République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 7 octobre 2021 à 20h30
2e législature - 4e année - 4e session - 24e séance
RD 1425 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous entamons le programme des urgences de cette session. Pour commencer, j'appelle le RD 1425 et la R 977 qui sont classés en catégorie II, trente minutes. La parole revient au rapporteur de majorité, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chères et chers collègues, ce nouvel arrêté du Conseil d'Etat modifie trois dispositions: les articles 9, 10 et 21. En revanche, je me dois de dire que l'article 2A qui est mentionné dans l'annexe du rapport de minorité n'a rien à voir avec ce débat, puisqu'il a été accepté tant par la commission que par notre Grand Conseil aux mois de juin et juillet de cette année.
J'en reviens aux nouveautés. L'article 9 précise désormais que le test permettant de rendre visite à un proche dans un établissement de soins ne donne pas lieu à un certificat avec un code QR, mais seulement à une attestation; celle-ci autorise uniquement l'entrée dans une institution de santé et ne peut pas être utilisée dans un autre contexte. Cette modification découle du fait que les tests seront payants à partir du 10 octobre prochain. Ainsi, celles et ceux qui souhaitent rendre visite à des proches pourront recevoir une telle attestation gratuitement.
L'article 10 concerne les hautes écoles qui s'inquiétaient des règles fixées par la Confédération, notamment celle qui impose une utilisation aux deux tiers de la capacité des salles de classe si le certificat covid n'est pas exigé. On se serait alors retrouvé avec une solution considérée comme mixte, permettant à certains élèves de suivre les cours en présentiel et en contraignant d'autres à recourir à la vidéoconférence, ce qui n'est rassurant ni pour les enseignants ni pour les étudiants. Nous avons déjà fait le test dans les commissions du Grand Conseil, il ne s'agit pas d'une méthode très pratique. De plus, dès octobre prochain, les tests auraient été payants également pour les jeunes qui ne seraient pas vaccinés ni guéris. Une série d'élèves auraient donc été exclus pour des raisons financières, ce qui n'est pas tolérable. Le canton a trouvé une bonne alternative en proposant des tests groupés et réitérés aux étudiants qui, par ce biais, peuvent obtenir une attestation de négativité au covid et accéder aux cours, et ce gratuitement.
Enfin, la révision de l'article 21 est une pure formalité, puisqu'elle prévoit simplement une durée de validité jusqu'au 31 décembre 2021, une prorogation demeurant évidemment possible en fonction de l'évolution de la situation. Sur cette base, Mesdames les députées, Messieurs les députés, la majorité de la commission vous recommande de prendre acte du rapport divers 1425 et de voter la proposition de résolution 977. Je vous remercie.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Les deux mesures de l'arrêté du Conseil d'Etat ont déjà été présentées par le rapporteur de majorité, je me contenterai donc de relever les problèmes liés aux tests salivaires gratuits pour étudiants non vaccinés. Cette disposition a soulevé craintes et mécontentement chez beaucoup d'entre eux.
En résumé, c'est une semaine seulement avant la rentrée académique qu'a été annoncée pour les universités et les hautes écoles l'obligation du certificat covid ou la limitation de la jauge aux deux tiers de la capacité des salles de cours. Dans la «Tribune de Genève» du 31 août, le recteur de l'UNIGE déclarait qu'il est impossible de contrôler ou de tester les quelque 25 000 personnes qui transitent dans les universités et hautes écoles genevoises. Puis, le maintien de la gratuité des tests a été communiqué le vendredi avant la rentrée. Avec retard, les autorités se sont rendu compte qu'il fallait aussi appliquer ces règles aux professeurs. Finalement, notre Conseil d'Etat a expliqué en commission qu'il n'y aurait pas de contrôles systématiques à l'entrée des bâtiments, seulement quelques vérifications ponctuelles dans les amphithéâtres. Selon le gouvernement, il ne s'agirait pas de contrôler, mais de compter sur la responsabilité de tout un chacun. Notre Conseil d'Etat croit-il en la pertinence de ses propres mesures ? La question est légitime.
Pour terminer, j'aimerais évoquer l'établissement d'un fichier recensant toutes les personnes vaccinées dans notre canton. A l'article 2A «Collaboration et échanges de données», le Conseil d'Etat revient sur cette mesure déjà en vigueur et acceptée par notre Grand Conseil en juillet dernier. Je rappelle que ce registre permet à notre administration d'opérer un tri entre vaccinés et non-vaccinés, d'imposer à certains une quarantaine et de recommander un simple test à ceux qui ont été en contact avec un tiers infecté. Ce document, qui est totalement exagéré, constitue une atteinte grave à la sphère privée et ne respecte pas le principe de proportionnalité. En commission, le gouvernement a indiqué qu'il n'avait aucune idée de la manière dont les choses fonctionnent dans les autres cantons; évidemment, il ne s'est jamais préoccupé d'examiner des voies alternatives. Pour la xième fois, Mesdames et Messieurs, je répète que la gestion du covid par notre Conseil d'Etat est vraiment problématique. C'est la raison pour laquelle je vous propose de refuser cette proposition de résolution. Merci de votre attention.
M. Pierre Vanek (EAG). Contrairement au rapporteur de minorité, je ne vois pas de gros problème dans cet arrêté et dans ce qu'il contient. Il y a quelques modulations concernant des mesures déjà prises, on peut en discuter, mais tout cela n'est pas très important, ce sont des ajustements, des détails.
Ce qui est problématique et qui, du point de vue de mon groupe, a justifié mon abstention en commission et la position que nous adoptons ici, c'est précisément le fait qu'on ne discute pas de choses sérieuses, mais qu'on apporte des modifications mineures à une politique consistant en quelque sorte à embêter les gens avec le certificat covid, à faire pression sur la population à l'aide d'un document qui n'est même pas une vraie attestation de vaccination, puisqu'il est aussi délivré à ceux qui ont été testés. Ainsi, il met sur le même plan vaccination et dépistage, ce qui est un problème, et je suis déjà intervenu dans ce sens le mois dernier.
On fait pression sur les citoyens en les enquiquinant avec des mesures bureaucratiques et administratives dans l'espoir de les convaincre de se faire vacciner, alors que ce que nous aimerions voir, pour notre part - personnellement, je serais même favorable à une obligation vaccinale -, c'est à tout le moins une campagne sérieuse d'incitation à la vaccination pour amener ce canton au seuil voulu d'immunité collective. Or, ces temps-ci, c'est le calme plat sur ce front, il n'y a aucune opération publique pour persuader les gens de choisir le vaccin.
J'ai d'ailleurs posé la question en commission. Le rapporteur de minorité dénonce un fichier répertoriant les vaccinés et les non-vaccinés, mais sommes-nous en mesure de nous adresser aux personnes non vaccinées avec des arguments rationnels, avec le poids de l'autorité pour leur demander de sauter le pas ? En commission, M. Poggia s'est exclamé: «Ouh là là, nous ne savons pas qui est vacciné et qui ne l'est pas, nous ne pouvons pas collecter ce genre d'informations, parce que» - il rejoignait le rapporteur de minorité - «cela engendrerait des problèmes liés à la sphère privée.» (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Voilà, poursuivez.
M. Pierre Vanek. J'ai donc plaidé pour une action franche et massive d'incitation à la vaccination, j'ai dénoncé la politique quelque peu hypocrite qui est pratiquée aujourd'hui.
Mauro Poggia, avec un certain fair-play, je dois le reconnaître, a admis qu'il était certes un peu hypocrite - je le cite - de pousser les gens par ce biais, mais, a-t-il plaidé, ces mesures fonctionnent et il ne faut pas aller trop loin, faute de quoi l'hypocrisie serait intolérable. A mon avis, l'hypocrisie ne constitue pas un instrument raisonnable pour mener une politique publique, il faut basculer dans un discours beaucoup plus ferme et encourager les gens à se faire administrer le vaccin.
M. Christian Bavarel (Ve). Pour les Verts, le débat est plus complexe - le député Vanek en a évoqué un aspect. Pour une partie de nos membres, la vaccination constitue un devoir de solidarité, une manière de protéger les plus faibles ainsi que l'application du principe de précaution. Pour une autre partie du groupe, le fait d'introduire quelque chose dans le corps d'une personne sans son consentement - ou avec son consentement, mais sans qu'elle ait vraiment le choix - relève de la polémique autour de la liberté de disposer de son corps. Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, le débat est épidermique, voire identitaire, et les Verts procéderont donc à un vote pizza avec un petit peu de poivron, un petit peu de tomate et de la mozzarelle. Notre position sera panachée, parce que le sujet est vif, qu'il touche à l'essentiel, qu'il nous atteint au plus profond.
Ce qui nous préoccupe aujourd'hui, face à la volonté de l'Etat d'augmenter la pression sur les personnes non vaccinées, ce sont les dégâts extrêmement importants que l'on constate chez les adolescents, chez les jeunes, chez les personnes isolées. En France, où les mesures ont été encore plus drastiques, une ligne nationale a été mise en place pour aider les gens qui font des tentatives de suicide. On se rend compte que les restrictions en raison de la pandémie ont d'autres implications pour la santé générale de l'ensemble des citoyens.
La difficulté, maintenant - et c'est la raison pour laquelle nous voterons de manière dispersée -, c'est de savoir comment retricoter le lien social, comment faire pour ne pas nous dresser les uns contre les autres, comment agir pour respecter la liberté de chacun: pour les personnes qui défendent plutôt l'obligation vaccinale, c'est la liberté d'être protégé, de ne pas être exposé au virus, et pour d'autres, c'est la liberté de disposer de son corps et d'être respecté dans ses convictions. Nous sommes face à un énorme défi pour notre société, nous devons continuer à vivre ensemble, nous devons fabriquer quelque chose de commun, et je ne suis pas certain qu'on y arrivera. Les Verts voteront de manière dispersée. Merci. (Applaudissements. Commentaires.)
Une voix. Ni pour ni contre, bien au contraire !
M. Jean-Pierre Pasquier (PLR), député suppléant. Mesdames et Messieurs, mardi dernier, la responsable de la gestion de l'épidémie de covid à l'OMS, Mme Van Kerkhove, avertissait: «La situation est encore incroyablement dynamique car nous n'avons pas le contrôle de ce virus. Nombreux sont ceux qui croient à tort que la pandémie est presque vaincue. Nous ne sommes pas encore sortis d'affaire. Nous sommes complètement au milieu de cette pandémie. Mais où au milieu... nous ne le savons pas encore.» La semaine dernière, plus de 3 millions de nouveaux cas de contamination et 54 000 décès ont été rapportés dans le monde, les vrais chiffres étant probablement bien supérieurs. Pour l'OMS, la covid-19 n'est toujours pas maîtrisée.
A Genève, sommes-nous toujours en situation de crise, qui autorise le Conseil d'Etat à appliquer l'article 113 ? Oui. Les indicateurs au début de cet automne sont certes encourageants: le taux de reproduction du virus et le nombre d'hospitalisations en soins intensifs sont légèrement en dessous du seuil de durcissement pour déclencher de nouvelles mesures restrictives. Mais la situation demeure instable, comme le démontre le témoignage de Mme Van Kerkhove.
Cette réalité vaut pour l'ensemble de la Suisse. Le Conseil fédéral a rappelé en conférence de presse début octobre qu'au vu du nombre élevé de personnes non immunisées et de la forte contagiosité du variant delta, le risque d'une nouvelle vague pendant les mois plus froids de l'automne et de l'hiver reste important, ce qui pourrait entraîner une lourde charge pour les hôpitaux. Nous sommes donc dans une situation particulière, le mode d'emploi pour gérer cette crise s'écrit au fil de l'évolution de l'épidémie, même si l'on peut bénéficier de l'expérience de plusieurs mois. Gouverner, c'est prévoir, bien sûr, mais la planification à long terme est difficile dans un tel contexte.
Rappelons que la situation genevoise est analogue à celle de la Confédération, le Conseil fédéral étant habilité à prendre les mesures nécessaires pour lutter contre l'épidémie et ses conséquences sur la base de la loi COVID-19, loi déclarée urgente en vertu de l'article 165 de la Constitution fédérale. Le Conseil d'Etat prend-il les mesures nécessaires pour préserver la population ? Oui ! Il s'agit de poursuivre en priorité la protection des personnes vulnérables et d'éviter les clusters.
En application des ordonnances et recommandations fédérales, le Conseil d'Etat a décidé que les personnes qui rendent visite à des patients dans des établissements de soins doivent s'identifier à l'entrée et présenter un certificat covid. A défaut, on pourra effectuer un test de dépistage gratuitement pour obtenir une attestation sans code QR. Le Conseil d'Etat a également introduit la gratuité des tests pour les étudiants et le personnel enseignant des hautes écoles afin qu'ils puissent reprendre les cours en présentiel dans de meilleures conditions que lors des derniers semestres. Il s'agit de limiter le risque de propagation du virus.
Le président. Je vous remercie...
M. Jean-Pierre Pasquier. Ces dispositions nous rappellent que vivre en société, c'est aussi accepter de renoncer à quelques libertés individuelles...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Jean-Pierre Pasquier. Je conclus, Monsieur le président ! ...pour le bien-être commun. Nous saluons ici la majorité de la population qui accepte de contribuer à l'effort collectif...
Le président. Voilà, merci...
M. Jean-Pierre Pasquier. ...et qui applique les règles édictées. Vous l'avez compris, le groupe PLR...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Jean-Pierre Pasquier. ...soutient l'action du gouvernement et vous invite à accepter son arrêté. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, une fois n'est pas coutume, je serai plus bref que mon préopinant. Mon intervention ira un peu dans le même sens que celle de M. Vanek précédemment, c'est-à-dire que le parti socialiste n'a pas de problème avec les mesures de cet arrêté; c'est plutôt ce qui ne s'y trouve pas et l'absence de réponse sur certains aspects qui font qu'une partie de notre groupe s'abstiendra tandis que l'autre votera favorablement.
Pour les socialistes, Mesdames et Messieurs, il faut expliquer les choses et inciter les gens à se faire vacciner, et non passer par la punition et l'exclusion. N'oublions pas la situation des personnes pour lesquelles le vaccin est contre-indiqué, qui ne peuvent pas, qui n'ont pas la possibilité de se faire vacciner et qui subissent de plein fouet les restrictions; nous devons prévoir des exceptions pour qu'elles puissent accéder à certains lieux.
A cet égard, je rappelle que notre Grand Conseil, lors de sa dernière séance plénière, a approuvé une proposition de résolution demandant des précisions s'agissant de ces exceptions. Nous n'avons pas reçu de réponse de la part du Conseil d'Etat sur ce sujet ainsi que sur une autre requête du texte. La commission législative souhaiterait obtenir des explications, le groupe socialiste également, nous attendons une prise de position claire de notre gouvernement par rapport aux invites de cette résolution. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste votera favorablement ou s'abstiendra sur l'objet qui nous est présenté aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Guy Mettan pour une minute trente.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Comme je suis seul, vous me permettrez de ne pas voter en ordre dispersé, car je suis en accord avec moi-même ! Je suis résolument contre ces deux objets pour des raisons que j'avais déjà évoquées précédemment, à savoir que contrairement à ce que soutient M. Vanek, l'obligation vaccinale dans ce pays n'existe pas, c'est même contraire à la loi que de forcer les gens à se faire vacciner, et je pense que la liberté est une valeur qui devrait tous nous engager. Or avec ces exhortations plus ou moins masquées - et donc hypocrites - à se faire vacciner, cette liberté est compromise.
Je me réjouis que les gens obtiennent le vaccin, je me réjouis que ceux qui ne veulent pas se faire vacciner aient le droit de ne pas le faire. Dès lors, je suis également opposé à toute forme de liste, de registre ou de répertoire - nous avons déjà eu une affaire de fiches en Suisse, nous savons ce que ça implique -, que ce soit un fichier de vaccinés... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ou de non-vaccinés, peu importe: à mon sens, toute idée de registre est potentiellement dangereuse pour la démocratie. Si on voulait réellement encourager les hésitants à se faire vacciner...
Le président. Je vous remercie...
M. Guy Mettan. ...la première mesure à prendre serait d'autoriser les médecins de ville à administrer les doses.
Le président. Il vous faut conclure.
M. Guy Mettan. Ils sont en contact direct avec les patients, ils les connaissent, ils ont leur confiance; à mon avis, les médecins sont les mieux placés...
Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.
M. Guy Mettan. ...puisqu'ils sont proches de leurs patients... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Mme Danièle Magnin (MCG). En ce qui me concerne, je trouve qu'on a ici un débat de Bisounours. On est manifestement dans une sorte de guerre biologique ! Je rappelle que certains pays n'ont pas accès au vaccin, les gens y meurent parce qu'ils n'ont pas pu être vaccinés, et nous, on fait la fine bouche, on joue les gourmands qui trient le contenu de leur assiette, c'est proprement scandaleux !
Il n'y a pas seulement les personnes qui meurent dans la rue, il y a aussi celles qui s'inscrivent, qui paient pour obtenir le vaccin et qui reçoivent une lettre leur indiquant: «Merci pour votre versement, mais nous ne pourrons pas vous vacciner avant tel mois de l'année 2022.» Et encore, c'est si elles ont de la chance !
Alors moi, franchement, je trouve choquante l'attitude des gens qui s'accrochent à une pseudo-liberté... Liberté de quoi, de mourir ? De faire mourir d'autres personnes parce qu'ils ne se seront pas suffisamment protégés et, effet domino, auront contaminé des tiers ?
Le MCG soutiendra l'arrêté du Conseil d'Etat. Après avoir bien réfléchi, nous sommes parvenus à une quasi-unanimité pour accorder un vote positif. Nous encourageons évidemment les autres groupes à faire comme nous, c'est-à-dire à accepter l'arrêté en question en soutenant la proposition de résolution. Merci.
Une voix. Bravo !
Le président. Je vous remercie. La parole va maintenant à M. Charles Selleger pour une minute trente.
M. Charles Selleger (HP). Merci, Monsieur le président. J'entends ici que pour certains, se faire inoculer une dose de vaccin dans le corps est aussi intrusif que de se laisser introduire un poignard, voire autre chose; j'entends qu'il faut laisser la liberté à chacun de disposer de son corps, que refuser de se faire insérer une aiguille - ce n'est pourtant pas une lame ! - constitue un droit essentiel.
Ces personnes-là ne pensent pas au droit dont bénéficient les autres de vivre en société sans courir le risque d'attraper le virus. Pourquoi leur liberté serait-elle à ce point totale ? A ce moment-là, pourquoi un permis de conduire serait-il nécessaire pour rouler avec son véhicule ? Ne pourrait-on pas revendiquer le droit de conduire sans permis ?
M. Mettan a indiqué que notre législation ne permet pas l'obligation vaccinale; il n'a pas lu la loi fédérale sur les épidémies qui, à ses articles 6 et 7, prévoit des mesures d'astreinte, c'est tout à fait légal. Je m'étonne qu'il ne s'offusque pas que l'on contraigne les enfants à se faire vacciner contre les maladies infantiles ! Merci, Monsieur le président.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Je souhaiterais ajouter que ce nouvel arrêté n'a pas fait l'unanimité en commission: seuls trois députés y étaient favorables, et si on additionne les abstentions à mon refus, une majorité des commissaires à tout le moins s'interrogent quant à la manière de procéder.
Maintenant, j'aimerais répondre à quelques interventions que j'ai entendues. Il n'est absolument pas question ici de dénigrer l'excellente qualité des vaccins; on ne parle pas de la vaccination, mais exclusivement des deux mesures qui ont été décidées.
De plus, je me permets de revenir sur la question du fichier: je répète que la mise en place d'un tel répertoire est totalement inutile et ne devrait pas avoir lieu d'être. Genève est probablement le seul et unique canton à pratiquer de la sorte. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à Mme Danièle Magnin pour une minute et quarante-trois secondes.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. L'arrêté n'a pas recueilli la même unanimité ou quasi-unanimité à la commission législative que par le passé, parce que certains commissaires devaient attendre la position de leur groupe décidée par le caucus. Or, on le voit, on a quand même obtenu une quasi-unanimité lors du caucus, en tout cas au MCG. Ceux qui voteront en ordre dispersé, eh bien, ma foi, ce choix leur appartient ! Je rappelle que nous avons déjà connu une épidémie mondiale il y a un siècle, c'était la grippe espagnole; si les gens avaient eu accès à un vaccin, je suis sûre qu'ils se seraient rués dessus. Voilà, merci.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. J'abonde dans le sens de ma collègue Mme Magnin en rappelant qu'il y avait en effet trois voix en faveur de cet arrêté, une opposition venant de l'UDC - cela a été rappelé - et trois abstentions des groupes Verts, Ensemble à Gauche et MCG. Or, maintenant, on sait que le MCG acceptera l'arrêté. Je précise encore que deux socialistes étaient malheureusement absents. Cela étant, pour répondre à M. Pfeffer - vous transmettrez, Monsieur le président -, on ne peut pas additionner les abstentions à des votes négatifs pour obtenir un renversement de majorité. (Rires.) Je vous remercie.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous cache pas ressentir une forme de lassitude en écoutant certains propos émis dans ce Grand Conseil, la même lassitude que j'ai entendue s'exprimer la semaine dernière lorsque je suis allé visiter les services des Hôpitaux universitaires de Genève qui sont sur le pont depuis dix-neuf mois, comme mes équipes, comme mes collègues du Conseil d'Etat, pour essayer de trouver des solutions et de revenir le plus rapidement possible à la normalité.
L'arrêté qui vous est proposé vise à améliorer les choses progressivement, et c'est là toute la difficulté de cette pandémie, à savoir que nous devons constamment adapter les mesures aux circonstances nouvelles qui sont portées à notre connaissance. Le représentant de la minorité UDC nous a accusés d'avoir attendu le dernier moment avant de prendre des décisions concernant les élèves des hautes écoles et de l'université; il est vrai que nous aurions pu aussi ne rien faire ! Je pensais que l'on saluerait plutôt la démarche de Genève qui a été le premier canton de Suisse à offrir à ses étudiants une option alternative à celle de devoir suivre les cours à la maison en visioconférence, la jauge au sein des amphithéâtres étant désormais limitée aux deux tiers. Nous avons trouvé une solution avec des tests gratuits, et pour cela, j'escomptais non pas de la gratitude - cela fait longtemps que je n'attends plus de reconnaissance de personne -, mais à tout le moins une critique plus modérée.
Certes, nous possédons un fichier recensant les personnes vaccinées et celles qui ne le sont pas - quand je dis «nous», c'est en réalité le service du médecin cantonal, je n'y ai personnellement pas accès -, tout simplement parce que nous devons savoir qui peut être dispensé d'une quarantaine. C'est le droit fédéral qui le stipule: lorsque l'on est vacciné ou guéri, on peut faire l'économie d'un isolement, et disposer d'une telle liste est précisément dans l'intérêt de celles et ceux qui entrent dans cette catégorie. Là encore, je m'étonne que l'on puisse nous le reprocher.
Pour répondre à la deuxième minorité, celle d'Ensemble à Gauche qui nous fait le procès de ne pas imposer la vaccination et d'être hypocrites, je rappelle qu'il existe un cadre légal que nous respectons, et personne ici ne songerait à nous en faire le grief. En effet, l'article 22 de la loi fédérale sur les épidémies stipule ceci: «Les cantons peuvent déclarer obligatoires des vaccinations pour les groupes à risques, pour les personnes particulièrement exposées et pour les personnes exerçant certaines activités, pour autant qu'un danger sérieux soit établi.» Est-ce qu'aujourd'hui, au vu de la situation épidémiologique, quelqu'un comprendrait que l'on exige une vaccination obligatoire pour certaines catégories de la population ? Non. Et imaginez une seconde que Genève soit l'unique canton du pays à imposer le vaccin: vous seriez debout dans cette salle à crier au scandale en invoquant une atteinte aux libertés individuelles !
La démocratie a certainement des faiblesses; personnellement, je préfère ces faiblesses-là à la force d'autres régimes, et nous devons nous en satisfaire, trouver d'autres moyens qui peuvent sans doute être qualifiés d'hypocrites, mais qui amèneront certainement les hésitants à franchir le pas - j'ai fait le deuil de convaincre une partie de la population, heureusement infime, pour qui la vaccination est le diable. Mais pour celles et ceux qui tergiversent encore, qui attendent qu'elle devienne obligatoire pour s'inscrire - ils savent bien que cela n'arrivera pas -, nous allons tenter de nous montrer persuasifs, non pas avec les moyens que nous suggère le Conseil fédéral, comme une rétribution pour les rabatteurs, mais par des biais un peu plus dignes de notre société.
En ce qui concerne les Verts et les socialistes qui nous proposent un vote pizza avec un peu de mozzarella et un peu de poivron, eh bien libre à eux de procéder de la sorte; j'estime pour ma part que l'on doit avoir le courage de ses opinions, on ne peut pas à la fois souhaiter un retour à la normalité et agir exactement dans le sens contraire de ce qu'il faudrait faire pour y arriver le plus rapidement possible. Voilà plutôt où se trouve l'hypocrisie qu'on nous reproche, c'est précisément laisser au gouvernement le soin de prendre des décisions en s'abstenant, en se disant: «La responsabilité, d'autres l'assument à notre place.»
Je répondrai brièvement à M. Mettan qui est en accord avec lui-même et qui nous propose d'associer les médecins de ville au processus de vaccination. Nous avons effectivement demandé à ceux-ci de soutenir notre action, par exemple en exprimant la conviction qui est la leur auprès de leurs patients pour les inciter à se faire vacciner; c'est précisément ce que nous attendons des médecins de ville. De là à leur remettre des doses qu'ils vont ouvrir pour un seul vaccin et dont ils devront jeter le reste dans l'évier... Je pense que ce serait triste sachant que nous avons des centres de vaccination à disposition qui peuvent recevoir l'ensemble des personnes décidées à se faire vacciner dans des délais extrêmement brefs.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je tenais à souligner. Nous nous employons également à convaincre celles et ceux qui nous écoutent et nous regardent par l'exemple. Loin de moi l'idée de porter un jugement, mais quand je jette un regard dans cette assemblée, je constate qu'une grande majorité d'entre vous portent le masque, d'autres le portent plus ou moins bien - sous le nez -, d'autres ont apparemment décidé de s'en passer; est-ce vraiment là l'exemple que nous souhaitons donner à notre population ? Finalement, n'aurait-il pas été de bon ton que le Grand Conseil s'impose à lui-même les règles qu'il entend imposer à d'autres... (Applaudissements.) ...et exige ne serait-ce qu'un test - au minimum un test ! - de celles et ceux qui viennent dans cette salle représenter les citoyens qui les y ont placés ? Merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat.
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1425.
Le président. Nous passons au vote sur la R 977.
Mise aux voix, la résolution 977 est adoptée par 53 oui contre 12 non et 22 abstentions.