République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 avril 2022 à 17h
2e législature - 4e année - 10e session - 54e séance
M 2529-A
Débat
Le président. Nous passons à la M 2529-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à Mme Ruth Bänziger, rapporteure de majorité.
Mme Ruth Bänziger (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, la M 2529 traite des possibilités de réduire les besoins en stationnement dans les PLQ. Il s'agit, d'une part, de s'adapter à l'évolution de notre mobilité, et, d'autre part, de dégager des surfaces de pleine terre. En effet, seule la pleine terre permet de planter des arbres à grand potentiel de développement, les plus à même de réduire l'impact de la chaleur en milieu urbain. Toujours dans le but de s'adapter à l'évolution de notre mobilité, la motion demande aussi de favoriser les parkings réversibles, par exemple en silos, ainsi que des expériences pilotes de quartiers sans voitures.
Les parkings souterrains sont souvent plébiscités pour libérer des espaces en surface. Or s'ils permettent de réduire l'espace dédié à la voiture en surface, ils sont très gourmands en pleine terre. Ils participent à l'imperméabilisation du sol et donc au réchauffement en milieu urbain. Enfin, ils représentent un coût important à la charge des propriétaires, des promoteurs ou des coopératives. Leur pertinence, ou du moins leur emprise, est remise en question. Cela d'autant plus que l'on constate souvent une diminution de la demande en places au moment de leur réalisation, par rapport à ce qui était exigé lors de l'élaboration des PLQ. Une des conséquences est l'impossibilité d'occuper les places de parking. Du coup, les places sont louées à des personnes externes au quartier, induisant un trafic préjudiciable à l'environnement des habitantes et des habitants. Les travaux en commission ont rappelé qu'il existe une marge de manoeuvre pour adapter le nombre de places de parking au moment de la délivrance de l'autorisation de construire. Si le PLQ définit le nombre de places et l'emprise des parkings souterrains, le règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés donne des possibilités d'appliquer des dérogations par rapport à ces ratios. A cet effet, il faut un engagement des requérants à limiter le nombre de voitures. Ces dérogations sont difficiles à opérer au niveau du PLQ, dans la mesure où les maîtres d'ouvrage ne sont en général pas connus.
Les auditions, notamment celle de l'Association des promoteurs-constructeurs genevois, ont montré le besoin de diminution des places, mais en gardant une certaine flexibilité en fonction de la localisation des projets, du contexte socioéconomique et de la desserte en transports publics. Les développeurs de projets immobiliers rencontrent des difficultés à faire correspondre l'offre à la demande en places de parking. Le besoin identifié au moment de la planification doit pouvoir être satisfait en plus ou en moins en fonction du contexte. La réversibilité devrait davantage être intégrée dans la façon de concevoir ces ouvrages. Enfin, une réflexion sur la conception d'immeubles avec des infrastructures favorables à la mobilité douce et incitant à la pratiquer devrait être menée.
La motion amendée, toute simple, adoptée par une large majorité de la commission, demande: d'élaborer les PLQ en diminuant, dans la mesure du possible, les ratios de stationnement, conformément aux dérogations offertes par le règlement relatif aux places de stationnement sur fonds privés; de planifier le stationnement en réservant des places en pleine terre pour la plantation de grands arbres. Enfin, elle encourage les parkings réversibles. L'invite demandant des expériences pilotes pour des quartiers sans voitures a été supprimée. Nous vous invitons, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à accepter ce texte et à le renvoyer au Conseil d'Etat. Merci.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de minorité. Chères et chers collègues, nous avons été un certain nombre à refuser cette motion, parce que nous pensons qu'elle revient en quelque sorte à toujours toujours taper sur le clou pour empêcher que les gens aient des transports individuels motorisés. Et en l'occurrence, quand on ne dispose pas de parking, on ne peut pas avoir de voiture à soi. Tous les moyens sont bons pour essayer de diminuer le parc automobile de notre canton, et ce bien que de plus en plus de voitures électriques soient mises sur le marché et achetées avec joie par les personnes intéressées. Par ailleurs, le système actuel, fondé sur le principe de la liberté, fonctionne, puisque les constructeurs ont la liberté de demander moins de places de parking que ce que prévoient les différents PLQ, et c'est aussi une affaire communale. Cela signifie que, dans certaines communes, on veut ne pas autoriser plus de x places de parking par appartement. Actuellement, à Genève, c'est deux appartements pour une place de parking. Et, pour les familles où il y a de jeunes adultes qui se déplacent avec leur propre véhicule, cela pose problème.
Mais de tout cela, les motionnaires s'en moquent ! Et ce pour en plus obtenir soi-disant de la pleine terre et des arbres importants. Ils pourraient commencer par ne pas les couper ! (Commentaires.) Je vous rappelle la disparition de nombreux arbres magnifiques, tout simplement parce qu'il a été décidé par nos autorités qu'il fallait faire autre chose. Je rappelle l'abattage de tous les arbres de la plaine de Plainpalais, parce qu'ils étaient prétendument en mauvais état, ce qui n'était pas le cas. Ils ne constituaient pas un danger ! (Commentaires.) Toute la partie verte qui existait sur les x hectares de la plaine de Plainpalais a disparu au profit d'une matière rose appelée le gorrh ! Eh bien, c'est très gore, effectivement ! Et nous souhaitons pouvoir continuer à disposer du nombre de places qui semble nécessaire aux promoteurs ou aux propriétaires et pas simplement être limités par une proposition de motion rose-verte. Merci beaucoup.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Mme Magnin vient de poser le véritable problème: savoir ce qui relève de la liberté individuelle et ce qui relève de la demande, de l'exigence et du droit des collectivités. J'invite Mme Magnin à se rendre, entre 7h30 et 8h - allez, disons 9h ! - à la rue de la Servette ou à la route de Malagnou par exemple, avec les associations de parents, pour voir dans quelles conditions nos enfants traversent les rues quand elles sont embouteillées, si j'ose dire, et polluées par 150 000 personnes qui déboulent en voiture dans notre ville tous les matins et qui en ressortent tous les soirs. (Commentaires.) Les places de parking - et heureusement que le Conseil d'Etat y a mis un peu d'ordre... Ces voitures qui déboulent vont quasiment jusqu'au centre - allaient jusqu'au centre de notre ville - pour se garer dans les parkings que Mme Magnin soutient, envers et contre tout. Et ils ne sont pas destinés aux habitants - si au moins ils étaient destinés aux habitants et habitantes ! Ils sont destinés à des usagers qui viennent travailler au centre-ville, et encore aujourd'hui, un certain nombre de personnes, bien que n'ayant plus accès au centre-ville, en profitent, parce qu'un nombre considérable de parkings privés sont utilisés non pas par des habitants, mais par des pendulaires, que ce soit du canton de Vaud, d'ailleurs, ou de la France voisine.
Nous avons essayé de défendre le fait de créer des P+R à l'extérieur, et c'est ce même parti qui a refusé de construire des parkings en France voisine... (Commentaires de désapprobation.) ...et qui a lancé un référendum pour empêcher celles et ceux en France voisine et dans le canton de Vaud qui ont effectivement besoin de se déplacer en voiture, parce qu'il n'y a pas suffisamment de transports publics... Le MCG a soutenu un référendum pour empêcher la construction de P+R. Nous regrettons cette manière de voir le développement de notre ville. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Bien évidemment, nous soutiendrons cette motion, bien qu'elle essaie, une fois de plus, de ménager la chèvre et le chou, en disant que, bon, il faut essayer de faire en sorte qu'il y ait moins de parkings. Cela étant, cela permettrait au moins de soulager les locataires quand il s'agit de payer des places de parking qui coûtent extrêmement cher à la construction; qu'ils soient en abri ou en élévation, ces parkings coûtent très cher et pèsent sur le revenu des ménages. En constatant cela, nous sommes pour réduire drastiquement, drastiquement, dans la mesure où...
Le président. Merci, c'est terminé, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. ...dans la mesure où, Monsieur le président, le centre-ville n'est plus accessible...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Rémy Pagani. ...et qu'on peut disposer de transports en commun. Merci. (Commentaires.)
M. Sébastien Desfayes (PDC). Le PDC a voté cette motion en commission dans la joie et la bonne humeur, et d'ailleurs, les invites actuelles de cette motion sont le résultat d'un bon compromis. Il ressort des auditions qu'il y aurait besoin de plus de flexibilité par rapport aux parkings souterrains en zone de développement. Mais je dois dire que cette joie et cette bonne humeur se sont transformées au caucus en une certaine circonspection. Pourquoi ? Parce que, dans l'intervalle, nous avons pris connaissance d'un projet de loi des Verts qui vise à augmenter le prix du macaron à 800 francs pour les particuliers; un des buts des fonds générés par ces macarons à 800 francs serait la création de parkings souterrains. Donc, dans l'esprit de ce projet de loi, on supprimerait les parkings en surface pour créer des places de stationnement en ouvrage.
Alors peut-être que nous sommes devenus paranoïaques - encore qu'un paranoïaque peut avoir raison ! -, mais on se demande si la stratégie des Verts ne serait pas tout à coup une stratégie du salami, qui viserait à nous dire que petit à petit, on va supprimer le stationnement souterrain, supprimer le stationnement en surface et finalement supprimer la voiture individuelle ! Pour ces raisons, nous avons besoin d'éclaircissements et nous demandons le renvoi en commission de cette proposition de motion. Merci. (Commentaires.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. Il est pris bonne note de cette demande de renvoi. Est-ce que les deux rapportrices de commission souhaitent s'exprimer sur ce renvoi ? Madame Magnin ? Non. Madame Bänziger, vous avez la parole.
Mme Ruth Bänziger (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Pour ce qui est du renvoi, je pense qu'il est difficile de trouver un texte plus souple. Je rappelle aussi que c'est une motion, qui appelle le Conseil d'Etat à la mettre en oeuvre. Elle demande simplement d'utiliser la législation et le règlement existants sur les places de stationnement sur fonds privés et de voir s'il est possible, déjà au niveau du PLQ, de mettre en place un certain nombre de dispositions pour éventuellement, selon les endroits où le PLQ se situe, réduire le nombre de places de parking dans l'intérêt à la fois des propriétaires, des associations, des coopératives et évidemment aussi des locataires, s'agissant de la répercussion sur le prix des logements. Je ne vois pas en quoi le renvoi en commission pourrait apporter quelque chose. Le texte contient le plus de souplesse possible. Tout ce qui était plus progressiste a été enlevé, notamment les quartiers pilotes, etc. La seule chose que je vois avec un renvoi en commission, c'est que la motion soit entièrement refusée. Pour moi, il faut essayer de la voter aujourd'hui, et vraiment, le message, c'est: plus souple que ça, on ne peut pas ! Vers le haut, vers le bas, en fonction du contexte, en fonction des transports en commun - c'est difficile d'être plus conciliant. (Commentaires.)
Le président. Merci pour ces quelques commentaires. Le Conseil d'Etat ne souhaite pas s'exprimer sur le renvoi en commission. Je vais donc... (Remarque.) Madame Magnin, oui, sur le renvoi en commission.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Ce qu'a relevé M. Desfayes tout à l'heure, à savoir le projet de loi destiné à porter le prix du macaron à 800 francs par année, nous permet de justifier totalement le fait de réexaminer à cette lumière-là la proposition de motion des Verts, d'Ensemble à Gauche et, je crois, des socialistes. Nous soutenons donc la demande de renvoi en commission. Merci.
Le président. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous exprimer sur cette requête.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2529 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 50 oui contre 32 non et 1 abstention.