République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 juin 2022 à 14h
2e législature - 5e année - 2e session - 16e séance
PL 13092-A
Premier débat
Le président. Nous continuons l'examen des comptes avec les états financiers individuels de l'Etat de Genève, c'est-à-dire le PL 13092-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. Alberto Velasco.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Comme vous le savez, le débat a été largement déblayé ce matin, mais j'aimerais partager quelques observations. Les charges sont restées en ligne avec le budget, puisqu'il y a un non-dépensé de 26 millions par rapport au budget. Par contre, pour ce qui est des prestations sociales, on observe un non-dépensé de 94 millions par rapport au budget. C'est étonnant, parce que cela concerne 13 millions pour les bourses, 10 millions pour l'Hospice général et 29 millions pour les subventions aux entités. C'est quand même surprenant.
Ensuite, j'aimerais juste ajouter, Monsieur le président - parce que ce matin, je n'ai pas eu le temps de développer ce que je voulais dire à notre ministre des finances -, que quand on parcourt la LGAF, on n'y voit pas d'obligation d'avoir un budget équilibré. En réalité, on n'a pas besoin d'avoir un budget équilibré, on a besoin d'avoir une économie équilibrée. Et le budget doit s'adapter à cela. Ce que je veux dire par là, c'est que nous, les députés, quand on reçoit un budget équilibré, on ne sait pas ce que l'on nous demande; on ne sait pas si les départements ont des demandes qui ne seraient pas indiquées dans le budget. Je préférerais par exemple, personnellement, avoir un budget qui soit déséquilibré, en voyant que les demandes ne sont peut-être pas encore en accord avec les revenus. Mais ça, on ne peut pas le voir, parce que les budgets sont toujours équilibrés.
Enfin, Madame la ministre, vous nous avez indiqué, comme vous le faites année après année, que nos revenus fiscaux reposent sur la bienveillance d'un petit nombre de nantis de notre république. Ce que vous oubliez de dire, c'est que la majeure partie de cette richesse, Madame, est quand même fournie par une majorité de gens, qui disposent de très peu, alors qu'ils ont contribué tous et toutes.
Voilà, Monsieur le président, pour le reste, tout est très bien explicité dans mon rapport et je ne vais pas m'étendre beaucoup plus que cela.
Mme Françoise Sapin (MCG). Le MCG a déjà dit qu'il se réjouissait du bon résultat des comptes 2021 et qu'il les voterait. Toutefois, nous aimerions souligner quelques points.
Les rentrées fiscales, qui étaient bien supérieures à celles qui avaient été prévues - puisqu'on a 1 milliard de plus -, comprennent une partie non récurrente, puisqu'elle comporte notamment l'impôt sur les biens immobiliers. Il faudra donc être assez prudent les années prochaines, de sorte à pouvoir absorber toutes nos dépenses, surtout compte tenu de la situation mondiale très critique et de la guerre en Ukraine, qui risquerait d'avoir un impact sur les rentrées d'impôts de notre canton, étant donné que les sociétés actives dans le négoce sont assez importantes ici et qu'elles sont fortement imposées.
Nous aimerions encore relever un autre point. C'est une constante: cela fait plusieurs années que nous demandons que l'Etat se restructure et procède à des réformes structurelles de manière à baisser les dépenses. Au lieu de cela, le nombre de postes est en constante augmentation, sans aucune analyse de ce qui pourrait être amélioré ou supprimé. (Commentaires.) On ne fait que rajouter des couches au millefeuille. Nous espérons vraiment que dans un avenir le plus proche possible, une analyse structurelle soit menée et que l'on puisse compter sur des chiffres noirs toutes les années à venir. Nous voterons ces états financiers 2021.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Monsieur le président, j'ai oublié de dire que mis à part Ensemble à Gauche, qui s'est abstenu, tous les autres groupes ont voté ces comptes.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je souhaitais revenir brièvement sur quelques éléments, d'abord sur la diminution des dépenses sociales. Cela vous a été expliqué en commission, les besoins ont été manifestement moins importants; nous n'avons pas réduit ces dépenses. Celles-ci relèvent de lois extrêmement précises. Nous les avons évidemment appliquées pendant l'ensemble des années. Il se trouve que, visiblement, les aides covid ont permis de suppléer à certaines de ces dépenses et de les réduire. Pour ce qui est des bourses, là aussi, nous appliquons les lois et les demandes ont manifestement été en baisse. Je tenais donc à vous rassurer.
Concernant l'équilibre du budget, vous savez que le Conseil d'Etat a la possibilité de présenter des budgets déficitaires. Encore faut-il qu'ils soient couverts par la réserve conjoncturelle et que nous démontrions un retour à l'équilibre dans le plan financier quadriennal. Si tel n'est pas le cas, si nous n'arrivons pas à démontrer un retour à l'équilibre, des mesures d'assainissement se mettent en place. Vous vous souvenez de ce que cela signifie: une prestation versus une augmentation d'impôts, et cela laisse la possibilité au peuple de s'exprimer.
Je reviendrai rapidement sur les propos de Mme la députée Sapin. Vous avez raison de le souligner, la crise et la guerre en Ukraine nous fragilisent; elles fragilisent certains types de revenus. C'est une inquiétude pour le Conseil d'Etat. Vous avez également raison de souligner, Madame la députée, que nombre des revenus fiscaux dont nous avons pu bénéficier en 2021 étaient ponctuels et non pérennes. Il est très important de faire cette différence, parce que nous n'avons aucune assurance que ce scénario, avec ces revenus ponctuels, se reproduira. Vous mentionniez en particulier tout ce qui était en lien avec l'immobilier. On a vu qu'il y a eu énormément de transactions. Nous savons que nous disposons, dans le canton, de très peu de disponibilités en la matière. Il est donc vraisemblable que nous n'ayons pas les mêmes résultats en 2022 et dans les années à venir et que nous devions aussi assumer certaines baisses de revenus, notamment dans le cadre des sanctions et s'agissant de certaines entreprises qui ne pourront plus pratiquer leur métier pendant une certaine période. Nous devons effectivement être attentifs à ce que nous réserve l'avenir. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13092 est adopté en premier débat par 53 oui et 9 abstentions.
Deuxième débat
Le président. Je vais maintenant appeler les différentes politiques publiques. Vous aurez la possibilité pour chacune d'elles de poser les questions qui vous sont chères en relation avec la régularité des comptes. Vous indiquerez chaque fois s'il s'agit du compte de fonctionnement ou d'investissement. Bien entendu, vous n'êtes pas obligés de poser des questions ! (Le président énumère les politiques publiques B à H.) J'ai une question de M. Rémy Pagani. (Exclamations. Commentaires.) Vous avez la parole, Monsieur.
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Je suis désolé de troubler un peu la sieste et la quiétude des uns et des autres ! Il s'agit de 77 millions, qui ont été votés par la commission des travaux pour la construction de l'hôtel de police à l'aéroport. Il est proposé dans celui-ci 50 places, dans 24 cellules, pour enfermer les requérants d'asile refoulés. La commission s'est mise d'accord sur le fait d'abaisser le nombre de places de manière drastique, puisqu'on est passé de 24 à 11 - je dis cela de mémoire -, dont 4 places dans une cellule, pour des familles. En l'occurrence, j'ai interpellé le magistrat, M. Mauro Poggia, qui malheureusement n'est pas là, en rappelant qu'il est interdit à Genève d'enfermer des enfants ! Or il est prévu une cellule pour des familles, donc des enfants ! On nous a rétorqué que c'étaient les parents qui choisissaient, qu'on ne voulait pas séparer les familles, mais les parents... Madame la conseillère d'Etat, vous opinez du chef, sauf que c'est interdit à Genève ! C'est interdit ! Je l'ai affirmé devant Mauro Poggia qui a balayé cela d'un revers de main, mais je vous renvoie à la loi sur les étrangers: en Suisse - dans toute la Suisse -, il est interdit d'enfermer des enfants, qui ont, comme leurs parents, requis notre protection. Et j'aimerais bien...
Le président. Monsieur le député ?
M. Rémy Pagani. Oui ?
Le président. Si je peux me permettre, nous traitons la régularité des comptes, nous ne...
M. Rémy Pagani. Oui, mais je pose une question !
Le président. ...sommes pas dans les questions !
M. Rémy Pagani. Il s'agit de 77 millions ! On va consacrer un certain nombre de millions à construire ces cellules, et je pense que j'ai le droit de poser cette question au gouvernement, qui continue à enfermer des enfants alors que la loi suisse interdit d'enfermer des enfants de moins de 15 ans !
Le président. Je comprends, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. Et je rappelle que notre Grand Conseil a voté une résolution adressée au Parlement fédéral demandant d'interdire la détention des enfants de 15 à 18 ans ! On va consacrer de l'argent et des études à cela - on le fait déjà aujourd'hui -, pour malheureusement agir en contradiction avec le droit fédéral, le droit cantonal, la constitution genevoise et les conventions internationales ! Je pose donc la question: le gouvernement va-t-il continuer sur cette voie ? Alors que Mme la conseillère d'Etat a promis ou juré, comme nous aussi, de respecter la loi ! Or le gouvernement et M. Poggia ne respectent pas la loi. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mme Fontanet va vous répondre sur le fond, bien qu'il eût fallu poser cette question dans le cadre du rapport de gestion au moment du traitement de la politique publique en question. (Commentaires.) Madame Fontanet, vous avez la parole.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'aborderai deux éléments. D'abord, je regrette que vous n'ayez pas posé cette question lorsque mon collègue Mauro Poggia était présent, dans le cadre du débat sur le rapport de gestion. (L'oratrice insiste sur le mot «gestion».) Il s'agit de gestion du Conseil d'Etat, or là nous traitons de la conformité des comptes. Par ailleurs, je relève que la commission des travaux s'est déterminée sur cet hôtel de police et sur les différentes cellules, il y a eu un vote, qui n'a pas encore été repris en plénière. L'objet sera déposé en plénière, vous aurez l'occasion de vous exprimer. C'est pour l'instant une décision de commission. Si le vote final ne rejoint pas votre position, vous pourrez encore faire recours, Monsieur Pagani. Nul doute que vous saurez utiliser cette voie à bon escient. Merci.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Il y avait encore une question de M. Francisco Valentin. Monsieur Valentin, vous avez la parole.
M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président. Et pardon, Nathalie, je ne voulais absolument pas parler après la conseillère d'Etat... (Commentaires de désapprobation.)
Une voix. «Nathalie !»
M. Francisco Valentin. Oui, «Nathalie», effectivement, je crois que c'est son prénom ! (Commentaires.) Maintenant, pour rassurer au fond à gauche, notamment le député Pagani, ce n'est pas un hôtel de police, c'est la caserne de la police internationale...
Des voix. C'est Rémy ! (Commentaires.)
M. Francisco Valentin. Ah, c'est Rémy ? Mais on n'est pas assez intimes les deux, pardon ! (Rires. Exclamations. Commentaires.) Mais effectivement, quand on entend des inepties pareilles... Ce n'est pas un hôtel de police, c'est la caserne de la police internationale, et c'est un regroupement qui servira à économiser de l'argent ! D'autre part, au centre administratif de détention de Frambois, Monsieur Pagani, Monsieur le député Pagani, Rémy - si vous permettez... (Exclamations. Commentaires.) -, une cellule était prévue pour les familles depuis au moins vingt ans; elle n'a jamais été utilisée ! Jamais ! Genève n'enferme pas les familles avec des enfants, et Genève n'a jamais violé la loi, contrairement aux élus de gauche qui, eux, incitent à la délinquance et à tout casser avec les «black blocks» ! Merci. (Exclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous continuons l'examen des politiques publiques. (Le président énumère les politiques publiques I à A.) Il n'y a pas de question sur ces politiques publiques.
Le projet de loi 13092 est adopté article par article en deuxième débat.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 13092 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui et 10 abstentions (vote nominal).