République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Thierry Cerutti, Pierre Conne, Jennifer Conti, Edouard Cuendet, Diego Esteban, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, Jean-Marc Guinchard, Katia Leonelli, Souheil Sayegh, Alexandre de Senarclens, Salika Wenger, François Wolfisberg et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Rémy Burri, Denis Chiaradonna, Jean-Charles Lathion, Xavier Magnin, Aude Martenot, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti, Gabriela Sonderegger et Pascal Uehlinger.

E 2808-A
Prestation de serment de Mme Nevena PULJIC, élue juge assesseure à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice, représentant les groupements de locataires

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une magistrate du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (La magistrate entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)

Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

A prêté serment: Mme Nevena Puljic.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

Correspondance

Le président. L'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil vous a été envoyé par messagerie. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Courrier de la Société pédagogique genevoise concernant les postes pour une école vraiment inclusive (C-4042)

Le président. Je passe la parole à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Je sollicite la lecture du courrier 4042 de la Société pédagogique genevoise concernant les postes pour une école vraiment inclusive.

Le président. Merci, Monsieur le député. Etes-vous soutenu ?

Une voix. Bien sûr, Monsieur le président ! (Quelques mains se lèvent.)

Le président. Il faut 21 personnes. (D'autres mains se lèvent.)

Une voix. Il n'y en a pas assez.

Une autre voix. Il faut recompter !

Une autre voix. 18, 19...

Le président. Vous n'avez pas le nombre de voix nécessaires pour que ce courrier soit lu.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 13091-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2021

Suite du deuxième débat

H - SÉCURITÉ ET POPULATION

Le président. Nous poursuivons le traitement des comptes 2021 avec la politique publique H «Sécurité et population». Monsieur Sébastien Desfayes, à vous le micro.

M. Sébastien Desfayes (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, nous avons l'impression que le département n'exerce pas toutes ses compétences dans le domaine de la sécurité. Voilà bientôt quatre ans qu'on nous promet, sur la base du constat de l'état désastreux de la police, une réforme ou à tout le moins une nouvelle direction. Or le Conseil d'Etat, loin d'utiliser son talent, à l'image d'une équipe frileuse, joue la montre, procrastine. En 2019, on nous annonçait des lignes directrices pour 2020; nous sommes en 2022 et nous ne voyons toujours rien arriver de la part du département.

Pourtant, il y a urgence, parce que le malaise, pour user d'un euphémisme, est grand au sein de la police. Certains ne veulent rien savoir, mais la réalité est là, le conseiller d'Etat a rencontré des représentants de la base qui lui ont clairement expliqué la situation. Aujourd'hui, il est manifeste que le gouvernement ne fait qu'attendre, et s'il devait continuer à atermoyer, le parlement, à commencer par la commission judiciaire, prendra ses responsabilités et entreprendra lui-même la révision nécessaire de la loi sur la police.

Les problèmes de ce grand corps malade de l'Etat sont bien connus. Il y a d'une part le phénomène des silos qui a multiplié les guerres internes. A une époque, on observait des conflits entre la gendarmerie et la PJ; actuellement, ce sont douze différents silos qui s'affrontent. D'autre part, il y a l'écueil de la formation militaire à Savatan, totalement inadaptée aux situations que nous rencontrons à Genève.

Ce soir, nous escomptons des réponses ou en tout cas des engagements du Conseil d'Etat, mais si, par pure hypothèse, nous ne devions pas les obtenir, sachez que nous prendrions nos responsabilités. Merci. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S). En ce qui concerne la politique H, nous remercions pour commencer les travailleurs et travailleuses qui ont oeuvré pour assurer leur mission dans un contexte extrêmement difficile, celui du covid. Notre position sera critique, nous refuserons cette politique publique pour plusieurs raisons que je vais brièvement énoncer.

D'abord, le domaine carcéral va mal. Le directeur qui avait été nommé, Martin von Muralt, a démissionné après deux ans dans des circonstances très compliquées, suite à ce que certains ont nommé un putsch. La situation était difficile, et le directeur adjoint fait maintenant recours contre son déplacement. Quant au projet Ambition, il est complètement en friche; M. Poggia avait annoncé qu'il le poursuivrait d'une manière différente, mais nous n'avons pas eu de nouvelles, cela nous semble éminemment problématique.

Concernant la sécurité de proximité, le crack est actuellement dans les écoles à Genève, notamment aux Pâquis, et voici les explications données par la police - nous n'avons pas encore entendu M. Poggia sur cette question: «On a piétonnisé les Pâquis, donc on ne peut plus intervenir s'agissant du deal.» C'est complètement ahurissant ! Il y a du trafic aux Pâquis depuis des décennies, ça se pratique sur les voitures, avec les voitures, sans les voitures.

Absence complète de M. Poggia également pour ce qui a trait à la circulation routière: l'an passé, quatorze morts et des blessés comme on n'en avait plus vu depuis des décades à Genève. Encore une fois, le conseiller d'Etat est resté muet. On envoie en première ligne la police, le major Pulh, qui a indiqué: «Nous ne pouvons pas vraiment expliquer les raisons, elles doivent être émotionnelles.» Il n'y a aucun pilotage politique sur ces enjeux. Nous écouterons volontiers M. Poggia ce soir qui argumentera certainement avec la maestria qu'on lui connaît, mais, et j'insiste, nous sommes étonnés que durant l'année, il ait été quasiment invisible sur ce sujet.

Ensuite, sur les droits démocratiques... (Commentaires.)

Le président. Une seconde, s'il vous plaît. (Un instant s'écoule.) Poursuivez.

M. Sylvain Thévoz. Sur les droits démocratiques, vous le savez, une succession de manifestations ont été réprimées: l'Appel du 4 mai, des manifestations écologistes, la Critical Mass, la mobilisation des cyclistes. Suite à l'arrêt de la CEDH qui a condamné la Suisse pour avoir bafoué «un des fondements d'une société démocratique» en interdisant les rassemblements durant la pandémie, des tribunaux rendent maintenant des décisions de justice contradictoires à Genève. Là aussi, nous nous étonnons du manque de discernement dans l'application sans retenue de sanctions contre ces mouvements démocratiques.

L'OCPM, pour terminer: un très bon rapport de la commission de contrôle de gestion déposé par notre collègue Bläsi le 18 mai décrit une situation catastrophique dans ce service: importants dysfonctionnements, manque flagrant de moyens - vous l'avez probablement lu -, organisation du travail inefficiente. Ici encore, la seule réaction de M. Poggia a été de taper sur le messager, M. Bläsi, et les députés qui avaient mal réalisé leur travail.

Pour toutes ces raisons, le parti socialiste exprime sa déception face à la politique H et au manque de courage politique sur les objectifs de sécurité, et se réjouit d'entendre M. Poggia qui, dans une posture défensive, indiquera probablement qu'il a tout fait bien, mais c'est bien loin de la vision que nous pouvons avoir au quotidien. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Mme Dilara Bayrak (Ve). Histoire d'en rajouter une couche suite aux interventions des députés Desfayes et Thévoz à l'instant, le groupe des Verts se montre tout à fait critique par rapport à cette politique publique. M. Poggia nous a déjà entendus à plusieurs reprises au sein de la commission judiciaire, il sait très bien ce qui va être dénoncé ici. Dans la lignée de ce qui a été indiqué, la gestion de cette politique publique laisse à désirer ou appelle du moins quelques critiques.

Les fameux silos créés par la LPol ont été abolis le temps de gérer la crise sanitaire. On constate que le fait d'avoir regroupé les différentes patrouilles et sections lors de la pandémie a fortement aidé la police genevoise, l'a rendue plus efficiente. Ce procédé a permis de rendre tous ses effectifs à police secours, qui s'est révélée parfaitement efficace lorsque des citoyens et citoyennes étaient en difficulté, et a répondu aux sollicitations. L'expérience a été poursuivie alors même qu'il n'y avait plus de mesures covid, ce qui prouve qu'elle était nécessaire pour la population. Encore une fois, les patrouilles covid dédiées à la gestion de police secours ont remédié à l'absence d'effectifs qu'on relève aujourd'hui avec les procédures en silos.

En bref, tout ce qui a été raconté par M. Desfayes, tout ce qui a été raconté par M. Thévoz et ce que je viens de vous énoncer mène à la conclusion qu'il y a de sérieux problèmes au sein de la police à Genève et énormément de réformes à mener. Comme cela a été souligné, le parlement attend: il se voit promettre des amendements qui doivent nous parvenir d'un jour à l'autre, mais cela dure depuis deux ans; il se voit promettre des rapports et des COPIL qui certes, eux, arrivent, mais avec des résultats tout à fait décevants. Ainsi que cela a été signalé, si le Conseil d'Etat ne se bouge pas, eh bien notre Grand Conseil prendra ses responsabilités s'agissant de cette politique publique. Merci. (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG). Voilà trois ans que je répète la même chose à l'occasion des comptes: le conseiller d'Etat a décidé de ne rien entendre - d'ailleurs, il discute avec son voisin quand on évoque sa politique publique. Alors que se passe-t-il dans la police ? Tout va mal, chacun le sait. Les causes sont connues: multiplication des silos, accroissement des hiérarchies, formation militaire dans une caserne. Ces éléments ont été mentionnés à de nombreuses reprises par la presse, par les représentants de la police, par de multiples députés.

Voilà trois ans que nous avons déposé un projet de loi pour modifier la loi sur la police, projet de loi réunissant des députés qui étaient pour et d'autres qui étaient contre ce texte. Pas de réaction du département, sauf celle d'aller chercher le rédacteur en chef de la «Revue militaire suisse» pour lui faire faire une expertise des problèmes de la police. Ce rapport est inconsistant, je m'excuse de le dire, et nous serons obligés de prendre nos responsabilités dans ce parlement, comme l'ont souligné mes préopinants, afin de sortir de ce bourbier le plus rapidement possible. Maintenant que M. Poggia n'est plus occupé par le covid au quotidien, peut-être pourrait-il se pencher sur les problèmes au sein de la police ? Merci. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Vous parlez de bourbier, on est en plein dedans ! Malheureusement, le covid n'est probablement pas terminé, mais enfin, c'est une autre histoire. Je pense qu'il faut avancer dans le traitement des objets qui concernent la problématique de la loi sur la police et celle des silos. Nous sommes persuadés que le travail est à bout touchant et, en ce qui nous concerne, nous avons confiance en M. le conseiller d'Etat Poggia pour que le processus aboutisse, et le projet de loi qui se trouve à la commission sera traité rapidement avec les propositions du département suite au rapport de M. Vautravers.

Tout à l'heure, certains ont évoqué les problèmes pénitentiaires. Mais enfin, ceux-ci sont pris en charge par le département ! Soit dit en passant, une sous-commission de la commission de contrôle de gestion a étudié ces enjeux, les choses avancent d'après ce que j'en sais et le nouveau directeur de la prison, qui est à l'écoute, va de l'avant, tout se passe bien. Le projet «Ambition», entre guillemets, a été passablement amendé, et nous attendons maintenant les résultats de l'expertise du département pour valider les suggestions émises par la commission dirigée par le nouveau directeur de la prison, M. Bettex.

Ensuite, on prétend que la police ne fait pas son travail. Mais vous rêvez ou bien ?! La police fait son travail. Celle qui ne le fait pas, c'est la police municipale de la Ville de Genève ! Parce qu'avec toutes les entraves qu'elle subit, avec les difficultés qu'elle rencontre pour accéder aux rues en raison de ces poteaux verts placés un peu partout, c'est impossible pour les agents de courir après les délinquants. Voyez-vous, Mesdames et Messieurs, c'est là la politique mise en place par le parti socialiste et ses acolytes !

M. Thévoz a indiqué - vous transmettrez, Monsieur le président - que la fermeture du préau, qui représente le préalable à toute chose, avait été votée par le Conseil municipal. Mais après, c'est le Conseil administratif de gauche qui a refusé d'entrer en action ! Alors prenez vos responsabilités, Mesdames et Messieurs les socialistes et vos associés, parce que c'est vous qui entravez l'action de la police municipale, c'est vous qui empêchez la police cantonale d'effectuer son travail avec ces rues piétonnes, ces poteaux dans tous les sens.

Une caméra avait été installée pour surveiller la cour d'école; elle n'a pas duré une journée, elle a été cassée par vos petits copains de la région des Pâquis. A un moment donné, Mesdames et Messieurs, il faut prendre vos responsabilités. Nous aurons l'occasion d'en reparler, puisque le Conseil municipal siège la semaine prochaine, mais regardez devant vos godasses avant d'accuser les autres ! (Exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Daniel Sormanni. Je n'ai pas terminé, Monsieur le président !

Le président. Ah, pardon, je pensais que c'était fini.

M. Daniel Sormanni. Un mot encore sur l'OCPM, puisque le sujet a également été mentionné par M. le député Thévoz. C'est facile, tout est bon à prendre pour taper sur le conseiller d'Etat. Je rappelle que l'étude conduite par la sous-commission sur l'OCPM concerne des faits qui datent d'avant l'arrivée du magistrat Poggia à l'OCPM ! C'était sous l'égide de M. Maudet. Alors assumez un peu vos responsabilités; les faits que vous reprochez, vous pouvez les imputer à M. Maudet. Donc sachez raison garder, même si je sais que vous n'y arrivez pas. De son côté, le MCG est satisfait de l'action de la police et nous voterons cette politique publique !

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je pense que cette fois, vous avez conclu. La parole échoit maintenant à M. Marc Falquet.

M. Marc Falquet (UDC). Bravo, oui ! (L'orateur fait un signe au préopinant.) Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, concernant la loi sur la police, bon, je crois que tout a été dit. Je ne vais pas condamner le département, parce que je sais qu'il est difficile d'engager des réformes, d'autant que les syndicats sont toujours très remontés, malgré ce qu'on affirme, ils sont insatisfaits et démotivés. Il faudrait essayer de leur redonner de la motivation, mais j'espère que notre commission se montrera sage et ne précipitera pas les travaux.

Par rapport à la drogue aux Pâquis, alors voilà le vrai scandale ! On ne peut pas accepter la présence de trafiquants sur la voie publique, sous les yeux des citoyens, dans notre Genève internationale, c'est une honte qui dépasse largement les frontières de notre territoire. Nous devons absolument entreprendre quelque chose pour éradiquer la présence de ces dealers dans nos rues. N'oublions pas qu'en général, ce sont des demandeurs d'asile déboutés... (Exclamations.) ...ou faisant l'objet d'une non-entrée en matière, donc ils n'ont rien à faire dans ce canton. Il faut avoir le courage de les renvoyer et d'utiliser la force quand c'est nécessaire, parce qu'ils sont en train d'empoisonner notre société, nos enfants, et c'est très grave. Cela étant, merci pour tout le travail que vous avez accompli de manière consciencieuse.

M. Thomas Bläsi (UDC). Je précise à l'attention de M. Sormanni qu'il n'a jamais été reproché au conseiller d'Etat des agissements qui auraient été le fait du magistrat précédent; il lui a été reproché d'avoir entravé les travaux de la commission de contrôle de gestion en demandant aux personnes qui allaient être auditionnées de ne pas s'exprimer, de ne pas répondre aux questions des commissaires. Nous avons dû faire une note pour pouvoir établir nos prérogatives, ce qui est tout de même le comble, pour pouvoir prouver à des auditionnés - apeurés - qu'ils étaient bel et bien en droit de nous répondre. Voilà ce qui s'est réellement passé, Monsieur Sormanni, donc je crois que vous me devez des excuses à ce sujet. Merci.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne voudrais surtout pas intervenir dans le litige qui oppose les deux composantes de la nouvelle force, mais il me tient tout de même à coeur de répondre au député Jean Batou, grand spécialiste des politiques de sécurité aux niveaux cantonal, fédéral, international et intergalactique. J'aimerais que M. Batou, à qui je souhaite la bienvenue à la commission judiciaire et de la police, où il a brillé par son absence au cours des trois dernières années, en réponse à ce qu'il appelle un rapport inconsistant - celui de M. Vautravers -, nous présente...

Une voix. J'ai été mis en cause, Monsieur le président !

M. Murat-Julian Alder. Mais je vous en prie, Monsieur le président, donnez-lui la parole après ! Je souhaiterais que M. Batou nous présente des faits, des constats, et pas simplement qu'il vienne avec des refrains et des slogans.

M. Vautravers - la seule chose qui vous déplaît chez lui, c'est qu'il soit colonel à l'armée, EMG de surcroît - a rédigé un rapport de 34 pages au sujet de la mise en oeuvre de la LPol, sur la base de 176 entretiens qu'il a conduits avec des personnes de différents milieux, y compris des représentants des syndicats. Dans ces circonstances, Monsieur Batou, soutenir que ce rapport est bâclé est tout simplement inacceptable.

Et vous, que proposez-vous ? Un projet de loi qui consiste pour l'essentiel à reprendre à peu près tous les amendements des opposants à la LPol lors de la législature précédente, et sur la base de quoi ? De rien du tout. Dans votre exposé des motifs, il n'y a rien, pas de faits, pas de statistiques, juste des états d'âme. Aussi, Monsieur Batou, je m'excuse, mais vos critiques quant à la loi sur la police, veuillez les documenter, veuillez réaliser un travail sérieux au lieu d'alléguer simplement des choses sans qu'on puisse véritablement savoir d'où elles proviennent. Je vous remercie de votre attention.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je rends la parole à M. Jean Batou.

Une voix. Mais sans lancer le chronomètre, Monsieur le président, il a été mis en cause !

Une autre voix. Non, il faut lancer le chronomètre.

Le président. Je lance le chronomètre.

M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste remercier mon collègue... Comment s'appelle-t-il ? (Rires.)

Une voix. Murat Alder.

M. Jean Batou. Pierre Maudet ? (Exclamations. Commentaires.) Non, Murat Alder. Je voulais le remercier pour son intervention en défense d'un texte qui émanait de son mentor, M. Maudet, ancien membre du PLR, ancien conseiller d'Etat. Le problème, c'est que les amendements présentés aujourd'hui devant la commission judiciaire sont signés à la fois par des députés qui étaient pour et d'autres qui étaient contre la LPol, donc vous êtes complètement dans la confusion. Ce qu'il faut, c'est avancer. Voilà trois ans que le projet de loi a été déposé. Je n'étais pas membre de la commission judiciaire à l'époque, au cas où vous ne le sauriez pas, donc je n'ai pas brillé par mon absence, je n'ai simplement pas pour habitude de me rendre dans les commissions où je ne siège pas. Merci.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'examen des comptes et du rapport de gestion du Conseil d'Etat constitue assurément un exercice démocratique remarquable - remarquable au sens étymologique du terme, naturellement. Au Conseil d'Etat, nous avons l'impression de nous trouver dans une arène de corrida où chacun cherche à planter sa banderille coûte que coûte, peu importe le motif, il faut en planter une. Finalement, comme c'est mon signe du zodiaque, je me fais une raison. Néanmoins, il s'agit non pas de raconter, comme cela a été indiqué, une histoire, mais bien d'établir des faits.

Avant de critiquer de manière générale et abstraite le travail des uns et des autres, songez tout de même que ce que vous êtes en train de juger par vos propos, c'est l'activité d'hommes et de femmes sur le terrain qui, au quotidien, oeuvrent avec conscience, ce n'est pas juste l'action d'un conseiller d'Etat. En ce qui me concerne, vous pouvez soutenir ce qu'il vous plaît, vous pouvez me blâmer, j'ai le cuir épais, ce n'est pas un problème, mais laisser entendre, à travers vos discours, que la police ne fait pas son travail ou qu'elle le fait avec un zèle qui serait excessif dans certains cas, venir dire qu'en matière de politique carcérale, le nécessaire n'est pas réalisé... Je pense qu'on ne peut pas laisser affirmer pareilles choses.

Je ne pourrai pas répondre de façon exhaustive à toutes les critiques formulées. Toutefois, vous remarquerez d'abord que dans cet hémicycle, c'est surtout la gauche qui soutient la police. Voilà qui est assez remarquable ! (Remarque.) Oui, un député de droite est également intervenu, c'est à se demander s'il s'agit d'une forme particulière du syndrome de Stockholm ! (Rires.) Quoi qu'il en soit, il me semblait important de le souligner.

En ce qui concerne le premier intervenant, tout porte à croire que son horloge politique s'est arrêtée en 2017, lorsqu'un projet de loi issu essentiellement des bancs de l'extrême gauche a été déposé, suite à l'adoption de la loi sur la police, qui faisait l'inventaire à la Prévert de tout ce que les syndicats décriaient dans ce nouveau texte; parfois à raison, parfois à tort, évidemment, car nous n'avions pas encore la distance nécessaire par rapport à l'application de cette loi pour déterminer si les craintes étaient fondées. Aujourd'hui, quand vous vous exclamez: «Le parlement va prendre ses responsabilités si le Conseil d'Etat ne le fait pas», qu'est-ce que cela signifie ? Que vous allez adopter un objet datant de 2017 sur la base d'un constat...

Une voix. De 2019.

M. Mauro Poggia. De 2017, le projet de loi est de 2017.

Une voix. 2019 !

M. Mauro Poggia. Bon, 2019. Cela fait trois ans. Durant ce laps de temps, un rapport consciencieux a été rédigé par la personne que vous avez citée, et nous ne nous sommes pas bornés à le lire.

Ensuite, en effet, sur instruction de votre serviteur mais aussi de la hiérarchie de la police, des groupes de travail ont été mis en place, et je m'étonne de cette agitation alors que je vous ai informés que j'allais déposer des propositions avant l'été. Une séance a lieu la semaine prochaine, si je ne m'abuse. Quand je dis quelque chose, je le fais, et je le ferai, vous verrez ce que nous allons présenter après le travail sérieux qui a été mené. Ce n'est pas parce que vous ne m'entendez pas m'exprimer que je me tourne les pouces. Je ne sais pas d'où vous tirez l'idée que le silence représente un signe de fainéantise. Vous pourrez constater que la mission a été accomplie, et ce en collaboration avec les partenaires de la police, pour opérer des modifications qui, elles, ont un sens, puisqu'elles apporteront véritablement un plus.

On a condamné le travail en silos; c'est vrai que ce phénomène existait auparavant, c'est vrai que les interactions transversales entre les différents services étaient défaillantes. A cet égard, sachez que pendant l'été, des organisations spéciales ont été instaurées au sein de la police, il fallait simplement attendre que la conférence de l'OMC se termine pour agir, ce qui est maintenant le cas. Il y aura dorénavant de plus grands échanges entre police secours et police de proximité pour que nous ayons davantage de moyens d'intervenir sur les lieux publics.

Comme cela a été relevé également, un travail doit être réalisé par la police municipale - ou les polices municipales, puisque ce canton en compte dix-sept. La lutte contre le deal et la petite délinquance de rue relève de la police de proximité, non pas pour interpeller les dealers, bien entendu, on ne chargerait pas les agents municipaux de cette tâche, mais par une présence sur le terrain qui dissuade les attroupements. Personnellement, cela fait plusieurs années - je peux vous le prouver pièces à l'appui - que je demande à la Ville de Genève de fermer ce préau pour répondre aux sollicitations des habitants du quartier. Il se trouve qu'il n'est pas si facile de fermer une cour d'école, parce que cet espace représente aussi un lieu de rencontre pour les jeunes, surtout l'été, ce n'est pas juste un coin de trafic. Il faudrait que quelqu'un vienne verrouiller les portes à un moment donné, après que les jeunes ont joué au ballon le cas échéant. Cela étant, il fallait prendre des dispositions, et il semblerait qu'on se dirige dans ce sens aujourd'hui, ce dont je me réjouis.

Il y a encore la question des caméras. Nous sommes dans une démocratie, certainement l'une des plus belles du monde. Si je déposais un projet de loi pour truffer les Pâquis de caméras, je ne suis pas certain que de ce côté-ci de l'hémicycle... (L'orateur désigne les bancs de gauche.) ...on applaudirait des deux mains; je pense qu'on dirait au contraire que l'on est en train d'instituer une surveillance du citoyen totalement inadmissible. A un moment donné, Mesdames et Messieurs, il faut choisir son camp. La sécurité implique - comme d'ailleurs la sécurité sanitaire, c'est un tout - quelques concessions sur sa liberté personnelle, et il faut savoir placer le curseur au bon endroit.

Toujours au sujet de la police, on a critiqué des interventions injustifiées lors de manifestations publiques en citant celle du 1er mai 2020 et l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme. Sachez que la haute chambre de la cour a été saisie, cette décision n'est donc pas définitive. Je rappelle simplement que les organisateurs de la mobilisation du 1er mai avaient demandé l'autorisation de manifester; suite à une décision du Conseil fédéral interdisant tout rassemblement, ils ont retiré leur requête, ils n'ont pas sollicité d'autre autorité et ont recouru directement à la Cour européenne des droits de l'homme, soutenant que de toute façon, il ne servait à rien de s'adresser aux tribunaux cantonaux ni même au Tribunal fédéral, puisque se réunir leur était proscrit. Sur cette base, la cour est intervenue; je ne suis pas certain que la décision des juges de Strasbourg soit maintenue, cela s'est joué à quatre contre trois, et parmi les quatre, il y a le juge suisse, ancien magistrat au Tribunal fédéral.

Voilà, Mesdames et Messieurs, pour ce qui a trait à la police. Nous pourrions en discuter longtemps, mais je pense que le travail doit être effectué sérieusement, c'est une activité qui mérite toute notre attention. Il ne s'agit pas de faire de coup politique, je dirais, sur l'activité de la police. Il faut entreprendre des réformes, certaines doivent être menées, quelques-unes d'entre elles sont déjà en cours, peut-être à votre insu, nous devons agir avec discernement et surtout parcimonie.

S'agissant du domaine carcéral, faut-il rappeler que si nous connaissons des circonstances aussi déplorables, c'est parce que votre parlement a refusé la prison des Dardelles, établissement qui aurait dû offrir non seulement des conditions de détention acceptables, mais également de meilleures conditions de travail à nos collaboratrices et collaborateurs, qui continuent à travailler avec un instrument qui s'appelle Champ-Dollon, dans lequel il y a une surpopulation constante, qui mélange détention avant jugement et exécution de peine ? Aussi, ne vous plaignez pas d'une situation dont vous êtes largement les artisans. Sachez cependant que nous n'avons pas jeté l'éponge; d'ailleurs, vous savez pertinemment que nous avons présenté un plan pour la politique pénitentiaire qui sera examiné en commission, car nous souhaitons que le Grand Conseil soit associé à toutes les étapes du raisonnement et des décisions pour éviter un nouveau fiasco qui nous ferait perdre encore de nombreuses et précieuses années dans ce dossier.

Je ne m'étalerai pas sur l'office cantonal de la population et des migrations, je me suis déjà exprimé à ce sujet. C'est un service qui a beaucoup de travail, vous savez qu'un nouveau centre de biométrie a ouvert ses portes à Vernier qui monte en puissance actuellement, qui poursuivra son développement dès le début de l'année, des appareils supplémentaires seront enfin livrés par la Confédération. A ce moment-là, nous pourrons répondre mieux encore aux besoins de la population. Les gens viennent aujourd'hui avec rendez-vous et il n'y a plus ces files d'attente interminables que l'on voyait en passant sur la route de Chancy, qui faisaient penser à certains pays lointains. Maintenant, heureusement, tout est beaucoup plus cadré. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus jamais de retards, mais il ne suffit pas d'augmenter le nombre d'employés pour les résorber, il faut pouvoir les placer aux bons endroits, organiser le fonctionnement, et c'est ce que nous nous attachons à faire étape par étape.

Voilà, je pense que le refus ou l'acceptation de cette politique publique représente davantage une expression dogmatique de ce que vous pensez de l'action de l'Etat plutôt qu'un examen concret du travail accompli. En tout cas, et je m'adresse ici à mes collaboratrices et collaborateurs dans ce secteur d'activité, ceux-ci font un travail remarquable qui mérite d'être salué. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. A présent, Mesdames et Messieurs, je soumets à votre approbation la politique publique H «Sécurité et population».

Mise aux voix, la politique publique H «Sécurité et population» est adoptée par 37 oui contre 22 non et 26 abstentions.

I - IMPÔTS ET FINANCES

Le président. J'appelle la politique publique suivante, et je donne la parole à M. Vincent Subilia.

M. Vincent Subilia. Qui ne l'a pas sollicitée, je vous prie de m'en excuser. (Rire.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe donc la parole à M. Cyril Mizrahi.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les comptes présentent des revenus de l'impôt supérieurs d'un milliard aux prévisions - et même de 1,5 milliard, toutes recettes confondues. C'est en soi une bonne nouvelle, bien sûr, en ce sens que ce résultat est évidemment préférable à celui qui était prévu au budget. Cela étant, la politique fiscale et financière actuelle est menée sur la base d'outils contre lesquels nous, socialistes, nous nous sommes toujours battus, tels que le bouclier fiscal, les freins au déficit et à l'endettement, etc. Si l'exercice comptable est effectivement bon, la politique fiscale menée par Nathalie Fontanet doit être, elle, fermement dénoncée et combattue. (Rires. Commentaires.)

Mais il y a plus, Mesdames et Messieurs, il y a plus ! (Rires. Commentaires.) Laissez-moi finir ! Mesdames et Messieurs les députés, les comptes 2021... (Commentaires.) ...sont le résultat d'un budget... (Commentaires.)

Des voix. Laissez-le parler !

Le président. S'il vous plaît !

M. Cyril Mizrahi. ...sont le résultat d'un budget établi sous la responsabilité de Nathalie Fontanet et d'un Conseil d'Etat à majorité de droite, sur la base d'estimations fiscales sous-évaluées année après année ! Année après année, c'est toujours la même chanson: «Oh, quelle belle surprise !» Mais année après année, on continue de sous-évaluer les recettes. Pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Je vais vous le dire: parce que des recettes sous-évaluées, comme des taux d'impôts trop bas ou plafonnés, permettent non seulement de protéger les nantis, mais aussi de continuer de faire croire à la population le mythe entretenu par la majorité de droite de ce parlement, le mythe de l'absence de ressources, le mythe des caisses vides - en réalité le résultat non d'une fatalité mais d'une véritable politique des caisses vides !

La sous-évaluation des recettes permet de continuer de présenter des budgets artificiellement bas sur le plan des dépenses alors que l'on était en 2021 dans une situation particulièrement grave; il aurait au contraire fallu dépenser davantage pour atténuer les souffrances des plus vulnérables face à la crise covid, mais aussi pour répondre aux besoins sociaux et en services publics de l'ensemble de la population de ce canton. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, les socialistes demandent que les correctifs soient enfin faits, sans attendre, pour que le budget 2023 soit établi sur la base d'estimations de rentrées fiscales réalistes ! Et s'agissant des comptes 2021, vous l'aurez compris, les socialistes refuseront cette politique publique «Impôts et finances» et vous invitent à en faire de même. (Applaudissements.)

M. Pierre Eckert (Ve). Messieurs les députés, Mesdames les députées, nous avons jusqu'ici beaucoup parlé de charges dans ce débat sur les comptes. Venons-en maintenant aux recettes, puisque c'est la seule politique publique dans laquelle il y a des recettes importantes. Cette politique publique a en effet créé la plus grosse surprise des comptes 2021, avec un excédent de recettes de plus d'un milliard de francs par rapport au budget. La comparaison avec le budget n'est cependant pas forcément pertinente: l'exercice budgétaire 2021 était difficile puisqu'il a été réalisé en pleine période covid. Ce qui est probablement plus intéressant, c'est la comparaison avec les comptes 2020: on voit tout de même une progression d'environ 400 millions de francs, et c'est sans doute l'élément intéressant dans cette comparaison.

Nous l'avons vu, chaque bord politique en a tiré ses propres enseignements selon la loupe concave ou convexe qu'il emploie dans son analyse. Pour notre part, nous tenterons de garder la tête froide et de conserver une vue réaliste et constructive quant à l'avenir, qui est certes très préoccupant. C'est d'ailleurs le seul sens, à mon avis, que l'on peut donner à ce débat sur les comptes: essayer de tirer des enseignements pour l'avenir plutôt que de se battre sur le passé.

Il est donc important d'estimer la pérennité des recettes supplémentaires de l'année 2021. A ce propos, nous noterons tout d'abord que le Conseil d'Etat, dans son rapport, a lui-même qualifié d'exceptionnel l'excédent de 2021. Une part est due aux impôts des personnes morales, essentiellement dans les secteurs économiques que nous avons déjà cités. Je ne sortirai pas ma boule de cristal pour estimer si ces secteurs produiront de pareils résultats en 2022, pendant et après la crise engendrée par la guerre en Ukraine.

D'autre part, d'importantes sommes ont été engrangées par le biais de l'impôt sur les gains immobiliers suite à un nombre record de ventes de maisons de tous types. La hauteur de ces gains démontre d'ailleurs une fois de plus la très large sous-évaluation fiscale des objets immobiliers. Un pareil nombre de ventes ne se reproduira probablement pas à l'avenir, si bien que nous mettons quand même en doute la pérennité des recettes engrangées en 2021.

Nous restons toutefois persuadés que l'Etat devra assumer d'importantes responsabilités dans les années qui viennent, non seulement pour le fonctionnement, que nous avons largement évoqué dans ce débat, mais aussi et surtout en matière d'investissements, principalement ceux liés à la transition, notamment énergétique. Celle-ci est d'ores et déjà intégrée au plan d'investissement du gouvernement; l'exécutif avait même déjà décidé ces politiques d'investissements avant son virage à gauche.

Il faudra donner à l'Etat les moyens d'assumer sa politique. Nous nous opposons de ce fait à une quelconque baisse à large échelle des taux d'imposition. Nous restons cependant favorables à toute initiative qui permettra de mettre en place une fiscalité à même d'établir un système plus écologique. A ce propos, nous nous réjouissons de voir les résultats auxquels aboutira ce parlement en matière de fiscalité des véhicules - mais ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres d'un type de fiscalité écologique que nous pourrons mettre en place. En signe d'encouragement, nous soutiendrons donc cette politique publique. (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais revenir sur la phrase que répète Mme Fontanet chaque fois que nous abordons sa politique publique: attention, la pyramide fiscale est fragile, il ne faut pas la bousculer; très peu de gens paient beaucoup d'impôts parce qu'ils sont très très riches. C'est exactement le reflet de la pyramide sociale, qui est extrêmement fragile parce que beaucoup, beaucoup, beaucoup de gens ne peuvent plus payer d'impôts, ni sur le revenu ni sur la fortune: ils ont trop peu de revenus et pas de fortune. Nous vivons donc dans une société clivée entre super riches et de plus en plus de pauvres !

Dans cette situation, il nous semblait normal, à Ensemble à Gauche, de se tourner vers les actionnaires, qui ont fait des affaires formidables en 2021. Les derniers chiffres dont nous disposons sont ceux du premier trimestre 2022: ils font état de la distribution de 18 milliards de dividendes en Suisse, soit trois fois plus qu'en Allemagne et six fois plus qu'en France, non pas par habitant mais en nombre absolu. Il s'agit donc d'une distribution de dividendes tout à fait formidable !

Notre initiative demande simplement que ces dividendes soient taxés comme les salaires: quand je dors et que je touche mes dividendes, je paie autant d'impôts que quand je travaille et que je suis réveillé; ça paraît normal à ceux qui nous écoutent. Eh bien pas pour le Conseil d'Etat, même à majorité de gauche, puisqu'il a recommandé de rejeter cette initiative !

Dernière remarque: je vais faire une proposition positive à ce Grand Conseil...

Une voix. Ah !

M. Jean Batou. ...c'est d'inviter à l'une de nos séances un représentant du groupe des milliardaires patriotes qui ont envoyé, au début de cette année, une lettre au Forum de Davos où ils ont écrit la chose suivante: «Alors que le monde a traversé d'immenses souffrances ces deux dernières années», nous disent ces milliardaires patriotes, «la plupart d'entre nous peuvent dire que notre richesse a augmenté pendant la pandémie. Mais honnêtement, peu d'entre nous, voire aucun, peuvent affirmer qu'ils paient leur juste part des impôts.» J'imagine qu'en Suisse aussi il y a des milliardaires patriotes; l'un d'eux a peut-être signé cet appel paraphé par 125 milliardaires parmi les plus riches du monde. Nous devrions l'inviter: ça rassurerait peut-être Mme Fontanet. Merci. (Applaudissements.)

M. Jacques Blondin (PDC). Je reprends le commentaire que nous avons fait en début de journée lorsque nous avons parlé des résultats de l'année dernière: c'est cette résilience de l'économie genevoise, quand bien même on peut admettre que les revenus ne sont pas toujours équitables partout, qui a permis de faire face aux besoins du canton et de la population.

Alors je reviens à la fiscalité des entreprises ! N'oublions quand même pas que c'est le terreau fertile genevois qui fait que ces entreprises sont à Genève et qu'elles paient des impôts. Vous savez très bien qu'un taux unique va être mis en place suite à la RFFA et aux discussions actuelles avec l'OCDE; je rappelle que les très grosses entreprises pèsent beaucoup... paient plus qu'avant et les petites - en règle générale les régionales - moins. Le but maintenant est d'égaliser la concurrence intercantonale et internationale: c'est un beau projet, mais il ne faut pas être naïf !

Mme la conseillère d'Etat le sait - elle en dira peut-être quelques mots -, Genève n'est pas le mieux placé en matière de concurrence intercantonale, puisqu'on a encore une imposition élevée du capital et des bénéfices. Nous avons en plus la taxe professionnelle qui se paie d'une manière ou d'une autre, taxe professionnelle qui est bien évidemment à mettre en relation avec les communes et qu'on ne peut pas supprimer sans trouver un certain nombre de compensations.

Plutôt que de nous plaindre de cette richesse et de l'existence de ce tissu économique, nous sommes quant à nous très sensibles au fait que le canton doit tout faire pour que ces entreprises restent à Genève - et nous en sommes persuadés. Le but est non pas de faire du dumping et de la sous-enchère pour que Genève soit plus attractif que les autres, mais de ne pas être naïf et finir par constater qu'en matière fiscale on se trouve beaucoup mieux sur la Riviera vaudoise qu'à Genève. C'est avec les entreprises qu'on arrivera à payer les charges de l'Etat, quelles que soient les décisions que nous prendrons pour le budget. Et ça permettra peut-être aussi à terme, je l'ai dit tout à l'heure, d'envisager un allégement de la charge fiscale des personnes physiques - petits revenus ou autres, même si la pyramide n'est pas idéale - afin que tout un chacun puisse disposer de moyens supplémentaires pour faire face au renchérissement qui nous attend.

Nous ne critiquons pas du tout la politique de Mme la conseillère d'Etat: nous la félicitons plutôt - nous sommes très heureux de la très bonne surprise. Et je ne crois pas qu'on puisse décemment parler de manipulation, s'agissant de ces chiffres: qui aurait pu imaginer une seconde, en septembre 2020, que l'année 2021 serait ce qu'elle a été ? On s'attendait à une catastrophe, on ne l'a pas eue; il faut en être heureux, il faut remercier l'économie. Nous comptons évidemment, en ce qui nous concerne, sur une politique fiscale bien intégrée et bien comprise... (Remarque.) Oui, oui, mais sans l'économie on ne fait rien, parce que la pyramide... (Commentaires.) Non, non ! Il y a d'abord les entreprises, et bien sûr des gens qui travaillent - j'en fais d'ailleurs partie. Mais n'oubliez pas la pyramide - les rapports sont conséquents, regardez les proportions, c'est quand même une réalité. Nous avons donc besoin des entreprises. Evidemment, 750 millions et plus... je ne suis pas sûr que dans cette salle de nombreuses personnes en soient les propriétaires, on est bien d'accord, mais ils sont les bienvenus ! Nous soutiendrons donc cette politique publique et adressons nos remerciements à Mme la conseillère d'Etat. Merci. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC entend bien que les finances sont ce qu'elles sont: on a fait des bénéfices. Toujours est-il qu'au niveau fiscal, nous restons sur des taux beaucoup trop élevés par rapport à la moyenne nationale - et ça, c'est une réalité. J'entends bien également M. Mizrahi qui décrit un certain nombre de problèmes, néanmoins nous payons beaucoup trop d'impôts par rapport aux autres cantons ! Et c'est là-dessus que nous devrions axer notre politique - on l'a parfaitement démontré dans les débats d'avant et M. Zweifel l'a parfaitement rappelé aussi: du moment qu'on baisse la fiscalité, on ramène des bénéfices. C'est inévitable, c'est implacable, ça s'est produit chaque fois: ces vingt dernières années, à chaque fois que nous avons baissé les impôts, nous avons réalisé des bénéfices supplémentaires.

Là, pour 2021, malgré la RFFA, malgré le covid, nous avons engrangé des bénéfices jamais vus dans ce canton ces vingt dernières années. Il est parfaitement légitime de baisser l'imposition ! Il faut finalement que le peuple, qui paie ses impôts, s'y retrouve d'une manière ou d'une autre. Et quoi qu'on en dise, c'est parfaitement le moment de légiférer pour des baisses de la fiscalité à partir de l'année prochaine. Nous devons baisser à la fois les impôts et les taxes pour que la population soit gagnante.

C'est comme ça que nous parviendrons à une réelle prospérité pour notre canton, et c'est comme ça finalement que la population s'y retrouvera à tous les niveaux, y compris ceux qui ne paient pas d'impôts - la réalité aujourd'hui, c'est que 35% des contribuables ne paient pas d'impôts dans notre canton ! Mais pourquoi, finalement ? Parce que nous avons encore la capacité de conserver, et même d'accueillir, des grosses fortunes qui justement paient suffisamment d'impôts pour permettre aux plus défavorisés de ne pas y être soumis ! Et ça, c'est l'équilibre fiscal qui a été décidé par la population lorsqu'elle a accepté la baisse fiscale de 2009. Cet accord perdure aujourd'hui et on voit clairement qu'il fonctionne toujours. C'est ce que nous devrions conserver à tout prix et c'est là-dessus que nous devrions axer nos politiques fiscales.

Toute baisse d'impôts est donc bonne pour la population - c'est du gagnant-gagnant - et c'est là-dessus que nous devrions axer nos politiques futures, à la fois pour les impôts et pour les taxes. Il faut vraiment réfléchir à ça ces prochaines années, tant dans le cadre des budgets à venir que des comptes. Je vous remercie.

M. Cyril Aellen (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, il faut savoir distinguer ce qui relève de la compétence du Conseil d'Etat et ce qui revient à la capacité de travail du chef de département. Alors quand j'entends que la politique fiscale qui a été menée est celle de la conseillère d'Etat et que par voie de conséquence, c'est compliqué, j'aimerais apporter quelques nuances - d'abord parce que le gouvernement a eu des compositions différentes en 2021: dans un premier temps, il n'a été ni de gauche ni de droite, puis il est devenu à majorité de gauche.

Simplement, si on a aujourd'hui de bonnes rentrées fiscales, c'est parce que l'économie et les habitants de notre canton se sont globalement bien portés, s'agissant de la crise covid, comparativement aux pays qui nous entourent. Cela, on le doit à l'entier du Conseil d'Etat et aux politiques publiques menées à la fois en matière d'aides aux entreprises et d'aides aux personnes les plus touchées, que ce soit indirectement via les RHT ou plus directement via les projets de lois d'ordre social. Je le dis d'autant plus volontiers que ces projets de lois sont venus à la fois de la partie gauche et de la partie droite de ce parlement et qu'ils ont été bien souvent largement soutenus, aussi bien l'aide aux particuliers, aux individus, que l'aide aux entreprises.

Mesdames et Messieurs, je pense que le Conseil d'Etat a pris ses responsabilités sur ces deux aspects - tant lorsqu'il n'était à majorité ni de gauche ni de droite que depuis qu'il est à majorité de gauche - et c'est ce qui a fait que le tissu social de notre canton s'est fortement maintenu; on peut en être collectivement fiers, au sein de ce parlement également. C'est très probablement aussi ce qui a permis de générer des ressources fiscales allant bien au-delà de ce qu'on avait espéré.

Alors j'entends qu'elles ont été sous-estimées ! Je crois que celles et ceux qui prétendent cela ne se sont pas intéressés à la question en commission ou n'ont pas lu les rapports qui ont émané de la commission des finances, que ce soient des rapports rédigés par des députés de gauche ou de droite. Ils constateront, s'ils posent des questions ou s'ils lisent attentivement, que les estimations fiscales fluctuent en fonction de différents éléments qui ne dépendent ni du parlement ni du Conseil d'Etat, mais de l'évaluation du produit intérieur brut et des sondages faits auprès d'entreprises, sondages faits de façon constante et avec des critères constants. Parfois les écarts entre les estimations et la réalité sont importants, parfois ils le sont beaucoup moins - il n'y a pas besoin de chercher bien loin pour s'en apercevoir. Ce n'est ni de la responsabilité du gouvernement ni de celle de ce parlement, mais cela tient précisément à la résistance de notre économie.

Tout à l'heure, notre conseillère d'Etat, Mme Fontanet, a clairement indiqué quels critères ont fait que les estimations sont plus élevées que celles prévues quinze mois avant ! Il faut s'en réjouir au lieu de formuler des critiques et avoir l'honnêteté de reconnaître qu'on a eu beaucoup de chance d'avoir une économie si performante - mais c'est aussi parce que nous avons pris nos responsabilités d'un point de vue politique.

Le deuxième point que j'aimerais aborder - et ce point relève plus particulièrement de la conseillère d'Etat, parce que c'est elle qui a oeuvré -, c'est la RFFA. Mesdames et Messieurs, l'exécutif a fait des estimations basses dans le cadre de la RFFA. Le gouvernement s'est montré particulièrement prudent; il se trouve que la RFFA a été plus performante encore que ce qu'il avait imaginé et les pertes ont été résorbées, sur un plan statique, en une durée bien inférieure à ce qui avait été pronostiqué. Et si on peut remercier quelqu'un ici d'avoir mené cette réforme, c'est bien Nathalie Fontanet; ce n'est pas la seule mais c'est elle en particulier.

Vous savez à quel point cette réforme était dans une très mauvaise posture lors de la législature précédente. Grâce à la magistrate et à un travail acharné en début de législature, mais aussi parce que nous avons pris nos responsabilités sur ces bancs, nous sommes parvenus à un accord, avalisé par le parlement, qui nous permet de nous trouver aujourd'hui dans une situation extrêmement favorable comparativement aux autres cantons. On peut maintenant faire un prébilan de la RFFA, que l'on complétera dans quelques années: c'est grâce à elle - en particulier mais pas seulement - que nous avons la possibilité d'effacer en une année le milliard injecté dans l'économie et en faveur des habitants de notre canton. C'est le bilan premier que nous devons faire !

Après, j'entends souvent la droite nous appeler à une certaine... comment dire, modestie dans nos dépenses, dans notre train de vie. Il faut commencer par montrer l'exemple au sein de l'Etat, notamment parce que nous aurons très clairement besoin d'argent pour procéder aux investissements que vous demandez en matière énergétique ! Et sur ce point...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Cyril Aellen. ...vous avez raison ! Je vais conclure, Monsieur le président, et je prendrai peut-être à nouveau la parole. Mais je souhaitais être extrêmement précis sur ces éléments-là et expliquer pourquoi nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation aussi favorable. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Nous avons, sur ces questions fiscales, deux visions politiques. Il y a d'un côté la vision politique de la droite qui cherche à faire des économies à tout crin, des économies souvent douloureuses - douloureuses sur le dos des citoyens -, de manière parfois excessive, rarement raisonnable. Il faut parfois faire des économies raisonnables, mais la raison n'est malheureusement pas dans ce camp, en tout cas pas assez souvent. Du côté de la gauche, nous avons la vision inverse, c'est-à-dire la dépense à tout va. (Remarque.) Toute - toute - solution qui ne va pas vers une... Il s'agit en fait de claquer le plus d'argent possible. On l'a d'ailleurs vu tout récemment: du fait que nous avions des comptes équilibrés, certains se sont dit: «C'est une grave erreur, on aurait dû dépenser 500 ou 600 millions de plus - on nous a eus, dans cette histoire !» C'est donc une façon dépensière de voir les choses; les deux visions se trompent. Les deux visions se trompent ! (Rires. Commentaires.)

Des voix. Ah !

M. François Baertschi. Celle du MCG est très simple... (Rires.) ...et je vais vous la... (Commentaires. Rires.)

Le président. S'il vous plaît, laissez parler M. Baertschi ! (Remarque.)

M. François Baertschi. ...je vais vous la répéter une fois de plus. Je sais que vous êtes agacés, en général, quand je vous dis certaines vérités. Le problème, c'est que Genève est très généreux - trop généreux... (Remarque.) ...vis-à-vis...

Des voix. Des frontaliers ! (Exclamations. Remarque.)

M. François Baertschi. Pas uniquement ! Pas uniquement: également vis-à-vis des cantons suisses, s'agissant de la péréquation. On doit reconnaître à ce sujet que le Conseil d'Etat, en collaboration avec d'autres cantons, a fait un travail pour que nous dépensions moins d'argent au travers de cette péréquation, pour que la péréquation soit plus juste. Actuellement, nous devons en effet 190 millions environ aux autres cantons alors que Vaud ne paie rien ! La situation du canton de Vaud n'est pas bien différente de celle de Genève, ou qu'on m'explique ! Il y a des différences, bien sûr, mais elles ne sont pas telles que lui ne devrait pas payer tandis que nous, nous devons débourser près de 200 millions ! Il faudrait qu'on m'explique !

Il faudrait qu'on m'explique également pourquoi, comme vous l'avez dit de manière si sympathique tout à l'heure, nous continuons à dépenser, de manière excessive, des centaines de millions en rétrocessions à la France voisine, 247 millions pour l'exercice de 2021. Je le répète, nous pensons qu'il faut y mettre fin. C'est notre vision des finances publiques, je pense qu'on a encore une marge de manoeuvre. On peut... (Remarque.) ...on peut... (Remarque.) ...on peut aider les résidents de ce canton, on peut leur faire un régime véritablement agréable en ne rentrant pas dans les extrêmes auxquels veulent nous pousser autant les politiques fiscales de gauche que de droite; c'est dans ce type de politique que nous devons aller. Merci.

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de première minorité. Je me dois de réagir à certains propos, tenus par le député Mizrahi notamment. Celui-ci nous explique qu'il y aurait eu une sous-évaluation des recettes fiscales. Peut-être a-t-il oublié que lorsque le budget a été établi par le Conseil d'Etat puis voté par ce parlement, à l'automne et en décembre 2020, nous étions en plein pic de la deuxième vague, en train de voter des aides très importantes, notamment aux entreprises. A ce moment-là, il était quand même difficile d'imaginer que la crise n'allait pas être aussi intense que ce que l'on vivait alors et que les entreprises allaient non seulement ne pas avoir besoin d'autant d'aides, mais qu'elles allaient même faire des résultats meilleurs. Donc dire ici qu'on a sous-évalué les recettes fiscales revient à ne pas se souvenir de ce qui se passait à cette époque-là. C'est quand même dommage !

Et puis dire ensuite que ces recettes fiscales seraient continuellement sous-évaluées, eh bien c'est mettre en lumière ce que le parti socialiste oublie systématiquement lorsque l'on baisse les impôts. Le calcul, assez simple, fait par le parti socialiste est le suivant: «Les entreprises avaient un bénéfice de tant; si je baisse l'impôt de 24 à 14, je perds dix points de pourcentage - je multiplie donc dix points de pourcentage par les bénéfices qui étaient annoncés, et voilà l'argent que l'on va perdre !» Sauf que ça ne se passe pas comme ça. Pourquoi ? Parce que l'entreprise qui a économisé ces dix points de pourcentage - en admettant d'ailleurs qu'elle fasse exactement le même bénéfice, le même résultat, l'année suivante -, que va-t-elle faire avec cet argent ? Cet argent ne disparaît pas ! Il ne s'évapore pas ! Ça ne marche pas comme ça ! Cet argent est réinvesti: soit l'entreprise achète du matériel et fait donc tourner une autre entreprise, qui lui vend ce matériel et fait de meilleurs résultats, soit elle engage du personnel supplémentaire. Que se passe-t-il lorsqu'elle engage du personnel supplémentaire ? Eh bien elle a de la main-d'oeuvre supplémentaire, ce qui lui permet de réaliser de meilleurs résultats qui engendrent l'année suivante des bénéfices supplémentaires. Et puis ce personnel qui est engagé, il aura a priori un meilleur revenu que l'année précédente; il sera donc mieux payé et ce salaire sera également plus imposé.

Et quand bien même - quand bien même ! - il arriverait à cette entreprise de faire ce que la gauche déteste le plus, c'est-à-dire verser des dividendes à ses actionnaires, eh bien ces actionnaires qui empochent de l'argent supplémentaire vont le dépenser. Et quand bien même on le verserait à des actionnaires à l'étranger, il y a toujours l'impôt anticipé de 35% qui s'applique ! (Remarque.) Cet argent est donc réinvesti, Mesdames et Messieurs: il provoque des recettes supplémentaires et c'est ce qui explique qu'il ne faut pas faire un calcul statique mais bel et bien un calcul dynamique. Je vais vous donner quelques exemples pour être extrêmement clair parce que certains ont encore du mal à saisir - mais je comprends: l'arithmétique, ce n'est pas facile pour tout le monde.

Prenons quelques exemples typiques ! En 1998, le peuple a voté une baisse d'impôts de 12% - c'était l'initiative du parti libéral. Que s'est-il passé en l'an 2000, c'est-à-dire une année après que l'on a appliqué cette baisse ? Est-ce qu'il y a eu une perte de recettes fiscales ? Ah non, dommage: les recettes fiscales des personnes physiques sont passées de 2 milliards 554 millions à 2 milliards 767 millions - plus 223 millions, soit une augmentation de ces mêmes recettes fiscales de 8% en une année !

En 2009, lorsque l'on a instauré le bouclier fiscal, détesté lui aussi par la gauche, et une baisse du barème, que s'est-il passé, Mesdames et Messieurs ? Quelques chiffres également. Je vous rappelle que le parti socialiste, toujours avec son calcul statique, nous disait: «Ah, ça va être une catastrophe, on va perdre 400 millions !» J'entends encore Roger Deneys crier à chaque séance: «400 millions ! Vous avez coûté 400 millions !» Quel est le résultat chiffré qui découle des comptes que ce parlement a votés année après année ? Il y a eu effectivement, c'est juste de le dire, une baisse des recettes fiscales l'année suivante, mais de 157 millions et non de 400: on est passé de 3 milliards 727 millions à 3 milliards 570 millions. Et puis qu'est-ce qui s'est passé en 2011, Mesdames et Messieurs ? Eh bien on était d'ores et déjà revenu au niveau d'avant la baisse, à 3,7 milliards, puis les recettes fiscales ont augmenté de 22% - 22% ! - entre 2011 et 2021: +831 millions ! Voilà ce qui se passe lorsque l'on baisse intelligemment les impôts; c'est la réalité chiffrée, comptable, mathématique, fiscale. Mais on peine évidemment à le comprendre lorsqu'on se pare, dans ces débats, d'oeillères idéologiques.

Et s'agissant de la RFFA, Mesdames et Messieurs, il s'est passé exactement la même chose ! Je ne répéterai pas ce qu'a dit mon excellent collègue Cyril Aellen et ce que dira naturellement à juste titre notre conseillère d'Etat, mais le gouvernement avait prévu l'absorption de la RFFA en cinq ans. Le parlement a voulu être plus prudent et a dit huit; eh bien c'est en deux ans - en deux ans ! - que l'on a absorbé cette réforme. Là encore, ce sont les chiffres qui le démontrent, qui le montrent noir sur blanc. Et il faut effectivement remercier ici notre conseillère d'Etat Nathalie Fontanet qui a oeuvré pour que cette réforme passe, qui a oeuvré pour que les entreprises restent ici et les contribuables qui y sont liés également. C'est ce qui explique, en bonne partie, le résultat exceptionnel au niveau fiscal cette année, et donc les moyens que l'on a à disposition pour des prestations de qualité en faveur de la population.

Je voudrais conclure, Mesdames et Messieurs, en citant Benjamin Franklin qui avait dit, vous vous en souvenez certainement, qu'il y a deux choses inéluctables dans la vie: la mort et les impôts. Eh bien si c'était la politique fiscale de gauche qui était appliquée, Mesdames et Messieurs, je crois que les contribuables commenceraient à préférer la première aux deuxièmes ! (Rires. Applaudissements.)

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais entre autres répondre au député Blondin sur un certain nombre de ses arguments. Il a évoqué la question du terreau genevois qui fait venir des entreprises et qui rapporte des impôts à la collectivité; il oublie quand même de mentionner, parce qu'il parle naturellement de la fiscalité et de la comparaison intercantonale de celle-ci, qu'il n'y a bien sûr pas que le critère fiscal qui incite une entreprise à s'installer dans un pays, respectivement dans un canton, mais évidemment aussi le haut niveau d'infrastructures, la qualité de la formation de ses employés - du personnel qu'elle pourra engager - et le haut niveau de cohésion sociale. Et ça, ça nécessite un certain nombre de dépenses sociales, tout comme des dépenses d'investissement pour les infrastructures et pour la formation.

On entend aussi régulièrement, et d'ailleurs encore aujourd'hui, la droite nous dire qu'il faut se focaliser, quand on aide, sur les plus vulnérables, sur celles et ceux qui en ont le plus besoin. Et quelle mesure nous propose la droite ? Une baisse d'impôts pour les petits contribuables ! Or ça, c'est précisément une mesure qui coûte très cher à la collectivité publique mais qui ne concerne pas les personnes les plus vulnérables, puisque les plus vulnérables figurent évidemment parmi les 36% qui ne paient pas d'impôts à Genève.

Je souhaitais aussi évoquer ce qu'on peut vraiment, très clairement, qualifier d'échec - il n'incombe pas uniquement au Conseil d'Etat mais également au Grand Conseil et à sa majorité de droite: la réforme de l'imposition du patrimoine immobilier, qui n'est en réalité qu'une mise en conformité avec le droit fédéral. Cette mise en conformité aurait dû être faite il y a plus de vingt ans et devrait rapporter environ 200 millions de recettes fiscales supplémentaires par année. Eh bien le Conseil d'Etat proposait de l'englober dans une baisse de la fiscalité pour les plus grandes fortunes et la majorité de droite de ce parlement a quant à elle décidé d'en faire une réforme de manière à réduire l'imposition immobilière - sans d'ailleurs régler le problème de conformité avec le droit supérieur.

Et puis un dernier mot pour évoquer la réforme BEPS à venir, qui est l'imposition minimale des entreprises à 15%, une réforme décidée par l'OCDE. A l'origine, elle a pour objectif de lutter contre la sous-enchère fiscale internationale et d'apporter une plus grande justice fiscale, et c'est avec beaucoup d'inquiétude que j'entends notamment la cheffe du département des finances nous dire qu'elle envisage par ailleurs un certain nombre d'allégements fiscaux ou de compensations fiscales. Il ne faudrait surtout pas que cette réforme puisse nous rapporter des recettes fiscales supplémentaires dont le canton aurait pourtant bien besoin ! (Applaudissements. Remarque.)

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je voulais revenir très brièvement sur ce qu'a dit M. Zweifel tout à l'heure, d'abord pour le remercier d'avoir rappelé la nécessité de maintenir l'impôt anticipé puisque la population suisse sera appelée à voter là-dessus en septembre... (Remarque.) ...mais aussi parce qu'il a dit: si on baisse l'imposition des entreprises, alors elles vont réinvestir - subsidiairement, elles pourraient peut-être dépenser plus dans les dividendes, mais ça va être essentiellement réinvesti ou bien dépensé en salaires. Or c'est faux ! Et ce n'est pas une lubie de la gauche: un article du «Temps» disait que le taux de redistribution des dividendes est passé, entre la fin des années 1990 et 2017, de 30% à 70% ! Ça signifie bien, Mesdames et Messieurs, qu'une majorité des bénéfices aujourd'hui sont distribués sous forme de dividendes et ne sont précisément pas réinvestis !

Une voix. Mais non, c'est avant !

M. Jean Burgermeister. Il est donc nécessaire - nécessaire ! -, Mesdames et Messieurs, d'imposer davantage ces entreprises et de permettre un investissement public.

Quand on nous dit que les pertes fiscales de la RFFA se sont déjà résorbées, eh bien c'est faux ! On nous parle maintenant de l'effet dynamique. Je vous rappelle qu'au moment où on a voté sur la RFFA, l'idée de cet effet dynamique - il revêt désormais une autre signification; la réalité, c'est qu'il n'a jamais rien signifié de concret, de scientifique et de sérieux ! -, c'était que beaucoup d'entreprises allaient venir s'installer dans le canton et qu'il y aurait donc davantage de rentrées fiscales ! La raison pour laquelle l'impôt sur les bénéfices est en hausse, ce n'est pas, pour l'essentiel, parce que plus d'entreprises sont arrivées, mais parce qu'elles ont emmagasiné des bénéfices record ! Mesdames et Messieurs, l'hôtellerie... pardon, l'horlogerie... (Rires.) ...la finance ou d'autres secteurs n'auraient pas eu des bénéfices plus importants sans la RFFA ! Elles auraient simplement payé une plus grande part de l'impôt sans la RFFA. Il y aurait donc eu, mathématiquement, plus de rentrées fiscales pour l'Etat de Genève. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jean Burgermeister. Et puis maintenant, on nous dit... C'est bien sûr une escroquerie ! Et maintenant, on nous dit que la population souffre de l'impôt, comme si tout le monde payait les mêmes impôts. Mais enfin, là, de nouveau, la droite - appuyée d'ailleurs par le MCG - fait de l'esbroufe ! Il faut au moins que vous puissiez assumer que vous défendez les riches ! Que ce sont des baisses d'impôts pour les riches, pour les propriétaires et pour les grandes entreprises que vous défendez ! (Applaudissements. Approbations.) Nous entendrons sans doute tout à l'heure Mme Fontanet nous exhorter, comme elle le fait chaque année, à remercier les riches qui paient leurs impôts... (Remarque.) ...comme si M. Poggia, lorsqu'on parle de la sécurité, nous demandait de remercier les honnêtes citoyens qui n'ont pas cambriolé leurs voisins ! (Rires.) Enfin tout de même, il faudrait remercier celles et ceux parmi les multimilliardaires - les quelques exceptions - qui ne font pas de l'évasion fiscale !

Mesdames et Messieurs, il y a des richesses extraordinaires dans ce canton qui sont toujours plus concentrées, de manière inouïe, alors qu'une partie croissante de la population tombe dans la précarité. Il est urgent d'imposer massivement plus les riches, les multimillionnaires, les actionnaires... (Remarque.) ...et pour cela, il y a heureusement des initiatives qui passeront bientôt en votation populaire. (Applaudissements. Remarque.)

Des voix. Bravo !

M. Francisco Valentin (MCG). Je suis effaré d'entendre autant d'inepties ! Je me demande si notre cher camarade d'Ensemble à Gauche ne confond pas l'Etat de Genève avec l'Hospice général; si quelqu'un avait la patience de tenter de lui expliquer la différence, je pense que ça nous épargnerait beaucoup de temps perdu. Merci.

M. Patrick Lussi (UDC). Je serai très court. Je vais aller dans le sens de mon préopinant; on entend tellement d'inepties sur les riches - on nous prend pour des vaches à lait qu'on veut traire au maximum ! Heureusement que les Verts entendent supprimer le bétail et le lait: ce sera peut-être la manière de nous sauver ! Merci, Monsieur le président. (Rires. Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, avant de répondre à chacune et chacun d'entre vous, je vais simplement rappeler quelle est la situation fiscale dans notre canton. Je vous ferai grâce des pyramides que je vous ai déjà données, même si je sais que ça vous manquera, et je vais essayer de ne pas me répéter systématiquement.

Mesdames et Messieurs, 36% de la population de notre canton ne paie pas d'impôts. Contrairement à ce que pensent les représentants de la gauche, ce n'est pas parce qu'ils ne gagnent pas du tout leur vie qu'ils ne paient pas d'impôts dans notre canton. C'est parce que nous avons, ne vous en déplaise, une politique fiscale extrêmement sociale ! Je vais vous donner un exemple en particulier: celui d'une famille avec deux enfants. Dans le canton de Genève, cette famille a un taux d'assujettissement à 86 000 francs. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu'en dessous de ce montant, cette famille avec deux enfants ne paiera pas le moindre impôt. Quel est le taux d'assujettissement à Zurich, Mesdames et Messieurs ? 39 000 francs ! Il faut donc arrêter de dire que notre politique n'est pas sociale ! Nous avons une politique fiscale extrêmement sociale; en revanche, nous avons un taux de progressivité de l'impôt qui est immense - immense !

Mesdames et Messieurs, j'aime beaucoup vos démonstrations quand vous dites que s'il n'y a qu'une partie des gens qui paient tout l'impôt - et je sais que cela vous heurte lorsque je les remercie -, cela signifie qu'ils sont trop riches. Quant à moi, je ne souhaiterais qu'une chose: qu'il y ait plus de personnes qui paient de l'impôt, parce que cela nous permettrait d'assumer beaucoup plus de politiques publiques ! Mais pas que les personnes qui paient déjà plus d'impôts qu'elles n'en paieraient dans l'ensemble de notre pays en paient encore plus, parce que les personnes physiques ne sont pas captives, Mesdames et Messieurs ! Les entreprises ne sont plus captives ! Nous avons certes encore aujourd'hui de très bonnes conditions dans notre canton, mais d'autres ont également d'excellentes conditions - et des cantons extrêmement proches du nôtre. Cette année, si nous n'avions pas eu ces recettes fiscales supplémentaires, nous aurions eu beaucoup beaucoup de difficultés à assumer les 812 millions de crédits supplémentaires liés au covid. Et c'est grâce à ces recettes supplémentaires que nous avons pu les assumer.

Alors comment se fait-il que nous n'ayons pas été en mesure d'identifier les revenus fiscaux de 2021 ? J'ai déjà eu l'occasion de le dire et je le répète: ce n'est pas la politique fiscale de Nathalie Fontanet. Je vous remercie pour le compliment, je serais très heureuse de m'en prévaloir; je dirai dorénavant que tout cela est grâce à moi... (Rires.) ...et que c'est l'avis des socialistes - pour moi, c'est un compliment. Vous me prêtez malheureusement bien trop de pouvoir, même si j'aimerais bien pouvoir contraindre mes collègues du Conseil d'Etat sur certains projets de lois. Je peine manifestement encore, mais voilà, c'est la vie: elle est compliquée. (Commentaires.)

Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de ces recettes fiscales supplémentaires, il convient d'abord de rappeler qu'il ne s'agit à ce stade que d'estimations. Comment ces estimations sont-elles obtenues ? Pour les entreprises qui ont beaucoup, beaucoup, beaucoup performé, celles qui ont généré une grande partie de nos recettes fiscales supplémentaires, on procède avec le PIB, le député Aellen l'a dit, et par le biais de ce que nous appelons le panel des entreprises. Eh bien il se trouve qu'au début 2020 et en septembre 2020, soit les deux périodes des panels des entreprises, lorsque nous les avons interrogées sur la façon dont se déroulait leur année, respectivement dont elles voyaient l'avenir, ces entreprises n'ont pas été optimistes - nous étions alors en pleine crise: une crise sociale, une pandémie mondiale; ah, c'est vraiment de leur faute ! Elles n'ont effectivement pas été optimistes et on les comprend ! Elles nous ont renvoyé, pour le panel des entreprises, des résultats extrêmement négatifs.

Il se trouve qu'entre le moment où l'on a fait les projections pour le budget 2021 - à savoir l'été 2020, sur la base des résultats du panel des entreprises de janvier 2020, puis on a procédé à des amendements suite au résultat du panel des entreprises de septembre 2020 - et celui où nous finalisons les comptes, deux ans se sont écoulés ! Et nous prenons en considération l'ensemble des taxations intervenues au fur et à mesure - c'est ce que nous appelons des correctifs - pour arriver au résultat des comptes. Je ne m'appelle pas Madame Irma, mes services non plus: nous ne sommes pas devins, nous nous référons aux données usuelles que nous avons l'habitude de traiter. Et j'aimerais bien savoir qui était capable de dire, en 2020, que nos recettes fiscales ne seraient pas impactées !

Nous avons péché par manque d'optimisme, par réalisme, que sais-je; cela peut nous être reproché aujourd'hui. Tout à fait honnêtement, Mesdames et Messieurs, je suis bien mieux dans mes baskets - et notre canton dans les siennes - en sachant que nous n'avons pas été trop optimistes et que nous ne nous retrouvons pas avec 1,5 milliard de déficit aux comptes, mais avec un bénéfice de 49 millions. Je m'en réjouis pour la santé de notre canton et je m'en réjouis pour ce que nous léguons aux générations futures.

«Y a qu'à, faut qu'on», c'est très bien, Monsieur Mizrahi, c'est très bien; je ne vous ferais en tout cas pas confiance pour gérer un budget de la taille de celui de l'Etat... (Rires.) ...parce que si on s'était contenté de dire que tout allait bien se passer, on ne sait pas dans quelle situation on se serait retrouvé aujourd'hui. (Commentaires.) Voilà ce que je souhaitais vous dire, Mesdames et Messieurs, et je vous remercie d'accepter cette politique publique. (Commentaires. Vifs applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique I «Impôts et finances» est adoptée par 66 oui contre 15 non et 8 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Des voix. Bravo !

J - JUSTICE

Le président. J'appelle maintenant la politique publique J «Justice». Personne ne souhaite s'exprimer à ce propos. Je vous propose donc de passer directement au vote.

Mise aux voix, la politique publique J «Justice» est adoptée par 48 oui contre 10 non et 32 abstentions.

K - SANTÉ

Le président. Nous enchaînons avec la politique publique K «Santé» et je donne la parole à M. Emmanuel Deonna.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, avec la pandémie de covid-19, notre canton a fait face à une situation exceptionnelle. Les tâches et activités liées au domaine de la santé se sont complexifiées. Après l'identification et la mise en isolement des personnes contaminées, le département de la santé a dû gérer notamment les quarantaines, les flambées, les plans de protection, la vaccination, les dérogations, le séquençage, les tests en entreprise, le dépistage dans les écoles, les certificats covid, les certificats de sérologie. Globalement, le Conseil d'Etat et le département de la santé ont dû piloter une communication de crise complexe autour de la situation sanitaire. En plus des défis liés à la situation covid stricto sensu, le département de la santé a aussi renforcé son action pour soutenir les personnes âgées, désengorger les urgences pédiatriques, soutenir les proches aidants, élaborer un plan Alzheimer et coordonner le réseau de soins. Dans tous ces différents domaines, le département a agi avec beaucoup de sérieux et de célérité.

Pour ce qui est des HUG, de l'IMAD et des EMS, la pandémie a mis cependant en lumière le peu de considération accordée au personnel soignant. La pandémie a également mis en évidence les sacrifices exceptionnels que celui-ci a dû consentir. La pression énorme exercée par la crise sanitaire, avec son lot de réaffectations sectorielles, a mis en évidence des problèmes de stress, d'épuisement et de burn-out préexistants. Le personnel soignant réclamait depuis longtemps, depuis bien avant la pandémie, de meilleures conditions de travail. Il réclamait l'application de la loi sur le travail et la fin du minutage des soins.

En plus du renforcement de l'inspection du travail, le parti socialiste appelle à la couverture des déficits liés à la pandémie et à la revalorisation des salaires. Le Grand Conseil a certes déjà voté des crédits supplémentaires, mais le choc occasionné par le covid exigera à Genève, comme dans les autres agglomérations suisses et européennes, des investissements massifs dans le domaine de la santé. Augmenter le nombre d'emplois, augmenter les indemnités pour le travail de nuit et du week-end, investir dans la formation du personnel soignant, susciter de nouvelles vocations en améliorant les conditions de travail, tout cela nous semble plus que jamais nécessaire. Enfin, il faut concrétiser rapidement l'initiative sur les soins infirmiers forts. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, difficile de parler de cette politique publique sans évoquer la crise sanitaire, qui a secoué notre société dès le début de l'année 2020. Outre la violence avec laquelle elle a impacté tous les aspects des rapports sociaux, elle a durement affecté autant les habitants de ce canton que les acteurs professionnels, plus particulièrement celles et ceux qui ont oeuvré avec professionnalisme et abnégation. Là, le génie humain s'est déployé et a permis de faire face aux effets du covid.

Cela étant dit, le caractère exceptionnel de cette crise sanitaire et ses incidences économiques et sociales ne peuvent occulter le fait que ce que l'on a salué chez le personnel médical en particulier n'est pas nouveau. Cela fait des années que les soignants sont à la peine et doivent puiser dans leurs réserves personnelles pour assurer leur mission et garantir autant que faire se peut les prestations à la population. Là encore, des décennies de politique d'austérité ont gravement altéré la qualité des prestations. Il suffit, pour le vérifier, de questionner le personnel des HUG ou de l'IMAD ou plus précisément les professionnels de la santé mentale, ainsi que ceux d'autres entités qui sont elles aussi en difficulté et ne parviennent plus - ou alors au prix de sacrifices personnels importants - à assurer la qualité des prestations requises. Il faut encore relever le manque de lieux de vie en suffisance pour les personnes en situation de handicap ou le manque d'effectifs dans les EMS et la non-application de l'initiative 125. Mais ce ne sont là que quelques exemples des difficultés que l'on recense dans la politique de la santé à Genève.

Quand bien même les collaborations avec le secteur privé de la santé ont été relevées et saluées dans le contexte de la crise sanitaire, l'on ne peut ignorer une tendance croissante à une privatisation de la santé. Nous pensons qu'il y a là un réel danger non seulement pour les usagers, qui risquent fort de se retrouver confrontés à une médecine à deux vitesses, mais également pour l'Etat, qui verrait privatisées les activités à fort potentiel de bénéfice et collectivisées les activités moins rémunératrices.

Par ailleurs, le problème de la cherté des assurances-maladie est central. Le prix des primes obère les budgets de la majeure partie de la population, la cherté de celles-ci et la nécessité de les réduire entravent l'accès aux soins. Cela n'est pas acceptable, et ce parlement devrait s'engager pour mettre en oeuvre des projets pilotes de nature à contrer l'augmentation constante des cotisations d'assurance-maladie et à garantir aux acteurs et actrices de la santé les moyens d'assurer la mission des services de santé publics. C'est à cela que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés.

M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais simplement exprimer la fierté que j'ai du système de santé genevois, qui a permis à la population de notre canton d'être prise en charge immédiatement lors d'une pandémie et d'un gros problème sanitaire que l'on n'avait pas prévus. On a vu la résilience du système de santé, sa qualité et ses capacités de prise en charge. Il faut être extrêmement élogieux à son égard. Ce qui m'a aussi plu, c'est la collaboration qui s'est mise en place entre les services privés et les services publics et qui a extrêmement bien fonctionné.

Maintenant, le souci, c'est l'épuisement du personnel, qui est aussi lié aux questions de recrutement. Et je ne pense pas que ce soit un manque de volonté de la part de l'Etat en matière de recrutement, mais c'est qu'on n'a plus personne à recruter ! On observe d'importants problèmes en la matière, aussi bien pour ce qui est du personnel hospitalier que pour le personnel qui travaille pour les handicapés. Ce qui est assez bizarre ou remarquable - un terme qu'on a utilisé tout à l'heure -, c'est qu'on dégoûte les jeunes de ces métiers. Je vous rappelle qu'il y a un numerus clausus pour entrer en médecine et que si vous ne faites pas partie des 150 qui ont passé les examens, vous ne pouvez plus faire de médecine de votre vie, alors qu'on manque de médecins ! C'est la même chose avec le personnel infirmier et d'autres catégories du personnel de santé. Il faudra quand même qu'on réfléchisse une fois ou l'autre à cette question: pourquoi fait-on face à cette impossibilité de former ou d'aider les jeunes à choisir ce genre de professions ? C'est peut-être aussi parce qu'il faut leur montrer également que ce sont des métiers attractifs et pas des métiers où on passe trois week-ends sur quatre à travailler.

Enfin, le petit souci que j'ai au sujet de l'Hôpital cantonal, c'est qu'il a été extrêmement impacté comme hôpital covid et que je trouve qu'il a de la peine à repartir, parce qu'il a dû beaucoup assumer. On voit que le déficit augmente et que la «clientèle», entre guillemets - je dis «clientèle», mais ce n'est pas un bon terme -, a tendance maintenant à ne plus aller à l'hôpital, mais à se diriger plutôt vers les cliniques privées, où elle peut aller plus facilement. Il faut trouver un équilibre entre la médecine qui forme et la médecine privée. Cette dernière a besoin de la première. On ne peut pas faire l'une sans l'autre. La commission de contrôle de gestion a déposé un rapport sur la chirurgie cardiovasculaire dans le canton de Genève, dans lequel nous avions conclu que deux centres de chirurgie cardiovasculaire - Meyrin et l'Hôpital cantonal - suffisaient amplement. Or que s'est-il passé ? Un troisième centre s'est ouvert dans le canton. Notre inquiétude, dont nous avions fait part à travers ce rapport, c'est que l'Hôpital cantonal ne traite plus assez de cas pour former les jeunes médecins. Si l'Hôpital cantonal, qui est universitaire et qui forme, ne peut précisément plus former, la médecine privée va aussi être touchée. Je vous remercie.

Présidence de Mme Céline Zuber-Roy, première vice-présidente

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, dans un contexte de crise non seulement sanitaire, économique et sociale, mais aussi écologique, 2021, année covid, avec une troisième, quatrième et cinquième vague, a été une année difficile. Vaccination à gogo, centres de test en nombre, mise en place de dispositifs spéciaux, de nombreuses restrictions, sentiment d'exclusion: la fonction publique, les HUG et l'IMAD sont sur le front, en première ligne, avec un personnel fatigué, lassé, épuisé, tirant la sonnette d'alarme, se mobilisant pour dénoncer des conditions de travail difficiles, un absentéisme record... La crise dure, et c'est dur ! Pas de prime covid, un petit peu de reconnaissance, quelques jours de récupération, et ça repart ! Beaucoup de souffrance, d'épuisement, la population retombe malade, des socles covid, du personnel covid, des crédits covid, des fermetures, des isolements, des restrictions, et le moral chute, tant pour le personnel que pour la population et en particulier pour les proches aidantes et les jeunes. Les Vertes et les Verts déplorent des conditions tendues, notamment avec les partenaires sociaux qui tentent de dénoncer des dérapages et des incohérences: par exemple, primes gériatrie pas identiques partout, non-comptabilisation du temps d'habillage, en contradiction avec la loi sur le travail, des plannings annoncés à la dernière minute.

Les Vertes et les Verts déplorent aussi le fait que la prévention et la promotion de la santé ne soient pas davantage déployées, même si un rapport intermédiaire a été présenté à la commission de la santé - le rapport divers 1289, accompagné de la résolution 894 - sur un plan de promotion de la santé et de prévention; celui-ci doit véritablement être mis en oeuvre. Il faut mettre cela en application maintenant. Chaque année, les Vertes et les Verts rappellent la même chose, car cela devient essentiel. La situation chez les jeunes se dégrade. La pandémie a immanquablement laissé des traces sur la santé mentale des jeunes, enfants et adolescents. Entre avril 2020 et novembre 2021, le taux de personnes faisant état de symptômes de dépression modérée ou sévère est passé de 9% à 18%. Depuis le début de la pandémie, un quart des adolescents interrogés ont déclaré que leur santé physique était plus mauvaise et 47% que leur santé mentale était plus mauvaise ! 28% ont déclaré que leur avenir était plus sombre. On parle de l'écoanxiété notamment, mentionnée dans le dernier rapport du GIEC. Les sondages, études et articles publiés depuis le début de la pandémie révèlent que les principaux indicateurs de la santé mentale sont au rouge. Les jeunes ont été particulièrement impactés, puisque 29% des 14-24 ans se sont dits concernés par des symptômes dépressifs modérés et sévères. Le rapport sur la santé mentale publié le 28 avril 2022 confirme que les hospitalisations d'enfants et d'adolescents dans les cliniques psychiatriques sont en constante augmentation. Il existe encore pléthore d'exemples. Ceux-ci illustrent véritablement la réalité des problèmes de santé mentale et encore plus au sein de la population jeune.

Il y a tant à faire: des outils concrets, des solutions pragmatiques d'accompagnement doivent absolument être mis en place et déployés. Tout comme la crise sanitaire, la crise écologique et l'urgence climatique génèrent de l'anxiété, de l'écoanxiété en l'occurrence: quel avenir pour nos jeunes ? Quelle planète leur laisse-t-on ? Pour toutes ces raisons, les Vertes et les Verts s'abstiendront sur la politique publique K et attendent une véritable politique de prévention et de promotion pour les jeunes, mais aussi des conditions de travail dignes, en rappelant à quel point les soignantes et les soignants sont indispensables. L'initiative pour les soins infirmiers forts a également été plébiscitée par la population, pour justement une meilleure reconnaissance, formation et valorisation de ce personnel soignant, que l'on applaudissait, mais que l'on n'applaudit plus ! Merci.

M. Pierre Nicollier (PLR). Madame la présidente de séance, Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites. Je souhaite aborder rapidement un seul point qui nous a inquiétés lorsque nous avons regardé la politique publique 2021, à savoir le gonflement institutionnel. Je souhaite mentionner deux éléments, des indicateurs qui doivent nous amener à réfléchir pour les années à venir.

Le premier, c'est l'IMAD, qui grandit, grandit. D'un côté, il a été mentionné qu'il existe une perte d'autonomie et de sens chez certaines personnes sur le terrain, et de l'autre côté, on voit que l'IMAD est maintenant dotée de sept directions, dont chacune doit coûter à peu près un quart de million par an. Il s'agit donc d'un énorme mammouth.

Par ailleurs, les HUG ont connu une diminution énorme d'hospitalisations l'année passée - c'était une année particulière -, 80% de baisse, une augmentation de 30% des hospitalisations covid, ainsi qu'un mouvement, mentionné par notre collègue M. Buchs, de certaines chirurgies vers le privé.

Cela doit nous amener à nous poser la question: que voulons-nous à l'avenir pour ces établissements qui sont très grands et très importants ? Nous allons faire face à de nombreux défis, l'un d'entre eux étant la réduction du nombre d'hôpitaux universitaires en Suisse. Nous avons donc besoin d'être efficients, efficaces, compétitifs, pas pour nous-mêmes, mais pour ne pas disparaître complètement comme hôpital universitaire. Nous savons que le monde de la santé est en train de se transformer. Nous allons avoir besoin, en Suisse, dans les dix prochaines années, de plus de cent mille soignants. Or, dans le même temps, nous sommes en train d'empêcher les médecins de s'installer. Il y a donc ici de gros défis, le dernier étant les difficultés économiques auxquelles nous allons probablement devoir faire face ces prochaines années. Tous ces éléments mis ensemble nous font nous interroger: quel est l'avenir ? Comment allons-nous gérer ces institutions face à ces enjeux ? Pour toutes ces raisons, nous allons nous abstenir. Je vous remercie beaucoup.

M. Patrick Dimier (MCG). Vous avez bien sûr tous eu raison de rappeler l'énorme engagement des collaborateurs de la santé. Mais dans une grande tempête et aux commandes d'un énorme paquebot, il faut un grand capitaine. Celui-ci s'appelle Mauro Poggia et nous le remercions ! Merci. (Commentaires.)

M. Philippe Morel (PLR). La santé est en crise. Elle est en crise globalement et en particulier à Genève. Mais des ébauches de solutions ont été proposées, des solutions ont été apportées, et je pense qu'on a toutes les raisons d'être optimistes. Crise du covid: un véritable tsunami nous est tombé dessus, comme dans beaucoup d'autres régions du monde entier. Avec des problèmes logistiques au début, rappelez-vous: manque de masques, pas de masques; le Conseil d'Etat a rapidement trouvé des solutions. Rappelez-vous le problème de la détection de la virémie et des patients qui étaient atteints du virus. Une collaboration s'est établie avec le privé et des centres très larges et très performants ont été mis sur pied, avec des médecins volontaires, dont, avec d'autres, j'ai fait partie.

Ensuite est arrivée la possibilité de se faire vacciner, un défi logistique majeur: comment en faire bénéficier très rapidement, dans l'ordre et la méthode, les patients qui voulaient ou qui devaient se faire vacciner dans notre canton ? A nouveau, des solutions ont été trouvées et très rapidement mises en place.

Puis, bien sûr, il faut mentionner le problème médical, l'épuisement et la fatigue du personnel, qu'il soit infirmier, médical, que ce soient les aides-infirmiers ou toutes les autres corporations. Ces gens ont fait face. Ils ont fait face pour deux raisons. D'abord, c'est en partie quand même encore une vocation, heureusement, et ces gens ont accepté, par abnégation, de renoncer à un certain nombre de leurs possibilités personnelles et de leurs privilèges pour soulager la population. La deuxième raison pour laquelle ils ont fait face, c'est qu'ils font partie d'institutions, qu'elles soient privées ou publiques, dont l'état d'esprit a été stimulé et motivé par le conseiller d'Etat concerné et le Conseil d'Etat, qui leur ont montré qu'il fallait le faire et que c'était non seulement un devoir mais aussi une obligation morale.

On peut mentionner également la crise des coûts de la santé. Notre canton est un des plus richement dotés en équipements de santé en Suisse, donc dans le monde. Là aussi, des solutions sont trouvées. Elles ne recueillent évidemment pas l'approbation de la totalité des partenaires, mais elles sont indispensables pour contrôler les coûts dans notre canton. Ce contrôle doit également s'exercer dans d'autres cantons et cela se fait de manière parallèle.

Ensuite, on peut évoquer la crise du coût des assurances-maladie. Une fois de plus, cette année, le prix et le coût des assurances-maladie vont augmenter. Cela dépend bien sûr du gouvernement fédéral, de facteurs qui nous échappent, mais à Genève, là aussi, le conseiller d'Etat et le Conseil d'Etat veulent trouver des solutions. Cela a été abordé tout à l'heure. Certes, limiter le nombre de médecins qui s'installent est une démarche qui peut être sujette à des questions, mais il faut bien agir et il est nécessaire de prendre des mesures. Elles ne recueillent pas forcément l'approbation de l'unanimité, mais ce sont des pistes qu'il faut absolument exploiter.

Un dernier exemple: nous vivons depuis de nombreuses années une forme de crise entre le public et le privé. C'est fini ! La collaboration instaurée pendant le covid entre le public et le privé a non seulement montré sa nécessité, mais aussi qu'ils étaient capables de s'entendre, de travailler ensemble et de construire pour l'intérêt et le bien de tous les patients de notre canton.

Donc oui, il y a une crise, et cette liste n'est pas exhaustive, mais, si cette crise est effectivement sévère et grave, des mesures ont été proposées, entreprises et mises en application par le conseiller d'Etat Mauro Poggia et par le Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Patrick Saudan (HP). Je ne pensais pas intervenir dans ce débat, parce que j'ai un devoir de réserve, mais je voulais juste rebondir sur les propos de mes préopinants par rapport à la limitation du nombre de médecins dans les années à venir et aux coûts de la santé qui n'arrêtent pas d'augmenter. J'aimerais juste rappeler une vérité qui risque de fâcher pas mal de gens et dont beaucoup de personnes sont responsables: en médecine, un acte sur cinq, que ce soit dans le cadre des investigations ou des traitements, est considéré comme inutile. Ce sont l'OFSP ainsi que beaucoup d'études internationales qui le disent. C'est le fait de la pression des patients; des médecins qui sont payés à l'acte dans le secteur privé; des médecins et des autres soignants dans le secteur public qui, par principe de précaution, démultiplient les actes. C'est une culture des soins que nous devons changer. (Commentaires.) Celle-ci doit être basée sur la science et sur les bonnes pratiques, de sorte que nous puissions améliorer le système de santé. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Je voulais simplement dire que, pour remercier, comme beaucoup l'ont fait, le personnel de santé qui s'est mobilisé, le plus simple aurait été de lui payer la totalité de son salaire. Cela n'a pas été fait. Je l'ai déjà dit, ce parlement a refusé l'annuité, mais je voulais aussi insister sur le fait que c'est un personnel qu'aujourd'hui encore le Conseil d'Etat prive de l'indexation, ce qui plombe sensiblement ses revenus pour 2022.

Par ailleurs, en réalité, la crise du covid a laissé ce personnel soignant - infirmiers et infirmières en premier lieu et aussi les aides-soignants et aides-soignantes - dans un état de fatigue psychologique et physique intense, faute de solutions amenées par le Conseil d'Etat, faute de davantage de moyens pour améliorer les conditions de travail, pour renforcer les effectifs, alors que le personnel sur place les réclame depuis longtemps. Le risque, c'est une multiplication des arrêts maladie, dont Mme Fontanet nous apprend par la presse aujourd'hui qu'elle veut s'y attaquer - mais il serait peut-être mieux de renforcer les équipes pour permettre un travail de qualité et une rémunération... (Protestations.) ...à la hauteur des besoins. Le risque à la clé, c'est que la prochaine crise sanitaire soit causée par l'impréparation de ce gouvernement, qui peine à répondre aux besoins d'aménagement des conditions de travail et de rémunération d'un personnel ayant durablement souffert de la crise, crise qui, dans ce domaine en particulier, a laissé d'importantes séquelles.

M. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que cette crise, en 2021 - puisque nous parlons des comptes 2021 -, nous a rappelé, si c'était nécessaire, à quel point la santé est un bien précieux. Merci pour les remerciements qui ont été exprimés - ils sont adressés bien entendu aux équipes qui se trouvaient sur le terrain. J'aimerais à mon tour remercier le parlement. A Genève, on a fait beaucoup de choses, mais on a aussi obtenu les moyens de faire beaucoup de choses, ce qui n'est pas le cas de tous les cantons et encore moins d'autres pays. Il faut donc rester humbles: avec les moyens dont nous disposons et dans un pays comme le nôtre, on peut faire des choses bien meilleures qu'ailleurs. Il faut malgré tout des hommes et des femmes sur le terrain. Ici, ils ont souvent agi avec créativité, puisqu'il en fallait, de la créativité, face à une crise qui était véritablement nouvelle, avec des décisions à prendre alors qu'on ne connaissait même pas la situation au moment où on prenait la décision - il fallait alors prédire l'avenir.

Quoi qu'il en soit, je voudrais quand même attirer votre attention sur le fait que nous ne sommes pas totalement sortis de cette crise. Je ne voudrais pas plomber votre soirée, mais je pense que c'est aussi notre devoir de rester attentifs, sans ajouter de l'anxiété inutile. Je regarde grimper le nombre de patients hospitalisés ces derniers jours: le 18 juin, 44. Le 19, 50. 52, 53, 75, 90 aujourd'hui. Genève et la Suisse ne sont pas mieux que nos voisins. Ceux-ci connaissent une vague de ce sous-variant BA.5 d'omicron. Il est donc probable qu'il faille prendre des mesures. Les Hôpitaux universitaires de Genève, dès aujourd'hui, ont pris la décision de réinstaurer l'obligation du port du masque à l'entrée des unités de soins stationnaires; des mesures devront probablement être prises pour les EMS. Donc, gardez vos bonnes habitudes ! Fort heureusement, une grande partie de la population a souscrit à cette vaccination qui, même si elle est basée sur le variant delta, je le rappelle, est efficace pour éviter les situations graves et les hospitalisations. Néanmoins, nous n'avons pas encore de vaccin qui soit efficace contre à la fois le variant delta et le variant omicron - prochainement, nous l'espérons, ce qui nous permettrait d'être plus efficaces encore dans cette lutte. Cela simplement pour vous dire que ce n'est pas véritablement derrière nous.

Au-delà de la crise elle-même, pour prendre un peu plus de distance par rapport aux années qui nous attendent, la santé se trouve en effet face à un vrai croisement, avec des défis importants aux niveaux humain, financier et sanitaire. On le sent bien. Va-t-on pouvoir continuer à offrir cette médecine de qualité telle que nous la connaissons ici, à tout le monde, avec une assurance sociale ? On comprend bien à qui profiterait le fait de diminuer la liste des prestations à la charge de l'assurance de base: bien sûr, à des assureurs complémentaires, qui offriraient leurs prestations à ceux qui peuvent se les payer. Il faut absolument résister à cela. D'abord en faisant en sorte de maîtriser les coûts - on le dit, mais c'est plus facile à dire qu'à faire, et c'est vrai que la clause du besoin, qui n'est peut-être pas très populaire... Je rappelle que quand on a introduit cette clause du besoin pour les équipements lourds il y a quelques années, on nous décrivait ici un futur tiers-monde de la médecine à Genève, où les Genevois n'auraient plus accès à du matériel d'investigation digne de ce nom. Or vous le voyez, ce travail a été fait, et malgré tout, aujourd'hui, notre population a accès au matériel dernier cri permettant de poser des diagnostics le plus proches possible de la réalité.

Cette clause du besoin pour l'installation est un moyen que Genève et d'autres cantons - je dirais même la plupart des cantons - demandent depuis des années. Lorsqu'en 2012 cette clause du besoin a été levée pendant six mois, nous avons connu une explosion des coûts de la santé, avec l'installation de nouveaux cabinets. Dire cela ne plaît pas au corps médical, mais chaque nouveau cabinet médical qui s'ouvre engendre des frais supplémentaires, sans forcément fournir des prestations supplémentaires. A-t-on, à Genève aujourd'hui, des prestations dignes de ce nom, de ce qu'attendent les Genevoises et les Genevois ? Je pense que oui. Il faut aussi que les médecins que l'on forme en suffisance, dans le canton de Vaud et à Genève - car on en forme en suffisance - soient orientés aussi là où il y a des besoins. Ce n'est pas chose simple, mais il faut commencer dès l'université bien sûr, et pas simplement fermer les robinets au moment où les gens se retrouvent à l'hôpital. Nous travaillons donc là-dessus pour être le plus juste possible, pour maintenir cette attractivité pour la médecine. Je ne doute pas un instant qu'elle restera bien présente, avec des médecins de qualité, mais nous avons besoin aussi et surtout de médecins de premier recours. On le sait, Genève comme Bâle sont les cantons dont la densité de spécialistes est la plus élevée de Suisse, et ce sont eux qui - et ce n'est pas un hasard - ont les primes les plus élevées de Suisse également.

J'entends séance après séance, budget après budget, comptes après comptes, Mme la députée de Chastonay nous dire que les Verts vont s'abstenir de soutenir les comptes et le budget parce qu'il n'y a pas assez de promotion et de prévention. Je vous invite à lire une fois notre plan cantonal de promotion de la santé et de prévention des maladies, qui est un plan unique en Suisse, un document exceptionnel dont la direction générale de la santé est extrêmement fière. C'est un document qui réunit l'ensemble des secteurs de l'Etat dans une action commune pour la santé de la population, parce que la santé, ce n'est évidemment pas que des soins. Lorsqu'on parle des coûts de la santé, on parle des coûts des soins. Or le système de santé ne participe qu'à hauteur de 15% à la qualité de notre santé. Il y a beaucoup d'autres facteurs qui jouent un rôle: d'abord, l'hygiène de vie personnelle, et aussi le fait d'offrir à notre population, par des actions collectives, des conditions de vie idéales, comme celle de la proximité entre le lieu de résidence et le lieu de travail.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais dire. Je pense qu'il faut soutenir cette politique. Depuis maintenant neuf ans que je suis chargé de la santé, avec le soutien de mes collègues, je pense que nous avons fait en sorte de maintenir une médecine publique de qualité, qui forme des médecins pour la relève, dans le respect bien sûr des partenaires que sont les entités privées qui travaillent dans le canton. Durant cette pandémie, on a vu à quel point cette collaboration, je dirais même ce partenariat véritable qui s'est instauré entre le public et le privé est précieux. Néanmoins, on se rend bien compte qu'avoir les partenaires que sont les HUG pour les soins aigus et l'IMAD pour les soins à domicile a été fondamental pour gérer cette crise de la façon la plus appropriée possible. Merci.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite le parlement à se prononcer sur la politique publique K «Santé».

Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 39 oui contre 9 non et 26 abstentions.

Quatrième partie des débats sur les comptes 2021 (fin du 2e débat et 3e débat): Séance du vendredi 24 juin 2022 à 8h

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter à huis clos le RD 1471. En conséquence, je demande au Conseil d'Etat de bien vouloir se retirer, aux personnes qui sont dans les espaces réservés au public et à la presse de bien vouloir quitter le bâtiment, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission audiovisuelle.

La séance publique est levée à 22h25.

Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.

RD 1471
Rapport de la commission législative concernant la demande de levée du secret de fonction de députés (huis clos)

Cet objet est clos.

La séance est levée à 23h10.