République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 20 mai 2021 à 20h30
2e législature - 4e année - 1re session - 2e séance
PL 12754-A
Premier débat
Le président. Nous entamons le programme des urgences avec le PL 12754-A, classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de M. Murat-Julian Alder, remplacé par M. Serge Hiltpold, à qui je passe la parole.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. En synthèse, la commission des finances... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Monsieur le député. (Un instant s'écoule.) Merci. Monsieur le député, vous pouvez poursuivre.
M. Serge Hiltpold. Merci, Monsieur le président. La commission des finances s'est réunie à deux reprises et a procédé à l'audition du service de la solidarité internationale ainsi que de la Fédération genevoise de coopération. En résumé, le but de ce projet de loi est la validation du contrat de prestations pour la période 2021-2024 entre l'Etat de Genève et la Fédération genevoise de coopération, qui est partenaire depuis 2002.
Le montant de ce contrat de prestations est de 3 millions par année; vous le retrouverez dans le programme A04 «Développement et innovation du canton et de la région». D'autres acteurs contribuent à cette coopération: la direction fédérale du développement et de la coopération, la DDC, qui contribue à hauteur de 1 million de francs par année, ainsi que la Ville de Genève et quatorze autres communes genevoises. Dans le contrat de prestations, on retrouve un élément relativement important s'agissant des ratios, à savoir que les frais de fonctionnement sont plafonnés à 12% du montant de 3 millions, ce qui correspond à 360 000 francs.
En 2020, les activités de la FGC ont évidemment été impactées par la pandémie du covid-19. Un élément patent qui est ressorti de cette synthèse et de ces auditions, c'est que, selon la Banque mondiale, 10% de la population se retrouvera dans une situation d'extrême pauvreté en raison de la pandémie. La majorité de cette commission a été marquée par cette projection, notamment par le plus gros problème, la déscolarisation des enfants. On s'est aperçu, pour certains - cela a été confirmé, pour d'autres -, que la scolarisation permettait à une bonne partie des enfants d'accéder également à l'alimentation.
La Fédération genevoise de coopération participe à l'essor de la Genève internationale et à sa vocation humanitaire. Genève consacre 0,2% de son budget annuel de fonctionnement à la solidarité internationale, alors qu'elle pourrait être amenée à payer 0,7%. La majorité de la commission a trouvé juste de renouveler ce contrat de prestations scellé entre cette institution et le Conseil d'Etat. Elle vous demande de soutenir ce projet de loi tel que sorti de commission et de refuser les amendements de coupes de 300 000 francs qui seront présentés probablement par le rapporteur de minorité. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. De quoi souffrent les pays du Tiers-Monde ? Les pays du Tiers-Monde, les pays en développement souffrent de leur dépendance envers le FMI et la Banque mondiale. Les pays en développement devraient pouvoir protéger l'agriculture locale pour nourrir leurs habitants et non importer la nourriture. Il faut se rendre compte que ces pays sont littéralement pillés soit par les multinationales, soit par la Chine, qui fait main basse par exemple sur des pays comme l'Ethiopie, pour leur voler leurs espaces de culture; c'est ce qu'on est en train de faire à l'échelle mondiale.
Que fait la Fédération genevoise de coopération ? Ce n'est pas libérer ces pays, ce n'est pas les aider ! C'est juste être une sorte de cache-misère, à la prétention idéologique. Cette aide au développement, pourrait-on dire, c'est une forme d'idiot utile du capitalisme, de l'impérialisme des pays développés, de l'exploitation de ces pays, du néocolonialisme. Il y aurait une autre aide au développement à défendre. C'est celle-ci que nous devrions suivre, et non pas celle qui est menée actuellement par la Fédération genevoise de coopération.
Il faudrait dire aussi que, quelque part, c'est un peu une sorte de gadget, un jouet de certaines élites. Alors on a bien compris qu'il y avait des élites libérales, de droite, qui s'amusent à avoir leurs bonnes oeuvres internationales, tout en encaissant à côté des bénéfices engrangés par l'exploitation des pays en développement. Il y a la gauche bien pensante, qui, à sa manière, essaie de pratiquer un néocolonialisme culturel, avec certaines fantaisies: la Fédération genevoise de coopération soutient notamment au Brésil quelque chose de vraiment très étonnant - enfin, ce n'est pas véritablement étonnant, mais cela n'a rien à voir avec la réalité que vit le Brésil -, à savoir un programme «Agroécologie et féminisme». «Agroécologie et féminisme» ! De qui se moque-t-on ? Est-ce que c'est véritablement ce dont ont besoin les Brésiliens ? Ils ont besoin d'indépendance vis-à-vis de la Banque mondiale, du FMI, ils ont besoin de pouvoir défendre leurs intérêts personnels, locaux, et ce n'est pas du tout ce que l'on fait ! Prenons un autre exemple: au Sénégal...
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le rapporteur.
M. François Baertschi. Pardon ?
Le président. Sur le temps de votre groupe.
M. François Baertschi. D'accord. ...c'est de la formation francophone en e-learning «Genre et développement», et tout à l'avenant. C'est pour cela qu'en tout cas, je me refuse à voter ce projet de loi, non pas que les intentions de la Fédération genevoise de coopération soient mauvaises, mais, malheureusement, c'est, comme je l'ai indiqué, un cache-misère et je ne veux pas me montrer complice de cette politique. Merci, Monsieur le président. (Remarque.)
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la Fédération genevoise de coopération fait la fierté de Genève, de la Genève internationale, de la Genève humanitaire. Cela a été dit, elle est partenaire depuis bientôt vingt ans de l'Etat, mais également de la Confédération par le biais de la DDC ou par d'autres communes - quinze communes, dont la Ville de Genève - qui la soutiennent. Je n'entrerai pas dans la polémique soulevée par le rapporteur de minorité qui dit un peu tout et son contraire en même temps et qui critique, de manière un petit peu polémique; je pense que cela ne vaut pas la peine d'entrer là-dedans.
La Fédération genevoise de coopération a besoin de notre soutien, elle a besoin de ces 3 millions que nous voulons voter chaque année pour la soutenir. Elle est soutenue également à hauteur de 1 million pour ces quatre prochaines années par la DDC - la direction de la coopération au niveau fédéral - et, grâce à ce soutien, elle développe plus de 170 projets à travers le monde. Ce sont des projets extrêmement sérieux. Ils sont indispensables dans les pays qui bénéficient de cette aide. Ce sont des projets de coopération internationale et humanitaire solides. Le SAI - le service d'audit interne - a mené un audit en 2019 sur la Fédération genevoise de coopération: celui-ci a montré que les résultats étaient extrêmement positifs. C'est pour cela que le parti socialiste soutiendra cette subvention de 3 millions par année à la Fédération genevoise de coopération qui se base sur des valeurs humanitaires, de solidarité, de partage et de partenariats, et ça, c'est aussi extrêmement important. Nous vous engageons à voter ce crédit. Merci beaucoup.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, pour le parti démocrate-chrétien, la solidarité internationale, dans la conjoncture que nous connaissons, reste l'un des socles humanitaires de notre canton. Nous soutenons cette politique et nous n'entrerons pas dans la polémique qui vient d'être ravivée par le MCG.
Il faut relever, comme cela a été fait par mon préopinant, que le travail réalisé au quotidien par cette fédération est un travail d'excellence. C'est effectivement relevé par le SAI, et nous ne pouvons que féliciter le président de la Fédération genevoise de coopération René Longet pour tout le travail qu'il effectue dans ce domaine.
Cette fédération est un partenaire privilégié de l'Etat, de la Confédération, de la Ville de Genève et des autres communes. Les communes pourraient participer un petit peu plus, c'est le seul souhait qu'on pourrait avoir: seules quatorze communes participent à ce projet. Il est vrai, et il faut le relever aussi, que les communes réalisent un réel travail de coopération, sans forcément passer par cette fédération genevoise.
Mesdames et Messieurs, le parti démocrate-chrétien soutient cette politique et votera ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'essentiel a été dit par mes collègues Olivier Cerutti et Thomas Wenger. Il se trouve que le travail de la Fédération genevoise de coopération est tout à fait pertinent et utile dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, et plus que nécessaire.
J'invite M. Baertschi à s'intéresser au principe de justice globale et de redistribution de richesses, parce que c'est facile de parler de néocolonialisme quand on n'est pas informé, mais il faudrait justement s'informer avant de se prononcer sur des principes aussi complexes que ceux-ci. Il se trouve que la Fédération genevoise de coopération est tout à fait respectueuse des populations indigènes; au lieu de parler de néocolonialisme, de pseudo-progressisme imposé, il faudrait en réalité voir ce que réalise la FGC sur place: elle permet aux populations de se réapproprier des méthodes qui leur sont propres, c'est-à-dire un retour aux sources, et donc même de se libérer des tendances colonialistes que justement vous dénoncez, Monsieur Baertschi. Alors pourquoi ne pas soutenir une institution aussi correcte et sérieuse, pertinente et utile, alors même qu'elle essaie de s'attaquer à ce que vous dénoncez ?
Le groupe des Vertes et des Verts votera sans aucun doute ce contrat de prestations et nous vous invitons à faire de même.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Patrick Dimier pour deux minutes vingt-sept.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais revenir sur ce qu'a dit notre collègue Baertschi tout à l'heure. Lorsqu'on parle de néocolonialisme, Madame Bayrak, il faut le prendre dans son sens le plus large: ce ne sont pas seulement les anciennes puissances coloniales qui sont visées ici, ce sont les nouvelles puissances coloniales, au sein desquelles la Chine est au premier rang. Et savez-vous, Madame - mais vous le savez certainement -, que beaucoup de ces pays que nous aidons et qu'il faut bien entendu aider... Il n'est pas question de renoncer à l'aide, il est juste question ici de souligner cette sorte d'acquiescement à la politique de la Chine - je le répète: de la Chine ! - qui garantit les prêts qu'elle octroie en s'assurant la possession des terres rares, des infrastructures de ces pays et de plein d'autres choses qui atteignent les Etats, mais aussi les populations que l'on cherche à aider. Alors, encore une fois, il n'est pas question pour nous de remettre en cause l'aide, mais simplement de ne pas cautionner des pratiques qui sont effectivement et de toute évidence de nature néocoloniale. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je rends la parole à Mme la députée Dilara Bayrak pour une minute trente-quatre.
Mme Dilara Bayrak (Ve). Merci, Monsieur le président. Je me permets de répondre vu que j'ai été nommément citée par M. Dimier. S'il ne s'agit pas de ne pas aider, je ne comprends pas pourquoi vous refusez un contrat de prestations. Parce que là, concrètement, en ne votant pas un contrat de prestations pour la Fédération genevoise de coopération, ce n'est pas à la Chine que vous nuisez, mais c'est bien à la fédération elle-même et aux populations qui bénéficient des moyens que propose la FGC. Alors je comprends bien votre souci, mais pour moi, il n'est pas pertinent dans ce contexte.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole revient à M. le rapporteur de minorité François Baertschi pour une minute cinq.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Ce que nous voulons, ce n'est pas enlever de l'argent, c'est ne pas mener une politique de cache-misère. Or, c'est la politique qui nous est proposée. Nous ne nous trouvons pas face à une justice globale, nous nous trouvons face à une injustice globale, parce que ce dont ces pays ont besoin, c'est d'une politique protectionniste pour protéger leurs cultures vivrières, ce qu'on leur interdit. On a beau déverser tous les millions que l'on veut, cela ne les aidera d'aucune manière. C'est une vision tout à fait hypocrite. Il faut permettre à ces pays d'avoir une politique protectionniste pour leur agriculture afin de nourrir leur population et d'empêcher, comme l'a très bien dit mon collègue Patrick Dimier, la Chine et toutes les multinationales de faire main basse sur des terrains qui doivent servir à nourrir et non pas à faire pousser des fleurs ou à de la production agricole d'exportation. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Serge Hiltpold, rapporteur de majorité, c'est à vous pour trois minutes.
M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je pourrai prendre sur le temps du groupe PLR également. Tout d'abord, au nom de la majorité, j'aimerais dire que ce dont ont besoin les gens de ces populations ou vivant ces situations, principalement, on l'a vu, c'est d'éducation, de valorisation de l'individu, et cela passe notamment par des aides. On va se distancer des propos colonialistes ou néocolonialistes; il s'agit simplement d'avoir une certaine notion de responsabilité, de ce que l'on peut faire maintenant, dans ce parlement: il est question d'une fédération qui s'implique pour valoriser trois axes, à savoir l'éducation, la santé, une certaine autonomie, un accès à l'alphabétisation. Il faut sortir de ce débat théorique sur les achats chinois et toute cette globalisation. Là, il s'agit de la question très concrète d'un contrat de prestations. Ce qu'on nous demande aujourd'hui, c'est de participer sur le plan cantonal aux engagements que nous avons pris, que le Conseil d'Etat a pris, et de soutenir ce projet de loi, tel que sorti de commission. Merci, Monsieur le président.
M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat se réjouit de la majorité qui se dégage sur ce projet de loi. C'est un projet de loi important, cela a été dit. Il s'agit de soutenir la Fédération genevoise de coopération, bien connue des pouvoirs publics, puisque 22% de son budget est octroyé par le canton de Genève, 21% par la Ville de Genève et 29% par la Confédération. C'est signe que la confiance est au rendez-vous.
Au nom du gouvernement, j'aimerais souligner - et cela a été relevé - l'importance de l'approche de la Fédération genevoise de coopération. Elle n'est pas centrée sur une forme de charité historique d'un ministre portant un sac de riz au Sahel: il s'agit bien de travailler sur des notions d'autonomie, d'apprentissage, de responsabilité, et, en ce sens, les différents projets soutenus par les associations sur place permettent de conduire une population à se prendre en charge et à travailler sur un certain nombre de possibilités. J'aimerais vous remercier de l'accueil que vous réservez à ce projet et me réjouis que nous puissions poursuivre la collaboration avec cette importante Fédération genevoise de coopération.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12754 est adopté en premier débat par 67 oui contre 16 non et 1 abstention.
Le projet de loi 12754 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12754 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 72 oui contre 15 non et 2 abstentions.