République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 juillet 2021 à 18h05
2e législature - 4e année - 2e session - 15e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h05, sous la présidence de M. Diego Esteban, président.
Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Fabienne Fischer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Delphine Bachmann, Diane Barbier-Mueller, Antoine Barde, Jean Batou, Didier Bonny, Jennifer Conti, Emmanuel Deonna, Marc Falquet, Jean-Marc Guinchard, Serge Hiltpold, Youniss Mussa, Jean Romain, Romain de Sainte Marie, Patrick Saudan, Adrienne Sordet, Vincent Subilia, Salika Wenger, Thomas Wenger et Christian Zaugg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Pierre Bayenet, Nicolas Clémence, Joëlle Fiss, Jean-Charles Lathion, Badia Luthi, Marta Julia Macchiavelli, Xavier Magnin, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Philippe de Rougemont.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Nous reprenons le menu des urgences avec la M 2774 qui est classée en catégorie II, trente minutes. La parole revient à son auteure, Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion concerne le traitement des demandes d'installations de téléphonie mobile dites mineures. Elle intervient aujourd'hui, car le 15 avril dernier, la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a invalidé la modification de la LCI adoptée par notre Grand Conseil et entrée en vigueur en juillet 2020.
Suite à cette décision, le Conseil d'Etat a non seulement renoncé à son droit de recours, mais aussi choisi de lever la suspension des autorisations de construire pour les antennes de téléphonie mobile. Dans sa réponse à ma question écrite urgente, il réaffirme sa position quant au traitement des modifications de téléphonie mobile dites mineures en ces termes - je cite: «Le Conseil d'Etat a toujours suivi ces recommandations» - celles du DTAP - «et entend poursuivre dans cette voie, en maintenant la procédure de déclaration pour modifications mineures.»
Il faut savoir que ces deux dernières années - 2019 et 2020 -, l'application de cette procédure a permis aux opérateurs de préparer plus de 400 antennes aux émissions 5G sur le territoire du canton de Genève alors qu'environ 130 demandes d'autorisation de construire étaient par ailleurs bloquées en vertu du moratoire voté par notre parlement, ce qui, indépendamment de son invalidation récente, en a largement atténué les effets.
Par ailleurs, Genève est l'un des rares cantons à continuer d'appliquer les recommandations du DTAP; seuls sept cantons contre dix-neuf s'y conforment en Suisse, ce qui signifie tout de même que dix-neuf sur vingt-six... (Brouhaha.)
Une voix. Chut !
Mme Marjorie de Chastonay. ...ont décidé de ne plus admettre de demandes de modifications mineures, ceci par simple circulaire administrative aux opérateurs. Selon l'ASUT... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame la députée !
Une voix. Oh merde ! (Exclamations. Rires.)
Mme Marjorie de Chastonay. Je me doutais que ce serait compliqué ! (L'oratrice rit.)
Le président. On reste ici jusqu'à minuit si ça continue comme ça !
Mme Marjorie de Chastonay. Peut-être pouvez-vous regarder le match ailleurs ?
Le président. Je vous remercie de garder vos exclamations pour l'extérieur de la salle ! (Le président agite la cloche.) Allez-y, Madame la députée.
Mme Marjorie de Chastonay. Merci, Monsieur le président. Je cite un document de l'ASUT, qui est la principale association du secteur des télécommunications en Suisse: «De plus, il n'y a plus que sept cantons qui n'imposent pas de restrictions pour ces procédures efficaces. Dans onze cantons, ce type d'ajustements n'est possible qu'avec des restrictions. Dans les huit autres cantons, cette approche éprouvée est totalement bloquée et des procédures complètes de permis de construire doivent être menées à bien même s'il n'y a pas de changements pertinents en termes de construction ou d'environnement.»
Eu égard à l'évolution de la situation suite à la publication d'une nouvelle aide à l'exécution, le DTAP a entamé une réflexion en vue d'une révision de ces fameuses recommandations, révision qui prendrait mieux en compte les conséquences de l'aide à l'exécution et permettrait un meilleur contrôle des installations. Pour rappel, ni la fin du moratoire ni les décisions de justice n'empêchent une réflexion de fond ainsi qu'une pondération quant aux dispositions à prendre.
Au vu de ces informations, Mesdames et Messieurs les députés, l'option choisie par le Conseil d'Etat paraît inadaptée et inadéquate. Voilà les raisons pour lesquelles les Vertes et les Verts vous demandent d'accepter cette proposition de motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat, et non en commission. Merci. (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). La première chose que je voudrais annoncer, c'est que nous allons demander le renvoi de cette proposition de motion à la commission des travaux pour refaire le point - encore une fois ! - sur la 5G, cette technologie qui fait peur à tout le monde simplement parce qu'on en parle, car lorsqu'on n'en parle pas, eh bien elle ne fait pas peur. La preuve, c'est que le passage de la 2G à la 3G avait posé problème, puis entre la 3G et la 4G, tout s'est bien passé.
Ce qui est sûr, en revanche, c'est que sans la 4G, on aurait connu pas mal de difficultés pour communiquer pendant la crise. Il faut coller à la réalité des choses, coller aux besoins qui sont très clairs. De toute façon, il s'agit d'une prérogative de la Confédération - ma préopinante vient d'évoquer la publication de l'aide à l'exécution. Je rappelle que la 5G joue un rôle crucial dans la digitalisation, qu'elle permet de transmettre une multitude de données de manière beaucoup plus rapide et efficace.
Mais ce que je tiens surtout à souligner - il s'agit de l'élément le plus déterminant -, c'est que les systèmes de téléphonie mobile reliés au réseau 5G utilisent des fréquences comparables à celles de la 4G et occasionnent moins d'immissions pour la même quantité de données. Les volumes ne cessent d'augmenter, parce que les besoins sont de plus en plus importants - il n'y a qu'à voir le nombre d'ordinateurs connectés en ce moment dans cette salle pour suivre autre chose que les débats du Grand Conseil: ils doublent à peu près tous les 12 à 18 mois, parce que nous sommes tous friands de capacités supplémentaires.
Alors pour nous, Mesdames et Messieurs, les choses sont claires: cette proposition de motion est totalement hors des réalités, elle colporte une vision rétrograde de notre évolution, elle vise le blocage de la 5G, l'arrêt de notre développement, la déstructuration de notre société, elle revendique l'immobilisme, et le PLR la refusera in fine. Nous laissons avec plaisir cette problématique aux autorités fédérales qui sont bien plus à même de préserver les intérêts de la population, au contraire de tous ces pseudo-experts en tout et en rien, dont certains se trouvent dans ce parlement, qui veulent que la Suisse et notre canton se fossilisent. Je vous remercie, Monsieur le président.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. J'ai bien noté votre demande de renvoi à la commission des travaux. Monsieur Sylvain Thévoz, c'est à vous.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste avait soutenu le moratoire sur la 5G, mais a pris acte de l'arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice, daté d'avril dernier, invalidant la loi adoptée par notre parlement en février 2020. Avec ce texte voté, je vous le rappelle, sur le siège, nous n'étions pas dans les clous, notre position était contraire au droit fédéral. Alors nous n'allons pas refaire le débat sur la 5G maintenant, en plénière; il nous semblerait pour le moins troublant de reprendre une décision sur le siège aujourd'hui alors que la Cour de justice a précisément invalidé notre décision précédente.
C'est la raison pour laquelle nous soutenons le principe du renvoi en commission. Toutefois, pour ne pas réitérer un examen qui a déjà eu lieu à la commission des travaux, nous proposons le renvoi à celle de la santé; cela nous permettra d'aller au fond des enjeux sanitaires liés à cette technologie, lesquels constituent finalement le coeur du problème. Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'y traiter d'un objet sur ce thème, donc nous pourrons prendre le temps de faire le tour du sujet avant de revenir en plénière avec une décision raisonnée. Merci, Monsieur le président; merci, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur. Il est pris bonne note de votre requête. La parole va à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Oui, merci beaucoup, Monsieur le président. En écoutant les interventions précédentes, je constate qu'on mélange absolument tout, alors peut-être un retour en commission permettra-t-il d'expliquer une nouvelle fois à certains députés quelles sont les technologies utilisées. Ce que je retiens de ce qui a eu lieu jusqu'à maintenant, c'est qu'en faisant passer les adaptations des antennes pour des modifications mineures, on opère une mystification, on nous vend ce qui n'existe pas.
Actuellement, on commercialise de la 5G qui n'en est pas, qui est en réalité de la 4G+; ça reste de la 4G dont tout le monde a accepté le principe. Or si la vraie 5G n'existe pas encore, elle représente un changement de paradigme complet en ce qui concerne les ondes électromagnétiques, et strictement aucune étude n'a été menée quant aux atteintes potentielles à la santé, voire à l'environnement. En effet, de nombreux satellites seront envoyés dans l'espace afin de déployer le réseau, sans parler du fait que les ondes 5G passent difficilement à travers les bâtiments publics, donc il faudra cibler les gens qui utilisent cette technologie et augmenter considérablement le nombre d'antennes.
C'est une question de fond, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas une question technique. Nous ne sommes pas opposés aux évolutions, mais nous voulons avoir le temps de discuter du fond du problème. A mon sens, la position du groupe des Verts est juste: on ne peut pas accepter ces changements dits mineurs, il s'agit de modifications majeures, on ment à la population. Nous approuverons cette proposition de motion et, en cas de renvoi en commission, nous opterons pour celle de la santé. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). A ce stade, effectivement, il convient de renvoyer cet objet en commission, mais bel et bien à celle des travaux, car il s'agit d'installations de téléphonie mobile, pas de santé publique, comme certains essaient de nous le faire croire. Il serait intéressant d'auditionner les acteurs principaux dans ce secteur, notamment Swisscom, qui seront à même de nous expliquer tous les enjeux, même s'ils l'avaient déjà fait par ailleurs sur d'autres sujets.
Ce que je voudrais encore dire, c'est qu'il ne s'agit heureusement que d'une proposition de motion à destination du Conseil d'Etat, parce que nous devons arrêter de passer pour des bobets auprès de la Confédération en lui renvoyant des textes qui n'ont plus lieu d'être ou sur lesquels nous avons été largement déboutés ! En effet, il faut rappeler que les tribunaux ont rejeté tous les recours, parce qu'il s'agit d'une question d'ordre fédéral, on ne peut pas vouloir faire les choses d'une certaine manière à Genève alors que les autres cantons procèdent autrement.
Aussi, renvoyons ce dossier en commission où nous pourrons refaire un débat qui rassurera certainement les opposants, mais renvoyons-le à la commission des travaux. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole retourne à Mme Marjorie de Chastonay pour une minute et trois secondes.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais beaucoup aimé obtenir le soutien de votre Grand Conseil sur cette proposition de motion. Comme l'a indiqué M. le député Buchs, il s'agit de changements importants dont on ne connaît pas encore toutes les conséquences sur la santé et l'environnement, donc il y a des questions de fond à éclaircir. Je constate qu'une majorité de ce parlement est en faveur d'un renvoi à la commission de la santé, ce que je préconise moi aussi plutôt qu'un renvoi à la commission des travaux, même si j'aurais préféré que le texte soit voté ce soir. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). Il n'est de pire système politique que celui gouverné par des juges; le propos n'est pas de moi, mais de Shakespeare. Lorsqu'un parlement s'exprime à travers un vote, à mes yeux, ce n'est pas à des juges de venir nous dire ce que nous devons penser. C'est ma position de principe.
Ensuite, Mesdames et Messieurs, la plupart ici se focalisent sur les questions de santé, personne ne semble considérer les problèmes liés à la liberté individuelle que soulève la 5G. Regardez ce qui se passe en Chine: dans la rue, on voit soudain apparaître l'image de quelqu'un sur les écrans parce qu'il a traversé en dehors des passages cloutés ! On vous montre sa photo et on martèle: «Le citoyen Tsingtao a traversé en dehors des passages cloutés !» Comment est-ce possible ? Eh bien tout simplement grâce à la 5G et aux technologies de reconnaissance faciale. Je ne suis pas médecin, donc je ne vais pas me prononcer sur les enjeux médicaux, mais aujourd'hui la 5G constitue une véritable menace pour la liberté individuelle.
Pour rester dans une logique, nous soutiendrons le renvoi à la commission de la santé, parce qu'il s'agit davantage d'une question sanitaire, qui a pour parallèle les libertés individuelles, que de travaux. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Que demande cette proposition de motion ? De maintenir la procédure de déclaration pour les modifications dites mineures, c'est-à-dire que les choses se fassent au moins dans la transparence et qu'on évite ce qui s'est passé après le moratoire, quand on a adapté certaines antennes juste pour contourner l'obstacle du moratoire - ce n'était pas acceptable. Aujourd'hui, nous avons besoin de transparence, et cela commence par une déclaration claire des modifications dites mineures, ce afin que le département puisse en évaluer la pertinence.
Si exiger un peu plus de transparence et que les procédures soient respectées est une vision rétrograde, Mesdames et Messieurs, si c'est un frein massif au progrès, si c'est une déstructuration de notre société, alors je m'inquiète pour toutes les procédures que nous avons définies ici, pour toutes les lois que nous avons adoptées dans cette enceinte ! Il faut se montrer juste et raisonnable quand on argumente pour battre en brèche un projet, il faut simplement dire qu'on n'est pas d'accord, il n'est pas nécessaire de le discréditer, cela n'a aucun sens.
Nous soutiendrons le renvoi à la commission de la santé: quand une installation de téléphonie risque d'avoir des impacts sur la santé, c'est bien sous cet angle-là que la question doit être examinée, et c'est pourquoi nous voterons le renvoi à la commission de la santé. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Madame la députée. Je donne à nouveau la parole à M. Bertrand Buchs pour une minute vingt-deux.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. C'est juste pour ajouter que je soutiens entièrement les propos de M. Dimier: ayant participé à de multiples débats sur la 5G, Mesdames et Messieurs, je peux vous dire qu'on s'est d'abord concentré sur les questions de santé, mais extrêmement rapidement, on s'est rendu compte qu'on était surtout confronté à de gros problèmes de liberté personnelle. Sachez qu'avec la 5G, vous saurez absolument tout de ce que font les gens dans leur appartement, ce qu'ils mangent, ce qu'ils boivent, combien de temps ils dorment.
Voulez-vous vraiment une société où vous n'avez plus aucune protection de votre sphère privée dans la mesure où vous l'aurez cédée, via tous les systèmes de votre téléphone, aux groupes les plus puissants de ce monde ? Certains chercheurs parlent carrément de coup d'Etat en ce qui concerne les libertés individuelles ! Réfléchissez, vraiment, réfléchissez, on se trouve à un tournant. Préférez-vous vendre votre âme immédiatement ou prendre le temps de réfléchir ? Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat prend très au sérieux la question de la 5G, qui a été bien résumée dans ses différentes dimensions lors du petit débat que vous venez de mener. Il y a en effet des enjeux de santé publique avec les rayonnements non ionisants qui, on le sait, ont des répercussions sur notre santé; c'est pourquoi ils sont contrôlés, c'est pourquoi il existe des normes. Contrairement aux précédentes 3G et 4G, la 5G possède une particularité technique qui se nomme le «beamforming», c'est-à-dire la capacité des ondes à se concentrer dans un endroit particulier. Cela interroge quant à l'impact de ces ondes, notamment dans le domaine public ou si vous avez la malchance d'habiter à côté d'un endroit où celles-ci sont fortement sollicitées, car elles se forment et se densifient là où il y a de la demande.
La discussion sur la 5G doit avoir lieu, le Conseil d'Etat s'en est préoccupé dès le départ: il a appliqué le premier moratoire sur les autorisations de construire que vous aviez prononcé, il a appliqué la loi que vous aviez adoptée. Mais il est une chose que je ne peux pas laisser dire - la première signataire l'a soutenu -, c'est que le Conseil d'Etat n'a pas voulu faire recours contre la décision de la Cour de justice. Mesdames et Messieurs, cette loi parlementaire a été votée sur le siège, sans avoir fait l'objet de travaux en commission, ce alors que le Conseil d'Etat vous avait fait part de ses doutes quant à sa légalité. Je vous entends, Monsieur le député Dimier, mais la légalité est quand même constitutive de notre Etat de droit, nous la devons à la Confédération suisse à laquelle nous sommes attachés et qui dispose de compétences supérieures aux nôtres. Il se trouve que, selon la législation suisse, la question des rayonnements non ionisants est essentiellement du ressort fédéral.
Malgré tout, nous avons pris nos responsabilités à l'échelle cantonale pour thématiser le sujet, pour résister, sachant que nos digues ne dureraient que l'espace de quelque temps et qu'en définitive, le droit fédéral l'emporterait. Ainsi en va-t-il de l'ordre juridique de notre pays. Faut-il, à travers cette proposition de motion, revenir de manière indirecte sur les buts de cette loi qui, pour reprendre les termes de l'auteure du texte, a été une vraie «panade», pour ne pas dire une cacade en matière législative ? Ne faut-il pas plutôt porter le débat là où il doit avoir lieu, c'est-à-dire aux Chambres fédérales ?
Mesdames et Messieurs, je reviendrai volontiers en commission débattre de cet objet, notamment parce que ses invites sont peu claires. Mme Jocelyne Haller a dit: «Il faut maintenir la procédure de déclaration pour les modifications dites mineures.» Dans cette optique, il est difficile de comprendre la première invite: «à renoncer à cette pratique» - laquelle ? - «à savoir le maintien de la procédure de déclaration pour modifications dites "mineures"». Doit-on conserver cette procédure ou y renoncer ? Rien que pour éclaircir des points liés à la rédaction du texte, un retour en commission s'avère judicieux.
Enfin, j'ai entendu que d'autres cantons suivent d'autres procédures en matière d'autorisations de construire et que nous pouvons définir ce qui est mineur ou pas. La vraie question est la suivante, Mesdames et Messieurs: est-ce que ces autres cantons, avec plus de bureaucratie, limitent mieux la 5G que nous ? Eh bien la réponse est non: il n'y a pas plus d'antennes 5G à Genève que dans d'autres cantons qui connaissent des procédures différentes d'autorisations de construire.
Aussi, Mesdames et Messieurs, renvoyez cette proposition de motion en commission, mais cela exigera que nous réalisions un travail administratif dont l'issue dépend du droit fédéral. Nous ne pourrons pas, sur la seule base de la législation cantonale et de notre volonté politique conjointe, limiter durablement la 5G sur notre territoire. Alors reprenons le débat en commission, mais la 5G constitue un sujet trop important pour qu'on laisse croire au peuple qu'un texte parlementaire peut contrevenir au droit fédéral; il est peut-être temps que les personnes qui, comme le Conseil d'Etat, sont sensibles à cette question portent le débat là où il doit être mené, c'est-à-dire aux Chambres fédérales.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. En premier lieu, je vais mettre aux voix la demande de renvoi à la commission des travaux; en cas de rejet, nous nous exprimerons sur la seconde proposition, à savoir le renvoi à la commission de la santé.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2774 à la commission des travaux est rejeté par 56 non contre 30 oui.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2774 à la commission de la santé est adopté par 85 oui et 2 abstentions.
Débat
Le président. Voici l'urgence suivante: la R 968. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. En l'absence des trois premiers signataires, c'est au quatrième, M. Cyril Aellen, que revient le rôle d'auteur. A vous, Monsieur Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, il y a de nombreuses bonnes raisons de créer la Cité de la musique: le Victoria Hall ne répond plus aux normes actuelles, la Haute école de musique est dispersée aux quatre coins du canton, il est important d'accueillir un nouvel acteur culturel dans notre canton.
Le projet mis en place vise le partage des infrastructures, il permettra d'avoir un seul endroit où la musique pourra vivre et se pratiquer, il créera des synergies entre les différents types de musiques, ce sera un lieu incontournable pour la formation continue. Il y aura des salles de concert, petites et grandes, des auditoires, des installations modernes d'enregistrement, des locaux de répétition, des bureaux administratifs - c'est nécessaire aussi -, des salles de classe, des bibliothèques et beaucoup d'autres choses particulièrement utiles à ceux qui aiment et souhaitent promouvoir la musique. Il se situera dans un espace magnifique et sera financé à 100% par des deniers privés.
Maintenant, nous sommes confrontés à un problème de procédure qui a nécessité de demander un préavis à la commune concernée, à savoir la Ville de Genève. Celle-ci a d'abord émis une position favorable, laquelle a été soumise à un référendum qui a abouti et qui, comme vous le savez, a eu un résultat négatif. Court, mais négatif; court, mais clair. On peut relever trois catégories d'opposants: ceux qui étaient contre la Cité de la musique, qui auraient été contre de toute façon, ceux qui pensent que ce n'est pas le bon lieu et ceux qui considèrent que le projet, un peu élitiste, n'est pas le bon - mais les auteurs de la proposition de résolution rappellent qu'ils étaient favorables à la Cité de la musique sur le périmètre prévu.
Une invite supplémentaire a été déposée par le groupe socialiste afin de tendre la main à une partie des opposants, notamment ceux qui préconisent une politique d'ouverture à toutes les musiques. C'est précisément dans cette optique que le texte a été déposé, l'idée n'est pas d'aller contre un vote populaire - un vote populaire partiel, cela dit, puisqu'une seule commune s'est prononcée sur un projet de portée cantonale. S'il est juste de soutenir que le canton doit trancher - c'est la procédure, la loi est ainsi faite - et peut aller au-delà du préavis communal, il est juste aussi de rappeler que la moitié de la population, celle qui n'habite pas la ville, n'a pu s'exprimer sur le sujet.
Cette proposition de résolution ne doit pas être comprise comme une manière de s'opposer à un Conseil d'Etat qui a repris les discussions, mais comme un soutien au Conseil d'Etat. Il s'agit de lui communiquer deux choses: nous voulons non seulement concrétiser la Cité de la musique au lieu dit, mais également reprendre le dialogue avec l'entier des partenaires culturels concernés par la musique dans notre canton. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que l'avis des communes sur les PLQ n'est que de portée consultative; il est vrai aussi que le projet, prévu sur une parcelle déclassée depuis sept ans, remplit toutes les conditions et normes pour ce périmètre. Cependant, dans ce dossier, nous sommes confrontés à un problème de fond lié à un ultracentralisme à la genevoise.
Dans notre canton, en effet, la répartition des tâches entre Etat et communes pose énormément de difficultés; nous parlons désenchevêtrement, partage des compétences et des frais, mais tous ces débats n'aboutissent à rien. La raison est simple: avant toute répartition des tâches, il faut au préalable définir les différentes compétences et responsabilités. Ce qui fonctionne dans l'ensemble des autres cantons suisses est une catastrophe à Genève.
Et là, on assiste à une Genferei de plus ! Annuler et bafouer le vote populaire de la Ville de Genève sous prétexte que notre fonctionnement et notre organisation sont défaillants, c'est absolument inacceptable. Organisons notre Etat, améliorons notre fonctionnement, et ce type de raté ne se produira plus. Je le répète: ne pas respecter un vote populaire et annuler la décision de la Ville de Genève est intolérable. Le groupe UDC refusera cette proposition de résolution à moins que l'amendement que nous présentons, qui vise un transfert du projet dans le PAV, soit accepté. Merci de votre attention.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste tient à remercier M. Patrick Saudan d'avoir déposé cette proposition de résolution. Il fallait peut-être un député indépendant pour passer outre les clivages, pour s'extraire d'un débat qui, vous l'avez vu ces derniers mois, a été extrêmement passionné, extrêmement polarisé en Ville de Genève.
Pour le groupe socialiste, il est nécessaire de remettre l'ouvrage sur le métier: nous avons pris acte du vote consultatif de la Ville de Genève, mais nous n'entendons pas attendre dix, quinze ou vingt ans avant de voir émerger les infrastructures nécessaires pour la Haute école de musique, ses étudiants et professeurs, pour l'Orchestre de la Suisse romande, ses musiciens et son public, car actuellement, ils travaillent dans des conditions qui ne sont pas dignes. Nous n'entendons pas attendre quatorze ans, comme ça a été le cas pour le Pavillon de la danse après l'échec populaire de la Maison de la danse à Lancy, tout cela pour un projet de portée réduite et non pérenne. Nous n'entendons pas attendre dix ou peut-être quinze ans, comme pour le Musée d'art et d'histoire dont la rénovation a été refusée en 2016, ce qui engendre des coûts supplémentaires pour cet établissement qui tombe en ruine.
Aujourd'hui, il nous semble aussi intelligent qu'intéressant de lancer un signal politique fort, de remettre l'ouvrage sur le métier, ce en intégrant évidemment les critiques émises sur le projet de différents bords. C'est pourquoi les invites telles que libellées par le député indépendant Saudan nous conviennent, notamment: «à se concerter avec les partis politiques et associations opposés à ce projet afin d'explorer si des solutions peuvent être envisagées pour prendre en compte certaines de leurs préoccupations».
Via notre amendement, nous souhaitons ajouter: «à inclure les musiques actuelles dans ce projet afin de renforcer le poids du soutien à la culture au niveau cantonal». Ce serait un geste extrêmement fort si le canton pouvait s'impliquer davantage dans la culture et y investir des fonds, raison pour laquelle nous vous invitons à accepter l'invite supplémentaire proposée par le parti socialiste, à rejeter l'amendement de l'UDC - l'emplacement est idéal et il est important que nous disposions d'un lieu culturel sur la rive droite - et enfin à valider cette proposition de résolution qui constitue un signe d'ouverture. Nous devons relancer immédiatement ou le plus rapidement possible l'idée d'une infrastructure culturelle d'envergure pour Genève. Merci. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, permettez-moi en préambule de signaler qu'il y a quelques mois, certains groupes ici soutenaient une disposition stipulant que la tenue vestimentaire adoptée par les députés lors des séances plénières doit rester neutre; eh bien voyez le résultat aujourd'hui ! (Commentaires. Huées.)
Le président. Monsieur le député, je vous rappelle que le projet de loi que vous évoquez avait été refusé par notre Conseil et que, partant, les règles précédentes s'appliquent. Poursuivez votre intervention.
M. Pierre Eckert. On est tout à fait d'accord, mais je tenais juste à le souligner.
En ce qui concerne la Cité de la musique, Mesdames et Messieurs, tout le monde a pu lire dans la presse que le Conseil d'Etat a l'intention de tenir compte, dans la mesure du possible, du vote populaire de la Ville de Genève, qui a rendu un préavis négatif au plan localisé de quartier sur cette parcelle située à proximité de la place des Nations. Des solutions alternatives sont recherchées à la fois pour l'implantation du lieu et pour préserver l'état naturel du site des Feuillantines. A notre connaissance, ces options sont en cours d'exploration, et le groupe des Vertes et des Verts se réjouit de se prononcer sur les propositions que le Conseil d'Etat soumettra au Grand Conseil quand le moment sera venu. En effet, il faut rappeler que si le gouvernement peut passer outre un préavis communal, en revanche, le dossier doit obligatoirement être porté devant notre parlement, c'est une obligation, et c'est lui qui tranchera en définitive. Dès lors, nous estimons que la proposition de résolution qui nous est présentée aujourd'hui est largement prématurée et superfétatoire.
Par ailleurs, elle est inadéquate d'un point de vue institutionnel, car elle demande explicitement - je cite - d'«approuver le plan localisé de quartier concernant la Cité de la musique», c'est-à-dire d'aller de l'avant à l'endroit prévu initialement, ce qui est une manière de s'asseoir sur la volonté populaire exprimée le 13 juin dernier. Les cautèles offertes par les porteuses et porteurs du texte quant aux possibilités de faire évoluer le projet avec les partis politiques et les associations ainsi que de mieux intégrer les musiques actuelles ne changent rien à l'affaire. Cette mise sous tutelle de la marge de manoeuvre exploratoire du Conseil d'Etat représente un déni de démocratie. L'abstentionnisme est déjà suffisamment important parmi toutes les catégories d'âge de la population, un peu partout en Suisse et en particulier dans ce canton, pour ne pas en rajouter une couche.
Enfin, rappelons-le, c'est le rôle du gouvernement que de procéder à un arbitrage en cas de préavis communal négatif, ce qui est le cas ici. Cet objet ôterait cette capacité au Conseil d'Etat. Il en est d'ailleurs de même avec l'amendement de l'UDC qui demande de placer la Cité de la musique ailleurs, dans le PAV. Une fois de plus, laissons l'exécutif travailler sur ce dossier qui relève clairement de sa compétence. Nous vous engageons à refuser cette proposition de résolution de façon à suivre les voies démocratiques que nous sommes tenus de respecter. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous rejoignons les conclusions du groupe des Verts, à savoir qu'il convient de refuser cette proposition de résolution. Pourquoi ? Parce que contrairement à ce qu'a indiqué M. le député Thévoz, celle-ci ne vise pas du tout à sortir du clivage, au contraire: ses auteurs persistent et signent, ignorant les différents signaux envoyés à la fois par la population et par les opposants au projet. La droite et le parti socialiste s'enferment dans une tour d'ivoire, et ce à double titre.
D'abord, ils aspirent à un projet élitiste... (Remarque.) Oui, un projet élitiste dont le but est de faire rayonner Genève, un établissement qui ne sera accessible qu'à une petite partie des citoyens, notamment les plus aisés, et qui coûtera une fortune en frais de fonctionnement. D'ailleurs, je suis surpris d'entendre M. Cyril Aellen soutenir qu'il s'agit d'un projet de portée cantonale et que, partant, nous devons nous prononcer à l'échelle cantonale... Quand on sait la pingrerie de son groupe quand il est question d'allouer des fonds à la culture ! La droite refuse toujours d'aligner des millions pour la culture, et ce n'est pas demain que ça changera.
Ensuite, non contents de se montrer élitistes quant à l'envergure de cette Cité de la musique, la droite et le parti socialiste se montrent encore élitistes dans leur rapport au vote populaire. Ce n'est pas un déni démocratique, c'est qu'ils ne veulent tout simplement pas entendre ce qui est dit, à savoir que la population citadine refuse majoritairement ce projet qui date du XXe siècle, un projet «has been» qui ne prend en compte ni l'intégration de la nature en milieu urbain, ni la question des musiques actuelles, ni celle des interactions sociales. Il faut dès lors revoir la copie, ce que cette proposition de résolution ne fait pas.
Par ailleurs, cette opération est indécente en temps de crise, en particulier vis-à-vis du monde de la culture. Les mêmes qui se sont exclamés il y a peu: «Oh, la culture est précarisée, c'est terrible, il faut aider les protagonistes !» sont aujourd'hui prêts à développer un projet à hauteur de 300 millions de fonds privés afin d'ouvrir une institution qui ne concerne que deux acteurs sur les 150 organismes de musique hébergés dans le canton de Genève, c'est ahurissant ! Ahurissant ! Prenons ces deniers et utilisons-les pour soutenir les acteurs culturels, très touchés par cette période de pandémie, et le reste des citoyens.
Enfin, j'aimerais revenir sur la notion de vote partiel évoquée par M. Cyril Aellen: le vote partiel, c'est précisément le vote cantonal qui exclura tous les étrangers alors que ceux-ci se sont exprimés en Ville de Genève. M. Cyril Aellen entend ignorer la parole de 40% des habitants alors qu'ils ont donné leur avis, donc ne venez pas me parler de vote partiel ! Ensemble à Gauche rejettera cette proposition de résolution et demande au Conseil d'Etat d'abandonner cette chimère et de nous soumettre un projet qui soit représentatif du XXIe siècle. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et je donne la parole à Mme Nicole Valiquer Grecuccio pour une minute et une seconde.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. On ne dira jamais assez qu'il s'agit non seulement d'un projet culturel, mais aussi d'un lieu de formation pour les étudiantes et étudiants de la HEM. Puisqu'il a été question du rôle du canton, je précise que ce projet est précisément l'occasion de mettre en oeuvre l'initiative pour la culture et de rappeler que l'Etat doit promouvoir des équipements de portée cantonale et régionale. C'est aussi l'occasion de plaider pour une infrastructure majeure sur la rive droite.
Enfin, arrêtons de croire que cette opération aura lieu dans le PAV, car celui-ci ne prévoit pas ce type d'installation, et nous le savons, nous qui, dans ce Grand Conseil, avons voté le plan directeur de quartier. En ce sens, nous appuyons le Conseil d'Etat pour qu'il négocie avec l'ensemble des actrices et acteurs culturels ainsi qu'avec les institutions qui s'engagent en faveur de ce projet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Souheil Sayegh (PDC). Chers collègues, le PDC fait siens les propos de M. Aellen, de M. Thévoz et de Mme Valiquer, je n'y reviendrai pas. Nous avons été très partagés quant au soutien à apporter à cette proposition de résolution, spécialement en raison de l'issue du scrutin populaire en Ville de Genève. Pour rappel, la section PDC Ville de Genève avait milité en faveur du projet et, en tant que citoyen de la ville, j'en ai fait de même. Même consultatif, ce vote reste déterminant et souverain, il ne s'agit pas ici de le contester.
Maintenant, à la suite de cette votation, le canton tout entier se retrouve sans projet - culturel, qui plus est - d'envergure sur la rive droite. Le test grandeur nature effectué avec le Grand Théâtre aux Nations a montré que la population accepte de se déplacer et de traverser le lac. A deux pas d'un arrêt du Léman Express, très bien desservie par les transports en commun, la place des Nations constitue un point de convergence naturel qui dépasse les frontières citadines. Le PDC déplore la discrétion du Conseil d'Etat, qui n'a pas su fédérer les artistes autour d'une entreprise commune. Alors qu'il s'agit d'un projet de portée cantonale, cette pudeur a conforté le sentiment d'abandon des milieux culturels, lesquels se sont sentis minorisés. Le monde politique doit faire son autocritique: il n'a pas su communiquer sur un projet fédérateur, ce qui, encore une fois, prive Genève d'une infrastructure culturelle majeure sur la rive droite.
Rappelons que seulement 8% de la population - 8% ! - s'est exprimée alors que le projet dépasse de loin le cadre de la ville. Comment peut-on admettre que les habitants des Eaux-Vives votent sur un projet situé à Bernex quand ceux du Grand-Saconnex, à deux pas de la place des Nations, n'ont pas pu s'exprimer sur celui de la Cité de la musique ? Si cette institution n'était destinée qu'aux citoyens de la ville et concernait juste les artistes de la Ville de Genève, le résultat des urnes ne souffrirait aucune forme de discussion, mais ce n'est pas le cas. Il faudra que notre parlement se penche un jour sur la question et offre à l'ensemble du canton l'opportunité de se prononcer sur des objets municipaux lorsque ceux-ci dépassent les frontières communales - je pense par exemple au parking Clé-de-Rive ou au Musée d'art et d'histoire.
Le PDC soutiendra cette proposition de résolution ainsi que l'amendement socialiste afin de réunir à nouveau les artistes autour de la table; il s'agit de concilier toutes les musiques au sein d'une même institution que Bâle-Ville même nous jalousera ! Je vous remercie. (Rires.)
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. La parole va maintenant à M. Stéphane Florey pour une minute et six secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Juste deux mots sur l'amendement, Mesdames et Messieurs. En fait, il découle d'un projet de motion déposé par le groupe UDC au Conseil municipal, qui est soutenu par les Verts et Ensemble à Gauche; malheureusement, ils n'ont pas pu obtenir l'urgence mardi ou mercredi dernier, donc elle est toujours inscrite à l'ordre du jour.
Il faut se souvenir que les opposants n'étaient pas contre la Cité de la musique en soi, ils ne voulaient pas de ce projet en particulier. Il existe d'autres options, par exemple ce que propose mon amendement, à savoir de modifier l'un des PLQ relatifs au PAV. Ce que prétend Mme Valiquer est totalement faux: il faut remonter à la résolution PAV dans son ensemble qui demandait précisément de prévoir un certain nombre de lieux, notamment culturels, dans ce périmètre. Nous vous invitons par conséquent à soutenir notre amendement, faute de quoi nous refuserons le texte. Je vous remercie.
M. Guy Mettan (HP). Je pense que nous soutenons toutes et tous ici la musique et notamment l'apprentissage de la musique, nous sommes tous d'accord là-dessus. Toutefois, cette proposition de résolution me paraît douteuse pour deux raisons. La première a déjà été évoquée, à savoir qu'on ne peut pas remettre en question un vote démocratique, même s'il ne s'agit que d'un vote communal. Si on ne tient pas compte des positions communales, alors il vaut mieux abolir les communes ! On fait comme si elles n'avaient rien à dire alors que la constitution prévoit qu'elles peuvent se prononcer; on ne peut pas bafouer leur décision en passant outre dès que l'issue du scrutin ne nous convient pas ! Je m'excuse, mais ça s'appelle un déni démocratique, ou alors il faut aller jusqu'au bout du raisonnement et leur ôter tout pouvoir décisionnel.
La deuxième raison est plus importante, c'est qu'il existe un plan B pour cette Cité de la musique, un plan B bien meilleur que le plan A et qui consiste tout simplement à conserver la localisation du bâtiment aux Nations... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...mais en le faisant déménager de l'autre côté de la place, là où se situait précisément l'opéra des Nations. Le terrain s'y prête parfaitement, on peut très bien ériger la construction...
Le président. Merci...
M. Guy Mettan. ...sur ce terrain sans abattre d'arbres et sans démolir la villa des Feuillantines, ce qui permet...
Le président. Merci !
M. Guy Mettan. ...de préserver le patrimoine à la fois culturel...
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Guy Mettan. ...et naturel. C'est tout simple à réaliser, il n'y a aucun problème juridique...
Le président. C'est vraiment terminé.
M. Guy Mettan. ...à transférer la bâtisse... (Le micro de l'orateur est coupé. Applaudissements.)
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit, mais au fond, quel est le but de cette proposition de résolution ? Il s'agit de renouer le dialogue, d'appuyer le Conseil d'Etat pour renouer le dialogue avec tous les acteurs et avec toutes les musiques. Evidemment, une salle symphonique n'est pas forcément adaptée aux courants actuels, mais on peut trouver des solutions, j'en suis certain. On parle tout de même d'un projet d'importance cantonale !
Chaque fois que des sponsors - enfin, plutôt des mécènes, ce ne sont pas des sponsors, sont prêts à mettre de l'argent sur la table pour faire rayonner Genève, on dit non; c'est vraiment dommage. Rappelez-vous le débat sur le Muséum d'histoire naturelle; je pense que vous allez aimer le prochain projet qui, lui, devra être entièrement financé par les contribuables ! On fait fausse route, et je pense que l'objectif est de renouer le dialogue de façon à trouver des solutions à cet endroit - elles sont possibles - et que nous disposions enfin d'une institution culturelle d'envergure sur la rive droite, qui n'en a aucune.
Rappelez-vous également le débat sur les terrains de sport aux Evaux; on voit que certaines communes font tout pour empêcher le projet alors que là aussi, il s'agit d'une infrastructure d'intérêt cantonal. Encore une fois, l'objectif de ce texte consiste vraiment à renouer le dialogue, et je vous invite à l'approuver ainsi qu'à rejeter l'amendement de l'UDC. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole échoit à M. Jacques Béné pour deux minutes trente-cinq.
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. En ce qui concerne l'amendement, il vaut la peine d'expliquer que le PLQ concerné a été mis à l'enquête publique après plusieurs années de négociation entre tous les partenaires du périmètre, et croyez-moi, ce n'est pas simple de parvenir à faire aboutir un PLQ dans ce canton ! Il se trouve que l'enquête publique s'est terminée avant-hier, Mesdames et Messieurs, donc le plan d'aménagement pourra être validé très prochainement, qui permettra de réaliser plus de 350 000 mètres carrés de surface brute de plancher, dont plus de 2500 logements. Alors si on veut réduire à néant tout ce qui a été accompli dans le cadre du processus de concertation, eh bien il faut voter cet amendement qui, à mon sens, est totalement inique. Je vous remercie.
Le président. Merci. Monsieur Pierre Conne, vous avez la parole pour une minute quarante-neuf.
M. Pierre Conne (PLR). Oui, Monsieur le président, merci. Chers collègues, je voudrais apporter une précision en ce qui concerne le plan B évoqué tout à l'heure par notre collègue Guy Mettan, qui proposait d'installer la Cité de la musique sur la campagne Rigot, là où était situé le théâtre éphémère en bois de l'opéra des Nations: ce terrain appartient à la succession Rockefeller, et dans son testament, celui-ci prévoyait explicitement qu'aucune construction ne pourrait être aménagée sur ce périmètre. Cette idée est donc tout simplement irréalisable, voilà. Le seul site qui nous reste actuellement dans le canton, c'est la parcelle des Feuillantines, et c'est la raison pour laquelle je vous invite à soutenir cette proposition de résolution. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole revient à M. Patrick Dimier pour une minute vingt.
M. Patrick Dimier (MCG). J'ai juste besoin d'une seconde, Monsieur le président: dans ce genre de débat, il faut surtout éviter les fausses notes.
Le président. Merci. Les indépendants n'ont malheureusement plus de temps de parole, ce qui me permet de la donner, en conclusion, à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nulle intention de ma part de refaire le débat de fond sur la Cité de la musique; certains propos pourraient pourtant m'y inviter, mais ce n'est pas le moment. Le dimanche 13 juin, le Conseil d'Etat a communiqué sur la façon dont il entendait procéder. D'abord, il a pris acte de la situation, à savoir le préavis négatif rendu par les habitantes et habitants de la Ville de Genève quant au plan localisé de quartier. Il a ensuite indiqué qu'il comptait profiter de l'automne pour rassembler autour de la même table les différents partenaires du projet afin qu'ils puissent échanger les uns avec les autres.
Il y a d'une part un enjeu culturel: nous avons besoin à Genève de salles de répétition, les actrices et acteurs culturels ont demandé à réitérées reprises d'obtenir des locaux. Mais, d'autre part, il y a encore des enjeux d'aménagement du territoire, financiers, démocratiques... L'ensemble de ces pistes seront traitées par le Conseil d'Etat cet automne; nous réunirons les opposants, les différents partis politiques, la Ville de Genève et son Conseil administratif en particulier, la Fondation pour la Cité de la musique, l'ONU, la Haute école de musique ou encore l'OSR.
Tout cela pour vous dire que le Conseil d'Etat a l'intention de respecter son engagement pris le 13 juin dernier à plancher sur l'ensemble du dispositif, sans perdre de vue que le bâtiment pourra et devra être une cité des musiques. Le signal que votre parlement est prêt à donner ce soir contribuera à alimenter notre réflexion, le Conseil d'Etat en prendra compte et reviendra vers vous avec des objets au bon moment pour travailler sur le fond tout en respectant la volonté populaire.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis de deux amendements que je vais mettre aux voix, en commençant par celui déposé par M. Stéphane Florey et cosignataires, le plus éloigné de la proposition initiale, qui consiste à remplacer les deux invites par celle-ci: «à modifier le PLQ N° 30052 afin d'intégrer la Cité de la musique dans le futur quartier des Acacias en concertation avec la Fondation de la Cité de la musique et l'ensemble des acteurs culturels.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 78 non contre 10 oui et 1 abstention.
Le président. A présent, nous passons à la demande d'amendement de M. Sylvain Thévoz:
«Nouvelle invite
- à inclure les musiques actuelles dans ce projet afin de renforcer le poids du soutien à la culture au niveau cantonal.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 65 oui contre 17 non et 7 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 968 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 55 oui contre 25 non et 7 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Et nous abordons notre dernière urgence, à savoir le PL 12752-A. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de deuxième minorité, M. Marc Falquet, est remplacé par M. André Pfeffer. Je cède immédiatement la parole au rapporteur de majorité, M. Pierre Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant et rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, prenons un exemple fictif et somme toute assez banal d'un couple qui se marie: Monsieur est suisse ou habite en Suisse depuis quelques années, Madame vient de l'étranger, ils s'unissent et s'établissent à Genève, ils ont peut-être un enfant. Après un certain temps, Madame découvre ce qui arrive malheureusement fréquemment, à savoir que son époux se montre violent avec elle, et finit par être obligée de s'enfuir de la maison pour se réfugier dans un endroit qui pourrait être le Coeur des Grottes.
Or la structure est pleine, il n'y a plus de place. Pourquoi ? Parce que le Coeur des Grottes est engorgé par des personnes qui, en raison de l'adoption du projet de loi que nous traitons maintenant, ne remplissent plus les conditions d'accès aux logements sociaux. L'extrême droite entend en effet limiter les possibilités pour les étrangers de s'inscrire à un logement subventionné et, de manière assez surprenante, une majorité du Grand Conseil semble la suivre aujourd'hui. C'est une sorte de scénario catastrophe que je dépeins là, mais qui est tout à fait susceptible de se réaliser.
La saturation des lieux d'hébergement d'urgence aura des répercussions sur tous ceux qui ont besoin de la protection de l'Etat, ils ne pourront plus la trouver. Mesdames et Messieurs, ce qui vous est proposé ici peut sembler anodin en apparence, mais il s'agit de prolonger la durée de résidence dans le canton de Genève, qui constitue l'une des conditions pour avoir droit à un logement social: actuellement de deux ans, ce délai passerait à cinq ans - quatre selon l'amendement déposé par le MCG.
La commission a accompli son travail de manière efficace et a entendu Mme Marie-Hélène Koch-Binder, directrice administrative de l'OCLPF, laquelle a expliqué ce que signifierait concrètement cette extension de l'échéance. D'abord, le critère de deux années de présence sur le territoire avait été adopté pour éviter le tourisme social, l'idée étant que les personnes ne viennent pas à Genève pour bénéficier du logement bon marché qu'elles ne trouvent pas chez elles. Cette condition est remplie, le but est atteint.
Le problème, a souligné Mme Koch-Binder, c'est que l'objectif poursuivi par les auteurs, soit de concentrer l'offre de logements sociaux à destination des habitants du canton, est déjà atteint aussi, puisque seuls les résidents légaux peuvent aujourd'hui accéder à un logement subventionné après deux ans de titularité d'un permis de séjour. Ainsi, il n'y aura pas de diminution du temps d'attente - ou elle sera minime -, car 80% des demandeurs de logements sociaux répondent d'ores et déjà au critère des cinq ans de résidence.
En revanche, l'acceptation de ce projet de loi aurait pour conséquence un engorgement des dispositifs situés en amont du logement subventionné, soit les foyers et les hôtels, et ceux-ci représentent un coût très important pour l'Etat, un coût plus important que la construction de nouveaux logements. Mme Koch-Binder nous a enfin rappelé qu'il y a actuellement 7300 demandes en attente.
La réalité, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que l'on constate une forte discrimination à l'encontre des étrangers en ce qui concerne l'accès au logement, et ce sur tous les plans. Des études démontrent qu'ils ont par exemple beaucoup plus de mal à trouver un logement locatif privé. En 2015, l'Université de Berne avait procédé à un test en envoyant deux requêtes identiques, l'une arborant le nom de Daniel Fischer, l'autre celui d'Arunan Vaidyanathan, un nom tamoul; les chercheurs ont constaté que les bailleurs préféraient louer leur bien à une personne portant un nom helvétique qu'étranger. Cela a été confirmé par une étude de l'Office fédéral du logement publiée en 2019.
On peut relever une discrimination similaire s'agissant des logements en propriété, parce qu'à moins d'avoir grandi en Suisse, d'y avoir travaillé longtemps et de disposer d'un troisième pilier qui s'est constitué au fil des années grâce à un bon salaire, il est impossible de devenir propriétaire dans notre pays. Il y a déjà ces deux inégalités de traitement pour les étrangers, et on nous propose à présent d'en ajouter une troisième, c'est-à-dire qu'ils n'auront plus accès, ou du moins plus difficilement, aux logements sociaux qui, de fait, représentent les seuls logements envisageables pour eux.
En réalité, ce que cherchent à faire les auteurs de ce texte, c'est fausser les statistiques en diminuant le nombre de personnes figurant sur les listes d'attente et donner l'impression que tout va bien. Plutôt que de s'attaquer au fond du problème, on maquille les chiffres.
Ce que veut Ensemble à Gauche, c'est que ce Grand Conseil construise des logements, pas qu'il en rende l'accès plus compliqué. Nous vous invitons dès lors à rejeter ce projet de loi; j'ai du reste oublié de préciser au début que, quand bien même je suis rapporteur de majorité, les tendances s'étant inversées, il risque d'être voté ce soir contre la volonté de la majorité de la commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. De nombreux habitants de notre canton rencontrent les plus grandes difficultés à trouver un logement, au point de devoir s'établir dans le canton de Vaud ou en France voisine. Les critères d'accessibilité aux logements bon marché sont déjà très stricts, notamment le revenu, mais malgré cela, les listes d'attente sont impressionnantes.
Pour les auteurs du projet de loi, il est apparu logique de renforcer l'une des conditions, à savoir le temps de présence dans le canton de Genève. Actuellement, pour avoir droit à un logement social, il faut y avoir résidé deux ans en continu durant les cinq dernières années; le texte demande que la durée soit portée à cinq ans de résidence en continu pendant les dix dernières années. L'objectif est d'apporter une réponse pragmatique et efficace, nous pourrons ainsi détendre quelque peu la situation du logement à Genève.
Suite à des discussions avec divers groupes politiques, un amendement a été déposé qui propose une durée de résidence en continu de quatre ans sur les huit dernières années; cela apparaît comme une amélioration modérée qui va dans la direction du projet de loi. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, notre minorité vous invite à voter cet amendement.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose de faire passer le délai d'attente des nouveaux arrivants dans le canton de deux à cinq ans avant qu'ils soient autorisés à postuler pour un appartement subventionné. Il ne s'agit pas de favoriser nos résidents, mais d'assumer notre responsabilité, c'est-à-dire d'aider les Genevoises et Genevois à trouver un logement.
Avec la loi actuelle et au vu des difficultés à trouver un logement social, les étrangers se retrouvent mieux lotis et ont l'avantage par rapport aux Genevois. Est-ce bien équitable ? Est-il tolérable qu'un Genevois qui a toujours travaillé et payé ses impôts ici soit considéré comme un vient-ensuite ? En raison de la forte demande en logements subventionnés, la législation contribue à pénaliser, voire à exclure, certains Genevois. A cet égard, un critère de cinq ans de résidence appliqué aux nouveaux arrivants dans le canton paraît tout à fait raisonnable.
J'aimerais maintenant revenir sur l'argumentaire du rapporteur de majorité: en cas de force majeure, il est possible de déroger à la règle. Ainsi, si une personne ne remplit pas la condition de cinq ans de présence à Genève, mais subit une situation de force majeure, il peut y avoir une dérogation - et c'est malheureusement fréquent. Chers collègues, il est question ici de justice, il convient de ne pas encourager la migration sociale. Le groupe UDC soutient ce projet de loi. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie. La parole va à Mme Jocelyne Haller pour quarante-six secondes.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Combien de temps, Monsieur le président ?
Le président. Quarante-six secondes.
Mme Jocelyne Haller. Quarante-six secondes ? Bien, alors j'abrégerai en disant que ce projet de loi est une honte, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'il exclut des personnes modestes, dûment autorisées à vivre dans ce canton, des personnes qui paient leurs impôts, du droit à un logement subventionné... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame la députée...
Mme Jocelyne Haller. Ce que vous êtes en train de faire...
Le président. Madame la députée !
Mme Jocelyne Haller. Pardon ?
Le président. Un instant, s'il vous plaît. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Voilà, poursuivez.
Mme Jocelyne Haller. Ce qui va se produire avec ce projet de loi, c'est qu'on va engorger les hôtels bon marché, les foyers d'accueil, les appartements relais. Vous ne vous rendez pas compte à quel point c'est dur pour des gens en difficulté - que ce soient des étrangers ou des Confédérés, d'ailleurs - d'arriver dans le canton de Genève et de devoir attendre deux ans...
Le président. Merci...
Mme Jocelyne Haller. ...alors qu'ils ont payé leur écot, gagné leur droit à accéder à un logement subventionné. Et vous les en privez !
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Jocelyne Haller. Ce faisant, vous augmentez la facture sociale et la fracture sociale ! Vous ne permettez pas à ces personnes...
Le président. C'est terminé.
Mme Jocelyne Haller. ...de vivre correctement...
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Jocelyne Haller. ...vous ne pensez pas que ces hommes et ces femmes qui se trouvent dans des situations précaires... (Le micro de l'oratrice est coupé. L'oratrice poursuit son intervention. Applaudissements. Commentaires.)
Le président. Un peu de tenue dans ce débat, s'il vous plaît ! Monsieur Christian Bavarel, c'est à vous.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, c'est à croire que sur certains bancs, on possède des hôtels et on craint que le business soit mis en danger ! En effet, lorsque quelqu'un dans une situation précaire commence à passer beaucoup de temps dans un hôtel, celui qui se fait du fric, c'est le patron de l'établissement, c'est une bonne manière de gagner de l'argent. Et qui paie pour la personne en situation de précarité qui se retrouve logée ? Le contribuable.
Si un Confédéré arrive à Genève ou même si un Genevois revient après une absence, vous allez lui dire que pendant cinq ans, il n'aura pas accès à un logement subventionné ? En fait, vous ne voulez voir à Genève que des gens dont les revenus les excluent de facto du dispositif social. Pour les personnes concernées, ça signifie qu'il y a toute une catégorie - importante - de logements à laquelle elles n'ont plus droit. Vous êtes en train de dire à ceux qui habitent en France voisine ou dans le canton de Vaud et qui souhaiteraient revenir du côté de Genève: «Allez chasser sur le loyer libre et débrouillez-vous !»
J'aime autant vous dire que les Verts sont fermement opposés à ce projet de loi, ils l'ont été depuis le début. On se demande quels intérêts sont défendus dans cet hémicycle - en tout cas pas ceux de la majorité de nos concitoyens, certainement ceux de certains hôteliers, en revanche. Nous sommes quelque peu surpris d'assister à ce revirement suite aux propositions émises, il y a là quelque chose qui ne sent pas très bon, ce sont des intérêts particuliers qui semblent être protégés ici. Merci.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Le groupe Ensemble à Gauche n'a plus de temps. Je cède la parole à Mme Caroline Marti.
Mme Caroline Marti (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, on le répète à longueur de débat, 7000 personnes sont en attente d'un logement subventionné à Genève, et ce chiffre risque malheureusement d'augmenter ces prochaines années au regard de la situation économique et sociale actuelle. De notre point de vue, la seule et unique réponse à apporter à ce problème, c'est de construire plus de logements sociaux afin de couvrir les besoins. Ce projet de loi ne formule aucune proposition solide et crédible; ce n'est pas parce qu'on réduit le nombre des ayants droit qu'on leur fournit une solution, cela sert juste à fausser les statistiques, à masquer la précarité sociale dans notre canton sans la combattre aucunement.
De plus, le texte engendre toute une série d'effets néfastes que le rapporteur de majorité Pierre Bayenet a évoqués et qui ressortent très clairement de l'audition de l'Hospice général que nous avons effectuée en commission, notamment l'engorgement des foyers d'hébergement pour migrants, sachant que ceux-ci vont quand même continuer à faire leur vie à Genève. Selon l'Hospice général, 40% des personnes logées dans leurs structures se retrouveront à devoir attendre plus longtemps avant de déposer ne serait-ce qu'une demande de logement subventionné - encore faut-il ensuite qu'elles en obtiennent un. Pareil pour les bénéficiaires de l'Hospice général placés à l'hôtel - un dispositif qui, rappelons-le, coûte extrêmement cher à l'institution et donc à l'Etat: 15% d'entre eux devront y rester encore trois ans supplémentaires avant de bénéficier d'un logement social.
Face à la hausse des besoins que je mentionnais, la droite préfère monter les personnes précaires les unes contre les autres plutôt que de répondre à leurs attentes; les différents projets de lois et textes qu'elle a déposés visant à réduire le nombre de logements subventionnés dans le PAV en sont une parfaite illustration. C'est la raison pour laquelle, sur le fond, non seulement nous vous invitons à refuser cet objet, mais vu l'état actuel des discussions et parce que l'acceptation du projet de loi pourrait avoir des conséquences sur d'autres prestations sociales, par exemple l'allocation au logement, nous proposons son renvoi à la commission des affaires sociales. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission du logement... (Commentaires.) Excusez-moi: à la commission des affaires sociales. Les rapporteurs souhaitent-ils s'exprimer sur cette requête ? Cela ne semble pas être le cas... Ah si ! Monsieur le rapporteur de majorité Pierre Bayenet, vous avez quinze secondes.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant et rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il est important que l'enquête porte davantage sur les conséquences sociales de ce projet de loi et, à cet égard, il serait intéressant d'entendre les services sociaux privés confrontés à ces problèmes. En effet, le CSP ou Caritas, par exemple, n'ont même pas été informés de ce changement majeur qui aura un impact durable sur la gestion de la pauvreté à Genève.
Le président. Merci bien. J'ouvre le vote sur la demande de renvoi...
Mme Caroline Marti. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est bon, nous procédons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12752 à la commission des affaires sociales est rejeté par 48 non contre 37 oui (vote nominal).
Le président. Nous continuons le débat, et la parole va à M. Sébastien Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Oui, merci, Monsieur le président. Je précise que le projet de loi amendé ira moins loin que la situation qui prévalait à Genève jusque dans les années 90, où cinq ans de résidence continue étaient requis, donc quand M. Bayenet nous décrit l'apocalypse, qu'il se réfère à cette période-là, je n'ai pas l'impression qu'on y est. Quant à un prétendu lobby des hôtels qui se serait infiltré dans cet hémicycle, je tiens à rassurer M. Bavarel: il n'est pas question de lobby ici, il est question de solidarité, mais la solidarité ne va pas sans responsabilité.
Genève traverse la crise économique, sociale et sanitaire la plus importante de ces cent dernières années. On nous dit: «7000 personnes sont en attente d'un logement sur le territoire», on signale que ceux qui travaillent depuis longtemps dans ce canton perdent leur emploi, leur retraite. C'est une réalité, en effet. Mais cela ne justifie-t-il pas précisément un effort particulier de la part des habitants, indépendamment de leur nationalité ? Bien entendu, la réponse est oui.
Mme Caroline Marti a apporté un élément de réponse. C'est vrai, l'un des leviers qui nous permettent de faire face à la crise des logements sociaux, c'est de construire. Toutefois, le sens de l'intérêt général nous impose ici un constat, à savoir que notre territoire n'est pas extensible à l'infini. Allez consulter le site du Conseil d'Etat et notez les dix plus grands projets du canton, un potentiel de 25 000 à 30 000 logements est prévu à l'horizon 2030: vous vous apercevrez que l'envergure de certains d'entre eux a déjà été diminuée ou qu'ils sont menacés.
Mesdames et Messieurs, la crise immobilière ne concerne pas uniquement les logements sociaux, elle touche toutes les catégories de logements et toutes les couches de la population, donc on ne peut pas construire que du subventionné. Peut-être érigera-t-on 10 000 logements bon marché d'ici 2030, mais cela ne sera pas suffisant. Que fait-on des gens qui ont travaillé toute leur existence, qui ont perdu leur retraite, qui n'ont pas les moyens de vivre décemment ? Que fait-on des jeunes qui, après leurs études, ne trouvent pas d'emploi ? On leur dit: «Ce n'est pas grave» ?! Il faut faire quelque chose, et ce projet s'inscrit dans ce contexte. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Alberto Velasco pour vingt-quatre secondes.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Je constate que celles et ceux dans cette enceinte qui ont voté la libre circulation des personnes sont les mêmes qui, aujourd'hui, ne veulent pas que les étrangers viennent travailler ici en vertu de ce droit, refusent qu'ils accèdent à un logement social.
Le président. Merci.
M. Alberto Velasco. Vous savez, Mesdames et Messieurs, je connais des maçons, des gens qui ont travaillé dans la restauration et qui viennent d'Italie, d'Espagne, qui ne touchent pas de grands salaires. Et ils devraient...
Le président. C'est terminé...
M. Alberto Velasco. ...attendre quatre ans pour bénéficier d'un logement subventionné ?!
Le président. C'est fini, Monsieur le député !
M. Alberto Velasco. C'est ça que vous voulez ? (Le micro de l'orateur est coupé.)
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est triste. Comme le débat que vous venez de mener l'illustre, il monte les gens dans la précarité les uns contre les autres. La crise du logement touche certes toutes les catégories de la population, mais lorsqu'on a un revenu confortable, il est tout de même plus facile de trouver à se loger que quand on se situe dans la classe moyenne inférieure, sans parler des couches les plus modestes, où cela devient beaucoup plus difficile.
Alors bien sûr, il est aisé de plaider pour une catégorie ou pour une autre, parce que les problèmes soulevés sont réels. Quiconque issu de la classe moyenne qui a dû déménager ces dernières années a pu constater à quel point il est dur de trouver un appartement sur le marché immobilier libre. En ce qui concerne le domaine subventionné, les règles d'attribution sont ouvertes et transparentes, basées sur des critères objectifs; d'ailleurs, la durée d'attente, c'est-à-dire le laps de temps qui sépare l'inscription à la liste de l'obtention du logement, constitue un critère fondamental; eh bien même dans ces cas-là, les temps sont longs.
Ce projet de loi est triste, parce qu'il clive entre eux des gens qui, dans les deux cas, qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs, qu'ils soient nés à Genève ou viennent d'arriver, se trouvent dans la même situation de précarité; triste, parce qu'il discrimine les migrants d'une part et les Confédérés d'autre part. A l'instant même où la Suisse vibre avec les Shaqiri, Xhaka, Seferovic, Embolo et autres Mehmedi, ce parlement s'apprête à voter un texte qui vise précisément ce type de migration: une migration modeste, laborieuse, une population de working poors le plus souvent, c'est-à-dire des personnes qui travaillent, mais dont le revenu ne suffit pas toujours à subvenir à leurs besoins. Ce projet de loi est triste, parce qu'il cible les Confédérés au moment où, dans cette enceinte, certains portent fièrement les couleurs de la Suisse. Si vous êtes un Fribourgeois, un Saint-Gallois, que vous êtes issu d'un milieu modeste - travailleur, mais modeste - et que vous avez besoin de l'aide de l'Etat à Genève, eh bien vous n'aurez pas accès à la liste d'attente pour obtenir un logement social.
Mesdames et Messieurs, cet objet ne vise pas à alléger les finances de l'Etat ni même à résoudre la crise du logement, parce qu'on parle de personnes légalement installées à Genève. Ces gens-là, du moment qu'ils se trouvent légalement sur notre territoire, entrent dans notre dispositif d'aide sociale, donc si vous les retirez aujourd'hui des listes d'attente auprès des fondations immobilières de droit public, eh bien ils iront s'inscrire à l'Hospice général, au sein des structures d'accueil, dans les hôtels. Quel est le gain de cette démarche, finalement, si ce n'est qu'elle accentue la précarité ?
Est-ce que notre système provoque le tourisme social ? On le saurait ! Il y a tout de même deux ans d'attente, aussi n'est-il pas possible pour un migrant très modeste, par exemple, qui viendrait d'ailleurs en Europe ou de Suisse, de débarquer à Genève, ding-dong, je m'inscris et je décroche un logement directement ! Non, il faut patienter deux ans, une limite raisonnable, dure peut-être pour les personnes concernées, mais qui permet d'asseoir une installation réelle dans le canton. Pourquoi la porter à cinq ans ? Pourquoi maintenir les gens dans une pauvreté accrue ?
Mesdames et Messieurs, il me faut encore mentionner un autre aspect: pour obtenir un logement à Genève, que ce soit du loyer libre, de la PPE ou du logement social, voire des coopératives d'habitation, eh bien la durée de l'inscription compte. On le sait, le réseau à Genève est important, mais le temps d'attente sur une liste vous fait gagner des points également. Bien sûr, l'attribution des logements sociaux est principalement basée sur les situations de précarité: une femme battue qui doit se réinstaller avec ses deux enfants aura un avantage sur quelqu'un qui est inscrit depuis dix ans, il en va ainsi. Mais à deux personnes ou deux ménages à situation égale, celui qui patiente depuis plus longtemps a un avantage. Ainsi, nos résidents historiques sont de toute façon favorisés par rapport aux gens qui sont là depuis trois ou quatre ans, ce qui signifie que ce projet n'aura pas d'effet réel sur le marché du logement, il contribuera seulement à renforcer les inégalités.
Il est triste, à l'heure où nous sommes tous derrière notre équipe nationale, de valider cette attaque contre les migrants, cette attaque contre les étrangers modestes, cette attaque contre les Confédérés. Mesdames et Messieurs les députés de la droite, si vous voulez aider les personnes qui cherchent un logement - social, classe moyenne, PPE -, alors soutenez-nous dans le développement des nouveaux quartiers: là, nous proposons une solution qui est intégrative et qui ne discrimine pas. En l'état, le Conseil d'Etat s'oppose fermement à ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il y a une demande de vote nominal, est-elle soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est le cas. A présent, je mets aux voix l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12752 est adopté en premier débat par 49 oui contre 38 non et 2 abstentions (vote nominal).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement déposé par M. François Baertschi, qui fait passer le critère de la durée de résidence de cinq à quatre ans:
«Art. 31B, al. 3 (nouvelle teneur)
3 Peuvent accéder à un logement soumis à la présente loi les personnes assujetties à l'impôt sur le revenu à Genève et ayant, en principe, résidé à Genève pendant quatre années continues dans les huit dernières années.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 48 oui contre 12 non et 23 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 31B, al. 3 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12752 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 45 oui contre 38 non et 4 abstentions.
Une voix. Goal ! (Applaudissements. Exclamations.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes arrivés au bout de nos urgences. Je lève la séance et vous souhaite un bon retour dans vos foyers ainsi qu'un bel été ! (Applaudissements.)
La séance est levée à 19h25.