République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 janvier 2021 à 14h
2e législature - 3e année - 8e session - 51e séance
P 2087-A
Débat
Le président. La pétition que nous abordons maintenant est classée en catégorie II, trente minutes. La parole est à M. Sylvain Thévoz, rapporteur de majorité.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes encore dans le domaine de la mobilité. Cette pétition a pour origine une association d'habitants, l'association des intérêts de Vessy. Celle-ci demande le maintien de la ligne de bus 8, l'adaptation des autres lignes en conséquence ainsi que le respect de la concertation en évitant des décisions irréversibles allant à l'encontre des intérêts des habitants de Veyrier et du plateau de Vessy. Nous avons pu les entendre ainsi que M. Serge Dal Busco: après ces auditions, il est apparu à la majorité de la commission que les changements qui allaient s'opérer concernant la mobilité seraient bénéfiques aux habitants de Veyrier.
Il y aura une augmentation de 55% de l'offre en transports publics pour cette commune, avec des cadences qui demeureront identiques. Contrairement au scénario catastrophe évoqué par les pétitionnaires, le changement bénéficiera au plus grand nombre; une minorité de 250 foyers, impactée par la modification de la ligne 8, devra faire un transbordement, mais les dessertes continueront d'être assurées à des cadences identiques.
La concertation n'est certes pas un exercice facile, des erreurs de communication ont pu être faites par le département; le changement provoque toujours des résistances. Toutefois, les efforts et les projets menés par le département semblent devoir être davantage encouragés que freinés. C'est pourquoi la majorité de la commission vous recommande de voter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Il y a eu plus de 3000 signatures pour la pétition, mais seules deux ont été validées pour une question formelle d'intitulé du texte.
En résumé, il s'agit avant tout d'une réorganisation des lignes afin de favoriser l'orientation sur les gares du Léman Express, et c'est avant tout à cette forme de changement qu'une minorité des habitants de Veyrier s'oppose. Je l'ai dit, les habitants y gagneront quant à la desserte. La majorité de la commission a été convaincue par le département qui a amené moult graphiques et cartes en appui à ses explications. Nous vous remercions donc de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Présidence de M. François Lefort, président
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, comme l'ont indiqué les représentants du département lors des auditions, la modification de la ligne 8 à Veyrier est une conséquence de la mise en fonction du CEVA et des modifications apportées au réseau. Nous constatons dès lors que l'arrivée du CEVA amène aussi des services réduits à certaines parties de la population, comme ont dû le reconnaître des représentants du département. Ces modifications inquiètent les habitants du plateau de Vessy, ainsi que le démontre le succès de cette pétition: 3132 personnes l'ont soutenue.
Le Grand Conseil ne peut pas faire preuve de mépris envers la commune de Veyrier en déposant ce texte sur son bureau; au contraire, il convient d'écouter ces habitants, étant entendu que le parcours du bus 8 est très important pour leur vie quotidienne. Donnons la parole aux représentants de l'association du plateau de Vessy ! M. Lassauce a indiqué en commission que la fourche de cette ligne permet de desservir l'ensemble du village de Veyrier et la zone villas du plateau de Vessy ainsi que les maisons familiales qui se trouvent le long de la route de Veyrier. La destination principale de ces personnes est Carouge ainsi que Rive, d'où il est possible de rayonner vers le centre-ville et Cornavin. La suppression envisagée ne permettrait plus de rejoindre Rive et les esquisses des nouveaux scénarios ne maintiennent pas les fréquences actuelles. La crainte est que les usagers renoncent dès lors à utiliser le bus.
M. Müller a fait remarquer «que de nombreux habitants qui n'ont pas de voiture prennent la ligne 8 pour se rendre à Florissant où se trouvent une Migros, une Coop et une banque. [...] Les scouts de Veyrier, durant le confinement, ont proposé un service en accompagnant de nombreuses personnes jusqu'à Florissant une fois par semaine. Or [...] si cette ligne est supprimée, ces personnes n'auront d'autre choix que de traverser le village à pied ou de prendre la nouvelle ligne 20 à un kilomètre. [...] Les personnes qui ramènent des marchandises en janvier auront inévitablement des difficultés.» En fait, l'Association des intérêts de Vessy, l'AIV, n'a pas vraiment été écoutée. Le CEVA - appelé désormais Léman Express - a rendu nos autorités cantonales sourdes aux demandes de cette association. Pour la minorité de la commission des pétitions, il convient de ne pas être dogmatique et d'écouter avec intelligence les habitants de Veyrier. Leurs remarques sont pertinentes et méritent une étude plus approfondie afin d'améliorer la vie dans la commune.
Il est important de donner une suite à une pétition aussi bien argumentée et soutenue massivement par la commune en l'envoyant au Conseil d'Etat qui pourra ainsi étudier plus attentivement la question. L'essentiel n'est pas seulement d'avoir un réseau cohérent, mais surtout de répondre aux usagers des transports en commun, en particulier les personnes âgées ou celles qui ont de la peine à se déplacer.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG vous invite à ne pas déposer cette pétition sur le bureau, mais à la renvoyer au Conseil d'Etat.
Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, au-delà des auditions effectuées par la commission, je tiens à souligner que les discussions ont été menées de manière ouverte par le département, sitôt les préoccupations associatives connues. Elles auraient pu avoir lieu plus tôt, certes, mais le principal est qu'elles aient eu lieu ! Les quatre associations de la commune ont été reçues par le département au cours de quatre soirées et l'ensemble des modifications de réseau ont pu leur être expliquées.
Les associations ont reconnu qu'elles n'avaient pas considéré l'ensemble des lignes planifiées. Les habitants craignaient la suppression d'un parcours et l'impact de cette suppression sur plus de 3000 habitants selon eux, mais, en l'occurrence, il y aura toujours une ligne de bus. Ce sont en fait 250 foyers qui auront à faire un transbordement pour se rendre en ville, le temps de parcours augmentant pour ces habitants-là de huit minutes, mais ils auront avec ce transbordement plus de lignes à choix. Soulignons que la desserte en transports publics de cette commune sera nettement améliorée et que les temps de parcours seront eux aussi largement améliorés, à l'exception d'un seul trajet.
Le PDC a été convaincu par les arguments du département, qu'il remercie d'engager le dialogue chaque fois que cela s'avère nécessaire. Le PDC votera le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts ont décidé de s'abstenir sur ce texte. Nous avons été interpellés par la présentation des pétitionnaires, qui nous ont expliqué avec précision les problèmes qu'ils envisageaient en conséquence des changements de desserte de transport public dans leur quartier. Pour les Verts, il est essentiel d'assurer un bon accès aux transports en commun afin que les gens ne soient pas obligés de se rabattre sur des moyens de transport motorisés individuels.
Lorsque nous avons auditionné le conseiller d'Etat, il nous a assuré que les changements prévus allaient offrir à ce quartier une bien meilleure desserte qu'actuellement. M. Dal Busco nous a fait comprendre que le problème n'était pas la desserte à venir mais le changement auquel les habitants devraient s'habituer. Bien que le conseiller d'Etat nous ait dit qu'il y avait eu suffisamment de concertation lors de la mise en place du projet, force est de constater que ce n'est pas le cas; peut-être que plus de travail de communication - mais aussi de pédagogie - aurait pu être fait pour éviter de voir un quart des habitants de Veyrier signer une pétition pour s'opposer à la suppression d'une de leurs lignes de bus !
Par ailleurs, nous ne sommes pas en faveur de tout rabattre sur les lignes du Léman Express; il existe des tracés qui fonctionnent très bien par eux-mêmes, sans nul besoin de les basculer sur le Bachet-de-Pesay, par exemple. Une phrase que M. Dal Busco nous a dite en commission m'a marquée: en fin de compte, les gens devraient s'habituer à transiter par le Bachet plutôt que par le rondeau de Carouge ! Moi, quand j'entends ça, je comprends les inquiétudes de ces gens, parce que les bus qui montent à Veyrier ne passent pas fréquemment et, souvent, les gens finissent par monter à pied par Battelle pour gagner du temps. Donc si ces gens se retrouvent dans cette même situation, mais depuis le Bachet, ça fera une trotte pour arriver au plateau de Vessy !
Considérant tout ce qui a été dit, nous allons nous abstenir à la fois sur le renvoi au Conseil d'Etat et sur le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, cette pétition démontre bien le non-sens de la politique menée par le Conseil d'Etat en matière de mobilité et sa volonté d'obliger la population à prendre le Léman Express quoi qu'il arrive. Tout ça pour masquer quoi ? Un demi-succès, puisque la réalité est que pour gonfler les chiffres de fréquentation du Léman Express, le Conseil d'Etat n'a pas trouvé mieux à faire que d'obliger la population à le prendre ! C'est ce que démontre cette pétition. Or, finalement, en supprimant cette ligne tant voulue par les habitants du plateau de Vessy, on va les obliger à un transbordement, à un trajet plus long, pour avoir ce qu'ils avaient déjà en transitant par Rive et Cornavin, comme ils ont l'habitude de le faire aujourd'hui. Contrairement à ce que j'ai entendu ici, en allant au rondeau de Carouge, ils n'auront pas plus de bus, ils n'auront pas plus de trams, puisqu'ils ont déjà tout ça soit en allant à Rive, soit en allant directement à Cornavin ! En passant par le rondeau de Carouge, ils devront non seulement changer de véhicule, mais ils devront encore prendre le 18, alors qu'en passant directement par Rive ou Cornavin, il n'y a aucun transbordement à faire. Ils vont donc perdre une ligne directe et seront péjorés dans leurs déplacements.
Tout cela au détriment des transports publics puisque forcément, à un moment ou un autre, ces personnes vont faire quoi ? Elles vont arrêter d'utiliser le bus qu'elles prenaient tous les matins pour aller au centre-ville, elles n'auront plus aucun intérêt à continuer d'utiliser les transports publics ! Ce sera donc une perte sèche pour les TPG car ces personnes prendront leur voiture ou iront acheter un scooter, peut-être - et encore ! - un vélo... Bon, chacun fera ce qu'il voudra !
C'est la réalité aujourd'hui: on péjore fortement nos transports publics au profit d'un Léman Express dont le succès n'est pas avéré. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le groupe UDC vous recommande d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour qu'il revienne sur cette regrettable décision et maintienne la ligne 8 dans son parcours actuel.
Le président. Il faut terminer !
M. Stéphane Florey. Ce qui est dommage, c'est que les TPG ont perdu toute latitude d'amener de vraies propositions: tout passe inévitablement par le Conseil d'Etat qui ne tient même plus compte de l'avis des TPG !
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, c'est vrai que les TPG sont problématiques: au lieu d'être à l'écoute de la population, alors qu'on leur octroie des moyens considérables, ils ont une politique beaucoup trop technocratique; ils ne sont pas du tout à l'écoute des habitants, en particulier ceux de Veyrier, justement. J'ai l'impression que cette partie du canton - comme d'autres - est un peu abandonnée ou pas suffisamment écoutée. On le voit avec le plateau de Vessy, mais il y a aussi toute la zone de Pinchat où on va détruire une rangée d'arbres gigantesques pour faire passer un nouveau bus alors qu'il existait d'autres possibilités. Il y avait des solutions pour sauver ces arbres ! Après ce qu'on a entendu tout à l'heure, j'aimerais bien entendre les députés qui se plaignaient des destructions d'arbres ailleurs nous indiquer comment on va empêcher la destruction des rangées d'arbres à Pinchat - parce qu'on a construit les Grands-Esserts sans penser à un accès pour des transports publics performants. Maintenant, on se retrouve en difficulté et on va être obligé de faire un véritable massacre forestier sur les hauteurs de Pinchat et une partie du plateau de Vessy. Il faut avoir un peu de bon sens, c'est pourquoi je vous enjoins instamment d'envoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant voter sur la recommandation de la majorité de la commission... (Commentaires.) Il n'y a plus de temps de parole pour le MCG. (Remarque.) Il reste une minute au MCG: Madame Magnin, vous avez la parole.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président, j'en suis ravie ! Je voulais rappeler que ces pauvres gens qui habitent à Veyrier-Tournettes sont dans la même situation que les habitants de Champel à qui le Conseil d'Etat a tout simplement sabré les arrêts de la ligne 1 entre les arrêts Hôpital et Peschier ! Ce bus faisait toute une boucle et maintenant, on est obligés de prendre nos véhicules ! On a effectivement la gare CEVA pas extrêmement loin, mais les personnes à mobilité plus ou moins réduite sont nombreuses dans le quartier. Eh bien il faut aller jusqu'à la gare CEVA, mais pour aller où ensuite, je vous le demande un peu ? C'est toujours vide, cet endroit-là ! Aussi bien du côté de l'hôpital que du côté de la gare CEVA elle-même, sur le plateau ! Vraiment, vous ne représentez pas les intérêts bien compris de la population genevoise, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat - enfin, Messieurs, et pas Madame !
Le président. Merci !
Mme Danièle Magnin. Vraiment, la population n'est pas contente et j'espère bien qu'elle le fera sentir prochainement !
Le président. Merci. La parole est de nouveau demandée par Mme la députée Christina Meissner. Il vous reste une minute trente.
Mme Christina Meissner (PDC). Merci, Monsieur le président. C'était juste parce que je ne pouvais pas laisser dire que ceux qui veulent sauver des arbres d'un côté n'hésitent pas à les massacrer de l'autre: non, la lignée de chênes centenaires de Pinchat est sauvée ! Certes, ils étaient menacés au départ par une route prévue pour les transports publics, mais, grâce à la mobilisation des habitants aussi, il faut le dire, il y a eu une levée de boucliers qui a permis de réfléchir et de trouver une solution pour que tant les transports publics que les véhicules privés puissent circuler et surtout que ces chênes centenaires continuent à vivre. Donc il n'y a pas d'incohérence de ce côté-ci de l'hémicycle, merci !
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant vraiment plus demandée, je lance le vote sur la proposition de la majorité de la commission, à savoir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2087 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 18 non et 10 abstentions.