République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 juin 2022 à 14h
2e législature - 5e année - 1re session - 8e séance
M 2429-A
Débat
Le président. Nous continuons dans notre ordre du jour et abordons la M 2429-A en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, à la lecture du rapport et des extraits de procès-verbaux que vous avez reçus concernant les cinq séances de la commission de l'économie consacrées à cet objet, d'aucuns seront peut-être amenés à penser que la suppression des trois premières invites à laquelle nous avons procédé pourrait vider cette motion de toute sa substance. Il n'en est rien, puisque ces invites étaient les moins claires, ou celles qui, juridiquement, n'étaient pas applicables. Les quatre invites restantes gardent toute leur valeur et ont permis aux commissaires de procéder à des auditions importantes afin de clarifier le débat.
Relevons que ce texte ne concerne en fait que le secteur de la construction - ce que l'on peut regretter -, seul secteur qui, en collaboration avec les syndicats, a réalisé et mis en place depuis plus de vingt ans des procédures et des structures paritaires permettant de traquer le travail au noir et la concurrence déloyale qu'il induit en favorisant la sous-enchère salariale. Il est regrettable à plus d'un titre que l'exposé des motifs n'ait mentionné que ce secteur et n'en ait pas abordé d'autres qui seraient concernés, en particulier l'hôtellerie et la restauration. La suppression des trois invites indésirables apporte en l'occurrence des précisions bienvenues. Sur cette base, je peux vous encourager, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à accepter cette motion ainsi amendée et à refuser les deux amendements proposés par le rapporteur de minorité, qui en fait reprennent d'anciennes invites justement supprimées en commission.
Je vous rends également attentifs au fait que le SECO a envoyé une invitation sur le site de la Confédération et organise le 9 juin un point presse concernant le travail au noir en relation avec la libre circulation des personnes; c'est un dossier qui, je pense, pourrait intéresser la majorité des membres de ce Grand Conseil. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Comme cela vient d'être dit, la majorité de la commission a supprimé les trois premières invites et a, de ce fait, totalement modifié le projet de cette motion. Les quatre invites restantes proposent uniquement - je répète: uniquement - des mesures contre les entreprises, ce qui déséquilibre le texte ainsi élagué et déformé.
Pour les auteurs de la motion, voici le problème genevois: premièrement, les permis de séjour ne sont pas contrôlés à Genève; deuxièmement, il est possible de solliciter un numéro d'AVS sans présenter un permis de séjour; troisièmement, le taux d'occupation du collaborateur ne figure pas sur les badges, ce qui est l'une des sources majeures des dysfonctionnements.
L'objectif de la motion de base était de corriger ces lacunes, d'appliquer les mesures à l'ensemble des salariés et d'introduire un modèle ou une carte moderne qui est déjà en vigueur dans trois autres cantons romands et qui donne entière satisfaction aux partenaires sociaux.
Notre canton est le champion suisse de l'application des mesures d'accompagnement. Le nombre des conventions collectives de travail et des contrats types de travail est aussi plus grand par rapport aux autres cantons suisses. Les contrôles effectués sont également beaucoup plus nombreux qu'ailleurs. Mais là où le bât blesse, c'est que Genève ne vérifie pas les titres de séjour. Si je devais faire une comparaison, c'est comme si les contrôleurs des TPG faisaient plus de contrôles que partout ailleurs mais ne vérifiaient pas les tickets de transport.
Il y a à Genève beaucoup de problèmes, et nos salariés souffrent. J'aimerais rappeler la situation en matière de chômage. En septembre 2019, quand cette motion a été discutée et travaillée en commission, le nombre de personnes inscrites à l'OCE était de 3,8%. Il s'agit du chiffre de l'OCE. Si le taux de chômage avait été calculé avec les critères appliqués dans l'Union européenne, ce taux aurait bondi à 11,8% ! C'est toujours le chiffre de l'époque.
Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.
M. André Pfeffer. A cette date, en France voisine, le taux de chômage était seulement de 6,9%: ça montre qu'il y a beaucoup, beaucoup plus de chômage à Genève qu'en France voisine.
La situation n'est pas bien meilleure pour nos entreprises. Je rappelle que beaucoup d'entre elles souffrent d'une concurrence déloyale; des milliers de Genevoises et Genevois sont à la recherche d'un emploi décent, mériteraient notre soutien et mériteraient que nous traitions un peu mieux les textes que nous voyons en commission. Pour ces raisons, je recommande d'accepter les deux amendements que j'ai proposés et d'adopter cette motion ainsi amendée. Merci de votre attention.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion voudrait introduire une carte professionnelle telle que celle émise en 2015 par la Fédération vaudoise des entrepreneurs. Les auteurs estiment qu'il y aurait là un moyen de lutter contre le travail au noir et le dumping salarial et surtout d'empêcher l'activité professionnelle de personnes sans statut légal, ce qui, pour nous, est quand même plus problématique. Ils considèrent qu'un tel document serait plus approprié que le badge en usage à Genève sur les chantiers.
De nombreuses informations ont été apportées sur les pratiques de contrôle et de suivi des entreprises. Il est apparu que dans de nombreux secteurs, elles étaient encore insuffisantes. Les représentants des syndicats sont venus proposer de nombreuses suggestions de modifications, qui sont malheureusement restées lettre morte. De nombreux amendements ont été formulés. Finalement, la motion, qui méritait d'être corrigée, a été néanmoins drastiquement édulcorée. Le travail au noir est un problème qu'il faut traiter sans fard et sans favoritisme; corrigée, améliorée, la motion aurait pu y contribuer, mais ça n'a pas été le cas.
Ce qui ressort vaut-il la peine d'être soutenu ? Une majorité a estimé que oui. Sur le moment, pour mon groupe, j'ai pensé que nous étions loin du compte et j'ai refusé le texte. Mais ceux qui, aujourd'hui, défendent les droits des travailleurs savent bien que ce qui est plus efficace, ce sont les contrôles sur le terrain. Or, une fois ces infractions identifiées, il faut bien en faire quelque chose. Alors comme c'est quand même dans ce sens que va cette motion, ou du moins les invites qui demeurent, j'ai revu ma position, et estimant qu'un «tiens» vaut mieux que deux «tu ne l'auras peut-être pas», j'accepterai ce texte pour mon groupe, essentiellement parce qu'il affirme vouloir augmenter les sanctions contre les employeurs indélicats et créer les bases nécessaires pour sanctionner les maîtres d'ouvrage qui fermeraient les yeux sur une activité illégale sur un chantier, toutes choses qui méritent sérieusement d'être rappelées, et surtout, de voir notre parlement y adhérer. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion telle qu'elle est sortie de commission.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez mes remerciements à Mme Haller d'avoir revu sa position concernant cette motion.
Ce qui reste du texte sera quand même une avancée, quoique minime par rapport à ce qu'il demandait initialement. Nous le voterons bien évidemment, même si les deux amendements proposés dans le rapport de minorité de mon collègue sont refusés. Toutefois, nous regrettons que la carte professionnelle n'ait pas été conservée: pour nous, ç'aurait été le moyen le plus efficace de lutter contre le travail au noir. Malgré tout, vu l'avancement de cette lutte, nous nous contenterons de la motion telle que ressortie de commission. Je vous invite quand même à soutenir les deux amendements de mon collègue et ainsi à réinsérer les invites initiales. Si vous n'en voulez pas, je vous remercie de voter la motion telle que sortie de commission.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Cette motion telle qu'elle est sortie de commission ne mange pas de pain. Cela dit, heureusement que les commissaires ont supprimé pendant leurs travaux les trois premières invites, inapplicables juridiquement ou déjà en vigueur. A Genève, et notamment dans le milieu de la construction - le seul cité en exemple dans l'exposé des motifs -, les commissions paritaires font leur travail de contrôle, fixent, d'entente avec les syndicats, le montant des sanctions et travaillent main dans la main avec l'OCIRT. Les invites restantes font de cette motion un texte inodore et incolore, mais ne permettent évidemment pas de rectifier l'exposé des motifs qui est, comme l'a relevé le rapporteur de majorité, médiocre. J'ajoute qu'il est erroné sur bien des points, ce qui rend sa lecture fallacieuse pour quelqu'un qui n'est pas familier avec le sujet.
Au lieu de voter une motion devenue inutile, qui suppose un travail administratif conséquent, le groupe PLR a préféré être cohérent avec ses interventions en commission et la refuser. Il l'a fait d'autant plus volontiers qu'il a présenté la M 2651 qui porte également sur le travail au noir et a été acceptée à l'unanimité en commission.
Concernant la première invite, que le rapporteur de minorité souhaite réinsérer par un amendement, je tiens à rappeler que l'obligation d'instaurer une carte professionnelle existe déjà depuis de très nombreuses années à Genève dans les milieux de la construction. Les partenaires sociaux ont rendu ce badge obligatoire pour toutes les entreprises de ce secteur à travers une CCT étendue. Si on souhaite rendre obligatoire la carte professionnelle dans tous les secteurs, il faudra cependant passer par une modification de la loi fédérale.
En ce qui concerne la deuxième invite, que le rapporteur de minorité souhaite également voir rétablie sous la forme d'un amendement et qui prévoit une interdiction d'accès aux chantiers en cas de suspicion de travail au noir, il faut savoir que les commissions paritaires sont, depuis de nombreuses années, au bénéfice d'un contrat de prestations qu'elles passent avec l'Etat et plus particulièrement avec l'OCIRT, qui leur délègue la compétence de contrôler des cas d'infractions à la loi sur l'AVS. Ces contrats de prestations permettent aux commissions paritaires, avec l'appui de la force publique, de pénétrer dans tout chantier et dans tout lieu de travail afin d'exiger des employeurs comme des travailleurs des renseignements nécessaires au contrôle du travail au noir ainsi que de consulter et de copier les documents utiles.
Le groupe PLR refusera donc les amendements et refusera cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. François Lefort (Ve). De la proposition initiale de l'UDC sur le problème social grave qu'est le travail au noir, la commission de l'économie a conservé à juste titre quatre invites essentielles, qui demandent, pour les deux premières, rappelées par Mme Jocelyne Haller, d'augmenter les sanctions contre les employeurs indélicats - ce n'est pas anodin -, de créer, bien sûr, les bases nécessaires pour sanctionner le maître d'ouvrage qui fermerait les yeux sur une activité illégale, mais aussi d'améliorer l'information des entreprises sur les règles à respecter, même s'il y a déjà un effort certain des partenaires sociaux employeurs dans ce domaine, et enfin, afin de prévenir le travail au noir, d'informer régulièrement le grand public.
Voilà la conclusion de la majorité de la commission de l'économie qui a voté cette motion et qui vient d'être rejointe par Ensemble à Gauche, que nous remercions d'ailleurs. Voilà donc le consensus majoritaire dont nous pensons qu'il amènera l'Etat à améliorer sa lutte contre le travail au noir, ce qui résonne d'ailleurs avec l'actualité de cette semaine: le canton et les partenaires sociaux sont maintenant d'accord, dans le domaine de la construction, de durcir la loi pour éviter, dans un autre registre, la multiplication de faillites frauduleuses qui s'accompagnent aussi de travail au noir et sont commises au détriment des employés et du contribuable.
Le groupe Vert soutient cette majorité et vous invite à faire de même afin de réduire ce fardeau social qu'est le travail au noir, d'abord pour les travailleurs et les employés obligés d'accepter ces conditions de travail dans l'insécurité, obligés d'accepter de se faire voler leur avenir par la privation d'assurances sociales et bien sûr aussi par des salaires plus bas. C'est aussi un fardeau pour la société, dont les assurances sociales se font plumer, et pour l'Etat qui se voit privé de ressources fiscales. C'est donc un fardeau également pour les contribuables. Les conséquences du travail au noir, vous le voyez, sont multiples, et il faut les réduire si l'on ne veut pas voir se développer quelque chose de beaucoup plus dangereux, un système informel et parallèle nuisible à la cohésion de notre communauté mais nuisible aux victimes en premier lieu. Le groupe Vert votera bien sûr cette motion, mais aucun des amendements proposés. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Le travail au noir est un cancer qui ronge notre société. Genève est rongée par tous ceux qui pratiquent le travail au noir; Genève est rongée par les marchands de sommeil; Genève est rongée par les bidouilleurs de tout poil qui pourrissent notre république. Le travail au noir n'a pas sa place à Genève, c'est pourquoi le MCG soutiendra cette motion ainsi que les amendements. Pour ne laisser aucune place au travail au noir, pour exprimer cette volonté très forte, nous tenons à soutenir ce texte, mais plus que ce texte, nous voulons soutenir une volonté politique, et cette volonté politique doit s'exprimer clairement, elle doit être relayée aussi par le Conseil d'Etat, qui doit lui donner toute l'ampleur nécessaire, qui n'est pas de notre ressort puisqu'elle incombe au gouvernement. Tout ceci est un travail de longue haleine, difficile. Nous ne devons pas nous laisser avoir par les astuces de ces bidouilleurs qui mènent la République et canton de Genève au gouffre. Il faut à tout prix exprimer cette volonté, mais plus que de l'exprimer, il faut entrer dans les faits. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Charles Selleger pour une minute et demie.
M. Charles Selleger (HP). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Mesdames et Messieurs les députés, que dirions-nous si les résidents sans papiers, les résidents au noir, avaient le privilège de prendre le volant sans permis de conduire ? Demanderions-nous à la police de ne pas contrôler cette catégorie de résidents sous le prétexte qu'ils n'auraient pas besoin de permis de conduire, n'ayant pas de permis de résidence ? La loi doit être respectée, même lorsqu'elle ne convient pas à certains milieux. Je voterai donc les amendements et je voterai la motion. Merci, Monsieur le président.
M. Jacques Blondin (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'exposé des motifs de cette proposition de motion commence assez bien - je vais vous le lire: «Le travail au noir est un véritable fléau. Il est à l'origine de nombreux problèmes: menaces pour la protection des travailleurs, distorsions de concurrence, perte de recettes pour le fisc et les assurances sociales, affaiblissement du marché de l'emploi et de la cohésion sociale.»
Quand on lit cette entrée en matière, évidemment, on se dit que cet objet va apporter quelque chose. Or, à la lecture de la proposition de motion, on s'aperçoit qu'elle se perd uniquement sur une cible privilégiée - le rapporteur de majorité l'a dit -, le secteur du bâtiment et de la construction. Or, c'est un des secteurs les mieux organisés à cet égard. On ne peut pas dire que tout est magnifiquement blanc, mais ce secteur est structuré, un partenariat social existe, avec des mesures ciblées très contraignantes et lourdes: l'obligation de la carte professionnelle dont on a parlé, des inspecteurs du travail et une police supplémentaire pour contrôler, suivre et enquêter, etc. On fait fi de tout le reste.
Sur la base des invites, notre parti avait évidemment décidé de ne pas soutenir cette proposition de motion. Ensuite, on a travaillé sur le texte, et les trois premières invites, très restrictives à l'encontre du secteur du bâtiment uniquement, ont été annulées, ce qui fait que ce qui reste vise effectivement à lutter contre le problème sérieux du chômage, mais de manière neutre et non ciblée, c'est-à-dire pour tous les secteurs économiques, restauration et autres. Nous sommes donc bien sûr disposés à entrer en matière.
Je ne sais pas si cette motion mange du pain ou pas - cette expression me fait toujours bondir; nous en traitons beaucoup, semble-t-il, des motions qui ne mangent pas de pain. En tout cas, sur la base de ce qui reste du texte initial et compte tenu du problème réel du chômage, nous soutiendrons cette motion, mais refuserons catégoriquement les amendements. Si ceux-ci passent, nous la refuserons. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Stéphane Florey, il vous reste vingt-sept secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. J'aimerais revenir sur ce que j'ai entendu à propos des inspecteurs paritaires. Oui, ils effectuent un certain nombre de tâches, oui, ils contrôlent les conditions de travail, oui, ils contrôlent si l'AVS et ce genre de choses sont bien versées, mais en aucun cas - si c'était vrai, j'aimerais obtenir les chiffres du département - ils ne dénoncent les travailleurs au noir.
Mme Léna Strasser (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe socialiste salue le travail de fond effectué en commission sur les invites de cette motion. Ce travail a permis de prendre position sur un texte qui a une portée concrète et, à notre sens, est constructif. Le renforcement de la lutte contre le travail au noir est pour nous une préoccupation de longue date, vous le savez. Car si nombre d'entreprises respectent les règles qui définissent les conditions de travail des employés, en renforçant la lutte contre le travail au noir, on renforce également la lutte contre la concurrence déloyale dans notre canton, et surtout, on protège les travailleurs et les travailleuses contre le problème crasse qu'est le travail au noir, qui a un impact terrible sur celles et ceux qui en font les frais. Nous soutiendrons donc cette motion et les amendements. Nous sommes particulièrement favorables à l'information large sur les droits des travailleurs et des travailleuses, quels que soient les secteurs, afin qu'ils et elles aient les moyens de se défendre à ce propos.
Mme Salika Wenger (EAG). J'ai bien écouté toutes les interventions: je les trouve toutes, je dirais, gentilles. On parle du travail au noir; quand j'entends certains députés, j'ai toujours l'impression que ce n'est pas du travail au noir que nous parlons, mais des travailleurs étrangers. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ça me gêne un tout petit peu. Ça me gêne un tout petit peu, parce qu'une question se pose, que je pose à tous: comment imaginer ce canton, comment imaginer le fonctionnement de ce canton - et je parle là de divers milieux, comme celui du bâtiment - sans travailleurs étrangers ?
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Salika Wenger. Je ne suis pas certaine que nous trouverions une réponse à cette question. Merci.
Le président. Merci. La parole va maintenant à M. le député Patrick Dimier pour une minute vingt-cinq.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. On utilise souvent le terme de fléau, et je pense qu'il faut s'en méfier: comme vous le savez, le fléau est un instrument fait pour battre le grain. Evidemment, quand on traite une motion qui ne mange pas de pain, ça peut être utile, mais je préfère le terme de calamité. Je ne suis pas Jane, mais je pense que c'est quand même le vrai sujet auquel nous sommes confrontés. A entendre certains milieux s'exprimer, celui des patrons notamment, je dois dire que j'ai un peu de peine, pour ne pas dire beaucoup: c'est en fait une tâche qui nous concerne tous. Je rappelle que nous prêtons tous serment de défendre la république «qui nous a confié ses destinées», et on ne peut pas soutenir une calamité, ce n'est pas notre job. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Serge Hiltpold, vous avez droit à un sprint de trente-neuf secondes.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce sera amplement suffisant. Je voulais juste dire que les maîtres d'ouvrage ont aussi leur responsabilité. Quand je vois le vote de mardi soir à la commission des travaux, qui accorde une confiance pleine et entière au maître d'ouvrage que sont les TPG et leur octroie 350 millions de crédit, alors qu'à la fois la direction des TPG et la présidence du conseil d'administration restent en place malgré des fraudes crapuleuses dans le chantier d'En Chardon ! Soyez cohérents et allez jusqu'au bout des choses: le secteur de la construction fait son travail, simplement, les maîtres d'ouvrage publics, souvent, pour des prix au moins-disant, ne respectent pas leurs obligations. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole au rapporteur de majorité, puisque le rapporteur de minorité n'a plus de temps de parole. Monsieur le député Guinchard, c'est à vous.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, pour votre générosité. Je voulais revenir sur les amendements proposés par le rapporteur de minorité, mais Mme Kämpfen les a très bien expliqués; je vous recommande à nouveau de les refuser tous deux. Quant aux divergences d'appréciation entre les chiffres du chômage du BIT et ceux du SECO, je vous rends attentifs au fait que nous débattrons de ce thème tout à l'heure avec le traitement de la M 2567-A. Je vous remercie.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Bonjour, Mesdames et Messieurs les députés. Ce dont je peux vous assurer, c'est que la volonté politique de lutter contre le travail au noir qui a été appelée de ses voeux notamment par un député du MCG est bel et bien là au département de l'économie et de l'emploi et au-delà, bien entendu, au niveau du Conseil d'Etat tout entier. Le Conseil d'Etat ne peut que partager les préoccupations des motionnaires.
Cela étant, en fonction des compétences de droit fédéral et de droit cantonal, tout n'est pas possible au niveau cantonal; le canton n'a pas le pouvoir de modifier par exemple la loi sur le travail ou celle sur le travail au noir, ni même de modifier les dispositions légales qui régissent la responsabilité des maîtres d'ouvrage.
Il faut également noter qu'au niveau fédéral, la volonté de renforcer les dispositions de lutte contre le travail au noir n'existe pas et que les Chambres ont plutôt affaibli ces dispositions au cours des dernières années. Le canton ne peut pas non plus s'immiscer dans les prérogatives des commissions paritaires qui appliquent les conventions collectives de travail.
Toutefois, après cette liste de ce qu'il n'est pas possible de faire vient heureusement la liste des choses qu'il est possible de faire et qui sont déjà en cours. Il est possible de renforcer l'application des sanctions, il est possible d'améliorer les contrôles existant dans le champ de compétences cantonal. Mon département travaille d'ores et déjà sur plusieurs volets pour augmenter des sanctions à l'encontre des employeurs ou des employés qui ne se trouveraient pas en conformité. L'OCIRT a revu le catalogue de sanctions afin de renforcer l'effet dissuasif des contrôles en sanctionnant davantage des infractions, mais en introduisant des pondérations en fonction de la mise en conformité, de manière à rester punitif tout en gardant une dimension incitative, la mise en conformité restant l'objectif premier des contrôles.
Nous travaillons aussi à une meilleure coordination entre les différentes inspections, entre l'OCIRT, l'inspection paritaire des entreprises et les commissions paritaires, ce qui est également un moyen d'améliorer l'efficacité de la lutte contre le travail au noir et les infractions y relatives.
Vous avez d'ailleurs accepté très largement, il y a peu - le mois passé, de mémoire -, le renforcement de l'inspection paritaire des entreprises de manière que les partenaires sociaux puissent instruire des dossiers complexes et faire prendre des mesures sans concession, en particulier face à des cas crasses de travail au noir.
Enfin, et comme cela a déjà été annoncé dans la presse cette semaine, nous travaillons avec les partenaires sociaux à l'introduction dans la LIRT, la loi sur l'inspection et les relations du travail, d'une base légale permettant de suspendre non seulement les chantiers publics, comme c'est déjà le cas, mais également les chantiers privés. J'insiste sur le fait qu'il s'agit là d'une demande conjointe des partenaires sociaux en cas de violation importante des conditions minimales de travail ou de travail au noir.
En conclusion, les discussions actuellement en cours avec les partenaires sociaux sont une voie pertinente pour répondre aux préoccupations légitimes que vous exprimez ici et que les motionnaires, de même que la commission de l'économie, ont souhaité envoyer au Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat rendra évidemment compte de l'ensemble des démarches en cours dans le cadre du rapport qui lui sera demandé si votre Conseil vote le renvoi de cette motion au gouvernement.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur les deux amendements présentés par le rapporteur de minorité. Il s'agit de deux nouvelles invites. Je lis le premier amendement:
«- à rendre obligatoire la carte professionnelle des travailleurs du canton permettant d'attester de leur affiliation aux assurances sociales, le taux d'occupation du collaborateur et du permis de séjour;»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 16 oui et 1 abstention.
Le président. Voici le deuxième amendement:
«- à donner la possibilité aux inspecteurs du travail d'interdire temporairement l'accès à un chantier à toute entreprise qui emploie des travailleurs au noir, jusqu'à la preuve de la correction des salaires et des annonces aux assurances sociales.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 68 non contre 19 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2429 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 66 oui contre 21 non et 2 abstentions (vote nominal).