République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 avril 2022 à 20h30
2e législature - 4e année - 10e session - 55e séance
PL 12967-A
Premier débat
La présidente. Nous poursuivons avec l'urgence suivante, soit le PL 12967-A, classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur Pierre Eckert, vous avez la parole.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'annonce d'emblée que je prendrai sur le temps de mon groupe, parce que le sujet me paraît important. Il se trouve que j'ai également été membre de la commission des visiteurs officiels: dans ce contexte, j'ai eu l'occasion de visiter le chaleureux chalet de la fondation REPR qui se trouve juste entre les prisons de Champ-Dollon... (Brouhaha.)
La présidente. Excusez-moi un instant. Mesdames et Messieurs, le débat précédent s'est très bien passé, essayons de poursuivre sur cette voie. Si vous voulez discuter, n'hésitez pas à sortir de la salle, mais sinon je vous prie d'écouter le rapporteur. Reprenez, Monsieur Eckert.
M. Pierre Eckert. Je vous remercie, Madame la présidente de séance. Je disais que le sujet me semblait important et que le chalet de la fondation REPR se situe pile entre les prisons de Champ-Dollon et de La Brenaz. J'ai pu m'entretenir avec les responsables et quelques bénévoles qui se trouvaient là, et je dois dire que l'on ressort plutôt ébranlé de cette expérience, car elle met le doigt sur une réalité méconnue. Cette réalité, Mesdames et Messieurs, c'est la relation entre des enfants et leur parent détenu en prison. Comment se comporter, comment lui parler, quels sont les droits qui existent ? Il serait injuste que l'enfant ait à subir, voire à porter, la faute de son père ou de sa mère.
C'est l'important rôle que joue cette organisation. REPR, anciennement Carrefour Prison, est une fondation indépendante, professionnelle, apolitique, à but non lucratif et reconnue d'intérêt public. Elle vise - je vous énumère ses buts - à offrir de l'information, un accueil, un soutien aux familles et aux proches de détenus, à accompagner les enfants dans leur relation avec un parent en prison, à sensibiliser la population à une réflexion autour de la détention et de ses effets.
Le nouveau contrat de prestations 2022-2025, d'un montant annuel de 435 554 francs, entend élargir l'action de REPR à Genève afin de répondre à un besoin avéré d'accompagnement, de préparer les gens au retour à la liberté, de contribuer à éviter la récidive. L'augmentation de la dotation lui permettra d'opérer non seulement à Champ-Dollon, mais aussi dans l'entier de La Brenaz ainsi qu'au sein des établissements de Curabilis et de Villars, qui ne sont pas couverts pour le moment, cela en conformité avec les recommandations spécifiques du Conseil de l'Europe, dont la Suisse est membre depuis 1963.
A travers le projet pilote «Parents et en prison», il a été démontré le bien-fondé de la démarche et la qualité de l'intervention de REPR. Le financement privé spécifique arrivant à son terme, il est important que la collectivité poursuive ce programme exemplaire. En 2024, une évaluation en sera réalisée, ceci pour envisager de le prolonger ou non dans le contrat de prestations qui suivra.
La fondation bénéficie également du soutien de nombreux donateurs individuels et philanthropiques, de fondations et d'entreprises, mais aussi de plusieurs villes et communes. Vous trouverez dans le rapport, Mesdames et Messieurs les députés, tous les détails sur le plan d'action de REPR; vous pourrez aussi y lire quelques témoignages poignants d'enfants qui prouvent à quel point le maintien du contact physique avec leur parent est important.
J'aimerais encore vous citer un passage du rapport qui provient de l'audition du département et qui devrait vous démontrer, si vous n'étiez pas encore convaincus, l'importance de la fondation REPR: «La préparation du retour à la liberté se fait tout au long de la détention. L'élément fondamental pour le retour à la liberté, qui doit éviter la récidive, est fondé essentiellement sur sa réussite au niveau de l'environnement de la personne, et c'est d'abord l'environnement familial. Il est ainsi important que les personnes en attente de jugement ou en exécution de peine puissent garder ce contact avec la famille, ce qui permet de tenir, de se réjouir de retourner vers la liberté et d'avoir un but. Il y a aussi la souffrance de la famille qui est à l'extérieur, en particulier lorsque cette famille est représentée par des enfants qui sont souvent dans l'incompréhension face à cette séparation. C'est aussi l'avenir des enfants que l'on prépare grâce à ce soutien de REPR. La conception qu'a l'enfant de la cause de cette séparation d'un être cher, peu importe que cela soit un délinquant ou un criminel, cela reste un père ou une mère. La parentalité en prison est un des facteurs protecteurs les plus importants contre la récidive à la sortie. Pour un grand nombre de détenus, l'entrée en détention concrétise une rupture sociale qu'il est impératif de rétablir en cours de détention et le plus tôt possible.»
En conclusion, le vote rapide de ce projet de loi est essentiel afin que la fondation REPR puisse concrétiser les nouvelles prestations convenues avec l'Etat et engagées depuis le début de l'année 2022. Je vous remercie.
M. Alberto Velasco (S). Le rapport décrit par notre collègue Eckert est très complet et montre le travail extraordinaire réalisé par cette fondation. Mais il faut avoir été sur place, Mesdames et Messieurs les députés, pour s'en rendre compte réellement. Il s'agit avant tout d'enfants. Il s'agit d'enfants qui, au départ, ont une image plutôt négative de leurs parents, de leur père, de leur mère... (Brouhaha.)
La présidente. Un instant, s'il vous plaît. Mesdames et Messieurs, pouvez-vous cesser vos conciliabules au milieu de la salle ? Merci. Voilà, Monsieur le député, poursuivez.
M. Alberto Velasco. Je disais donc, Madame la présidente, qu'il s'agit avant tout d'enfants, d'enfants qui peuvent avoir une image dégradée de leur parent détenu, du moins à l'époque. Cet organisme accomplit un travail fabuleux pour faire en sorte que malgré la situation dans laquelle se trouve leur père ou leur mère, ils les considèrent tout de même comme des êtres humains méritant le respect. Ces dames et ces messieurs qui oeuvrent dans cette entité, c'est vraiment merveilleux. La commission des finances a été très touchée par les témoignages qu'ils nous ont livrés.
En plus, ils se trouvaient autrefois face à la prison dans un petit chalet, et depuis quelques années, après avoir considérablement travaillé dans ce sens, ils disposent d'un bâtiment un peu plus adéquat pour recevoir les enfants et les familles.
Ce Grand Conseil doit veiller à augmenter si nécessaire l'aide à ces personnes, parce que la réinsertion est fondamentale. Mais surtout, foncièrement, il s'agit de l'image que les enfants ont de leurs parents. Sincèrement, chers collègues, je vous demande de voter ce projet de loi à l'unanimité, parce que ça représente un signal extrêmement important pour les personnes qui font ce travail et pour les enfants des détenus. Merci.
M. Jean-Marie Voumard (MCG). Permettez-moi tout de même de m'étonner, Mesdames et Messieurs. On parle de vote rapide, on constate qu'il y a eu dix voix pour ce projet de loi, mais on prend la parole six minutes ici, trois minutes là-bas pour parler de ça alors que tout le monde sait le travail qu'accomplit la fondation REPR: ils accompagnent les enfants et les familles des détenus, s'occupent de leurs biens, font les trajets et tout. Je pense que ce texte doit être accepté sans détour, il ne sert à rien de prendre la parole six minutes pour ça ! Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Très bien !
Une autre voix. Du bon sens !
M. Jacques Blondin (PDC). Pour ma part, je pense qu'il est utile de prendre quelques minutes pour évoquer ce sujet, et l'émotion qu'on a pu entendre dans la voix de certaines des personnes qui se sont exprimées reflète la nécessité de cette fondation et la qualité du travail fourni. On parle de familles, on parle d'enfants et on parle de prison. Evidemment, c'est brutal, il faut bien qu'une organisation s'en occupe, et REPR le fait fort bien. Alors oui, on peut être député et ressentir quelques émotions lors des auditions et des séances, il est vrai que l'audition de cette entité a été poignante.
On a reçu des documents, des témoignages d'enfants qui sont confrontés à la violence de la vie: un soir, ils rentrent à la maison et papa ou maman n'est plus là. Il faut expliquer la situation, accompagner ces enfants; il y a l'environnement social, l'école, ce n'est pas facile. Et il ne faut pas croire que les enfants sont dupes, ils se rendent bien compte de la réalité des choses.
Certes, on aurait pu faire passer le texte aux extraits et abréger le traitement de ce budget, mais je crois qu'il est important qu'on soit conscients et heureux que des associations s'occupent de cas particuliers, et celle-ci le fait bien. Je m'associe donc aux propos tenus par le rapporteur et j'invite bien évidemment tout le Grand Conseil à voter à l'unanimité le soutien à cette fondation. Merci. (Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie. Il n'y a plus de demande de parole... Ah si, pardon, le rapporteur de commission ad interim. Monsieur Pierre Eckert, c'est à vous pour une minute.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur ad interim. Merci, Madame la présidente de séance, je n'aurai pas besoin d'autant. Je répète simplement que j'ai délibérément décidé de parler plus longtemps que mon temps de parole comme rapporteur, parce qu'il me paraissait important de mettre en évidence le travail de cette fondation durant la séance plénière, que ce ne soit pas juste un rapport de commission de plus qui passerait inaperçu. J'ai voulu expliciter les travaux réalisés par la commission et j'ai choisi sciemment de prendre plus que mon temps de parole pour le faire.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas long, rassurez-vous; tout le monde salue le travail de cette fondation, et mon but n'est pas d'en rajouter, comme on dit. Cela étant, une aide financière n'est pas simplement une enveloppe que l'on jette sur la table en disant: «Bravo, continuez comme ça.» Cela représente aussi un message pour celles et ceux qui nous écoutent, qui entendent beaucoup de choses durant ces séances - d'un intérêt relatif, je pense qu'on peut le reconnaître objectivement -, des choses qui concernent pourtant ici un sujet fondamental.
On parle de personnes qui, à un moment donné, ont sombré dans la délinquance et que l'on tente d'en faire sortir selon le principe de «désistance» pour qu'elles puissent, pas simplement par peur du gendarme, mais également par le biais d'une prise de conscience, façonner leur avenir différemment, prendre un autre chemin que celui qui les a menées en détention. Dans cette démarche, la famille et les proches jouent un rôle essentiel: c'est le lien non seulement avec la liberté, mais surtout avec l'avenir.
Ce futur se construit des deux côtés: celui de la personne en détention, qui doit conserver son lien avec l'extérieur et l'espoir de développer quelque chose à sa sortie de prison, et celui de la personne qui est dehors, qui attend et qui doit pouvoir garder le contact.
Je voudrais souligner qu'à Genève, nous sommes particulièrement sensibles à cette question. Champ-Dollon, sachez-le, est la seule prison de Suisse à n'avoir jamais suspendu les parloirs pour les familles durant toute la crise sanitaire, considérant qu'il fallait certes prendre les mesures nécessaires, mais qu'il était impératif que ces rapports soient maintenus.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous demande bien entendu de soutenir cette aide financière annuelle et je m'associe aux remerciements qui ont été exprimés pour le travail accompli par cette association, un travail parfois ingrat, un travail à tout le moins difficile, parce qu'on touche véritablement à la souffrance.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je lance la procédure de vote sur cet objet.
Mis aux voix, le projet de loi 12967 est adopté en premier débat par 72 oui (unanimité des votants).
Le projet de loi 12967 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12967 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui et 8 abstentions (vote nominal).