République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 10 décembre 2021 à 14h
2e législature - 4e année - 6e session - 37e séance
PL 12619-A
Premier débat
Le président. Nous traitons maintenant le PL 12619-A, classé en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité Christo Ivanov.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi propose de redonner une place à la biodiversité, car pour les auteurs, cela semble simple: ils partent du principe que la plupart des places publiques servent de parkings souterrains, par exemple Plainpalais ou Saint-Antoine. Pour eux, il s'agit même de «végétaliser les trottoirs». Vous entendez bien: végétaliser les trottoirs. Tout est possible ! Lors de son audition, l'auteur du projet de loi, M. Bayenet, a relevé que des projets ont négligé l'aspect de la biodiversité. Il faut rendre de l'espace aux habitants et aux piétons en supprimant des places de stationnement. Effectivement, lorsque l'on voit ce qui a été fait en ville de Genève, avec la minéralisation d'un certain nombre de places, comme la place Simon-Goulart ou la place du Rhône, vous me permettrez de me pincer, parce que c'est une véritable honte ! (Remarque.)
Présidence de M. Jean-Luc Forni, premier vice-président
La majorité de la commission n'est pas d'accord s'agissant de la problématique des places de stationnement. Le peuple vient de se prononcer sur la modification de la LMCE; un compromis a été trouvé et le peuple l'a approuvé. Il ne convient donc pas de revenir sur ce qui a été voté et accepté par le souverain. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale... (Remarque.) ...vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi 12619. Je vous remercie, Monsieur le président de séance.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité, je donne maintenant la parole à... (Remarque.)
M. Christo Ivanov. Excusez-moi: la commission des transports, pardon ! (Rire.)
Le président. Des transports, effectivement ! Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je donne maintenant la parole au rapporteur de minorité, M. Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Voilà un projet de loi qui présente beaucoup d'avantages et beaucoup d'intérêts, et finalement un défaut principal peut-être, celui d'être trop modeste, trop raisonnable dans ses ambitions... (Rire.) ...et qui pourtant a été traité de manière très sommaire par la commission des transports. Alors le problème vient peut-être justement du fait que c'est la commission des transports qui s'est penchée sur un texte qui vise à créer des zones de nature en ville, en proposant notamment de remplacer 2% des places de parking par des arbres et des zones de nature. La commission des transports a vu cela uniquement sous le prisme de l'emprise - pourtant réduite, modeste - que cela aurait sur la circulation automobile. Or les vertus et les objectifs de ce projet de loi sont d'un tout autre niveau: c'est avant tout favoriser la biodiversité en ville, ce qui est normalement une priorité de cette législature et notamment du Conseil d'Etat; c'est aussi favoriser la qualité de vie des habitantes et des habitants du canton et de la ville en particulier, du centre urbain, qui ont tout à gagner à voir des espaces naturels, même de taille modeste, se développer autour de chez eux et elles.
Aujourd'hui, la conception de la protection de la nature et de la biodiversité a passablement évolué. On ne considère pas qu'il y a d'un côté la ville, avec les gens qui y vivent, et de l'autre, les espaces naturels, plus ou moins sauvages, qu'il faudrait préserver de l'activité humaine. Ce vers quoi on doit tendre, et en particulier dans notre contexte d'urgence climatique absolue, c'est au contraire d'essayer de rétablir les relations organiques entre l'être humain et son environnement pris au sens large, de manière à respecter précisément les équilibres naturels, afin de permettre non seulement la protection de la nature et de la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi un accroissement de la qualité de vie des habitantes et des habitants.
Ce projet de loi propose une piste concrète pour différents sujets qui sont présentés par le Conseil d'Etat et souvent aussi par ce Grand Conseil comme des priorités du moment, par exemple «Nature en ville». Ce programme occupe une place importante notamment dans la stratégie biodiversité et dans le plan biodiversité, adoptés en grande pompe par le Conseil d'Etat et très massivement, peut-être unanimement même, par ce Grand Conseil. Or on peine encore à voir sa concrétisation. Et pour cause: je crois que, dans le budget 2022 - mais de toute façon il a été refusé -, quelques centaines de milliers de francs étaient prévus pour la mise en application d'un plan dont on estimait les coûts à une vingtaine de millions sur quelques années. Autant dire qu'à ce rythme-là, on n'y arrivera pas, pas du tout...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. Très bien, Monsieur le président. ...tout comme pour ce qui est de la nécessité d'une réduction des gaz à effet de serre: on se gargarise d'un objectif de 60% de réduction d'ici 2030, alors que rien ne permet de croire que l'Etat prend cette direction. Par ailleurs, il y a la question de la lutte contre le réchauffement climatique ainsi que de l'adaptation des zones urbaines, puisque planter des arbres notamment, c'est permettre un rafraîchissement des rues, donc offrir à la population de mieux vivre face à une augmentation désormais inévitable et importante des températures, même s'il faut l'empêcher le plus possible. C'est très important en particulier pour les personnes âgées, dont on sait qu'elles peuvent souffrir mortellement parfois des canicules. Et puis, cela permet aussi d'accroître - et c'est en lien avec ce que je viens de dire - la surface de canopée du canton. On sait aussi que c'est un objectif du Conseil d'Etat, qui de nouveau articule des chiffres ambitieux, mais dont on peine pour l'instant à voir comment il compte le matérialiser.
Bref, ce projet de loi permet de répondre à beaucoup de questions et finalement d'apporter des solutions concrètes et conséquentes à des déclarations d'intentions faites aussi bien par le Conseil d'Etat que par ce Grand Conseil, mais qui sont restées précisément pour l'instant des déclarations d'intentions et qui n'ont pas été matérialisées - et tout ça, Mesdames et Messieurs, avec un sacrifice modeste de 2% de places de parking.
Je pense qu'il est important que ce Grand Conseil se penche sérieusement et honnêtement sur ce projet de loi. C'est pourquoi je vous invite à le renvoyer à la commission de l'aménagement, où il aurait dû être envoyé si une majorité de ce parlement n'en avait pas décidé autrement, afin qu'une vraie étude sérieuse soit menée, pas uniquement à travers le prisme de la défense des voitures, mais bien à travers celui de l'aménagement général, de la qualité de vie et de questions environnementales. Et puis, si ce parlement se montre, à l'inverse d'Ensemble à Gauche, déraisonnable et refuse ce renvoi en commission, alors je vous inviterai évidemment à accepter de manière enthousiaste ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Vous avez demandé le renvoi de ce projet de loi à la commission d'aménagement du canton. Je prie le rapporteur de majorité de s'exprimer sur ce renvoi.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il convient de refuser le renvoi en commission. Tout a été fait à la commission des transports. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le conseiller d'Etat, sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Vous ne souhaitez pas prendre la parole. Mesdames et Messieurs, nous allons donc voter sur cette demande de renvoi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12619 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 46 non contre 33 oui.
Le président. Nous poursuivons notre débat, je donne la parole à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'enjeu de ce projet de loi est de redonner de la place à la biodiversité en convertissant 2% des places de stationnement dans les zones denses en espaces de biodiversité. Cela représente environ 500 places de stationnement. Nous pensons qu'en situation d'urgence climatique, déclarée en décembre 2019, Genève doit tout mettre en oeuvre pour protéger notre environnement, notre biodiversité, pour lutter contre le dérèglement climatique, mais aussi pour protéger la population des canicules ainsi que des îlots de chaleur qui se produisent dans les milieux urbains.
Pour lutter contre ces îlots de chaleur, il faut planter des arbres. Or en milieu urbain, l'espace en sous-sol est très utilisé par les canalisations, etc. Il faut donc analyser où se trouvent les potentialités d'arborisation. A ce titre, la stratégie d'arborisation de l'OCAN - l'office cantonal de l'agriculture et de la nature - a été présentée et va déjà dans le bon sens. Concernant le patrimoine arboré, des pépinières urbaines - idée inédite - ont été inaugurées en mai dernier notamment à Vernier, le but étant de renforcer les plantations de demain. En effet, aujourd'hui, il faut assurer le renouvellement du parc arboré local, au moyen d'arbres adaptés aux étés chauds. On parle donc ici de gérer, de protéger et de planter. Mais planter où et comment... (Remarque.) ...dans un contexte urbain, un environnement minéral, dense, qui laisse peu d'espace ? C'est un défi que nous devons relever face au dérèglement climatique, face aux canicules, face au parc arboré déjà fragilisé par ce réchauffement. Nous, les Vertes et les Verts, soutenons toute démarche visant à diminuer le trafic individuel motorisé, spécifiquement en ville, ce qui est un des objectifs du plan climat cantonal, non seulement pour libérer de l'espace à des fins sociales, mais aussi pour pouvoir augmenter la nature en ville, le nombre d'arbres et les espaces de biodiversité, et surtout améliorer la qualité de vie des habitants, protéger la population des îlots de chaleur et des canicules qui vont inévitablement augmenter.
Depuis le dépôt de ce projet de loi il y a quelques années, l'initiative «Climat urbain» a été déposée et validée. Elle va encore plus loin, puisqu'elle vise justement à transformer chaque année pendant dix ans 1% des espaces de la voie publique consacrés à la voiture pour végétaliser la ville et développer la mobilité durable. Cette initiative, j'en suis certaine, sera plébiscitée par la population, car elle vise dans le mille. Les Vertes et les Verts soutiendront ce projet de loi. Je m'arrêterai là pour l'instant. Merci, Monsieur le président.
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Ce projet de loi intitulé «Pour que vive la nature en ville», il faut le rappeler, avait été déposé par M. Pierre Bayenet, qui venait de déménager en ville de Genève à l'occasion d'une campagne pour le Conseil administratif. Certainement nostalgique de son village de Bardonnex, il s'est dit: «Je vais apporter le village et la nature dans la ville !» C'était ça, l'idée de base. Il y avait un côté touchant. Il y avait un côté «sous les pavés, la plage», mais pas très réaliste.
Comme vous le savez, il est évidemment très difficile de planter de l'espace vert en ville, parce que les arbres ont plus de difficultés à s'y développer. Le sous-sol est déjà très occupé, il y a des réseaux souterrains. L'arbre a besoin d'espace - environ 9 mètres cubes de terre - pour bien se développer, pour que ses racines se développent. C'est donc un défi. Il faut bien entendu savoir qu'en ville, la voirie a une utilité importante pour les transports publics et individuels. Par ailleurs, comme vous le savez, nous avons d'ores et déjà assoupli la loi concernant la compensation des places de parking. Un certain nombre d'efforts va donc être fait de ce côté-là. Mais la ville doit rester quand même un lieu où l'on peut circuler. Il y a une population qui y habite, qui y transite, c'est une réalité, même si Mme Frédérique Perler, qui est venue nous présenter le projet qui devrait succéder à Clé-de-Rive, n'a pas l'air de comprendre que la ville de Genève, c'est aussi un lieu de passage pour des gens qui n'y habitent pas, mais qui y travaillent, et qu'il y a des entreprises, des gens qui se rendent au bureau et qui doivent passer par cette ville. On ne peut pas la mettre sous cloche. Vivre en ville a évidemment des inconvénients, parce qu'il y a du trafic, un peu plus de pollution que dans la commune de Bardonnex, mais il y a aussi d'innombrables avantages, en particulier dans le domaine de la culture. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Il faut savoir aussi que l'Etat - et nous avons auditionné Mme Valentina Hemmeler Maïga, directrice générale de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature - élabore déjà une importante stratégie dans le domaine de l'arborisation. Il y a toute une stratégie...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Alexandre de Senarclens. ...de la nature en ville. L'Etat, à notre sens, a donc pris les devants. Ce sont les motifs qui poussent le PLR à refuser ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président. (Remarque.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la biodiversité est constituée par la diversité des milieux naturels, des espèces, la diversité génétique, ainsi que leurs interactions. La biodiversité, vous le savez toutes et tous, est une ressource vitale pour nous aujourd'hui, mais également, et peut-être encore plus, pour les générations futures. La biodiversité est tout simplement la base de notre vie sur cette terre. Il est estimé que 5% des espèces seront en voie d'extinction si les températures augmentent de 2 degrés. Ce sont 16% des espèces si le réchauffement climatique atteint 4,3 degrés.
Qu'en est-il, Mesdames et Messieurs, dans le canton de Genève ? Malgré sa taille modeste, notre canton abrite des milieux naturels riches et variés. Plus de 40% des espèces d'animaux, de végétaux et de champignons qui existent en Suisse sont présents sur le territoire genevois. Que fait le canton de Genève par rapport à la biodiversité ? Il fait beaucoup de choses, en tout cas s'agissant de stratégie et de plan d'actions. Il y a une stratégie biodiversité cantonale qui s'inscrit dans le plan climat cantonal ainsi qu'un plan biodiversité 2020-2023 pour mettre en oeuvre cette fameuse stratégie. Cela a été dit en partie: l'idée, c'est de planter plus d'arbres, d'augmenter la surface de la canopée, de mener une gestion plus écologique, on va dire, plus naturelle des espaces verts et des forêts, d'augmenter l'agriculture biologique sans pesticides et sans fongicides et d'augmenter les surfaces de sites protégés et de réserves naturelles.
Alors quand un projet de loi nous propose de convertir 2% des places de stationnement en surface en espaces de biodiversité, bien entendu que le parti socialiste l'accepte. Car chaque centimètre de bitume - et je pèse mes mots -, chaque centimètre de bitume qui peut être rendu à la biodiversité est à soutenir fortement et les socialistes le soutiennent fortement, car la biodiversité, je l'ai dit, n'est rien de moins que la base de notre vie sur terre. Eh oui, Mesdames et Messieurs de la droite pro-bagnoles, c'est bien la biodiversité qui est la base de notre vie sur terre et non la voiture, comme vous semblez le penser ! (Commentaires.)
M. Jacques Blondin (PDC). Il est difficile de prendre la parole juste après M. Wenger, qui, avec beaucoup de lyrisme, nous a expliqué l'importance de la biodiversité. Sur ce point, bien évidemment, je vais être d'accord avec lui. Comment résister à un projet de loi qui parle de biodiversité en ville ? Mais vous connaissez l'adage: le titre a parfois beaucoup plus d'importance que le contenu.
J'aimerais juste vous demander, Mesdames et Messieurs les députés, de fermer les yeux trente secondes et de visualiser un arbre. Quand vous regardez un arbre et que vous voyez son envergure, vous devez vous imaginer que, sous le sol, il y a le même volume qui lui est dévolu pour sa croissance. Il a été dit tout à l'heure qu'il fallait 9 mètres cubes pour faire pousser un arbre. Ça, c'est pour les petits arbustes qu'on peut planter le long des rues. Si vous voulez un arbre d'envergure qui amène les effets escomptés, il faut 100 mètres cubes à disposition. (Remarque.) Par conséquent, limiter ce projet de loi à la destruction de 500 places de parking pour y mettre des arbres d'une certaine envergure pour amener de la diversité en ville, c'est simplement irréalisable compte tenu des volumes que cela nécessite et de la destruction du sous-sol et de toutes les installations techniques en place que cela implique.
Cela a déjà été dit, la directrice de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature nous a expliqué en long, en large et en travers que, certes, il fallait s'occuper de ramener de la canopée en ville, qu'il fallait lutter contre les îlots de chaleur, qu'il fallait travailler sur toutes ces problématiques, mais que bien entendu la solution résidait, ou résidait en tout cas beaucoup plus, dans l'aménagement de parcs ou de divers squares, où on peut effectuer un vrai travail de fond. Bien sûr, cela ne veut pas dire que chaque centimètre n'est pas bon à prendre, et, si ce projet de loi a été traité par la commission des transports, c'est simplement parce qu'on visait directement 500 places de parking. Je reviens sur ce qu'a dit M. de Senarclens: à l'époque, il s'agissait clairement d'un projet de loi qui tombait en période électorale.
Le PDC est bien évidemment très favorable à la biodiversité, qu'elle soit à la campagne ou en ville, et de plus en plus en ville, parce qu'effectivement la question des îlots de chaleur est fondamentale, mais ce projet de loi se trompe de cible et nous allons le refuser. Merci. (Commentaires.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous allons aussi refuser ce projet de loi. Ce texte ne vise en fait qu'une seule chose: supprimer des places de parking en ville. Incontestablement, c'est ça, l'objectif de base, et ce n'est pas la sauvegarde de la biodiversité. On sort d'une votation où le peuple a malheureusement accepté la suppression de 4000 places de parking en ville, on ne va pas encore en rajouter, alors que tous les jours, tous les jours, on supprime des places, on installe des épingles à vélos pour enlever des places de voitures, on ferme des rues ou on les rend complètement piétonnes - je vous invite à lire le GHI au sujet de la rue des Rois - et on crée des restrictions de circulation un peu partout. On ferme des rues, on entend qu'on va fermer la rue de Carouge, la place des Augustins, la rue Dancet, la place Neuve et - il paraît que c'est à bout touchant - la rue du Diorama ! C'est un véritable scandale et ça ne va pas fonctionner ! Ce n'est pas comme ça qu'on va créer de la canopée en ville.
Je vous rappelle que les Verts et le parti socialiste, et l'Alternative de manière générale, ne se sont pas opposés à la coupe des arbres sur la plaine de Plainpalais. C'est là qu'il fallait laisser les arbres ! Il n'y avait qu'un seul député, conseiller municipal, qui était sur la plaine et qui courait après les tronçonneuses, eh bien c'était votre serviteur qui vous parle aujourd'hui ! (Commentaires.) C'est là qu'il fallait en planter, et pas au bord des trottoirs, où on va planter des arbres qui ressembleront à des balais à chiottes - passez-moi l'expression -, parce qu'ils ne pourront pas pousser ! M. le député Blondin vient de le dire. Et ceux qui ont été replantés sur la plaine de Plainpalais l'ont été dans des blocs en béton pas plus grands que 9 mètres cubes et ils ne pourront jamais grandir !
Donc voilà, Mesdames et Messieurs, les raisons pour lesquelles nous refusons ce projet de loi. (Remarque.) Quand on voit que les autorités de la ville s'empressent de soi-disant accepter la LMCE... (Remarque.) ...et refusent ensuite les autres mesures de cette loi, notamment l'installation de la moyenne ceinture... Eh bien ce n'est pas raisonnable ! Voilà. Je vous invite à refuser ce projet de loi. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour cinquante secondes.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous connaissez l'emballement de mon collègue Sormanni, qui connaît la ville de Genève bien mieux que moi. Ce que je voudrais dire, c'est qu'on a deux exemples, mais il y en a un qui me tient particulièrement à coeur, c'est celui de la gare des Eaux-Vives, qui était garnie de quatre magnifiques marronniers, que tout le monde a applaudis quand on les a démolis pour installer le Léman Express. (Exclamations. Commentaires.) Alors le Léman Express, c'est ce qu'on sait, mais les marronniers ne sont plus là, ce qui fait que ce sont les Genevois qui sont marron, comme d'habitude !
Une voix. Oh ! (Rire.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Jean Burgermeister pour cinquante-quatre secondes.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Bon, il y a une incompréhension manifeste: le projet de loi n'oblige pas à planter des arbres sur les places de parking ! Visiblement, la droite vote contre un projet de loi qu'elle n'a pas lu et en tout cas pas compris !
Une voix. Non, on a entendu, on a entendu... (Remarque.)
M. Jean Burgermeister. Il parle de zones de biodiversité. Des zones de biodiversité, ça peut tout aussi bien être des prairies ou autre.
Une voix. Des prairies !
Une autre voix. Mais bien sûr ! (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Bien entendu, il est souhaitable qu'il y ait notamment des arbres qui soient...
Une voix. Et de l'herbe à chat ! (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Monsieur le président, je suis obligé de m'interrompre, il faut donc décompter ce temps, s'il vous plaît, puisqu'il y a des gens qui sont en train de hurler. (Remarque.)
Le président. Continuez, Monsieur le rapporteur. On a décompté ce temps.
M. Jean Burgermeister. Très bien. Bien entendu, il est souhaitable de planter des arbres, mais quand j'entends le PLR nous dire que finalement, c'est compliqué, la nature en ville... C'est compliqué, certes, mais c'est absolument nécessaire ! On voit là que le PLR a une conception complètement dépassée de ce qu'est la nature, qui doit aujourd'hui être intégrée, y compris dans la zone urbaine, et cet argument de M. de Senarclens est d'ailleurs en contradiction avec l'idée que ce projet de loi...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. Attendez, j'ai été interrompu ! (Commentaires.)
Le président. On a déjà décompté le temps, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. ...que ce projet de loi n'est plus utile, puisqu'il existe une stratégie du Conseil d'Etat, que précisément ce projet de loi permet de matérialiser, parce que, jusqu'à maintenant...
Le président. C'est terminé.
M. Jean Burgermeister. ...on n'a pas vu comment le Conseil d'Etat voulait arriver aux objectifs qu'il a fixés. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. J'aimerais répondre à M. Wenger qui nous parlait de centimètres de bitume: quand on voit le gâchis en ville de Genève de la plaine de Plainpalais avec le gorrh, ce ne sont pas des centimètres, ce sont des kilomètres ! (Rire.)
Une voix. Bravo ! (Commentaires.)
M. Christo Ivanov. Et puis, ça a coûté 40 millions, au passage ! 40 millions ! Vous êtes toujours en train de nous donner des leçons sur les finances, mais là, pour dépenser à tout-va en ville de Genève, c'est: on y va, vas-y Totor, en avant ! (Commentaires.)
Pour répondre à mon préopinant, rapporteur de minorité remplaçant, j'ai déposé une motion devant la commission d'aménagement pour que la gare Dorcière - la gare routière - devienne un parc à la place des bus. J'ose espérer que votre groupe soutiendra cette motion.
En ce qui concerne ce projet de loi, il part d'une bonne intention, mais on a déjà vu ce qu'il s'est passé récemment, on l'a dit, non seulement avec le vote sur la LMCE, mais également avec le vote sur le projet Clé-de-Rive; un projet de piétonnisation du quartier de Rive est en route, et là, il y aura certainement la possibilité d'augmenter le nombre d'arbres au centre-ville.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le président, la majorité de la commission des transports vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Madame Marjorie de Chastonay, vous avez la parole pour vingt-cinq secondes. (Remarque.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. En trente secondes, je vais demander le renvoi de ce projet de loi à la commission de l'environnement, puisqu'il s'agit aussi d'environnement et de biodiversité. Je sollicite donc formellement le renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture. (Remarque.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Burgermeister, vous n'avez plus de temps de parole, mais vous pouvez intervenir brièvement sur le renvoi en commission. (Commentaires. Protestations.)
Une voix. Il n'a plus la parole !
Une autre voix. Il a le droit de s'exprimer sur le renvoi !
Le président. Il va effectivement s'exprimer sur le renvoi.
M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de minorité ad interim. Je suis rapporteur de minorité. J'explique aux gens qui hurlent que je suis rapporteur de minorité et que j'ai donc du temps de parole sur le renvoi en commission...
Le président. Monsieur le rapporteur, sur le renvoi, s'il vous plaît.
M. Jean Burgermeister. ...vous le savez, puisque vous avez fait un certain cirque de la même manière et de façon répétée lors du débat sur le CO22.
J'en viens maintenant au projet de loi et à la demande de renvoi en commission. Je pense qu'il est évidemment intéressant de le renvoyer à la commission de l'environnement, la commission des transports n'ayant visiblement - au vu notamment des interventions de ses membres - pas du tout compris ni le projet de loi, ni ce qu'il demandait, ni les enjeux. A l'appui de cela: une citation d'un PLR, qu'on trouve dans l'excellent rapport...
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. Non, mais attendez, Monsieur le président !
Le président. Vous aviez vingt-cinq secondes.
M. Jean Burgermeister. A la dernière plénière... (Protestations.) A la dernière plénière, on a passé trois heures à parler d'un projet de loi... (Protestations. L'orateur élève la voix pour couvrir le brouhaha.)
Le président. C'est terminé, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Burgermeister. ...parce que la droite pouvait parler trois minutes à chaque demande de renvoi ! (Protestations. Commentaires.) Je suis dans le sujet, Monsieur le président !
Le président. Très bien, alors poursuivez. (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Je suis en train de parler d'un renvoi à la commission de l'environnement !
Le président. Alors poursuivez, poursuivez.
M. Jean Burgermeister. J'ai le droit à trois minutes, vous allez me les laisser !
Le président. Poursuivez, Monsieur le rapporteur. (Commentaires.)
M. Jean Burgermeister. Très bien. Je vous remercie. Donc, un député PLR disait qu'il ne «[croyait] pas qu'il soit possible de créer de la biodiversité en ville [...] La biodiversité peut se retrouver dans la campagne et la forêt, mais pas entre deux voitures en ville». Voilà, Mesdames et Messieurs, la preuve manifeste que le PLR de manière générale, mais ici la majorité de la commission des transports, n'a pas du tout compris ce qu'étaient les enjeux modernes, actuels, de la biodiversité, n'a pas compris que, précisément, la nature en ville est une priorité dans la défense de la biodiversité et en particulier dans un canton comme Genève, qui est majoritairement urbain. Il est évidemment vain de discuter de préservation de la biodiversité si ce n'est que pour la mettre en périphérie du canton.
Et puis, pour répondre à M. de Senarclens, c'est vrai que la directrice de l'office cantonal de l'agriculture et de la nature a indiqué qu'il existait une stratégie du Conseil d'Etat notamment pour développer la canapé... la canopée, c'est-à-dire la surface couverte par les arbres, mais, précisément, elle considérait que ce projet de loi pouvait tout à fait s'inscrire dans cette stratégie. Raison pour laquelle il est urgent de traiter cela dans une commission, par exemple celle de l'environnement, et de voir comment ces éléments peuvent s'articuler, et je me réjouis d'avoir le point de vue d'un Conseil d'Etat à majorité PS-Verts qui a fait de cette question une priorité de cette législature. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi à la commission de l'environnement.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Bien évidemment, Monsieur le président, il faut refuser ce renvoi en commission. J'aimerais quand même répondre à mon préopinant rapporteur de minorité qu'ici on parle de CO2 et pas de CO22, et que ce n'est pas un canapé, c'est la canopée ! (Rires.) Je vous remercie. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Le Conseil d'Etat ne souhaitant pas s'exprimer sur le renvoi en commission, nous passons directement au vote sur cette demande.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12619 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 49 non contre 35 oui.
Le président. La parole va maintenant à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi met le doigt de manière opportune sur un des enjeux qui va nous occuper ces prochaines années dans la réalisation d'un des objectifs publics liés au réchauffement climatique, soit la création de ces 30% de surfaces de canopée dans le canton. Nous sommes aujourd'hui autour de 21% sur notre territoire urbain. L'idée est d'atteindre 30%. Pourquoi ?
Les arbres, la nature, c'est la biodiversité, mais très franchement, ce n'est pas l'enjeu fondamental de cette biodiversité en milieu urbain. Il s'agit peut-être avant tout de défendre une espèce en particulier: l'être humain. Parce que l'enjeu fondamental derrière ce projet de loi et derrière la stratégie d'arborisation du Conseil d'Etat, c'est bien de créer des îlots de fraîcheur; de créer des espaces - pas simplement une place de temps en temps, mais bien dans toute la continuité du milieu urbain - qui nous permettront dans une génération, dans deux générations, de nous protéger des températures importantes qui nous attendent.
Aujourd'hui, le GIEC s'efforce, ou plutôt les Etats membres du GIEC s'efforcent de maintenir une augmentation globale de la température terrestre en dessous de 1,5 degré. D'un point de vue réaliste, on parle plutôt de 2 degrés. Eh bien, pour chaque degré que prendra la planète Terre, nous en prendrons le double ! C'est-à-dire que, dans le meilleur des scénarios, Genève connaîtra une température moyenne de +4 degrés d'ici la fin du siècle. Et cela, c'est si l'ensemble des Etats industrialisés prennent leurs responsabilités. Sans quoi, nous serons à +5, +6. Qu'est-ce que cela signifie pour nous - évidemment pour les espèces animales, mais en particulier pour l'espèce humaine qui va continuer à vivre sur ce territoire ? Eh bien, cela veut dire des mesures fortes en vue de la préservation de la santé publique, de celle des personnes âgées, des nouveau-nés, des personnes à capacité respiratoire plus faible et de tout un chacun: on le sait, l'organisme s'affaiblit si notamment les nuits caniculaires ne permettent pas au corps de se reposer avec le maintien de températures en dessous de 20 degrés.
Voilà, Mesdames et Messieurs, l'enjeu qui figure derrière ce projet de loi. Bien sûr, la nature en ville est extrêmement efficace. Nous avons reçu récemment - ces deux documents ne sont pas publics, mais j'aurai plaisir à les diffuser prochainement - un rapport établi par une entreprise qui évalue de manière très détaillée comment le climat, le microclimat, quartier par quartier, adresse par adresse, va se comporter en 2050, en 2075 et en 2100. On voit que les augmentations de température seront très importantes et qu'une des manières d'y faire face, une manière importante, c'est bien entendu la nature; ce sont les espaces végétalisés, c'est aussi l'installation de façades végétalisées, c'est la diminution des espaces de voirie goudronnés. Il est clair que le goudron est un absorbeur de chaleur. Il la prend toute la journée et la restitue la nuit, ce qui crée des îlots de chaleur nocturnes, qui sont les plus néfastes pour la santé publique.
Cela nous ramène au texte du projet de loi évoqué ici, pour lequel le Conseil d'Etat a une sympathie. Il nous faudra faire des choix: en matière d'aménagement du territoire, en matière d'aménagement de l'espace public. Ces choix-là devront faire la part belle à la nature et à tout ce qui permet de créer plus de fraîcheur en milieu urbain - et j'en terminerai par là -, parce que, contrairement à ce qu'a dit le député de Senarclens, non, la ville, l'urbanité n'est pas condamnée à la pollution; elle n'est pas condamnée au trafic. Pourquoi seuls les gens qui habitent en périphérie devraient, eux, bénéficier d'un cadre exceptionnel, mais tous les jours prendre leur voiture pour aller travailler en ville, en tirer leur richesse, profiter de la culture, des commerces et par là même détériorer le climat de celles et ceux qui ont fait le choix de vivre en milieu urbain ? (Commentaires.) Ces propos ne sont pas acceptables du point de vue du pacte territorial qui devrait être le nôtre. Le droit à un environnement sain est un droit pour toutes et tous et pas simplement pour celles et ceux qui ont la possibilité et l'envie d'habiter en périphérie des milieux urbains... (Commentaires.) ...et de venir tous les jours tirer profit du milieu urbain ! Non, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons protéger les personnes qui font le choix - qui est un choix écologique, en plus - d'habiter en ville, au centre-ville. Or les protéger, c'est leur donner la possibilité de bénéficier d'un air sain, d'un climat apaisé, et, avec la nature en ville, d'îlots de fraîcheur, pour ainsi préserver leur qualité de vie d'aujourd'hui et de demain. Merci par conséquent de réserver un bon accueil à ce projet de loi. Il va dans le bon sens, quand bien même la stratégie d'arborisation du Conseil d'Etat devra, elle, aller beaucoup plus loin.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. (Remarque.) En principe, Monsieur de Senarclens... (Commentaires.)
Une voix. Vous avez déjà fait une exception...
Une autre voix. Il a été mis en cause ! (Commentaires.)
Le président. Vous n'avez plus de temps de parole. (Commentaires.)
Une voix. Vous venez de faire une exception !
Une autre voix. Y a plus de temps de parole !
Le président. Il n'y a plus de temps de parole. (Commentaires.) Est-ce que c'est pour une demande concernant la procédure ? (Commentaires.)
Une voix. Mis en cause ! (Commentaires.)
Le président. Normalement, vous n'avez plus de temps de parole, Monsieur le député. (Commentaires.) Non, non. Le débat est maintenant clos.
Une voix. Alors je vais le dire sans micro: le conseiller d'Etat Dal Busco a été entendu en commission... (Très vives protestations.)
Le président. Monsieur le député, s'il vous plaît ! (Brouhaha.) Merci, Monsieur le député, mais le débat est maintenant clos. (Remarque.) Le débat est clos, nous passons au vote d'entrée en matière.
Une voix. L'incohérence du Conseil d'Etat est incroyable ! (Commentaires.)
Une autre voix. Que veux-tu, le peuple a voté !
Mis aux voix, le projet de loi 12619 est rejeté en premier débat par 49 non contre 36 oui et 1 abstention. (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)