouvelle course d'obstacles pour les permis C ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1759-A

QUE 1760-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Katia Leonelli : Quelles mesures et quels moyens pour le « développement durable » à l'école ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1760-A

QUE 1761-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Patrick Dimier : Ubérisation et respect d'une politique sociale de l'emploi

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1761-A

QUE 1762-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Pablo Cruchon : Faillites frauduleuses : quid de la situation dans notre canton ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1762-A

QUE 1763-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Xhevrie Osmani : Reconduction et externalisation de services

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1763-A

QUE 1764-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Des conférences payantes à la Maison Rousseau et de la Littérature (MRL) ? Qu'en pense le Conseil d'Etat ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1764-A

QUE 1765-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelle prévention contre le racisme et les discriminations au sein des écoles genevoises ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1765-A

QUE 1766-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelles mesures sont prises par l'établissement pénitentiaire de Champ-Dollon face à la vague caniculaire ?

Annonce: Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 1766-A

Q 3890-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Murat-Julian Alder : Des frais postaux de l'administration cantonale
Q 3891-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Pierre Eckert : Rénovations énergétiques dans les PPE : comment lever les obstacles ?
Q 3895-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de Mme Léna Strasser : Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration : quel impact à Genève ?
IN 179-B
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier l'initiative populaire 179 « Contre le virus des inégalités... Résistons ! Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 1er et 2 septembre 2022.
Rapport de majorité de M. Sébastien Desfayes (PDC)
Rapport de première minorité de M. Jean Batou (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Sylvain Thévoz (S)

Débat

Le président. Nous traitons notre dernier point fixe, soit l'IN 179-B, qui est classée en catégorie II, cent minutes. Je cède la parole à M. Sébastien Desfayes.

M. Sébastien Desfayes (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, hier soir, notre estimé collègue Patrick Saudan a évoqué les initiatives fiscales «malheureuses» de la gauche. S'agissant de l'IN 179, la formulation «malheureuse» serait un doux euphémisme. Abordons directement le sujet. Cette initiative est intitulée: «Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires». Son titre devrait plutôt être: «Supprimons les PME du canton de Genève». Pourquoi ? Parce que telle serait la conséquence si, par pure hypothèse - et dans une hypothèse peu vraisemblable, je le précise -, ce texte devait être approuvé par le peuple genevois, ce qui est fort douteux.

Quel est le but de cette initiative, sa finalité ? Eh bien c'est de maximiser la double imposition économique, soit de maximiser un dispositif considéré comme injuste et délétère. La double imposition économique, pour la définir très brièvement, c'est quand une même substance est imposée à différents stades; ici, en l'occurrence, à deux reprises. Avec la double imposition économique, il y a un découragement de l'entrepreneuriat, moins d'investissements, moins de prises de risques, moins d'énergie dans l'économie, tant et si bien que tous les pays de l'OCDE - tous sans exception - adoptent - ou ont adopté, plus exactement - des mécanismes destinés à combattre, à limiter, voire à supprimer, ce procédé.

Tel est le cas de la Suisse et du canton de Genève depuis 2009, sauf erreur de ma part - c'était la réforme RIE II: la Confédération a décidé d'atténuer l'imposition des dividendes à hauteur respectivement de 60% et 70% pour la fortune commerciale et la fortune privée; elle a également autorisé les cantons à agir dans ce sens. Dans le cadre des distributions de dividendes, on taxe ceux-ci à 50% au minimum et jusqu'à 100% au maximum, et l'ensemble des cantons suisses, y compris Genève, ont utilisé ce système qui permet de modérer - mais pas d'interdire ni d'abolir totalement - la double imposition économique.

Aujourd'hui, à Genève, les dividendes sont imposés à un taux de 70% et de 60%, si je ne m'abuse - j'ai soudain un doute, mais oui, c'était 60% et 50% avant. Dans le cadre de la RFFA, un accord a été passé, il a été convenu d'augmenter la part imposable de dividendes de 10%, donc soit dit en passant, cette initiative remet en cause un accord entériné et, pour cette raison également, elle est surprenante.

Voilà pour le cadre juridique. Je résume: problème de double imposition économique, solution trouvée par la Confédération pour la limiter dans le cadre du versement de dividendes afin qu'un même substrat économique ne soit pas taxé par deux fois. Comme je l'ai relevé, tous les cantons suisses sans exception ont employé ce mécanisme permis par le droit fédéral. En un mot, ce que vise cette initiative, c'est que Genève devienne le seul canton de notre pays à ne pas atténuer la double imposition économique; les dividendes, que ce soit en matière de fortune commerciale ou de fortune privée, seraient imposés à 100%. Genève serait le seul canton helvétique à procéder de la sorte. Voilà pour le cadre.

Quelles sont les trois critiques majeures que l'on peut formuler à l'encontre de cette initiative ? Le premier constat, c'est que dans le titre, dans l'exposé des motifs ainsi que dans le rapport de première minorité, on parle de gros actionnaires, de personnes qui gagneraient des fortunes en dormant. Evidemment, on pense tout de suite à de grands actionnaires de sociétés cotées comme Coca-Cola, UBS ou Credit Suisse. Or ce ne sont pas ces gens-là qui seraient victimes - le mot n'est pas usurpé - de ce texte. En effet, le système helvétique permet l'atténuation de la double imposition économique à une condition, à savoir qu'il y ait un seuil de détention de 10%. Qui en Suisse, et à Genève a fortiori, détient 10% d'une compagnie cotée ? Personne.

En réalité, ceux qui paieront les pots cassés, qui constituent la véritable cible de cet objet ne sont autres que ceux qui détiennent des sociétés familiales, des petites et moyennes entreprises, ceux qui sont actifs, qui sont parties prenantes dans ces PME. Ce sont ces personnes-là - il faut vraiment le souligner, il s'agit d'un élément clé - qui sont attaquées frontalement par l'initiative. On cherche en fait, et je ne comprends pas - je ne comprends pas ! - les raisons, à s'en prendre aux entrepreneurs qui font vivre le tissu économique genevois, qui créent des emplois, qui génèrent des richesses, qui prennent des risques, qui parfois dorment mal, qui portent de lourdes responsabilités, qui se montrent bienveillants envers leurs employés, qui transmettent des entreprises de génération en génération. Pourquoi ? Pourquoi attaquer ces gens-là ? C'était la première critique.

Le deuxième constat, vous l'avez bien compris: s'il existe dans l'entier des pays de l'OCDE et dans les vingt-six cantons et demi-cantons suisses des dispositifs pour limiter ou supprimer la double imposition économique, pourquoi un propriétaire de PME resterait-il dans le canton de Genève ? Et s'il n'y est pas encore installé aujourd'hui, s'il se trouve en Suisse ou à l'étranger, pourquoi viendrait-il y élire domicile ? On créerait au coeur de l'Europe une particularité parfaitement rédhibitoire quant à la création et au maintien d'entreprises, par conséquent au maintien d'emplois et de richesses, richesses qui sont nécessaires pour faire tourner notre Etat.

Chacun a sa propre idéologie, et je respecte les croyances de chacun et de chacune; on peut, par idéologie, être un adepte de la lutte des classes, considérer que les patrons sont - excusez-moi du terme - des salauds, mais on doit aussi adopter une approche pragmatique et empirique: ce sont eux qui créent des emplois, qui produisent des richesses. On n'a pas besoin d'aimer cela, mais il faut à tout le moins le respecter.

Enfin, le troisième élément, et c'est finalement le plus important, est le suivant: cette initiative va-t-elle augmenter les recettes fiscales ? Si toutes choses étaient égales par ailleurs, selon certaines projections de l'administration fiscale, on pourrait être tenté de dire: forcément, si on taxe les entreprises et leurs actionnaires - leurs gros actionnaires -, si celles-ci restent à Genève et si la croissance économique que l'on connaît se poursuit, il en résultera une hausse des revenus fiscaux. Mais si vous lisez le rapport du Conseil d'Etat et si vous avez écouté - je pense que c'est le cas - Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, vous aurez saisi que toutes choses ne sont pas égales par ailleurs, vous aurez compris que notre canton se retrouvera totalement isolé avec un système fiscal rédhibitoire. La conséquence, c'est que des sociétés s'en iront, que des propriétaires d'entreprise partiront, que des personnes actives ou parties prenantes dans des entreprises quitteront le territoire, et on fera alors face à une chute substantielle des recettes issues de l'impôt.

Ce qu'il faut savoir, c'est que Genève détiendra l'impôt sur la fortune le plus élevé de Suisse, étant précisé que l'impôt sur la fortune n'existe pas dans la plupart des autres pays qui nous entourent; vous aurez peut-être même un impôt sur la fortune qui augmentera de 50%, passant à 1,5%; vous aurez ce qui n'existe pas dans la quasi-totalité des Etats européens, l'impôt sur l'outil de travail; vous aurez un canton qui sera la seule collectivité en Europe à ne pas atténuer les effets de la double imposition économique. Bref, l'exode est garanti avec les répercussions que cela suppose.

Quand on consulte le rapport du Conseil d'Etat, on s'aperçoit que lui-même reconnaît que sur un plan fiscal, on ne peut pas aller plus loin. Bien au contraire, serais-je tenté de dire: aujourd'hui, à Genève, 34% des ressources créées sont soustraites par le fisc. Tout ce qui peut être taxé dans notre canton l'est, donc montrons-nous simplement responsables.

Encore une fois, je le dis par simple pragmatisme: mettons nos idéologies de côté. Avons-nous vraiment envie, pour des motifs politiques, électoraux ou démagogiques, de jouer avec le feu, de faire fuir de gros contributeurs, sachant que, je le répète, 1% des contribuables paient environ 60% de l'impôt sur la fortune ? Souhaitons-nous faire partir ces gens, ce qui aura des effets systémiques d'une grande violence ? On se retrouvera avec quoi ? Avec un accroissement de la dette, avec une hausse des impôts pour la classe moyenne, parce que si on augmente ici l'imposition, à terme, vu que les plus grands contribuables s'en iront - c'est une évidence -, la classe moyenne sera taxée davantage.

Voilà la conséquence de cette initiative. In fine, il y aura une diminution des prestations alors même que l'Etat de Genève doit faire face à des besoins en hausse. Mesdames et Messieurs, on ne peut pas jouer comme ça à la roulette russe, fût-ce pour des motifs électoraux. Pour toutes ces raisons et d'autres que j'invoquerai un peu plus tard, la majorité vous invite - elle ne vous enjoint pas, mais vous invite - à refuser cette initiative tout comme le principe d'un contreprojet. Merci. (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, pour commencer, il faut que tout le monde comprenne, surtout ceux et celles qui nous écoutent en dehors de ce parlement, ce que sont les dividendes. Les dividendes, ce sont des revenus de personnes physiques. Dans l'intervention du rapporteur de majorité, on avait parfois l'impression qu'il s'agissait des revenus des entreprises. Non, les dividendes sont les revenus de personnes physiques détentrices de capitaux, d'actions, ce sont des revenus détournés du réinvestissement dans l'entreprise pour être accumulés à titre privé par les détenteurs des actions.

Il est important de souligner que depuis trente ans, la part des bénéfices des sociétés qui sont réinvestis ne cesse de diminuer tandis que celle des bénéfices qui sont reversés à des privés sous forme de dividendes ne fait qu'augmenter. Il y a trente ans, la part des bénéfices réinvestis était de 70% en Suisse; aujourd'hui, elle s'élève à seulement 30%. En clair, cela signifie que les bénéfices ne sont plus réinvestis dans l'économie réelle, dans les entreprises productrices d'emplois, mais dans l'économie financière, dans la spéculation, dans les marchés financiers.

Je prends un exemple pour bien expliquer ce que cela signifie: Novartis, pour citer un exemple suisse, est une société qui distribue des dividendes, et ceux-ci ont augmenté de 7% par an ces vingt-cinq dernières années. C'est tout de même intéressant: l'entreprise Novartis verse sous forme de revenus à des personnes physiques des sommes qui croissent de 7% chaque année. Quel salarié ne serait pas heureux d'avoir une hausse de 7% de sa rétribution chaque année pendant vingt-cinq ans ? On voit bien comment la richesse est répartie dans ce pays entre le monde du capital, de la propriété, et celui du travail.

Je vous renvoie à une étude réalisée en France qui illustre ce problème: la détaxation, soit le recul de la taxation des dividendes, a abouti à un détournement d'une part des ressources sociales hors de la création d'emplois, hors de la production de richesses socialement utiles vers l'économie financière. Cette étude de Charles Boissel et Adrien Matray, qui a été publiée en juin 2022 - c'est tout récent - par le National Bureau of Economic Research, une prestigieuse institution néolibérale américaine, explique que pour chaque euro de moins imposé sur les dividendes, 0,3 euro est détourné de la création d'emplois. Ainsi, on voit bien que la hausse des dividendes, c'est l'augmentation de la fortune accumulée par des privés au détriment de la création d'emplois et de richesses socialement utiles.

Citons à nouveau Novartis: en 2013, cette compagnie a liquidé tout son département vaccins. Pourquoi ? Pour augmenter la valeur actionnariale de son capital et distribuer des dividendes. Elle l'a vendu à Glaxo pour 7,1 milliards et s'est retrouvée complètement démunie lorsque est arrivée la crise du covid, tandis que la société Glaxo est maintenant bien placée dans les boosters covid.

On voit bien que les dividendes, et c'est ce que ceux et celles qui nous écoutent doivent comprendre, c'est de l'argent détourné de l'entreprise au profit de particuliers, de privés. Voilà pourquoi, le rapporteur de majorité l'a évoqué en souriant, le président François Mitterrand parlait des dividendes comme de la richesse qu'on gagne «en dormant». Les salariés gagnent de l'argent en travaillant, les actionnaires en dormant.

Cela reste une vérité, qu'on le veuille ou non, et celle-ci doit être entendue. C'est l'une des raisons pour lesquelles cette initiative a été lancée, et pas pour des motifs électoraux ni démagogiques - dans ce cas, Monsieur le rapporteur de majorité, alors vous pronostiquez que nous allons gagner cette bataille électorale, merci ! -, mais bien pour des raisons de justice sociale, parce qu'il est totalement injuste que des entreprises puissent détourner en faveur de propriétaires d'actions une partie de la richesse créée par le travail.

Venons-en à la Suisse et à Genève. La Suisse est le pays qui distribue le plus de dividendes par habitant au monde, c'est-à-dire que c'est le pays le plus extraordinairement prodigue en matière de versement de dividendes. Pour vous donner un exemple - vous trouvez toutes ces données sur internet dans le Janus Henderson Global Dividend Index -, la Suisse a versé 18 milliards de dollars de dividendes au premier trimestre 2022. Premier trimestre 2022: 18 milliards de dividendes. Combien en a distribué l'Allemagne ? 5,4 milliards. 18 milliards, 5,4 milliards. Regardez la taille de l'économie allemande en comparaison de celle de notre pays. L'économie helvétique est une formidable machine à produire des dividendes en faveur des actionnaires.

En ce qui concerne Genève, puisque c'est finalement ce qui nous intéresse aujourd'hui, qui sont ces propriétaires de PME malheureux qui bénéficient d'une taxation partielle de leurs dividendes ? Eh bien ce sont 1600 personnes qui touchent un milliard de francs par an sous forme de dividendes - chiffres de l'administration fiscale. Faites une division, je la fais pour vous: ce sont 625 000 francs en moyenne de dividendes par an et par actionnaire bénéficiaire de cette taxation partielle. 625 000 francs par an, ça va, ça fait dans les 50 000 francs par mois juste en dormant; après, il y a encore le salaire, il y a les revenus de la propriété immobilière, parce qu'en général, ce ne sont pas des gens tellement démunis. On voit bien qu'ils sont très, très, très au-dessus de ce que peut espérer encaisser un salarié. Pourtant, ils ne sont pas imposés comme les salariés.

Alors on n'exige pas de les taxer de manière confiscatoire, on demande simplement qu'ils paient leurs impôts comme tout un chacun. Je perçois 100 francs, je paie mes impôts sur 100 francs; lui, il gagne 100 francs, il paie ses impôts sur 70 francs. Mais faites ce cadeau aux salariés, ils seront contents ! 30% de votre salaire n'est pas imposé, on n'en taxe que 70% ! Si on corrige cela, peut-être que la justice fiscale sera rétablie.

Par ailleurs, non seulement ces personnes sont imposées sur 70% de leurs revenus - ou 60% s'il s'agit de la fortune commerciale -, mais en plus, elles ne cotisent pas à l'AVS ni aux assurances sociales, ce qui engendre un gros déficit pour les institutions sociales en Suisse. On a donc une catégorie de contribuables - 1600 à Genève, 625 000 francs par an en moyenne - qui ne paient pas leurs impôts comme vous et moi et qui, de surcroît, ne cotisent pas aux assurances sociales, et on voudrait nous faire croire que les faire payer comme tout le monde sur 100% de ce qu'ils perçoivent serait inacceptable. Mais dans quel monde vit-on ?

Vous nous parlez de double imposition. Heureusement, vous précisez qu'il s'agit de double imposition économique, parce que vous savez bien que les personnes morales et physiques ne sont pas les mêmes sur le plan fiscal. En revanche, les salariés, eux, font l'objet d'une double imposition, toute simple celle-ci: la taxation de leurs revenus par l'impôt direct et la TVA, par exemple. Si vous voulez abolir la double imposition, eh bien commencez par supprimer la TVA ! Il s'agit bien d'une double imposition, fort peu sociale par-dessus le marché.

Cette initiative vise à rétablir la justice fiscale, surtout suite à la RFFA, la troisième réforme de l'imposition des entreprises, qui a fait baisser d'environ 50% à Genève l'imposition des bénéfices pour la plupart des entreprises et surtout pour celles que vous désignez. Puisque la RFFA a fait diminuer la taxation des bénéfices, elle va naturellement provoquer une augmentation de la distribution des dividendes. Il est tout de même indécent d'avoir réduit de 50% l'imposition des bénéfices des personnes morales et, dans le même temps, de ne pas taxer comme les salariés ou les retraités les bénéficiaires de dividendes, surtout ces 1600 personnes qui touchent un revenu de plus de 600 000 francs par an rien qu'avec des dividendes. Alors... (Remarque.) Oui, 600 000 francs fois 1600 personnes, on arrive à ce fameux milliard, une masse qui n'est pas taxée comme les autres revenus dans ce canton.

Si je ne convaincs par la majorité de ce parlement, qui défend des intérêts extrêmement concrets et qui est liée aux milieux patronaux, je suis sûr que notre initiative rencontrera auprès de l'opinion publique et du corps électoral une large approbation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous l'avons déposée; il s'agit d'aller dans le sens de la justice fiscale et de lutter contre ce qu'il faut bien appeler une monstruosité, c'est-à-dire un avantage indu qui est attribué aux plus privilégiés d'entre nous. Merci. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chères Genevoises, chers Genevois... (Exclamations.) ...la crise du covid, la guerre en Ukraine, les canicules répétées conduisent à des dépenses publiques importantes afin de maintenir notre société à flot. Nous allons devoir débloquer des postes pour des enseignants, des moyens pour de nouveaux logements. Les conséquences de ces crises sont incalculables. Il nous faut donc nous montrer prévoyants et ajuster avec intelligence notre fiscalité.

La pénurie de personnel est une réalité; pour les entreprises, ne plus trouver d'employés qualifiés constitue une menace mortelle, et cela nous préoccupe fortement. L'Etat doit y répondre en renforçant les structures de formation, en engageant des ressources pour développer nos PME et permettre à notre économie de continuer à tourner. Cela a été fait durant les deux dernières années de pandémie, et tout le monde s'en félicite. Mais cela a évidemment un coût, et un coût conséquent.

Nous manquons de bras alors que les plus fortunés de notre société ne manquent de rien; nous manquons de moyens pendant que les plus riches gaspillent à tout va. Nous sommes sous la menace d'une nouvelle vague de covid, la situation climatique, géopolitique et sociale est très grave. Economiquement, la situation se péjore fortement pour la classe moyenne et les petites et moyennes entreprises. Le coût de la vie, le montant des primes d'assurance-maladie et le prix de l'énergie prennent l'ascenseur, le pouvoir d'achat chute. (Brouhaha.) Il devient de plus en plus clair qu'il n'est pas viable que quelques privilégiés continuent de tirer leur épingle du jeu et d'engranger des bénéfices sans être imposés sur l'entier de leurs gains alors que la population, elle... (Brouhaha.) Merci d'écouter attentivement, chers amis de droite ! ...fournit un effort conséquent et paie au prix fort le coût des crises successives.

L'initiative populaire cantonale 179 a pour objectif de taxer davantage les dividendes des participations qualifiées en faisant passer leur imposition de 70% à 100%; elle vise simplement une suppression de la taxation privilégiée des dividendes introduite en 2009. Cela mettra ceux-ci sur pied d'égalité avec les salaires, les retraites et les dividendes des petits actionnaires. Il faut savoir qu'à ce jour, à Genève, pour un seuil de détention de 10% dans la fortune privée, les distributions sont imposables à hauteur de 70% seulement; pour un seuil de détention de 10% dans la fortune commerciale, les rendements, eux, sont imposables à 60% seulement.

Cette initiative ne concerne absolument pas les personnes morales, elle n'impacte pas les entreprises, elle ne touche que les personnes physiques disposant de participations qualifiées dans des entreprises...

Une voix. N'importe quoi !

M. Sylvain Thévoz. ...et percevant des dividendes. Cela concerne, mon collègue Jean Batou l'a rappelé, 1600 personnes à Genève. Ces dernières déclarent à peu près 1 milliard de francs de dividendes par an, soit environ 50 000 francs par mois et par personne. Ce sont ces contribuables-là que la droite défend en étendant le filet de ses prébendes... (Exclamations.)

Une voix. Mais c'est insultant !

M. Sylvain Thévoz. ...elle ne défend ni les PME ni les petites gens - vous transmettrez, Monsieur le président.

Une voix. Il ne connaît rien à l'économie.

M. Sylvain Thévoz. Par ailleurs, il faut savoir que 60% des petits entrepreneurs ne déclarent pas de bénéfices et se versent un salaire.

Une voix. Et pourquoi ? Pourquoi ?

M. Sylvain Thévoz. Ils ne sont donc absolument pas impactés par cette initiative. Probablement que vous répondrez, Monsieur Zweifel, quand vous aurez appuyé sur votre petit bouton pour prendre la parole !

Une voix. Avec plaisir !

M. Sylvain Thévoz. Le Conseil d'Etat, dans son rapport sur l'initiative, estime l'impact de celle-ci à minimum +79 millions de francs et maximum +157 millions de francs de revenus supplémentaires pour la collectivité, les Genevoises et les Genevois. Or cette évaluation ne tient pas compte des effets sur les communes genevoises. De manière générale, on peut considérer, selon l'estimation du gouvernement, que l'impact sur les communes représentera un tiers de l'impact cantonal; ce sont donc potentiellement 200 millions de francs en plus pour les collectivités, pour les Genevoises et les Genevois, pour les habitants, pour les PME que cette modification ramènerait annuellement dans les caisses publiques, qui serviraient à faire face aux fins de mois non plus difficiles, mais impossibles, et à maintenir notre société à flot. Cela, Mesdames et Messieurs, chères Genevoises, chers Genevois, contre un tout petit effort demandé à 1600 personnes se partageant un magot de 1 milliard de francs quand les trois quarts des Genevois n'ont pas un seul centime de fortune pour affronter un coup dur.

Une voix. Le magot démago ! (Rires.)

M. Sylvain Thévoz. Mesdames et Messieurs les députés, les salariés sont imposés sur 100% de leurs revenus et s'acquittent encore, Jean Batou l'a également souligné, d'une taxe supplémentaire sur leurs dépenses: la TVA, qui s'élève à 7,7% sur la plupart des biens. Il n'y a donc aucune atténuation pour les salariés. Pourquoi l'argument de la double imposition serait-il servi uniquement pour en protéger certains alors que d'autres paient plein pot ? En ce sens, exiger un effort supplémentaire aux bénéficiaires de dividendes se justifie pleinement.

Dans le tableau de comparaison intercantonale figurant dans le rapport du Conseil d'Etat, on lit que Bâle-Ville applique un taux de 80% pour atténuer la double imposition économique au niveau de la fortune privée et de la fortune commerciale, sans aucune répercussion notable par rapport aux grandes multinationales de la pharma installées sur son territoire; lors du passage à 80%, il n'y a eu aucun départ. Dès lors, un contreprojet intéressant pourrait contenir une proposition fixant le taux entre les 70% actuels et les 100% demandés par l'initiative; nous sommes prêts à en discuter.

Une voix. Pas nous !

M. Sylvain Thévoz. L'argument de la mobilité des entrepreneurs - le chantage au départ - est constamment invoqué par la droite au sujet de la fiscalité genevoise.

Une voix. Eh bien oui !

M. Sylvain Thévoz. Pourtant, alors que l'impôt sur la fortune est plus élevé à Genève qu'ailleurs, c'est le canton où les grandes fortunes ont crû le plus vite au cours des quinze à vingt dernières années, comme le montrent toutes les statistiques. Il faut donc intégrer au fait que l'entreprise est établie à Genève d'autres paramètres que le pur critère fiscal. S'agissant de la fortune, on parle de personnes physiques, et celles-ci ne se déplacent pas, comme on pourrait le penser, pour un aménagement du pourcentage d'impôt sur la fortune. Il faut ainsi écarter le chantage au départ de la droite.

On peut appliquer ce raisonnement à une majoration de l'imposition sur les dividendes qualifiés. Personne, au cours des auditions, n'a pu démontrer le contraire, c'est une question d'appréciation politique. Les experts économiques nous l'ont rappelé, nous sommes finalement placés devant un choix politique: faut-il demander un effort toujours plus grand aux Genevoises et aux Genevois, à ceux qui peuvent peu et bientôt plus du tout, ou augmenter la part de ceux qui peuvent beaucoup et peuvent encore davantage ? «La question, Mesdames et Messieurs, elle est vite répondue.»

L'initiative 179 articule une réponse concrète aux défis actuels pour faire face aux tensions les plus massives, inédites et inconnues depuis la Deuxième Guerre mondiale. Si on n'agit pas, les risques pour la société et les conditions-cadres de notre prospérité sont immenses. Il faut redouter que certaines personnes partent ailleurs, non en raison d'une fiscalité retouchée, mais à cause d'une paix sociale, d'une qualité de vie et d'un espace public à risque. Genève est le canton le plus inégalitaire de Suisse; si ces disparités s'aggravent encore avec la crise profonde que nous traversons, il est à craindre que la cocotte-minute sociale explose.

Nous soutenons évidemment cette initiative, nous sommes prêts à discuter d'un contreprojet si la droite daigne sortir de sa coquille fiscale et admettre que le monde change, que les enjeux d'aujourd'hui nous imposent de nous montrer plus solidaires, plus responsables en termes de politique fiscale. Nous acceptons ce texte, nous sommes prêts à travailler sur un contreprojet, mais la majorité de droite, et ce n'est pas vraiment une surprise pour nous, ne semble guère ouverte à sortir de cette coquille. Nous nous réjouissons de passer, s'il le faut, en votation populaire pour que le peuple puisse s'exprimer. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Pour faire suite à l'excellente présentation du rapporteur de majorité, j'aimerais encore préciser quelques éléments. Cette initiative appelée «Supprimons les privilèges fiscaux des gros actionnaires» a un titre trompeur et, comme cela a déjà été indiqué, aura des conséquences absolument désastreuses pour nos PME; elle ne concerne pas les riches, mais au contraire, touchera les entrepreneurs qui détiennent 10% ou plus de leur entreprise.

L'idée est de supprimer l'atténuation de la double imposition pour les petits entrepreneurs. Aujourd'hui, une personne détenant 100% de son entreprise est imposée à hauteur de 100% sur 10% des dividendes versés et de 70% sur le solde des dividendes restant, soit 90% de ceux-ci. Encore une fois, les riches actionnaires détenant des portefeuilles d'actions ou ceux du 1% des entreprises genevoises payant 80% des impôts des personnes morales ne sont absolument pas impactés. Pour répondre à M. Batou, il faut absolument insister sur le fait que les gros actionnaires qui détiennent des participations de Novartis, UBS, Coca-Cola ou de toute autre multinationale ne sont pas visés par ce texte.

Cette initiative péjorera uniquement nos PME, qui représentent une part essentielle de notre économie locale, qui fournissent la majorité de nos emplois. Alourdir les charges fiscales de nos entrepreneurs et de nos PME est totalement contreproductif; si on le fait, il y aura inévitablement des effets sur l'emploi ainsi que sur les recettes fiscales. De plus, et il faut le souligner, la double taxation a été réduite avec la récente loi sur l'imposition des entreprises. On ne peut pas, tous les deux ans, alourdir encore les impôts de nos entrepreneurs et de nos PPE.

Des voix. PME.

M. André Pfeffer. PME, pardon. Le groupe UDC dénoncera et contrera naturellement cette initiative. Merci de votre attention.

Des voix. Bravo. (Applaudissements.)

M. Alexandre de Senarclens (PLR). L'initiative 179 aurait pu s'intituler «Qui veut tuer les PME ?» ou «Qui veut plus de chômage à Genève ?». Avec l'IN 185 dont nous avons parlé abondamment hier, elle forme un binôme tout à fait mortifère pour notre canton. C'est une lutte idéologique, dogmatique de la part d'une gauche qui combat les conditions-cadres à Genève, qui combat les PME, qui combat les entrepreneurs, parce qu'elle ne connaît rien au monde de l'entreprise, n'a certainement jamais vu un bilan ou un compte de pertes et profits, n'a jamais dû payer des charges, des salaires, des fournisseurs, n'a jamais vu de près ou de loin un client, un contrat, un mandat, et ne sait rien des risques de l'entrepreneur. Pour cette gauche-là, les entreprises représentent juste des vaches à lait.

Nous avons entendu des poncifs absolument ridicules. L'exemple de Novartis est absurde, puisque l'initiative ne concerne précisément pas ce type de société; d'ailleurs, aucun membre de la famille Hoffmann ne détient plus de 10% du capital de Novartis et, de toute façon, ils ne sont pas domiciliés à Genève. La même chose pour toutes les entreprises du SMI ou du SPI: de toute évidence, on ne possède pas 10% d'actions, de capital-actions de celles-ci. Ceux qui détiennent une large partie de ces sociétés, ce sont nos institutionnels, ceux qui font vivre notre premier et notre deuxième pilier.

Par ailleurs, cette gauche méconnaît complètement le tissu économique genevois, ignore que des milliers d'entreprises, d'entrepreneurs se battent tous les jours pour faire prospérer Genève, pour créer des emplois et pour payer, c'est une réalité, des centaines de millions au canton de Genève afin que celui-ci puisse mener des politiques sociales, construire des écoles et faire vivre notre Etat.

La simple existence de cette initiative - comme celle de l'initiative 185 - fait du tort à Genève, entache notre réputation, déstabilise les entrepreneurs, ceux qui veulent entreprendre dans notre canton; ce binôme mortifère, je le répète, pour Genève - l'initiative 179 et la 185 - leur donne juste envie de quitter notre territoire.

Il faut relever que ce texte créerait une double imposition; cela signifie qu'on serait taxé à plus de 45%, largement plus, avec une fiscalité pleine et entière au niveau de la société et une fiscalité entière au niveau de la personne physique. C'est précisément pour cela que la réforme a été mise en place, pour éviter un biais fiscal, pour éviter que quelqu'un ait un intérêt à se mettre en raison individuelle plutôt que d'exercer son activité en personne morale. Voilà l'objectif de cette règle qui veut éviter la double imposition.

Comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, notre canton constituerait une exception non seulement suisse, mais carrément mondiale. «Noch eine Genferei !», s'exclameraient les Suisses allemands. Encore une fois, c'est une image désastreuse qu'on donnerait au reste du pays. Sans parler de l'instabilité fiscale que l'initiative créerait. La Suisse est connue pour une certaine stabilité juridique, en particulier dans le domaine fiscal, contrairement à notre grand voisin français, qui, tous les cinq ans ou même moins, modifie ses lois fiscales, ce qui déséquilibre un pays comme la France. Ne tombons pas dans ce travers. Nous avons voté en 2019 la réforme RFFA, elle est entrée en vigueur tout récemment, ne perturbons pas un système qui marche et qui fait la prospérité de notre canton et donc des caisses de l'Etat.

Tout comme l'initiative 185, l'IN 179 est suicidaire. Cela a été rappelé hier, nous avons une pyramide fiscale très aiguisée à Genève et il faut pouvoir compter sur ces entrepreneurs, sur ces gens qui versent l'essentiel de l'impôt - je rappelle que 4,2% des Genevois paient plus de 50% de l'impôt. Dès lors, il faut rejeter massivement cette initiative, et le PLR sera farouchement opposé à un quelconque contreprojet. Il faut refuser cette initiative parce que nous voulons un Etat social qui fonctionne, parce que nous voulons des écoles, des universités, parce que nous voulons que les Genevois puissent continuer à prospérer, à investir pour le bien de tous dans notre canton. C'est pour ces motifs que le PLR se battra contre cette initiative. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les Vertes et les Verts ont examiné cette initiative de façon non doctrinaire, ont tenté de faire la part des choses et restent très partagés à son sujet. Je vais présenter quelques arguments pour et contre.

D'abord, suite à la votation sur la RFFA, les entreprises de ce canton, du moins celles qui produisent des bénéfices, ont obtenu une réduction substantielle de leur imposition. Dans le même temps, l'imposition des dividendes a été légèrement augmentée, passant de 60% à 70% pour un seuil de 10% de la fortune privée. Pour notre part, nous avons toujours estimé que le taux global de 13,99% retenu lors de la réforme RFFA était trop bas. Une compensation plus large par une déduction moindre de l'imposition des dividendes serait donc la bienvenue. Cet argument plaide plutôt en faveur de l'acceptation de l'initiative.

D'autre part, comme cela a déjà été mentionné, la réduction de la taxation des dividendes ne concerne que les participations de plus de 10% dans une société. Il peut arriver qu'une telle participation soit détenue par une personne physique extérieure à la société et, dans ce cas, il ne s'agit clairement pas d'une double imposition, ce qui, une fois de plus, plaiderait pour un soutien à l'initiative. Il se trouve que cette dernière situation que je viens de citer - un privé extérieur à l'entreprise, mais qui possède plus de 10% de son capital - est très rare. En commission, on ne nous a pas dit que ça ne pouvait pas arriver; le rapporteur de majorité soutient que cela n'existe pas, mais ce n'est pas sûr.

Dans la plupart des cas - ce sont les situations qu'on a évoquées -, les personnes détiennent des parts dans leur propre entreprise, entreprise qui peut d'ailleurs être petite ou grande. Ces propriétaires peuvent être rétribués soit en dividendes, soit en salaire, ou une combinaison des deux. Dans ce cas de figure, il est tout à fait possible de parler de double imposition. Les experts que nous avons entendus nous ont expliqué que pour conserver une équité de traitement entre les sociétés anonymes et les raisons individuelles, une imposition de 80% des dividendes serait justifiable, mais qu'un taux de 100% est excessif. Cet argument plaide donc pour le rejet de l'initiative; en fait, cela plaiderait plutôt pour un contreprojet à 80%, puisque les experts nous ont indiqué que la balance se situait à ce niveau. Voilà pourquoi nous entrerons en matière sur le principe d'un contreprojet qui proposerait un taux autour de 80%.

Les Vertes et les Verts oscillent entre le besoin d'imposer à 100% les dividendes de personnes physiques extérieures à l'entreprise et la préservation du fonctionnement de petites structures organisées en sociétés anonymes. Pour certains d'entre nous, le risque de dégâts collatéraux sur les PME est trop important; ils et elles rejetteront donc l'initiative. Les abstentions sont également possibles, comme vous le savez, Monsieur le président.

Pour conclure, je formulerai encore deux remarques. Premièrement, l'affirmation du rapporteur de majorité, qui a insisté sur le fait que l'initiative conduirait à la disparition totale des PME, nous paraît excessive. Toutes les PME ne versent pas de dividendes à leurs propriétaires; elles peuvent très bien fonctionner avec des systèmes salariaux, comme cela a été souligné. On peut aussi penser à des modèles de coopératives qui ne travaillent pas avec des dividendes.

Deuxièmement, comme vous le savez, les Vertes et les Verts ne sont pas fondamentalement opposés à une imposition supplémentaire des grandes fortunes et des gros revenus, ainsi que nous l'avons expliqué hier dans notre prise de position sur l'initiative 185. Dans le cas présent, le risque placé sur les PME nous paraît simplement exagéré. Nous voterons dès lors de façon panachée, comme indiqué précédemment. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). Il nous reste sept minutes, très bien. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les fossoyeurs de notre économie genevoise ne manquent pas d'imagination, il faut bien le reconnaître: après les débats nourris d'hier soir lors du traitement de l'IN 185 relative à l'impôt sur la fortune et au bouclier fiscal, après s'être attaqués aux grosses fortunes et aux forfaitaires fiscaux, voilà que nos apprentis sorciers, nos grands magiciens, nos joueurs de bonneteau s'en prennent maintenant aux entreprises.

Les actionnaires d'une entreprise - j'en possède une -, c'est d'abord Monsieur Tout-le-Monde: au travers des actions prises, ils font vivre la société, y investissent, lui permettent de fonctionner, de se développer, de payer ses employés. En l'occurrence, je connais bon nombre de chefs d'entreprise qui donnent des actions à leurs salariés pour les intéresser sous forme de participations. Cela existe, oui, il y a des patrons vertueux et imaginatifs.

Et si la bourse descend, ce qui est le cas ces derniers temps - quand on fait une coupe à peu près linéaire sur les deux dernières années, on se rend compte qu'il y a une légère augmentation, mais une certaine stabilité, c'est monté très fort et ça descend aussi très fort en ce moment -, celui qui investit subit la double peine: non seulement la perte sur son investissement, mais également la décote de l'entreprise sur laquelle il a misé, ce qui le péjore beaucoup. Souvent, ces petits investisseurs capitalisent pour leur retraite.

Je dirais: pas d'actionnaires, pas d'entreprises; pas d'entreprises, pas d'investissements, pas d'employés, donc davantage de chômage. Cette initiative va tuer la vie des entreprises, cela a été relevé, ce qui augmentera le taux de chômage genevois, qui figure déjà parmi les plus élevés de Suisse. Un brillant autogoal pour les fossoyeurs de l'économie genevoise, comme je l'indiquais hier soir. Et là, bis repetita. L'UDC refusera évidemment cette initiative suicidaire ainsi qu'un potentiel contreprojet. Je vous remercie.

Une voix. Bravo. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à Mme Delphine Bachmann pour six minutes quinze.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président, je n'aurai pas besoin de six minutes quinze. Je ne reviendrai pas ici sur les considérations techniques ni sur le large panel qui serait touché par cette initiative. Toutefois, je souhaite soulever deux points.

Premièrement, ces mêmes contribuables chez qui on va systématiquement chercher de l'argent sont ceux qui financent non seulement notre canton sur le plan des prestations, mais également, et il ne faut pas l'oublier, les associations, le sport, la culture, par le biais d'actions et de fondations privées. Souhaitons-nous vraiment perdre les ressources qu'ils investissent dans le tissu culturel genevois ?

Deuxièmement, ne devrions-nous pas nous poser la question d'une fiscalité raisonnable ? Dans notre canton, la fiscalité est devenue une variable d'ajustement permanente par rapport au budget en raison d'une vision déficitaire et de politiques malheureusement incapables de faire des choix. Alors certes, comme le mentionnait M. Thévoz, le monde change, mais la réponse aux changements peut aussi consister à opérer des choix de dépenses et à témoigner un peu plus de considération à celles et ceux qui, en tout cas jusqu'à ce jour, permettent précisément de financer les prestations étatiques. (Applaudissements.)

Mme Françoise Sapin (MCG). Bis repetita. Eh oui, bis repetita, puisqu'il s'agit du même sujet que l'IN 185 qui nous a occupés hier soir et sur laquelle les débats ont été houleux. Mais cette fois, on s'attaque aux propriétaires de sociétés, ces méchants patrons qui produisent des bénéfices et qui se versent des dividendes. Certes, les riches propriétaires qui ont un portefeuille d'actions sont aussi visés par cette initiative, mais il faut tout de même 10% de participations pour être touché par la mesure, et je ne pense pas qu'à Genève, beaucoup de gens détiennent 10% de Nestlé, de Novartis ou d'UBS.

Par conséquent, et cela a déjà été signalé à plusieurs reprises, le texte concerne essentiellement les gens actifs dans le canton. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, 90% de notre tissu économique est composé de PME. Si ces personnes, qui sont souvent propriétaires à 100% de leur entreprise ou qui ont cédé quelques actions à leur personnel, engrangent des bénéfices, ainsi que l'a relevé M. Ivanov, c'est grâce à leur travail, ces résultats sont le produit de leurs efforts.

Ils paient déjà l'impôt sur le bénéfice via la société et, s'ils veulent se distribuer des dividendes, ils repassent à la caisse sur 70%. Il y a donc double imposition économique, en tout cas à hauteur de 70%. Changer cela se révélerait très dommageable pour les chefs de PME, qui doivent aussi prendre des risques, réinvestir une partie de leurs bénéfices pour la continuité de leur entreprise. Par ailleurs, cela réduirait considérablement l'attractivité du canton de Genève.

Beaucoup de choses ont été dites, je ne vais pas tout répéter. Je doute que les représentants des bancs d'en face soient d'accord de verser des impôts une deuxième fois sur 70% de leur salaire. Pour toutes ces raisons, le MCG dira non à l'initiative et non au contreprojet.

Une voix. Bravo. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, quel débat caricatural avec, il faut bien le dire, des points de vue complètement idéologiques du côté des bancs d'en face, comme on dit - en effet, Madame Sapin, cela s'applique pour vous et moi, puisque nous sommes véritablement toujours en face.

D'abord, j'aimerais répondre à Mme Bachmann, qui indique en substance que oui, les impôts seraient une variable d'ajustement. Eh bien non, c'est précisément l'inverse, parce que la majorité de droite de ce canton a organisé une pénurie des recettes... (Exclamations.) ...et qu'au final, la variable d'ajustement... (Commentaires.) Laissez-moi finir, je vous ai écoutés, laissez-moi m'exprimer ! La variable d'ajustement, en réalité, ce sont les prestations de l'Etat, qui sont indispensables à la population. Voilà, Mesdames et Messieurs, le système que vous avez créé en orchestrant la pénurie.

Les propos du représentant du PLR, M. de Senarclens, sont tout de même assez incroyables: il résumait tout à l'heure les dépenses de l'Etat au social, évoquant par exemple les écoles. Mais vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Comment imaginez-vous que ça se passe, Monsieur de Senarclens - vous transmettrez, Monsieur le président -, dans les pays où les écoles ne fonctionnent pas ? Vous croyez que l'économie tourne bien ? Arrêtez de prétendre que les prestations étatiques servent juste à faire la charité; elles font aussi marcher l'économie, votre économie ne fonctionnerait pas sans elles.

Une voix. Bravo !

M. Cyril Mizrahi. Voilà la première chose que je voulais souligner.

J'en viens maintenant à l'argument d'autorité qui nous est constamment servi: «Ouais, mais de toute façon, vous n'y connaissez rien !» C'est quelque chose qu'on ne peut plus entendre, et c'est relativement piquant de la part des mêmes personnes de la majorité qui nous disaient hier: «Une fortune de 3 millions, on y est extrêmement vite !» On a également entendu que trois ou quatre immeubles, ce n'est pas grand-chose ! Et aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, on apprend que les actionnaires, c'est Monsieur Tout-le-Monde ! Eh bien je vais vous faire un aveu: en ce qui me concerne, je ne sais pas, je ne dois pas faire partie des Monsieur Tout-le-Monde, mais je ne suis pas actionnaire, tout comme la majeure partie des habitants de ce canton qui ne détiennent pas une fortune de 3 millions, même si on y arrive tellement rapidement ! La majorité des gens ne possèdent pas trois ou quatre immeubles, ne disposent même pas d'un bien immobilier ! Mais vous en êtes où, franchement ?

Une voix. Mais tu es propriétaire, toi !

M. Cyril Mizrahi. Vous nagez en plein délire ! Je ne possède pas trois ou quatre immeubles, Monsieur...

Une voix. Mais tu es propriétaire !

Une autre voix. S'il vous plaît !

M. Cyril Mizrahi. Laissez-moi poursuivre !

Le président. S'il vous plaît !

M. Cyril Mizrahi. Ce que je constate, pour ma part, c'est que sur les bancs de la majorité, on a une connaissance assez lacunaire de la réalité sociale, une connaissance surtout du petit milieu qui nous entoure, mais pas du reste de la population.

Ce n'est évidemment pas notre cas, et je commence à en avoir un peu ras la casquette d'entendre dire que la gauche ne connaît rien à l'économie. Nous, on ne vous reproche pas, chaque fois que vous attaquez les fonctionnaires, de ne rien savoir de la fonction publique. D'ailleurs, vous en faites partie aussi, n'est-ce pas ? Nous aussi, nous sommes dans l'économie ! Moi aussi, je suis chef d'entreprise, je sais ce qu'est un bilan, je sais ce que c'est que de verser des salaires, je sais ce que c'est que de me payer quand j'ai versé les salaires, alors arrêtez, s'il vous plaît, arrêtez de me faire la leçon ! (Applaudissements.) Et si j'ai choisi l'entreprise individuelle et non la société, si je n'ai délibérément pas créé un sujet de droit supplémentaire, c'est que j'assume sur l'entier de mon patrimoine, d'accord ? Donc cessez de comparer la situation des entrepreneurs en entreprise individuelle avec celle des gens qui créent des sociétés. De toute façon, même comme ça, vous le savez, la plupart des PME organisées sous forme de sociétés ne réalisent pas de bénéfices. Alors, de grâce, arrêtez de nous faire passer pour des fossoyeurs de l'économie.

Ce que l'on observe, c'est que d'autres cantons imposent à plus de 70%, comme Bâle-Ville, dont le taux s'élève à 80%. Ce sont des choses qui peuvent et qui doivent se discuter, et c'est la raison pour laquelle nous soutiendrons non seulement l'initiative, mais également un éventuel contreprojet. Voilà, j'en ai terminé, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Yvan Zweifel pour quatre minutes dix-neuf.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Je suis très heureux de prendre la parole après M. Mizrahi, qui a expliqué ici que la droite de ce parlement cherchait à provoquer la pénurie des recettes fiscales. Faut-il lui rappeler quelques chiffres ? Entre 2011 et 2021, c'est-à-dire sur les dix derniers exercices, la population a augmenté de 10% alors que les recettes fiscales, elles, ont progressé de 40% - quatre fois plus, Monsieur Mizrahi, que la hausse démographique ! Quant aux charges de l'Etat, elles ont crû de 29%, 2,9 fois plus que l'augmentation de la population. Oser soutenir que l'on organiserait la pénurie, c'est soit n'avoir rien compris, soit faire semblant - dans votre cas, j'imagine que c'est un petit peu des deux. (Rires.)

Mesdames et Messieurs, soyons sérieux. Je ne reviendrai pas sur les excellents arguments qui ont déjà été cités pour expliquer que nous parlons ici de gens qui sont des patrons de PME, parce que personne ne possède 10% de Novartis, d'UBS, de Credit Suisse ou de Nestlé, comme le sous-entend M. Batou qui nous abreuve d'études anglo-saxonnes sur des sujets qui n'ont strictement rien à voir; qu'il lise les bilans des entreprises genevoises au lieu de s'occuper de choses qui se passent de l'autre côté de l'Atlantique.

En ce qui concerne les chefs d'entreprise, Mesdames et Messieurs, et il y en a plusieurs dans cette salle, M. Batou a indiqué: «Ils doivent s'acquitter de leurs impôts comme les autres», insinuant qu'ils n'en paieraient pas autant que leurs salariés, par exemple. Alors quels impôts verse un patron, Monsieur Batou - Monsieur Thévoz, c'est pour vous aussi -, au titre de son entreprise ? Parce que oui, ce sont deux sujets distincts, mais évidemment que c'est la même chose, puisqu'il est propriétaire à 100% de son entreprise.

Il verse d'abord un impôt sur le bénéfice, puis un impôt sur le capital de l'entreprise, un impôt sur ce qu'il a investi, donc, et qui pourrait être utilisé pour autre chose, un impôt qui n'existe dans aucun autre pays de l'OCDE. Il paie ensuite à Genève la taxe communale professionnelle, une taxe qui n'existe nulle part ailleurs, ni dans les autres pays de l'OCDE ni dans les autres cantons genevois... Euh, suisses, pardon - on aimerait bien qu'ils soient genevois, mais ce n'est pas le cas !

Il s'acquitte encore, Mesdames et Messieurs, de la redevance TV. Il la paie en tant que personne physique et encore une fois au travers de sa société, laissant ainsi entendre que ses employés se la couleraient douce en utilisant le matériel de l'entreprise pour regarder la télévision ou écouter la radio; c'est complètement stupide, mais en effet, il paie deux fois cette redevance TV. Il verse alors, parce qu'il est à la fois propriétaire et salarié de son entreprise, puisqu'il y travaille - c'est son outil de travail, il reçoit un salaire -, un impôt sur le revenu au titre du salaire qu'il s'est octroyé plus les charges sociales tant aimées par M. Batou. Il paie par ailleurs, Mesdames et Messieurs, un impôt sur le revenu au titre du dividende qu'il se distribue.

Enfin, il paie un impôt sur la fortune pour la valeur de son entreprise. Dans l'enfer fiscal qu'est la France - elle l'est toujours, même si celui-ci a un peu diminué -, même lorsque l'impôt sur la fortune était prélevé sur à peu près tout, il est une chose à laquelle on ne touchait pas, c'était l'outil de travail. M. Batou et la gauche n'ont toujours pas compris que cela ne marchait pas.

Voilà tout ce dont s'acquitte un entrepreneur. Venir dire ici, oser dire - oser dire ! - qu'un patron paie moins d'impôts que ses salariés avec tout ce que je viens d'énumérer, c'est comme pour M. Mizrahi: soit vous n'avez rien compris, soit vous faites exprès, et j'imagine que comme lui, c'est un peu des deux.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs - et je vais conclure là-dessus: on n'est plus dans la lutte des classes, M. Thévoz et M. Batou l'ont transformée en envie sociale. On nous fait croire que les chefs de PME sont tous des salauds qui dorment sur une montagne d'argent alors que cet argent, c'est souvent celui qu'ils ont pris de leur retraite pour investir, pour prendre des risques, pour produire quelque chose, pour entreprendre, pour créer de l'emploi. Et vous, vous êtes tout simplement en train de leur cracher dessus. On n'est pas en train de parler des actionnaires de Novartis, de Nestlé ou de je ne sais quelle autre multinationale; par ailleurs, comme quelqu'un l'a déjà souligné, ce sont d'abord des institutionnels qui y détiennent des parts, c'est-à-dire nous-mêmes, au travers de nos rentes. Non, on parle de patrons de PME.

En vous écoutant, je me souviens de cette citation, je ne sais plus de qui elle est: «La critique est un impôt que l'envie perçoit sur le mérite.» Messieurs de gauche, Mesdames de gauche, vous en êtes le plus bel exemple. C'est pourquoi le PLR vous invite, comme l'a très bien fait mon collègue de Senarclens, non seulement à refuser cette initiative mortifère, mais également à rejeter tout contreprojet afin de donner un signal extrêmement clair à nos patrons: restez ici, venez ici, investissez, créez de l'emploi, produisez de la richesse, voilà ce qui financera les prestations à la population.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). En s'attaquant constamment aux riches, la gauche genevoise donne l'étrange impression qu'elle s'imagine que nous vivons sur une autre planète, entièrement coupés du monde, où nous pourrions nous amuser à des jeux intellectuels: les pauvres s'en prennent aux riches, on est dans une sorte de marxisme dévoyé. Dans ce cas de figure comme dans beaucoup d'autres - pensons au débat d'hier soir -, on se retrouve à réaliser ces exercices intellectuels qui sont délétères, qui se révèlent au final mortifères.

Qu'est-ce que cela signifie ? On attaque la fortune commerciale genevoise; bon, attaquer la fortune commerciale genevoise, qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'on défavorise l'économie genevoise par rapport aux économies d'ailleurs, c'est-à-dire qu'ici comme dans d'autres domaines, on privilégie l'extérieur. C'est comme lorsqu'on favorise les travailleurs frontaliers au détriment des employés locaux, on est dans la même logique: tout pour les autres, rien pour nous.

C'est ce que fait la gauche genevoise, hélas, quand elle est mal inspirée - heureusement, elle n'est pas toujours mal inspirée, mais elle l'est beaucoup trop souvent; elle l'est en tout cas lorsqu'elle s'attaque aux résidents genevois ou même aux grandes fortunes genevoises. Réjouissons-nous qu'il y ait des gens aisés à Genève, ce sont des personnes qu'il faut protéger comme il faut défendre les pauvres, comme il faut viser un système équilibré. Tout le monde ne peut pas être riche dans notre république. Alors bien évidemment, il y a la jalousie, l'envie, c'est le moteur qui pousse certains dans cet hémicycle, mais ce n'est pas la bonne manière d'agir. Comme l'indiquait hier l'un de mes collègues députés, Patrick Dimier, à force de vous attaquer aux riches, vous finirez par vous en prendre aux pauvres.

Le président. Merci. Je redonne la parole à M. Cyril Mizrahi pour cinq minutes vingt-huit.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Je vais essayer de ne pas épuiser l'entier des cinq minutes. Bon, ce que j'observe en écoutant les préopinants, c'est d'abord qu'on utilise toujours les mêmes arguments, et quand on n'emploie pas les mêmes formules parce qu'on est un brillant orateur comme M. Zweifel, eh bien on adopte un procédé bien connu qui consiste à dénigrer l'adversaire en soutenant qu'il n'a rien compris. Monsieur Zweifel, je ne vous ferai pas l'insulte de me mettre à votre niveau en disant que vous ne comprenez rien, ce qui n'est évidemment pas le cas; en réalité, vous savez très bien ce que vous faites.

Nous poursuivons simplement des objectifs différents. Le but de la gauche, c'est que chacun paie selon ses moyens pour financer l'Etat, pour payer des prestations qui servent à l'ensemble de la population, et ce que vous cherchez, vous, c'est à défendre les privilégiés, ceux et celles qui ont déjà le plus en leur donnant encore plus. Voilà, le sujet se limite finalement à cela, c'est un débat politique. Aujourd'hui, nous devons décider si on veut que chacun et chacune paie sa part ou qu'une partie des citoyens, qui figurent déjà parmi les plus privilégiés, continuent à bénéficier de privilèges et à payer moins que leur part. Je vous remercie.

Une voix. Très bien. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de deuxième minorité. Je souhaiterais rappeler quelques chiffres pour répondre brièvement à ceux qui, trop facilement, dénoncent Genève comme un enfer fiscal dans le sujet qui nous intéresse ici. Concernant les distributions imposables à hauteur de 70% sur les fortunes privées, Mesdames et Messieurs, une comparaison intercantonale nous met au niveau de Glaris, de Fribourg ou du Tessin et en dessous de Bâle-Ville. Il en va de même s'agissant de la fortune commerciale, imposée à un taux de 60% seulement dans notre canton; nous sommes même en dessous de Saint-Gall, de Fribourg et - vous trouvez la liste dans le rapport du Conseil d'Etat - de Bâle-Ville, qui la taxe à 80%.

Mesdames et Messieurs, l'exode des entreprises dénoncé à grand renfort d'effets de manche, avec un peu de mépris et souvent des attaques individuelles par la droite a-t-il eu lieu à Bâle-Ville ? Ce canton affiche-t-il une économie semblable à la France - on manifeste d'ailleurs beaucoup de mépris aussi pour nos voisins qu'on devrait respecter un peu plus -, est-il en train de s'écrouler ? Les avions décollent-ils encore à Bâle, est-ce que l'économie tourne ? Oui, ce canton nous donne des leçons de bonne gestion et de santé financière avec un taux de 80% pour les deux impositions qui nous concernent, soit 10% de plus que Genève.

La droite joue un jeu dangereux, Mesdames et Messieurs, en campant sur une position absolutiste qui consiste à dire: «Cette initiative, on la shoote, ah ah ah, vous êtes ridicules, vous n'y connaissez rien, vous êtes vraiment des gueux et des sans-dents !» - c'est à peu près ce qu'on a pu entendre. Méfiez-vous, Mesdames et Messieurs de la droite, souvenez-vous du 13 février où, à 62%, la population a voté contre la suppression du droit de timbre dans tous les cantons, sauf à Zoug, petit îlot de oui à l'échelle de la Suisse. Pensez au risque que vous faites courir, si vraiment vous y croyez, aux 1600 milliardaires en vous opposant au principe d'un contreprojet; on pourrait très bien monter jusqu'à 80%, voire 90%, dans le cadre d'un contreprojet solide. Vous êtes celles et ceux qui jouez le tout pour le tout sur une position idéologique plutôt que de discuter.

Peut-être qu'un taux de 70% est trop bas; peut-être que 100%, comme le propose l'initiative, est excessif. M. Pierre Eckert, en exposant la position équilibrée des Verts, qu'il faut saluer, a indiqué: «Pour nous, une imposition à 100% est exagérée, négocions.» 80%, comme à Bâle-Ville ? Est-ce que 90% est un peu trop ?

Peut-être aussi que Genève présente une situation singulière qui autorise à monter jusqu'à 90%. M. Zweifel corrèle toujours l'augmentation de la population avec celle des budgets, mais il prend une donnée générale, il ne nous dit pas quelle a été la hausse des personnes de plus de 65 ans. Combien, Monsieur Zweifel ? Ah, 3% ! Combien, Monsieur Zweifel, de jeunes qui décrochent de l'école avant 18 ans ou entre 18 et 25 ans ? Ah, ce n'est pas le même taux que l'augmentation démographique. Combien de familles monoparentales qui ne trouvent pas de place de crèche ? Non, non, ce n'est pas la même corrélation. Alors certes, les budgets augmentent, peut-être légèrement moins que la population globale, mais en comparaison des besoins criants de certaines catégories d'habitants, ils n'augmentent clairement pas assez, et vous le voyez au SPMi, au SPAd et dans différents domaines.

Que la fiscalité soit adaptée dans un canton-ville comme Genève, qu'elle soit peut-être légèrement plus élevée qu'à Fribourg, Glaris ou Saint-Gall, d'accord, mais s'il vous plaît, ne parlez pas d'enfer fiscal. Revenez sur terre, Mesdames et Messieurs de la droite, essayez de vous déplacer d'un degré et d'accueillir la possibilité - j'en terminerai par là - d'un contreprojet que nous appelons évidemment de nos voeux, vu la tournure des événements, pour trouver le bon équilibre entre un taux de 70% qui nous paraît insuffisant au regard des défis actuels et celui de 100% de l'initiative qui, pour certains, est trop radical. Soutenez le principe d'un contreprojet, discutons à la commission fiscale et rapprochons-nous - vu que ce canton semble constituer un modèle - de Bâle-Ville, qui, je le rappelle, a fixé son imposition à 80%. Merci beaucoup de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Monsieur Jean Batou, c'est à vous pour sept minutes vingt-cinq.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, on nous indique que les recettes fiscales augmentent beaucoup plus vite que la population. C'est vrai, les recettes fiscales augmentent plus vite que la population, et ce pour une raison très simple: nous évoluons dans un régime d'imposition progressive qui fait que les privilégiés, les plus riches d'entre nous contribuent beaucoup plus que les plus pauvres ou la classe moyenne. Mais si les plus aisés versent davantage d'impôts, cela ne signifie pas pour autant qu'il ne leur reste pas énormément de ressources après s'en être acquittés.

De deux choses l'une: soit on veut sortir du système d'imposition progressive pour que chacun paie selon ses possibilités, ses revenus, sa fortune, soit on veut le conserver. Ce dispositif constitue un correcteur des inégalités sociales. Les inégalités sociales explosent aujourd'hui dans le monde, chacun le sait. Il y a de plus en plus de pauvres et de plus de plus de très, très riches, et il est normal que dans un régime d'imposition progressive, la part des riches augmente.

C'est la raison pour laquelle ils s'organisent de plus en plus et, à travers leurs partis politiques, le PLR en tête, défendent des cadeaux fiscaux toujours plus importants en faveur des privilégiés. La baisse de l'imposition des dividendes qualifiés, c'est une décision de la deuxième réforme de l'imposition des entreprises, cela date d'une douzaine d'années. Avant, jamais personne n'avait annoncé de faillite parce que les dividendes qualifiés étaient taxés à 100%. Nous avons vécu des décennies de haute conjoncture avec une taxation des dividendes à 100%.

Aujourd'hui, vous vous exclamez: «C'est vraiment terrible, si vous demandez aux heureux bénéficiaires de dividendes de payer leurs impôts comme tout le monde, vous allez provoquer la ruine de ce canton, la ruine de Genève !» Mais laissez-moi rire, cela n'a absolument rien à voir, il s'agit simplement de demander à des gens qui perçoivent plus de 600 000 francs par an en moyenne, puisque ce sont eux qui sont concernés, de verser leurs impôts comme un salarié qui gagne non pas 600 000 francs, mais 60 000 francs par an. C'est une requête tout à fait élémentaire.

Ensuite, vous nous expliquez que les dividendes qualifiés concernent les propriétaires de PME. Oui, le très haut du panier. Parce que si la moyenne des revenus, rien que pour les dividendes, est de 625 000 francs par an, il ne s'agit pas de micro-entrepreneurs, il s'agit de personnes qui ont d'énormes moyens personnels. Ce que j'ai signalé, mais M. Zweifel n'a pas compris - vous transmettrez, Monsieur le président -, c'est que de manière générale, les dividendes, c'est le détournement d'une partie de la richesse créée, qui est sortie de l'entreprise pour rejoindre la fortune privée du patron alors que l'entreprise vertueuse, celle qu'on nous vante, est celle qui réinvestit ses bénéfices pour produire de la richesse sociale, créer de l'emploi. Comment expliquez-vous, parce que personne ne m'a répondu là-dessus, qu'il y a trente ans, 70% des bénéfices étaient réinvestis dans l'entreprise contre seulement 30% aujourd'hui ?

Ce détournement de la richesse sociale en direction des plus aisés explique en partie l'augmentation très rapide des fortunes privées aujourd'hui en Suisse, en particulier à Genève. De ce point de vue là, et je m'adresse aux Verts qui sont hésitants sur le sujet, eux qui sont partisans de la décroissance ou à tout le moins d'une croissance maîtrisée, comment accepter que des entreprises donnent à leurs actionnaires 70% de leurs bénéfices au titre de dividendes, que ceux-ci soient sous-taxés et que grâce à cela, ils accumulent des patrimoines considérables ? C'est absolument indéfendable.

C'est la raison pour laquelle notre groupe n'est pas favorable à un contreprojet, parce que cette discussion a une valeur, disons, d...

Une voix. Dogmatique ! (Rires.)

M. Jean Batou. Non, d'information, une valeur informative, elle permettra... L'arrogance du PLR est toujours un petit peu gênante, parce que les mêmes qui défendent les intérêts des grosses fortunes, des riches actionnaires, des grandes entreprises, des banques, sont souvent payés par eux, ce sont des fonctionnaires de ces secteurs-là, qui viennent nous expliquer, la bouche en coeur, qu'il faut soutenir les privilégiés.

Non, il faut une discussion au sein de la population, il faut lui poser la question suivante: trouvez-vous normal, trouvez-vous acceptable, trouvez-vous décent que des gens qui touchent 625 000 francs pas an, c'est-à-dire 50 000 francs par mois de revenus sur leurs dividendes, en plus de leurs autres revenus, ne soient pas taxés comme vous, Mesdames, Messieurs, salariés, retraités, même petits actionnaires d'ailleurs, qui payez plein pot sur le revenu ? C'est anormal, c'est choquant qu'il se trouve des personnes ici pour défendre ce système inique, et nous sommes sûrs que le peuple fera la différence entre les cris d'orfraie de ceux qui nous annoncent la faillite de Genève chaque fois qu'on demande aux privilégiés de faire leur part de l'effort collectif et ceux qui veulent simplement faire régner à Genève un peu plus de justice sociale. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole retourne à M. Sébastien Desfayes pour quatre minutes cinquante-quatre.

M. Sébastien Desfayes (PDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. C'est beaucoup plus qu'il ne m'en faut, parce que tout a été dit. Dans les derniers mots de l'intervention finale du député Jean Batou, on a bien compris le but de cette initiative. Il ne s'agit pas d'apporter des recettes fiscales supplémentaires à Genève, il ne s'agit pas de répondre aux défis que notre canton aura malheureusement à affronter pour fournir ses prestations; non, son objectif, c'est d'établir un dogme et de le soumettre à la population. Pour ma part, j'ai une vision à l'opposé de la vôtre, une approche non idéologique. (Rires.)

Voici la seule question qui se pose: cette initiative sera-t-elle mortifère pour le canton de Genève ? Conduira-t-elle au départ de patrons de PME ? Sera-t-elle destructrice d'emplois, dévastatrice pour la population genevoise ? Et, in fine, avec l'effet systémique que j'évoquais lors de ma première prise de parole, est-ce que ce ne sera pas la classe moyenne qui passera à la caisse et les plus pauvres qui ne pourront plus bénéficier des prestations sociales ? Je pense que nous obtiendrons la réponse maintenant avec le discours du Conseil d'Etat. Merci.

Une voix. PLR !

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je représente aujourd'hui la position de l'ensemble du Conseil d'Etat. (Rires.) Je crains, Mesdames et Messieurs, que les apparences de cette initiative soient trompeuses, parce que d'après ce que j'ai entendu des débats, nous ne sommes pas dans le rétablissement d'une certaine justice, nous sommes dans une fiscalité punitive s'agissant de celles et ceux qui gagnent plus d'argent que la moyenne. Et cela, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas acceptable: on ne punit pas le riche, on le taxe de façon proportionnée. Le pauvre ne paie pas d'impôts - je rappelle que 36,3% de notre population n'est pas imposée - tandis que le contribuable aisé, lui, en verse beaucoup.

De nombreux comparatifs ont été cités pour expliquer que Bâle-Ville, Glaris et je ne sais quel autre canton - Saint-Gall, peut-être - taxent les dividendes de façon plus importante. Alors c'est fort intéressant, Mesdames et Messieurs, mais la fiscalité constitue un tout, et on ne peut pas prendre ce qui nous arrange d'un côté sans réfléchir à la globalité. Or il se trouve, Mesdames et Messieurs les députés, que le canton de Genève est champion de Suisse. De quoi sommes-nous les champions ? Cela fera plaisir aux deux rapporteurs de minorité: nous sommes champions de Suisse en matière d'exploitation de notre potentiel fiscal.

Qu'est-ce que cela signifie ? Eh bien que dès que nous pouvons taxer, nous taxons. Et nous taxons plus, bien plus que les autres cantons. La moyenne globale d'utilisation du potentiel fiscal par l'ensemble des cantons helvétiques est de 25%. A Genève, nous sommes à 34%. Champions de Suisse ! Mais alors, quelle est la situation à Bâle-Ville ? Ce canton impose-t-il autant ? Eh bien pas du tout, Mesdames et Messieurs: son taux s'élève à 29%. Glaris: 21%, en dessous de la moyenne suisse. Quant à Saint-Gall, 24%, juste en dessous.

Que rappeler d'autre ? Eh bien que nous sommes également les champions du monde en matière d'imposition sur la fortune. Genève n'est pas un canton qui protège ses riches contribuables, nous les taxons déjà plus que de raison, et malgré cela, Mesdames et Messieurs, malgré cette fiscalité extrêmement importante, nous avons la chance que ces grandes fortunes soient encore installées dans notre canton. Cela étant, comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, à force de tirer sur un élastique, il finit par lâcher.

Aujourd'hui, l'entier des cantons pratiquent l'atténuation de l'imposition des dividendes. Pourquoi ? Tout simplement parce que le bénéfice de l'entreprise est déjà taxé, et c'est ce même bénéfice qui est reversé lors de la distribution des dividendes. Et comment est-il taxé ? Parce qu'on veut nous donner l'impression, finalement, que les personnes qui perçoivent des dividendes s'en mettraient plein les poches et ne paieraient pas du tout d'impôts à ce niveau-là. Il y a un chiffre qu'on ne vous a pas donné, Mesdames et Messieurs, c'est le nombre de taxations sur les dividendes qui font l'objet d'une imposition à 100%: plus de 30 000 taxations sur les dividendes sont imposées à 100%, et dans quelque 1500 autres dossiers, effectivement - il s'agit de participations qualifiées, soit plus de 10% -, le taux est réduit. Ainsi, l'immense majorité des personnes qui reçoivent des dividendes sont imposées à 100%.

Pour les autres, celles qui ont plus de 10%, cela a été dit, ce ne sont pas des investisseurs, Mesdames et Messieurs. Les règles d'investissements - j'imaginais qu'elles étaient connues de la plupart des membres de ce Conseil, mais ce n'est manifestement pas le cas -, c'est qu'on ne prend pas 10% d'actions d'une société dans laquelle on ne tient pas un autre rôle que simplement celui d'investisseur. En général, les participations qualifiées à plus de 10% concernent des personnes qui sont directement impliquées dans la société, qui y ont investi du capital - lequel est aussi taxé -, qui créent des emplois, Mesdames et Messieurs, qui font fonctionner notre économie et qui versent un maximum d'impôts dans notre canton, faut-il le rappeler.

On a évoqué la TVA - quel mirage ! - en indiquant que les salariés sont, eux aussi, doublement imposés, car ils paient la TVA plus que de raison. Mais enfin, Mesdames et Messieurs, l'ensemble de la population paie la TVA ! Les actionnaires, les sociétaires, lorsqu'ils dépensent, ils s'acquittent aussi de la TVA ! Il n'y a pas que les employés qui la paient.

Dans notre canton, nous avons la chance de disposer de revenus fiscaux extrêmement importants. M. Zweifel a cité certains chiffres sur les recettes fiscales, je peux pour ma part remonter encore plus loin: entre 1990 et 2021, Mesdames et Messieurs, celles-ci ont augmenté de 147%. Notre économie, nos rentrées financières se trouvent dans une forme olympique; nous l'avons constaté durant cette période de crise, notre économie est résiliente. Cela nous a permis d'assumer nos charges et cela nous permettra de les assumer encore, qu'elles soient liées au covid, aux réfugiés d'Ukraine, qu'il s'agisse de créer plusieurs centaines de postes dans l'administration chaque année pour délivrer les prestations.

Ne rompons pas cet équilibre, Mesdames et Messieurs, c'est dangereux. Nous devons maintenir notre niveau de revenus fiscaux qui, je le répète, est extrêmement élevé. Hier, vous avez décrié les gros contribuables de notre canton, vous leur avez craché au visage... (Protestations.) ...en estimant qu'ils ne payaient pas assez. Mesdames et Messieurs, entre 1990 et 2021, les recettes de l'impôt sur la fortune dans notre canton ont crû de 450%. Merci à ces contribuables de continuer... (Remarque.) Non, ce sont les revenus, Monsieur Batou, que cela vous plaise ou non, ce sont les revenus de l'impôt sur la fortune qui ont augmenté. Mesdames et Messieurs, soyons reconnaissants de pouvoir financer nos politiques publiques grâce à ces recettes très conséquentes.

J'aimerais encore vous dire autre chose, parce que chacun peut parler de son expérience en tant qu'entrepreneur, entrepreneuse, chacun peut s'exprimer, mais cela donne l'impression qu'au final, il y a deux camps. Or il ne doit y avoir qu'un seul camp dans notre canton: celui qui cherche à maintenir une prévisibilité fiscale, un équilibre des revenus. Pour ma part, je cherche à les préserver de façon que nous puissions augmenter nos rentrées fiscales, car c'est ce qui me permet de préparer des projets de budgets qui tiennent compte des besoins de l'entier de la population.

Lorsqu'on vous indique que cette initiative pourrait rapporter quelque 200 millions de francs, c'est faire fi de la mobilité des uns et des autres, c'est faire fi de l'inquiétude que je ressens chez nos gros contribuables et même chez les plus petits d'entre eux - parce qu'il n'y a pas de jugement à émettre sur la qualité du contribuable -, tous s'inquiètent.

Mesdames et Messieurs, je sais que vous prenez cela pour du chantage, mais le canton de Vaud se situe à côté du nôtre; l'aéroport est parfois plus atteignable depuis son territoire que depuis celui de Genève; l'impôt sur la fortune y est bien moins élevé que dans notre canton, l'utilisation du potentiel fiscal y est inférieure.

Continuons à bénéficier d'une économie résiliente, florissante, maintenons notre attractivité et notre prévisibilité, cessons d'inquiéter nos entrepreneurs et entrepreneuses, ne laissons pas penser que nous ne voulons plus que de gros contribuables s'installent chez nous, car cela nous permet de financer les prestations de celles et ceux qui en ont besoin. L'impôt sert à redistribuer les richesses; aujourd'hui, c'est ce que nous avons la chance de pouvoir faire dans notre canton. Félicitons-nous de cette chance, refusons cette initiative punitive, rejetons le principe d'un contreprojet et avançons ensemble en nous réjouissant d'avoir pu faire face aux crises que nous avons traversées. Merci, Mesdames et Messieurs.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Monsieur Burgermeister, on ne s'exprime plus après le Conseil d'Etat et, de toute façon, il ne vous reste que vingt-cinq secondes. (Commentaires.) Non, il n'y aura pas de prise de parole pour vous. A présent, Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, l'initiative 179 est refusée par 61 non contre 30 oui et 6 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 64 non contre 30 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons marquer une pause jusqu'à 18h. Je me réjouis que nous ayons retrouvé une certaine sérénité dans un débat qui s'annonçait clivant, peut-être encore plus que celui d'hier soir. Merci et à tout à l'heure !

La séance est levée à 17h40.