République et canton de Genève

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IN 180
Initiative populaire cantonale 180 « Pour + de logements en coopérative »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.
IN 180-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 180 « Pour + de logements en coopérative »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.

Débat

Le président. Nous passons au quatrième et dernier point fixe, l'initiative 180, qui est liée au rapport du Conseil d'Etat correspondant. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Ces objets sont préavisés pour renvoi à la commission du logement. Je cède la parole à M. le député David Martin.

M. David Martin (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, les Vertes et les Verts se réjouissent de l'aboutissement de cette initiative qui demande que 10% du parc de logements du canton soit en coopérative à l'horizon 2030.

Pourquoi est-ce une bonne idée ? Evidemment, on n'insistera jamais assez sur les avantages que les coopératives offrent par rapport à la convivialité, au vivre-ensemble, au lien social, ou encore sur leur rôle pionnier et d'innovation en matière de construction durable. Mais la principale raison, toute simple, en faveur des coopératives, c'est le niveau des loyers. Le rapport du Conseil d'Etat le dit très clairement, se référant à cette étude de l'OCSTAT qui montre que, sur le parc de coopératives ancien, le niveau moyen des loyers est 38% plus bas que sur le marché libre.

Aujourd'hui, ces coopératives fonctionnent sans aucune aide de l'Etat. Le soutien aux coopératives devrait donc largement dépasser les clivages politiques. D'ailleurs, les Zurichois l'ont bien compris et ont une sacrée longueur d'avance sur nous, avec un parc de coopératives qui représente aujourd'hui déjà 20% des habitations.

Demander que les collectivités - Etat et communes - utilisent plus proactivement le droit de préemption qui existe déjà pour accueillir des terrains remis sous forme de droits de superficie, qui est une forme de location longue durée dans laquelle l'Etat récupère largement ses billes, cela relève donc tout bonnement du bon sens.

Mesdames et Messieurs les députés, le parc de logements locatifs émet aujourd'hui 30% environ des émissions du canton. Eh bien, je vous le dis, si toutes les habitations du canton étaient en coopérative, nous ne serions certainement pas dans cette situation, parce que ces structures ont, par statut, par définition, l'obligation de réinvestir la totalité de leurs revenus dans le bâtiment; je suis sûr que si nous avions davantage de coopératives à Genève déjà aujourd'hui, l'état d'assainissement de notre parc immobilier serait bien meilleur.

Pour toutes ces bonnes raisons, les Verts soutiennent l'initiative 180 et se réjouissent de pouvoir en discuter en commission, où elle sera certainement renvoyée ce soir. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). Bien évidemment, cette initiative est très importante, dans un canton où le pourcentage de coopératives est très faible - en comparaison avec le canton de Zurich, où il y a 20% de coopératives, nous sommes loin du compte ! Mais ce qui est intéressant, et mon préopinant a insisté là-dessus, ce sont les loyers ! Dans les coopératives, le loyer ne fait que diminuer à mesure de l'amortissement financier de l'opération. Avec un socle de coopératives de 10%, on verrait donc diminuer la spéculation qui existe aujourd'hui en matière de loyers à Genève. N'oublions pas que dans notre canton, aujourd'hui, un simple quatre-pièces pour moins de 2500 francs en loyer libre, c'est extrêmement difficile à trouver ! C'est donc un but louable de faire en sorte que, dans ce canton, il y ait des coopératives. Elles existaient déjà avec les coopératives ouvrières à l'époque: pour loger les travailleurs et pour des questions de pérennité, les entreprises avaient développé ce type de structures. Malheureusement, ça s'est perdu et on a oublié à Genève de continuer à les favoriser. Par conséquent, le groupe socialiste se réjouit évidemment de cette initiative: non seulement elle amènera une solution pour le logement, mais en plus cette solution sera pérenne s'agissant des loyers, qui, au lieu d'augmenter, ne feront que diminuer. Je vous remercie de réserver un bon accueil à cette initiative.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement Citoyens Genevois soutient bien évidemment cette initiative, car incontestablement, les coopératives sont une solution alternative pour construire des habitations écologiquement performantes, mais surtout dont la durabilité des loyers est garantie. C'est une solution permettant à toutes les catégories de la population et à la classe moyenne de trouver un appartement à Genève. Il est important de faire en sorte que nos résidents puissent se loger à Genève et ne doivent pas s'expatrier dans le canton de Vaud ou en France pour trouver un bien qui corresponde à leur budget. Indiscutablement, c'est un bon moyen d'obtenir cette catégorie de logements, avec des loyers qui restent accessibles tout au long de leur vie. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette initiative et son renvoi à la commission du logement. Je vous remercie.

M. Rémy Pagani (EAG). On n'en doutera pas, le groupe Ensemble à Gauche soutiendra cette initiative, tout en relevant un certain nombre d'écueils. Certaines coopératives ne sont pas accessibles à la majorité de la population, contrairement à ce que dit M. Sormanni: dans cette population qui s'appauvrit de plus en plus, qui a aujourd'hui économisé 20 000 francs pour mettre une part importante dans une coopérative ? Cela exclut de fait... Il y a d'ailleurs de futurs coopérateurs qui se lancent dans l'aventure et qui sont immédiatement - ou après une année ou deux - expulsés du collectif qui monte la structure, parce qu'ils n'arrivent pas à réunir les fonds nécessaires pour y participer.

Par contre, d'autres coopératives, comme Cité Vieusseux - je n'en citerai qu'une qui est historiquement très importante -, fonctionnent avec des parts sociales. C'est ce type de coopératives que nous soutenons. Les personnes qui veulent accéder à des logements bon marché souscrivent une part sociale, ne sont pas propriétaires de leur appartement, ne s'en sentent pas propriétaires, bien qu'elles y habitent, bien qu'elles investissent dans leur habitat comme tout le monde et l'améliorent éventuellement. Au moment où elles partent et où elles changent de logement, on leur rend leur part sociale. Et pire que ça: elles participent à des assemblées générales où, on l'a dit, et je l'ai constaté personnellement, des votes sont organisés pour baisser les loyers ! Vous entendez bien: baisser les loyers ! Alors que la majorité des locataires aujourd'hui voient leur loyer augmenter ou stagner ! Et les propriétaires ne les font même pas bénéficier - c'est un pur scandale - de la baisse des taux hypothécaires, alors que ce sont des milliards que les propriétaires se mettent dans les poches !

Par conséquent, nous sommes favorables à ces coopératives, dans la mesure où, avec des parts sociales, elles sont accessibles à tout un chacun, et à des coopératives sans but lucratif et surtout sans transmission familiale ! Parce que certaines coopératives ont dans leurs statuts la transmission des appartements aux enfants; c'est une sorte de thésaurisation et ce ne sont pas du tout les valeurs que nous défendons. Nous défendons la coopérative avec parts sociales, comme un moyen pour tout un chacun de participer à l'élaboration et à la construction de logements pérennes et bon marché. Je vous remercie de votre attention et de votre patience, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député, pour votre concision. Monsieur Olivier Cerutti, c'est à vous.

M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, le parti démocrate-chrétien a toujours défendu un menu locatif, c'est-à-dire que nous avons besoin tant de coopératives que de logements sociaux et de PPE dans ce canton. Ce que vise l'initiative est une exigence totalitaire de construire de la coopérative. Nous ne pouvons pas suivre ses objectifs, à savoir construire entre 2500 et 3000 logements par année uniquement en coopérative. C'est pour cela que ce débat a toute son importance.

Il me paraît intéressant de relever deux chiffres. Premièrement, ces coopératives sont réalisées avec les instituts bancaires de prêt jusqu'à hauteur de 95% du prix de l'immeuble. Comment voulez-vous amortir ces 95% sur un nombre d'années relativement important ? On a notamment la chance d'avoir à l'heure actuelle des taux d'intérêt excessivement bas. Il ne faudrait pas qu'ils bougent de manière trop forte. Nous nous retrouverions avec un effet yoyo sur les loyers qui serait tel que je ne suis pas sûr que les gens resteraient dans ces coopératives.

Deuxième élément, à un moment donné, il faut savoir quelle fiscalité on veut dans ce canton ! La commission fiscale s'occupe actuellement du volet fiscal sur l'immobilier. Or il faut savoir et se rappeler que ces coopératives ne paient pas d'impôts. Cela a une incidence sur nos revenus fiscaux. Je ne suis pas sûr... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Monsieur le député ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Merci. Vous pouvez poursuivre.

M. Olivier Cerutti. Merci, Monsieur le président. Je ne suis pas sûr aujourd'hui qu'au vu de l'initiative telle qu'elle est proposée, le parti démocrate-chrétien ou Le Centre puisse suivre de tels objectifs concernant les coopératives. Ce débat a toute son importance. C'est un fait de société, à savoir comment nous souhaitons vivre dans ce canton. Nous ne pouvons pas construire des logements uniquement dans ce cadre. Quand on sait qu'aujourd'hui, pratiquement la totalité est garantie par l'Etat, cela équivaut à une façon d'étatiser le sol. Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). J'aimerais dire que les coopératives comportent effectivement beaucoup d'avantages - j'habite moi-même dans une coopérative. C'est vrai qu'y habiter représente certains avantages. Par contre, dire qu'elles ne sont pas subventionnées et ne bénéficient d'aucune subvention est totalement faux: certaines d'entre elles bénéficient du fonds LUP. Il faut quand même le dire et le savoir. Aujourd'hui, vous avez toutes les facilités possibles et imaginables pour monter une coopérative. Celle où j'habite a été montée avec moins de 1000 francs. Neuf personnes ont mis chacune 100 francs. Elles ont rempli tous les formulaires, préparé les dossiers et tout ce qui les accompagne, elles ont bénéficié du fonds LUP, de tous les avantages au niveau des prêts bancaires et de tout ce qui va avec. Vous pouvez monter une coopérative comme ça, il n'y a rien de plus facile.

Ce à quoi il faudra faire attention, c'est que, comme on l'a dit, on ne peut pas faire que de la coopérative, il faut aussi d'autres types de logements. Sur ce point, bien évidemment, c'est la commission qui mènera le débat de fond. Enfin voilà, il faut savoir déjà de quoi on parle s'agissant des coopératives. Ça, je tenais à le dire. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Cyril Aellen (PLR). Le groupe PLR accueille cette initiative avec attention et l'étudiera. A la question de savoir si le fait qu'il y ait plus de logements en coopérative est une bonne chose, le groupe PLR répond par l'affirmative. Il se réjouit de voir dans l'exposé des motifs qu'il est fait référence aux coopératives zurichoises, auxquelles on compare cet objectif de 10%. Je pense que c'est un bon axe de réflexion, parce que les coopératives zurichoises sont très différentes des genevoises, en l'état. Je crois que c'est une bonne chose; je remercie les auteurs de l'initiative d'avoir établi cette comparaison pour qu'on puisse aller de l'avant de cette façon-là. Il faudra d'ailleurs interpréter les termes «sans but lucratif» contenus dans l'article 1, alinéa 2. Ce travail devra être fait.

Les avantages allégués de l'habitat coopératif sont partiellement justes, et le PLR y adhère. Effectivement, bien souvent, cela permet d'avoir des loyers inférieurs à ceux d'autres types de logements. C'est un peu plus cher naturellement que si on a la possibilité d'avoir des PPE, ce qui reste quand même le moyen de se loger le moins cher dans la durée. Les constructions écologiques ne sont pas l'apanage des coopératives, mais elles en réalisent aussi. Il fait bon vivre dans les coopératives: ce n'est pas le cas uniquement dans les coopératives, mais elles font aussi partie des immeubles où il fait bon vivre, donc c'est important. Enfin, il y a effectivement des coopératives qui assurent des quartiers vivants et durables, et, si ce n'est pas seulement le fait des coopératives, c'est aussi le cas et c'est bienvenu.

Le PLR n'est pas forcément opposé à l'objectif de 10% de coopératives. Même si cela contrevient un petit peu aux accords précédents, il conviendra d'en discuter sereinement. En revanche, le PLR sera extrêmement attentif au renvoi très pernicieux que prévoit en l'état cette initiative au chapitre de la LGL portant sur les droits de préemption et d'expropriation - à mon sens, c'est ça qu'il faudra corriger. Comme l'indique le Conseil d'Etat dans son rapport, en réalité, «par cette formulation, le comité d'initiative souhaite que l'Etat puisse faire usage des droits de préemption et d'expropriation prévus par la LGL». Je sais qu'il y a même certains milieux proches du PLR qui sont parfois favorables à l'expropriation, mais ce seront les mêmes qui viendront s'opposer à ce type de procédé. Nous y serons très attentifs et c'est à cela que nous travaillerons à la commission du logement.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. le député Patrick Dimier pour une minute et cinquante secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce sera largement suffisant. C'est juste pour apporter deux approches complémentaires. Premièrement, bien entendu, l'habitat en coopérative est une addition à une certaine forme de propriété. C'est bien ce qui rend le propos de notre camarade Pagani, bolchevik bien connu, complètement idiot ! Evidemment qu'il faut que cela puisse passer à la génération d'après, c'est tout l'enjeu ! C'est aussi de pouvoir maintenir un habitat bon marché. Les coopératives, comme vient de le dire notre collègue Aellen, c'est effectivement un excellent moyen de contenir la hausse des loyers, si ce n'est même le meilleur. Lorsqu'on dit qu'on lutte contre les loyers excessifs de propriétaires - comment dire ? - gloutons, c'est oublier qu'une grande partie de l'habitat à Genève est aux mains des caisses de pension ! Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Pour quarante-cinq secondes, la parole revient maintenant à Mme la députée Danièle Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Effectivement, nous sommes favorables aux sociétés coopératives. Leur qualité dépend de leur règlement et de ce que les coopérateurs ont décidé. Oui, ils peuvent choisir un habitat éventuellement plus coûteux... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole. L'oratrice s'interrompt.) Merci ! (Rires.)

Une voix. Bravo, Danièle !

M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je dirai aussi quelques mots pour expliquer la position du Conseil d'Etat qui vous est consignée dans ce rapport. Le Conseil d'Etat soutient cette initiative et vous invite à l'accepter, parce qu'il fait lui aussi le constat que ce type de logement revêt un grand nombre d'intérêts et d'avantages. Celui-ci était relativement à la mode il y a un certain nombre de décennies, en gros après la Deuxième Guerre mondiale, pendant une trentaine d'années, où on a produit beaucoup de logements en coopérative en Suisse. Ce type d'habitat s'est un peu essoufflé dans les années 1970-1980, avant de connaître un regain d'intérêt dans les années 1990 et surtout dans les années 2000.

Les avantages sont nombreux. Certains d'entre vous les ont mentionnés. La part des logements coopératifs dans le parc immobilier genevois est insuffisante et est très en deçà de celle d'autres cantons, de Suisse alémanique en particulier, notamment de Zurich - le cas zurichois a été abondamment décrit tout à l'heure -, puisque son taux de coopératives se situe largement au-delà du double du socle que cette initiative propose d'atteindre.

Un autre avantage aux yeux du Conseil d'Etat: aujourd'hui, vous le savez, la politique du logement qui consiste à subventionner très fortement soit la pierre - l'investissement - soit directement les personnes qui occupent les logements est extrêmement coûteuse pour les finances publiques. Or nous pensons que les avantages intrinsèques des coopératives - notamment le fait que ce type d'habitat conduise à une stabilité des loyers, à des loyers modérés, ainsi qu'à une responsabilisation des gens qui les occupent - peuvent fondamentalement conduire à une modération de l'effort financier que l'Etat fournit, qui est en hausse constante au fil des ans. Il y a donc aussi un intérêt public du point de vue des finances à promouvoir ce type d'habitat.

Ce sont les raisons - parmi d'autres encore - pour lesquelles le Conseil d'Etat vous invite, lorsque vous examinerez cette initiative en commission, à y prêter une grande attention et à la soutenir, en tout cas les principes qu'elle propose. On se trouve là en dehors d'un débat gauche-droite - c'est ce qui est intéressant d'ailleurs -, et le Conseil d'Etat va suivre ces travaux avec grand intérêt. J'ai entendu avec plaisir des propos qui me laissent à penser qu'on peut nourrir quelque espoir que sorte de votre commission, notamment dans le cadre du traitement de cette initiative, un projet intéressant. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

L'initiative 180 et le rapport du Conseil d'Etat IN 180-A sont renvoyés à la commission du logement.