République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 27 janvier 2022 à 20h30
2e législature - 4e année - 7e session - 40e séance
PL 12879-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, les points liés PL 12879-A et PL 12876-A. Nous sommes en catégorie II, cinquante minutes. En ce qui concerne le second texte, M. Jacques Béné remplace le rapporteur de majorité Murat-Julian Alder. Je cède la parole à... (Un instant s'écoule.) Qui est-ce ?
Une voix. M. Béné.
Une autre voix. Il n'a pas mis son badge.
Le président. Vous n'avez pas inséré votre carte, Monsieur Béné, voilà pourquoi je ne vous identifiais pas.
M. Jacques Béné. Ah !
M. Jean Burgermeister. Je vous résume volontiers la position du rapporteur de majorité ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur Burgermeister, mais votre tour viendra !
Une voix. Un peu de patience !
Le président. Monsieur Béné, c'est à vous.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Oui, alors ça m'aurait fait plaisir que M. Burgermeister résume la position de la majorité, mais je ne lui fais pas tellement confiance sur ce coup-là !
M. Jean Burgermeister. Tu as bien raison !
M. Jacques Béné. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite commencer ce débat en remerciant la direction de l'aéroport pour tous les efforts déployés ces dernières années, en particulier durant les deux ans qui viennent de s'écouler, pour les mesures qui ont été prises afin d'éviter les licenciements lors de la pandémie et de réduire au maximum les pertes de chiffre d'affaires. Il faut savoir que le manque à gagner pour 2020 s'élevait à plus de 300 millions alors qu'il y a eu une diminution du résultat de seulement 200 millions, cela démontre le travail réalisé par l'AIG.
Je tiens ensuite à signaler qu'il faudrait éviter, dans le cadre de cette discussion sur un prêt conditionnel de 200 millions, de partir sur des considérations liées aux conditions de travail sur le site de l'aéroport, de s'égarer sur l'urgence climatique. On sait que l'aviation mondiale représente 2% - ou 3% - des émissions de CO2; si on fait la comparaison rien qu'avec le domaine du logement, celui-ci tourne autour des 30%.
Gardons-nous aussi de reparler des horaires de décollage et d'atterrissage des avions ainsi que des nuisances, sujet qui constitue une sorte de serpent de mer...
M. Jean Burgermeister. On ne parle de rien, alors !
M. Jacques Béné. Ecoutez, il s'agit d'un contrat de prêt, on n'est pas là pour évoquer les nuisances engendrées par la plateforme aéroportuaire. Ce que je veux dire, c'est qu'il convient surtout de réunir les conditions-cadres qui permettront à l'économie de ce canton de sortir le mieux possible de la crise, et c'est dans ce sens que le Conseil d'Etat a proposé un projet de loi afin de limiter le risque de manque de liquidités à terme pour l'aéroport.
Le texte a été amendé suite à des observations de la COMCO et mentionne bien désormais qu'il s'agit d'un prêt de dernier recours, accordé vraiment à titre subsidiaire. Je précise à cet égard, puisque certains voudraient voir la Confédération intervenir, que la Suisse ne peut pas agir à ce niveau, ce n'est qu'à titre subsidiaire du subsidiaire qu'elle intercéderait. Il revient d'abord à l'aéroport de faire le maximum, puis au canton de Genève de passer à l'action et, en dernier ressort, la Confédération peut éventuellement s'en mêler. C'est l'article 103 de la loi sur l'aviation qui le stipule. Quant à l'article 87 de la Constitution fédérale, il indique que les installations de Zurich, Genève et Bâle-Mulhouse sont des structures d'intérêt national qui doivent répondre à la demande et relèvent de la responsabilité de la Confédération.
Mesdames et Messieurs, il faut absolument soutenir l'Aéroport international de Genève au moyen de ce prêt conditionnel. Je rappelle que cette infrastructure s'adresse à un bassin de population de plus de 6,5 millions d'habitants, que l'aviation d'affaires est extrêmement importante pour l'économie locale, que plus de deux cents entreprises sont dépendantes de l'activité de Cointrin, ce qui représente plus de 11 000 postes - voire près de 33 000 -, qu'il s'agit d'une valeur ajoutée de 4,1 milliards pour la région. L'aéroport est un acteur essentiel pour notre canton, un établissement capital pour nos emplois.
Ce soir, nous avons les moyens de lui prouver notre attachement, de lui exprimer notre reconnaissance en lui épargnant des attaques continues, en cessant d'en faire un bouc émissaire pour tous les maux de notre territoire et de la planète. L'AIG est en concurrence avec d'autres grands aéroports européens; les Lyonnais n'attendent qu'une chose, c'est qu'on réduise nos activités aéroportuaires, ils en seraient ravis. Ainsi, pour lui offrir un second souffle, pour qu'il ne se retrouve pas dans une position difficile en cas de manque de liquidités, la majorité de la commission vous invite à dire un grand oui à ce prêt conditionnel et à refuser tous les amendements qui vous seront soumis par les minorités Verte et Ensemble à Gauche. Je vous remercie.
Présidence de M. Diego Esteban, président
Le président. Merci bien. Maintenant qu'il a pris place, je peux passer la parole au rapporteur sur le PL 12879, à savoir M. Jean-Marc Guinchard. Allez-y, Monsieur.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. J'allais justement vous demander de bien séparer les deux sujets, à savoir le prêt d'une part et le PL 12879 d'autre part. Ce dernier propose d'inscrire dans la loi sur l'Aéroport international de Genève les principes instaurés par l'initiative constitutionnelle votée en novembre 2019 par une forte majorité de la population. Le Conseil d'Etat avait adopté un avant-projet de mise en oeuvre qu'il a ensuite soumis à l'ensemble des acteurs intéressés: communes françaises et suisses, milieux économiques, associations, riverains, partis politiques, etc. Il a tenu compte d'un certain nombre de points qui ont été soulevés; toutefois, la structure et les lignes principales de son texte sont restées les mêmes.
Le projet de loi s'articule autour de quatre grands axes que je vais vous détailler, Mesdames et Messieurs. Le premier définit le cadre légal de la convention d'objectifs qui sera fixée entre le canton et l'AIG au début de chaque législature; un nouvel article ancre celle-ci dans la loi spécifique à l'établissement. Le deuxième point concerne l'inscription du PSIA dans la législation cantonale. Le troisième volet porte sur le principe de validation par le Grand Conseil de la stratégie et du plan d'affaires à moyen et long terme. Dans cette optique, l'aéroport devra, au minimum tous les cinq ans, présenter ces deux documents afin que le parlement puisse se prononcer sous forme de résolution. Le quatrième axe est le renforcement du rôle de la commission consultative, laquelle devient une commission officielle.
Lors des séances qui ont suivi, les commissaires ont entendu toutes les parties concernées afin de se forger une opinion. Il est apparu très vite que selon les représentants des initiants comme ceux des communes - la majorité des magistrats, d'ailleurs -, si les milieux intéressés ont été consultés, ils n'ont guère été écoutés et que le texte présenté en commission faisait fi de leurs remarques pourtant variées et constructives à leurs yeux. A l'occasion du deuxième débat, les groupes Vert et PDC ont repris à leur compte les différents amendements déposés par l'ARAG et la CARPE, mais ceux-ci ont été en grande partie refusés.
Les fronts étaient alors figés: les uns défendaient à tout prix l'autonomie de l'AIG et son importance vitale pour notre économie et la Genève internationale ainsi que la primauté du droit fédéral, particulièrement touffu dans le domaine du transport aérien; les autres souhaitaient que le modèle d'affaires soit revu, que les prescriptions en matière de pollution sonore et atmosphérique soient mieux précisées et que l'aéroport assume beaucoup plus sa responsabilité sociale sur le site - n'est-ce pas, Monsieur Burgermeister ? Enfin, d'aucuns s'interrogeaient quant à l'utilité d'inscrire dans une loi d'application des dispositions figurant déjà dans la loi constitutionnelle sur laquelle le peuple s'était prononcé.
A l'issue du deuxième débat et face à ces positions divergentes, plusieurs députés se sont inquiétés du lancement potentiel d'un référendum dont le succès devant le peuple aurait pu avoisiner le score de la votation de novembre 2019. Le magistrat chargé du département des infrastructures a alors prié les commissaires de suspendre leurs travaux en l'état et de lui laisser un mois afin qu'il puisse rencontrer les représentants des initiants et de l'AIG et trouver un compromis acceptable en se basant sur les travaux issus du deuxième débat.
Il en a été fait ainsi, et un nouveau texte dit de compromis a été soumis aux commissaires qui en ont pris connaissance en date du 20 décembre et qui ont à nouveau auditionné les représentants des initiants et de l'aéroport. Le conseiller d'Etat a souligné que l'objectif était d'aboutir à un consensus de sorte que le projet de loi ne soit pas contesté dans les urnes par la suite. Dans cet esprit, le département a rencontré les initiants lors de trois séances de travail. Les articles modifiés ont été passés en revue en partant de l'article constitutionnel voté par le peuple afin d'étudier les ajustements apportés. Tout cela s'est fait selon un principe cardinal cher à la majorité de la commission, à savoir le respect du droit supérieur et du cadre fédéral qui régissent de manière très contraignante les activités de notre plateforme aéroportuaire.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Jean-Marc Guinchard. Ah, je croyais que je disposais de cinq minutes ! Les propositions ont été discutées avec les initiants et validées par le Conseil d'Etat. Les missions de l'AIG ont été précisées, la convention d'objectifs est clairement détaillée, la référence au PSIA a été rendue plus claire, un rapport annuel du Conseil d'Etat y est consacré: les députés ont pu constater qu'un travail conséquent avait été mené afin de rapprocher les camps.
Je tiens à remercier ici le magistrat chargé du dossier et ses collaborateurs pour leurs efforts. Comme les députés l'ont relevé, tant l'aéroport que les initiants peuvent se satisfaire de l'accord trouvé. C'est dans ce contexte, Mesdames les députées, Messieurs les députés, afin de respecter l'unanimité, moins trois voix, rencontrée en commission, que je ne peux que vous inciter à accepter l'entier du texte et à refuser tout amendement susceptible de casser l'équilibre passablement fragile obtenu en commission après de longues séances. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. Je précise que vous disposiez bien de cinq minutes, mais vous les avez épuisées - le temps passe vite quand on s'amuse ! Nous revenons au PL 12876-A avec le rapport de première minorité. Monsieur Jean Burgermeister, vous avez la parole.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. J'interviendrai sur le prêt de 200 millions à l'Aéroport international de Genève en informant d'emblée le rapporteur de majorité, M. Béné, que je vais le décevoir sur toute la ligne, lui qui nous indiquait qu'il ne faudrait pas - non, surtout pas ! - parler de la question sociale quand on traite de l'aéroport. Il ne faudrait pas non plus - pensez-vous ! - évoquer l'aspect environnemental, cela n'a rien à voir. Enfin, il ne faudrait pas non plus - ce serait tout de même le comble ! - discuter des horaires du trafic aérien. Non, s'il vous plaît, n'abordons rien de ce qui a trait à l'aéroport ! Eh bien, Monsieur Béné, je vais parler un peu de tout cela, parce que contrairement à vous, je ne pense pas que nous soyons ici pour donner des conditions-cadres à l'économie, mais bien pour répondre aux besoins de la population et défendre ses intérêts.
Puisqu'il s'agit d'un prêt à l'aéroport, j'aimerais d'abord préciser ceci: je ne sous-estime pas la crise que traverse cet établissement, le fait qu'il soit durement touché par la pandémie, et ce depuis le début, et qu'un certain nombre d'emplois sont en jeu au sein de la plateforme aéroportuaire. Mais je pense, Mesdames et Messieurs, que lorsqu'il est question d'argent public, eh bien nous devons poser des conditions avant de le donner ou de le prêter, comme c'est le cas ici. J'avais d'ailleurs défendu cette même idée avec Ensemble à Gauche au moment où il convenait d'aider les entreprises, nous préconisions des contreparties en faveur des salariés. Dans le cas d'espèce, je trouve qu'avant de voter un prêt de 200 millions, un minimum de garanties sur les plans social et environnemental sont nécessaires.
D'abord, la question sociale. Ce qui frappe quand on évoque l'Aéroport international de Genève, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le nombre de conflits sociaux qui ont lieu sur l'ensemble du site. Ces dix dernières années, entre 15% et 48% des problèmes enregistrés par la CRCT se déroulaient au sein de l'aéroport, ce qui représente un peu moins de cinquante litiges - 48 - en tout sur dix ans, soit tout de même près de cinq par année, ce n'est pas négligeable.
Certes, dans la plupart des cas, l'AIG n'est pas directement l'employeur, mais enfin l'infrastructure est le théâtre de ces conflits, Mesdames et Messieurs, et cela ne peut pas être un hasard, cela doit forcément nous interpeller, cela pourrait nous conduire à penser que tout n'est pas mis en oeuvre, que ce soit du côté des autorités de l'aéroport ou du Conseil d'Etat, pour garantir des conditions sociales correctes sur la plateforme aéroportuaire.
Il se dit d'ailleurs que les autorités auraient récemment fait un constat de sous-enchère salariale abusive et répétée au sein des services de l'assistance au sol. Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas prétendre que tout cela n'a rien à voir avec le thème qui nous occupe aujourd'hui, nous ne pouvons pas faire comme si les cas de sous-enchère abusive et répétée, comme si les conflits sociaux à répétition au sein de l'aéroport n'étaient qu'une parenthèse anecdotique lorsqu'on discute d'un prêt public de 200 millions.
Ensuite, il y a l'aspect environnemental. On ne peut pas faire croire, comme tente de le faire le gouvernement, que nous allons réduire les émissions de gaz à effet de serre de 60% d'ici 2030 - donc dans huit ans - sans diminuer drastiquement - drastiquement ! - le trafic aérien. C'est une nécessité absolue. Alors bien sûr se pose la question de la sauvegarde des emplois, mais c'est précisément pour cela qu'il faut empoigner le sujet maintenant, pour que nous élaborions un plan dans la durée qui permette de conserver les postes, qui encourage les reconversions, et ce avant qu'il faille prendre des mesures dans la précipitation tant la catastrophe environnementale, vous le savez - certains refusent encore de l'admettre -, sera brutale. Malheureusement, au moment où la majorité de ce parlement se décidera enfin - peut-être, un jour - à intervenir avec des actions à la hauteur de la crise, eh bien il sera trop tard pour obtenir un accompagnement social satisfaisant.
Mesdames et Messieurs, l'urgence climatique doit nous obliger à repenser le modèle de développement économique de ce canton, et on ne peut pas miser, comme ici, sur l'idée qu'il faut absolument faire repartir la machine comme avant, c'est-à-dire qu'on retrouve les chiffres de l'aviation de 2019, ceux d'avant la crise. C'est un non-sens, et c'est d'autant plus un non-sens que cela signifierait qu'après deux ans de pandémie, nous n'avons rien appris. Pourtant, Mesdames et Messieurs, vous devriez le savoir: l'accroissement continu du trafic aérien mais aussi le réchauffement de la planète sont des facteurs qui favorisent les épidémies mondiales. Par conséquent, si nous ne nous attaquons pas aux racines du problème, nous serons condamnés à revivre encore et encore, et certainement dans des laps de temps de plus en plus rapprochés, des pandémies comme celle que nous avons connue, voire peut-être de plus mortelles, de plus virulentes pour la population.
Mesdames et Messieurs, au sortir d'une telle expérience, et elle n'est pas encore derrière nous, nous ne pouvons pas nous dire: «Recommençons comme avant, faisons comme si de rien n'était, relançons la machine !» Nous n'aurions rien appris et nous foncerions à nouveau droit dans le mur. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, tant que des garanties minimales aux niveaux social et environnemental ne seront pas réunies, le groupe Ensemble à Gauche rejettera ce projet de loi, et il ne peut que vous inviter à en faire autant.
M. Boris Calame (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, chères et chers collègues, le PL 12876 ouvre la possibilité pour le Conseil d'Etat d'accorder un prêt s'élevant jusqu'à 200 millions de francs à l'Aéroport international de Genève. Il a été traité l'année passée par la commission des finances. Lors des travaux, les Verts ont souligné le résultat du vote populaire de 2019 sur l'initiative 163 «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève»: l'acceptation a été globalement de 56,27%, avec des scores allant jusqu'à plus de 75% dans les communes les plus impactées par les nuisances quotidiennes de la plateforme aéroportuaire. Ces chiffres démontrent le ras-le-bol bien réel des populations riveraines, mais aussi une levée de boucliers généralisée de plus en plus marquée.
Certes, l'aéroport est important pour Genève et la région; toutefois, il serait particulièrement surprenant que l'Etat, qui doit se porter garant de la protection des citoyennes et citoyens, puisse allouer pareil soutien sans aucune condition. Il faut rappeler la teneur de l'article 10 de notre constitution: «L'activité publique s'inscrit dans le cadre d'un développement équilibré et durable», mais également celle de son article 19 qui stipule que «toute personne a le droit de vivre dans un environnement sain». Le projet de prêt de 200 millions à l'aéroport qui a été sollicité par le gouvernement devrait pour le moins respecter ces règles constitutionnelles ainsi que l'issue de la votation du 24 novembre 2019.
La pandémie a été une expérience difficile pour l'AIG, mais plaisante et reposante pour les riveraines et riverains. Ils et elles ont retrouvé des sons presque oubliés car, depuis des années, de jour comme de nuit, couverts par le vacarme incessant des aéronefs. La réduction des mouvements a aussi permis de limiter les odeurs de kérosène qui saturent l'air à proximité de l'infrastructure. Un sacré paradoxe: alors que nous étions confinés, une part considérable de la population de la rive droite a retrouvé des conditions de vie correctes, des nuits apaisées et une qualité de l'air enfin acceptable. De fait, ça a été le retour à la vie.
Par ailleurs, nous savons toutes et tous que les conditions de travail du personnel des entreprises concessionnaires de l'aéroport sont particulièrement difficiles. Quand on pense au nombre de textes parlementaires, de pétitions et autres démarches qui ne trouvent jamais écho auprès de l'établissement sous prétexte qu'il n'est pas responsable des normes sociales dans ces sociétés...! Ce n'est tout simplement pas admissible. Les conventions collectives de travail doivent s'imposer.
Au vu des 200 millions proposés au prêt, pour l'heure sans conditions, du respect et de la protection que l'Etat doit impérativement à la population, les Verts ont déposé quatre amendements à ce projet de loi que nous vous invitons à soutenir. A terme, la survie ou non de l'AIG ne dépendra pas des montants octroyés, mais bien de son acceptation par les citoyennes et citoyens, et pour cela, il sera amené à réaliser des efforts urgents et obligatoires. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme cela a été indiqué, le projet de loi dont il est question ici entend appliquer l'initiative dite pour un pilotage démocratique de notre aéroport, qui visait à diminuer les nuisances de l'AIG et a été acceptée en 2019 par une large majorité de la population. Aujourd'hui, comment évoquer cette infrastructure sans parler des nuisances, sans parler de protection de l'environnement, sans parler de santé publique des habitantes et des habitants de Genève, des riveraines et des riverains, sans parler - j'y reviendrai après - des conditions de travail des employés ?
A l'heure actuelle, l'aviation représente environ 15% des émissions de gaz à effet de serre du canton de Genève. 15% ! C'est énorme. Des dizaines de milliers de riveraines et de riverains, d'habitantes et d'habitants souffrent quotidiennement. Allez à Versoix, à Vernier, à Bellevue; quelles que soient les communes autour de la plateforme aéroportuaire, les conditions de vie sont vraiment très difficiles pour les gens qui y résident. C'est la raison pour laquelle nombre d'entre elles, dirigées tant par la droite que par la gauche, ont soutenu cette initiative.
Le projet de loi de mise en oeuvre, et c'est fondamental, doit servir à réduire les nuisances sonores, la pollution atmosphérique, les émissions de CO2; il a également pour objectif de mieux protéger la santé de notre population tout comme l'environnement et le climat. Alors on va sans doute entendre sur les bancs de la droite: «Oui, mais il y aura des développements technologiques d'ici 2030 ou 2035, nous aurons des avions à hydrogène, on n'entendra plus rien, il n'y aura plus de pollution de l'air.» Mesdames et Messieurs, la technologie va peut-être améliorer un peu les choses, mais cela ne va pas nous sauver à court ou moyen terme. Il faut absolument faire baisser le trafic aérien.
En 2019, je le rappelle, l'AIG enregistrait 18 millions de passagers. En 2016, il y en avait 16 millions, c'est-à-dire deux millions de moins, pour exactement les mêmes bénéfices, et personne n'y trouvait rien à redire. On voit très bien qu'il est possible de réduire les activités, il faut absolument repasser sous la barre des 16 millions de passagers. Ce n'est pas parce qu'on diminue le trafic qu'on signe l'arrêt de mort de notre aéroport.
S'agissant des conditions de travail, il est extrêmement important pour le parti socialiste d'en parler, d'évoquer les plus de 10 000 collaboratrices et collaborateurs qui officient sur la plateforme aéroportuaire. Cela a été souligné, de nombreux conflits sociaux se déroulent sur le site, les conditions de travail y sont dures, voire extrêmement difficiles: on trouve du temps partiel forcé avec des gens qui aimeraient être à 100% mais ne le peuvent pas, des situations précaires, du travail sur appel avec du personnel qui vient pour seulement trois heures et doit ensuite rentrer. A nos yeux, ces conditions sont parfaitement inadmissibles et nous devons les combattre.
Quant au prêt de 200 millions, le groupe socialiste l'acceptera - à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. A notre sens, il est particulièrement important, à court terme, de maintenir l'emploi, et ce dispositif le permettra en dernier recours. Nous voterons également le projet de loi d'application de l'initiative, ainsi que je l'ai expliqué, pour assurer un avenir plus durable à notre aéroport à court et moyen terme, pour réduire le trafic aérien, pour limiter les nuisances et améliorer les conditions de travail des personnes qui travaillent sur la plateforme aéroportuaire. Nous soutiendrons donc les deux textes, le prêt de 200 millions et la mise en oeuvre de l'initiative pour un aéroport plus durable. Merci. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Ces deux projets de lois jumelés concernent le même acteur, mais sont totalement différents. Je commencerai par m'exprimer sur le PL 12876. L'Aéroport international de Genève constitue la pièce maîtresse de notre économie, il est extrêmement important pour la Genève internationale, pour notre prospérité et notre qualité de vie - je dis bien «qualité de vie». Aujourd'hui, l'établissement a besoin d'un prêt de 200 millions afin de traverser la crise sanitaire, mais dès que la situation sera normalisée, il remboursera cet emprunt de façon à renflouer les caisses de l'Etat de Genève, lequel en a grand besoin. Pour ces raisons, le groupe UDC acceptera ce texte.
Maintenant, en ce qui concerne le PL 12879, il s'agit d'appliquer l'initiative acceptée par le peuple en 2019. Dans un premier temps, et ce fait n'apparaît malheureusement pas clairement dans le rapport de majorité, notre Conseil d'Etat avait jugé inutile de mener un vrai entretien avec les initiants pour établir ce texte. Suite à plusieurs interventions de commissaires, le gouvernement a finalement changé d'attitude et a adapté son projet initial en tenant compte des auteurs de cette initiative qui, je le répète, a été plébiscitée par la population genevoise. Cette version finale est conforme au droit fédéral, prend en considération les normes existantes, notamment les courbes PSIA, et a reçu l'approbation des initiants. Dès lors, Mesdames et Messieurs, le groupe UDC vous recommande d'accepter ce second projet de loi. Merci de votre attention.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il est assez difficile de suivre le débat sur ces deux projets de lois, car ceux-ci sont très différents. Je m'exprimerai uniquement sur le PL 12879, à savoir la mise en oeuvre de l'initiative sur l'aéroport, et je laisserai mon collègue Boris Calame se prononcer sur le texte qui concerne le prêt.
Du fait de la situation sanitaire que nous connaissons, l'AIG a subi une importante baisse de trafic. De nouvelles habitudes, notamment en matière de visioconférences, ont été prises. Le tourisme mondial restera pendant un certain temps encore un cran en dessous de son niveau avant la crise. Si l'impact économique est fort, on a en revanche pu observer une nette amélioration de la qualité de vie des riveraines et des riverains de Chancy à Hermance en passant par les communes les plus touchées que sont Vernier, Meyrin, Le Grand-Saconnex, Bellevue, Genthod et Versoix, ce qui représente une partie importante de la population du canton.
Dans la planification qui avait cours avant la pandémie, l'aéroport et la Confédération, à travers le PSIA, tablaient sur une croissance du trafic de plus de 50% à l'horizon 2030. Il est clair que cette perspective est caduque; elle n'est ni réaliste ni souhaitable, et il faudra s'y faire, Mesdames et Messieurs les députés. Il est donc nécessaire de mettre en place de nouvelles orientations pour la plateforme aéroportuaire qui soient basées sur la durabilité dans toutes ses acceptions: durabilité environnementale, durabilité économique et durabilité sociale.
La durabilité économique implique qu'il faudra sortir du modèle qui existe depuis une vingtaine d'années où l'offre crée largement la demande et qui permet de passer à bon prix une petite soirée à Barcelone plutôt que de consommer local dans un restaurant de la place. Conjuguer cet objectif avec les intérêts de la population de l'ensemble du bassin genevois, voilà exactement ce que demandait l'initiative populaire 163 «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève - Reprenons en main notre aéroport». Cette initiative, rappelons-le, a été acceptée par 56% de la population - et à près de 75% dans les communes de Bellevue et Genthod. C'est un signal fort qui exige une transposition tout aussi forte dans la loi sur l'aéroport.
Le projet déposé par le Conseil d'Etat, malheureusement, était très minimaliste de ce point de vue. Après de multiples auditions de communes et d'associations de riverains, dont la CARPE qui avait lancé l'initiative, il est ressorti que le texte proposé ne correspondait en rien à leurs attentes. Au nom des Vertes et des Verts, nous avons présenté une série d'amendements visant à se rapprocher des buts de l'initiative, mais ils ont en grande partie été balayés par la majorité de droite de la commission. Cela aurait certainement conduit à un vote final polarisé et à un nouveau scrutin populaire sur ce sujet clivant.
L'Esprit saint a alors frappé... Ah non, je ne peux pas dire cela, puisque nous nous trouvons dans un parlement laïc ! Disons plutôt que l'esprit de Genève a alors frappé: le Conseil d'Etat a négocié avec la CARPE pour parvenir à un texte de consensus. Alléluia, celui-ci a été adopté par une très grande majorité de la commission, et les Vertes et les Verts vous invitent à le valider également. Pour résumer, qu'avons-nous obtenu ?
Tout d'abord, sur l'insistance de nos collègues de droite, et je le salue ici, le respect du droit supérieur est mentionné à plusieurs reprises dans le projet de loi. Nous nous en réjouissons, car de fait, il suffira de modifier la législation fédérale pour qu'elle s'applique automatiquement à Genève. Et pour cela, rien de plus simple, Mesdames et Messieurs les députés: il faudra juste que les électrices et électeurs de ce canton envoient à Berne les tenantes et tenants d'une politique plus verte lors des élections nationales de l'automne 2023. (Commentaires.) Je rappelle à cet égard que si le droit supérieur s'applique, c'est pour l'ensemble du corpus, soit aussi pour l'OPair et l'OPB sur lesquelles le PSIA s'assied lourdement.
Autre amélioration: la mission a été adaptée, la situation urbaine de l'aéroport est explicitement mentionnée. D'autre part, il est maintenant stipulé que l'AIG «veille à diminuer les nuisances dues au trafic aérien, en particulier le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre», c'est une nouveauté dont nous nous félicitons. La convention d'objectifs a été étoffée et comprend la définition de mesures pour limiter les nuisances comme le bruit, la pollution de l'air et les émissions de CO2; des indicateurs doivent être fixés. Le conseil d'administration a été complété par un représentant supplémentaire des départements français limitrophes et deux communes ont été ajoutées, ce que nous saluons encore. Mesdames et Messieurs, je vous incite à accepter ce projet de loi. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole va maintenant à M. Olivier Cerutti pour trois minutes cinquante-six.
M. Olivier Cerutti (PDC). Merci, Monsieur le président. Dans la conjoncture que nous connaissons, il est important de rappeler que nous parlons bel et bien de notre aéroport et de son rayonnement pour l'ensemble de notre région. Ce support économique remplit une véritable mission pour la Genève internationale, pour nos exportations, une vocation de connexion qui nous permet d'éviter l'isolement dans le monde.
Ce prêt n'est rien d'autre, Mesdames et Messieurs, qu'un ultime parapluie en cas de défaillance. Les efforts consentis par la direction de l'AIG pour survivre au cours de la crise que nous traversons méritent d'être relevés, car sans cela, Mesdames et Messieurs, nous n'en serions pas là.
Dans le cas d'espèce, si nous devions nous trouver face à l'arrêt de l'activité économique, eh bien je n'ose pas imaginer les effets sociaux que cela engendrerait pour l'ensemble des gens qui travaillent sur le site. Les conflits sont effectivement non négligeables; il en va du partenariat social, et nous invitons le Conseil d'Etat à prendre ses responsabilités. Le PDC acceptera les deux projets de lois sans aucun amendement et vous remercie de votre soutien.
M. François Baertschi (MCG). Les entreprises installées sur le site de l'aéroport doivent cesser d'engager massivement des frontaliers. (Exclamations.)
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi. Le MCG dénonce cette pratique depuis des années. L'affaire Swissport est l'exemple même de ce que nous ne voulons pas. A un certain niveau de salaire trop bas, il est impossible d'engager des habitants de Genève; seuls les frontaliers peuvent vivre avec de tels revenus. L'Aéroport international de Genève ne doit pas le tolérer.
C'est pourquoi le groupe MCG a déposé un amendement pour imposer des conditions aux entreprises privées situées sur la plateforme. Nous proposons que la directive dite de préférence cantonale de l'emploi soit appliquée aux sociétés concessionnaires.
Le MCG est favorable à un prêt de 200 millions de francs à l'aéroport et à ses employés. Nous ne pouvons pas mettre en péril cette infrastructure, mais il ne faut pas oublier le personnel des entreprises oeuvrant sur le site. Inlassablement, le MCG entend protéger les travailleurs genevois face au dumping des frontaliers. Nous vous invitons dès lors à voter cet amendement.
Le président. Je vous remercie et donne la parole à M. Serge Hiltpold pour quatre minutes quarante-cinq.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ma première remarque concerne le projet d'application de l'initiative sur l'aéroport. J'aimerais souligner les efforts réalisés par le Conseil d'Etat et les partis responsables de la commission de l'économie qui ont su mesurer la situation... (Commentaires.) Ça ne vous dérange pas trop que j'essaie de m'exprimer ? Merci ! ...et trouver un consensus. En effet, on émet beaucoup de critiques contre notre parlement, mais il faut aussi mettre en avant les dossiers qui fonctionnent.
Les choses avancent quand il y a une symétrie des efforts, et cette symétrie des efforts a été atteinte dans les deux textes, celui de mise en oeuvre de l'initiative sur l'aéroport et celui sur le prêt conditionnel. Le seul regret du parti libéral-radical a trait aux deux nouveaux membres au sein du conseil d'administration, le dispositif ne sera pas plus efficace à nos yeux. En effet, il n'est pas prouvé qu'on va gagner en efficience avec deux personnes supplémentaires.
Ce que nous notons en revanche avec satisfaction, c'est le respect du droit supérieur et du cadre fédéral. Cette observation me permet d'enchaîner sur la problématique du prêt en disant qu'il faut peut-être élargir un peu la vision genevo-genevoise que nous avons de notre canton. Genève constitue un pilier pour le DFAE, pour la politique extérieure de la Suisse: c'est la porte vers la diplomatie, c'est la porte vers les affaires internationales, et dans ce contexte, l'aéroport est l'un des facteurs qui permettent un bon encadrement.
Dans le cadre des travaux sur ce projet de loi, on a eu droit, au sein de la commission de l'économie comme dans d'autres, à tout le désarroi lié à la situation complexe des diverses entreprises soutenues par les prêts covid. Tant à gauche qu'à droite, ces prêts ont obtenu une quasi-unanimité, renforcés par des accompagnements via des amendements sociaux. La nécessité d'aider les sociétés était là; elle était sincère, je l'espère.
De la même manière, ces 200 millions ne sont pas un chèque en blanc, il s'agit d'un prêt. Ce montant représente quatre ans de bénéfices de l'aéroport. En effet, celui-ci reverse au canton de Genève 50 millions par année. 200 millions, c'est donc quatre ans du travail effectué par cette plateforme, par les acteurs qui travaillent sur le site. Dans un raisonnement économique, on ne peut que valider cette idée.
En ce qui concerne les conflits sociaux, j'aimerais insister sur le fait que l'AIG est l'un des seuls établissements publics autonomes dont la direction a baissé sa rémunération. Cette mesure n'a pas été signalée, mais elle a été effective. Pour ma part, je souhaite exprimer mes remerciements au conseil d'administration, à la direction de l'aéroport qui a fait face à une situation de crise majeure, difficile, avec des conditions instables. Je vois M. Burgermeister sourire; une expérience entrepreneuriale vous ferait le plus grand bien, Monsieur, surtout quand il faut diriger des personnes et que vous ignorez quelle sera l'évolution sur les plans à la fois sanitaire, économique et social, quand il faut prendre des décisions. Les actions menées étaient justes, personne n'a été licencié à l'aéroport. Personne n'a été licencié ! Il s'agit d'un élément fondamental dans le cadre social.
Maintenant, j'aimerais revenir sur le partenariat social. On voit ici, excusez-moi du terme, la faiblesse des syndicats. Lorsque le partenariat social est fort, vous n'avez pas de conflits à la CRCT; les litiges se manifestent quand il n'y a pas d'accord. Mais pour parvenir à un accord, encore une fois, il faut une symétrie des efforts. Certains secteurs marchent très bien, d'autres ne fonctionnent pas. Il y a donc des questions à se poser du côté de l'employeur et de la direction, mais également des syndicats. Je pense que des améliorations sont possibles, les gens devraient être un peu plus sur le terrain, il devrait y avoir moins de représentants syndicaux qui ne sont pas du métier.
Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, le PLR se ralliera au consensus trouvé quant à l'application de l'initiative de même que sur le bouclier. A notre sens, c'est l'image d'un travail parlementaire abouti et réfléchi. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Merci à vous. Mesdames et Messieurs les députés, vu l'heure, j'interromps ici le débat; nous le reprendrons demain à la séance de 16h.