République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 8 avril 2022 à 16h
2e législature - 4e année - 10e session - 57e séance
M 2605-A
Débat
Le président. Nous abordons la M 2605-A, classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Claude Bocquet, à qui je cède la parole.
Mme Claude Bocquet (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion a été déposée suite à un stage de la fille de l'auteur au sein du Centre ornithologique de réadaptation... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez.
Mme Claude Bocquet. Je reprends ! ...au sein du Centre ornithologique de réadaptation de Genthod, que je nommerai ensuite COR. M. Gander a estimé que cette structure méritait plus de moyens, mais sans en avoir préalablement discuté avec son directeur qui n'avait jusqu'alors rien demandé de plus que ce que l'Etat mettait déjà à sa disposition.
Le chef du secteur des gardes cantonaux de l'environnement nous a indiqué que l'OCAN collaborait avec quatre centres: le COR, le Centre de réadaptation des rapaces, SOS hérissons et le Bioparc. Il a constaté que ces entités recueillaient peu d'espèces menacées et que, de fait, l'impact sur la biodiversité était mineur, mais qu'il y avait par contre un enjeu social. Le service donne la priorité aux projets concernant des espèces qui figurent sur la liste rouge, c'est pourquoi le COR a reçu une subvention pour son programme dédié au martinet noir. L'OCAN a la volonté de soutenir équitablement les quatre associations.
Lors de son audition, le directeur du COR nous a expliqué que ses collaborateurs étaient formés à la prise en charge des oiseaux blessés. La plupart sont bénévoles ou envoyés par l'Hospice général. Le centre, qui a recueilli 2300 oiseaux en 2019, vit essentiellement des dons de certaines communes et de plusieurs fondations. Le responsable a ajouté qu'il souhaitait engager des salariés afin de pérenniser l'établissement, mais qu'il n'avait à ce jour pas déposé de demande de subvention supplémentaire.
Durant les discussions internes, les députés ont relevé qu'une mutualisation des locaux de soins pour les oiseaux pouvait être mise en place entre les deux centres de réadaptation, mais que cela n'avait pas été entrepris à cause de différends relationnels entre les deux directeurs. Les membres de la commission ont été gênés par la manière de procéder consistant à passer par le Grand Conseil au lieu de suivre une démarche normale ainsi que par le fait de favoriser l'une des quatre structures.
Le département a déclaré qu'il était prêt à entrer en contact avec l'administrateur du COR afin de formaliser les besoins, celui-ci ayant adressé une requête formelle lors de son audition. Dès lors, la commission a estimé que cette proposition de motion n'avait plus lieu d'être. Il aurait suffi à son auteur de la retirer, puisque son invite a été réalisée; comme il ne l'a pas fait, nous vous invitons à la refuser.
Mme Beatriz de Candolle (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, l'examen de la proposition de motion 2605 a eu l'avantage de mettre en lumière le travail du Centre ornithologique de réadaptation de Genthod et de rappeler que trois autres entités collaborent avec l'office cantonal de l'agriculture et de la nature: le Centre de réadaptation des rapaces, SOS hérissons et le Bioparc. Par contre, cet objet a surpris la majorité de la commission, comme cela a été relevé par la rapporteure. En effet, la démarche consistant à recourir à un texte parlementaire alors que le COR et l'OCAN peuvent trouver des solutions en bilatéral est pour le moins gênante. Sans oublier que les trois autres structures rencontrent peut-être les mêmes difficultés. Il est important pour le groupe PLR de maintenir une égalité de traitement dans les procédures en vue d'une demande de subvention, raison pour laquelle les députés PLR refuseront cette proposition de motion et vous invitent à faire de même.
M. Eric Leyvraz (UDC). Oui, cette proposition de motion est maintenant un peu dépassée, parce que le DT a pris l'engagement en 2020 de contacter le centre ornithologique. Pour ma part, je profite de ce débat pour saluer une personne qui se dévoue en faveur de la république de façon bénévole depuis 1975, M. Patrick Jacot, dont le travail ainsi que celui de tous les bénévoles qui l'entourent a sauvé des dizaines de milliers d'oiseaux. J'aimerais le féliciter et que la communauté genevoise soit reconnaissante à son égard. Merci. (Applaudissements.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce qui me choque, pour ma part, c'est que vous soyez choqués par la démarche. Il s'agit d'une action citoyenne, c'est bien normal et vous êtes toutes et tous ici concernés: lorsque des habitants vous approchent en vous sollicitant pour telle ou telle chose, vous êtes les premiers à accourir pour déposer des textes au sein de ce parlement, textes que nous traitons avec empathie, amabilité et sérieux. Aujourd'hui, vous reprochez à un député d'avoir présenté un objet pour soutenir un centre ornithologique d'une importance cantonale vitale qui, comme notre collègue Eric Leyvraz l'a relevé à l'instant, a sauvé des milliers d'oiseaux.
Grâce à cette structure, des dizaines de personnes ont pu s'engager et disposer d'une formation, développer une expérience, faire tout simplement quelque chose de leur vie; autrement, ces gens végètent chez eux et ne font rien. Ce centre mène des activités sociales, permet à tout un chacun de redevenir quelqu'un en s'intéressant à autre chose qu'à son propre nombril, comme certains ici, et je pense que c'est fondamental.
Tant pis si les autres entités n'ont pas demandé d'aide. A la rigueur, pourquoi est-ce qu'on n'irait pas plus loin en soutenant les quatre centres ? Aujourd'hui, et vous le savez toutes et tous, vous autres qui êtes engagés - ou pas -, il est de plus en plus difficile de trouver des personnes qui s'impliquent bénévolement, qui offrent de leur temps et de leur énergie pour les autres, cela devient de plus en plus rare. Aussi, puisque nous avons la possibilité de faire quelque chose, élargissons le champ de la proposition de motion: il y a quatre associations, eh bien allouons des ressources aux quatre et pas seulement à l'une d'elles. Merci - grâce à ce centre-ci, on ouvre une porte pour les autres. J'ai dit.
Une voix. Bravo.
M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, le travail effectué depuis des décennies par le COR, en grande partie bénévole, est largement reconnu, on ne va pas contredire M. Cerutti. Aussi bien les gardes cantonaux de l'environnement que les pompiers recourent régulièrement aux services de cet établissement pour la sauvegarde de l'avifaune. Ce centre contribue - ou souhaite du moins contribuer - à la formation d'apprentis, même si le responsable a reconnu qu'il n'en avait pas la capacité actuellement. Il faut rappeler que la structure bénéficie déjà d'un soutien de l'Etat sous la forme d'une mise à disposition de terrain ainsi que pour certains programmes, notamment la protection des martinets.
Lors des travaux, les commissaires se sont demandé si les autres entités, soit le Centre de réadaptation des rapaces, SOS hérissons et le Bioparc, ne méritaient pas également d'être soutenues dans leurs activités. Eh bien c'est dans le plan biodiversité, qui vise à mettre en oeuvre la stratégie biodiversité - deux textes largement votés par notre parlement -, que nous trouvons la réponse à cette question. Dans la fiche 8.11 de ce document que tout le monde aura lu, il est prévu une aide aux quatre centres de soins pour animaux sauvages par le biais d'une subvention annuelle - même si elle semble perdre un peu de sa réalité avec votre refus du budget l'année passée. Comme le plan d'action apporte une solution à cette proposition de motion, qui plus est en élargissant le soutien, celle-ci devient inutile et nous vous invitons donc à la refuser. Je vous remercie.
Mme Badia Luthi (S). Mesdames et Messieurs les députés, la faune qui passe ou vit dans notre canton bénéficie d'une attention particulière de la part du Centre ornithologique de réadaptation, association à but non lucratif qui opère en toute conscience écologique. Cette initiative ambitieuse est portée par des particuliers passionnés du domaine et par des bénévoles qui se sont donné une mission: s'occuper plus particulièrement des oiseaux blessés ou malades afin de contribuer à leur bien-être. Une vocation honorable et responsable.
Le parti socialiste reconnaît tous les efforts et le travail fournis par ce centre de soins. Les oiseaux sauvages blessés ou malades sont pris en charge de manière professionnelle, soignés et remis en liberté quand c'est possible. Dans tous les cas, on offre une chance à des animaux qui avaient peu d'espoir de survie. Nous admettons que cette structure revêt une grande importance pour la protection et la sauvegarde de la faune, notamment des espèces menacées.
Toutefois, nous refuserons la proposition de motion, car il s'agit d'une demande pour une organisation qui n'assume aucune charge ni aucun mandat pour l'Etat. L'association bénéficie déjà d'un terrain de quatre kilomètres carrés mis gracieusement à sa disposition; elle reste libre dans la gestion de ses activités et n'a aucun compte à rendre au canton. D'autre part, il existe trois autres centres à Genève, tous indépendants, et nous estimons qu'il n'y a pas de raison d'en privilégier un par rapport aux autres; c'est une question d'égalité de traitement.
Mesdames et Messieurs les députés, l'argument qui a pesé dans notre prise de position est le suivant: l'office cantonal de l'agriculture et de la nature a entendu la requête du centre et l'a invité à la formuler directement au département afin que celui-ci détermine dans quelle mesure ils peuvent travailler ensemble. Le groupe socialiste rejettera dès lors ce texte et invite les autres partis à le faire également, car l'intervention du Grand Conseil n'a aucun sens si le département s'implique volontairement à ce sujet. Merci.
Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes dans une période où nous prenons conscience - enfin, j'espère ! - de l'importance de la biodiversité et de tous les animaux que notre développement et notre manière de vivre ont mis en péril, en particulier les oiseaux. Les oiseaux sont victimes entre autres des voitures. Savez-vous qu'un grand nombre d'entre eux... (Commentaires.)
Le président. Un instant, Madame la députée...
Mme Françoise Nyffeler. Je savais que j'allais faire plaisir aux messieurs d'en face !
Le président. Madame la députée, une seconde, s'il vous plaît. Il y avait de toute façon trop de brouhaha. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Poursuivez, je vous prie.
Mme Françoise Nyffeler. Oui, je savais que les défenseurs absolus de la voiture allaient réagir, mais ce n'est pas grave. C'est une réalité: les oiseaux sont shootés par les voitures très régulièrement, ceux qui arrivent dans les différents centres de réadaptation sont souvent victimes de la route.
Cela étant, je pense que soutenir cette association a un sens, c'est une manière de montrer notre reconnaissance vis-à-vis des efforts qui y sont déployés. Ensuite, pourquoi pas les autres ? Eh bien oui, je pose la question. Il faudra peut-être que les trois autres structures fassent la même demande. Je suis pour, notre groupe est pour la défense et la protection des espèces en danger, menacées par notre développement anarchique.
J'aimerais par ailleurs rappeler que tous les centres qui s'occupent de réadaptation d'animaux, et celui-ci n'échappe pas à la règle, jouent un rôle social très important... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît.
Mme Françoise Nyffeler. Les bénévoles...
Le président. Excusez-moi, Madame ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Voilà, continuez.
Mme Françoise Nyffeler. Parmi les bénévoles qui s'impliquent dans ces lieux et dans celui-ci en particulier, il y a des personnes qui peuvent ainsi se raccrocher à quelque chose, conférer un sens à leur vie qu'elles n'avaient peut-être pas avant. Ces endroits jouent un rôle social extrêmement important et, à mon avis, nous devons aider toutes les entités actives dans la protection et la réadaptation des espèces. Je pense que notre groupe acceptera... Enfin non, j'affirme que notre groupe acceptera la présente proposition de motion qui va dans ce sens. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de motion 2605 est rejetée par 62 non contre 19 oui et 6 abstentions (vote nominal).