République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 novembre 2020 à 18h
2e législature - 3e année - 7e session - 39e séance
R 939
Débat
Le président. Nous passons au point suivant, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à l'auteur de l'objet, M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que face à l'inconnu, il faut rester humble et calme. Personne n'a toutes les données en main pour combattre l'épidémie actuelle et sa propagation, malheureusement, mais la communication est la base d'une large acceptation des mesures prises par le gouvernement, mesures dont on peut saluer une partie en tout cas.
Les contraintes ne sont acceptées que si elles sont acceptables. L'être humain est constamment à la recherche de certitudes. La situation actuelle est pour le moins déroutante et peut avoir des conséquences sociales et psychologiques plus graves encore que le seul impact sanitaire ou économique. La transparence et la communication doivent donc être permanentes et permettre de rétablir et de maintenir la confiance de la population dans ses institutions politiques, dont le rôle est de gérer au mieux cette situation de crise et les prochaines qui ne manqueront pas d'arriver.
Dans une situation de crise, il doit y avoir une communication de crise. On ne peut pas blâmer le Conseil d'Etat, qui fait de son mieux; malheureusement, ce n'est pas suffisant. La collaboration avec le parlement doit être beaucoup plus active. Nous souhaiterions notamment savoir exactement comment le Conseil d'Etat prend ses décisions, de quelles compétences spécifiques il est entouré - la task force ou le conseil stratégique, je ne sais pas - qui est dans cet état-major de crise qui doit être dédié à la gestion de la crise, avec des professionnels et des experts capables d'aider à la prise de décision politique du Conseil d'Etat; je pense aux cadres de l'Etat, mais aussi aux HUG, aux cliniques privées, à des médecins spécialisés - plutôt que d'en laisser certains partir donner des conseils en France - ainsi qu'à des sociologues, à des économistes, à des spécialistes du comportement, et surtout, surtout, consultées de manière encore accrue, aux faîtières économiques qui sont prêtes à collaborer. Tout cela, car la pesée des intérêts doit aboutir à une décision qui doit constituer une réponse non seulement sanitaire, mais aussi économique et sociale, c'est là l'essentiel.
Il faut aussi définir le profil des personnes plus directement touchées par les hospitalisations et les décès et réfléchir à une prise en charge en amont des populations concernées afin d'éviter la propagation du virus dans ces groupes cibles.
Enfin, il faut un plan d'action dans la durée, qui doit être échafaudé sur la base de données indiscutables et vérifiables, permettant la mise en place d'un processus d'arrêt et de reprise de certaines activités de manière ciblée et raisonnée. Là encore, on peut saluer la décision du Conseil d'Etat de rouvrir les cafés et restaurants non pas le lendemain de la décision, mais avec un temps de réaction.
Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.
M. Jacques Béné. Il faut également une collaboration intercantonale - on a vu qu'elle s'est mise en place, un peu tardivement, mais on espère qu'elle sera efficace pour coordonner les différentes mesures.
Il faut enfin marteler, marteler, marteler que la responsabilité individuelle permettra de vaincre ce virus. Si c'est le rôle de l'Etat de tester, de tracer, d'isoler, de soigner, il doit aussi communiquer beaucoup plus et rappeler à ceux, encore trop nombreux, qui croient que dorénavant le masque les protège suffisamment que, non, le port du masque seul ne suffit pas pour être protégé, mais que le lavage des mains régulier reste capital et le respect d'une distance entre personnes indispensable. Tout cela, Mesdames et Messieurs, parce que la qualité de vie dépend directement des activités économiques que nous nous devons de préserver.
Cette résolution est un signe, une déclaration unilatérale du parlement pour orienter les décisions du Conseil d'Etat. Je vous invite à lui faire bon accueil et vous en remercie.
M. Bertrand Buchs (PDC). J'ai souvent l'occasion de dire qu'il n'y a pas plus bête qu'un virus, il se comporte toujours de la même manière. La seule différence entre chaque virus, c'est la réaction de l'être humain une fois que le virus s'est introduit dans le corps: elle peut être parfaitement banale ou parfaitement grave.
Concernant cette proposition de résolution du PLR avec ses dix invites, je pense qu'il faut avoir une réflexion, mais après la deuxième, voire la troisième vague. Cette réflexion sera intéressante, car nous devons être préparés aux problèmes qui arriveront avec un futur virus. Il faut donc soutenir les réflexions qu'aimerait lancer M. Béné et travailler dessus. A mon avis, un renvoi en commission est utile; il ne faut pas voter ce texte maintenant: on est en pleine urgence, le Conseil d'Etat fait ce qu'il peut, il y a aussi, c'est vrai, des problèmes de transmission à la population des consignes concernant ce qu'il faut faire ou ne pas faire - mais je vous rappelle que nous sommes tous responsables de nous être endormis cet été, nous n'avons pas suivi ce que fait un virus, c'est-à-dire être toujours présent et toujours se transmettre. Nous nous sommes relâchés cet été et nous le payons très cher cet automne et l'hiver qui suivra.
Je propose donc un renvoi à la commission de gestion, qui s'est déjà saisie de la gestion de la pandémie par le Conseil d'Etat et entend régulièrement celui-ci. On pourrait y discuter de cet objet, poser des questions concernant les dix invites et examiner les réponses à donner pour préparer la prochaine crise et surtout la gestion de crise et des risques par l'Etat pour la prochaine pandémie. Je vous remercie.
M. Pablo Cruchon (EAG). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je rejoins le député Buchs sur son analyse: on ne peut pas voter cette proposition de résolution aujourd'hui. Elle pose un certain nombre de questions intéressantes, par exemple sur les statistiques, demande d'établir un plan d'action pour la suite, etc. Ces questionnements sont légitimes, il faut les étudier et les creuser.
Par contre, elle comporte aussi des invites particulièrement problématiques, notamment les deux premières. Pourquoi ? La première dit qu'il faut définir le profil des personnes touchées par la mortalité et essayer de mettre en place en amont une prise en charge des populations concernées. Si on peut louer l'intention, on voit pourtant que dans les faits, ce genre de politique amène souvent la stigmatisation de certaines parties de la population. Ça a été le cas lors de la première vague, quand on a dit aux plus de 65 ans qu'ils ne pouvaient pas sortir: on les a particulièrement stigmatisés, d'ailleurs le Conseil fédéral est revenu en arrière et a arrêté de stigmatiser les personnes dites vulnérables pour favoriser l'action collective, par laquelle la société entière se prémunit contre la propagation du virus pour protéger les personnes vulnérables. C'est très important d'éviter cette stigmatisation, sans quoi on arrive à des effets délétères: les gens ne respectent pas les consignes ou cachent leur état vulnérable pour pouvoir continuer à fonctionner.
Deuxième élément très problématique: la question des comportements individuels et de la responsabilité individuelle. M. Béné et le PLR sont très friands de la responsabilité individuelle, surtout quand elle concerne leur propre argent. Mais ce concept va à l'encontre de ce que dit le directeur de la santé, M. Adrien Bron, qui l'a affirmé lors de la séance organisée par le Conseil d'Etat concernant la situation de la pandémie: nous avons atteint les limites de la gestion de la crise sur le plan de la responsabilité individuelle. Nous avons besoin de mesures collectives qui nous protègent, c'est-à-dire, par exemple, de gel hydroalcoolique dans les transports publics; nous avons besoin d'un plan d'action collectif. Or, ce que propose le PLR est justement de cibler le comportement de certains groupes ou de certaines personnes, par exemple de jeunes qui boivent un verre, pour lutter contre la pandémie. C'est une absurdité stigmatisante et qui ne sert à rien du point de vue sanitaire.
Pour ces raisons, nous nous joignons à la demande de M. Buchs pour un renvoi à la commission de contrôle de gestion, où il s'agit d'approfondir le volet concernant l'évaluation et le plan d'action, tout en rejetant la stigmatisation et l'individualisation dans cette crise. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je suis d'accord avec les dernières invites du texte. Je pense d'ailleurs qu'on enfonce des portes ouvertes: le Conseil d'Etat fait déjà une grosse partie de ce qui est demandé. Consulter les faîtières économiques et les partenaires sociaux avant de prendre des mesures, vous n'allez pas me dire que ça ne se fait pas ! Ce sont donc clairement des choses qu'on fait déjà. Quant à rendre un rapport complet, c'est probablement quelque chose qu'on devra plutôt faire après la crise que nous vivons. Il est assez difficile d'établir des rapports intermédiaires, car la situation change chaque semaine.
Tout comme mon collègue Cruchon - vous lui transmettrez, d'ailleurs, si vous avez envie - j'ai de grandes réticences quant aux deux premières invites, plus spécifiquement la première. J'ai bien écouté le discours de M. Macron, qui a dit qu'il était totalement illusoire d'essayer d'isoler certaines parties de la population. A partir du moment où le virus se propage partout, tout le monde sera touché, ça ne sert à rien d'essayer d'isoler les personnes. Voyez les difficultés qu'on rencontre pour isoler les personnes vraiment vulnérables dans les EMS: on est obligé de les protéger du personnel, de leur famille, etc., c'est quand même extrêmement compliqué. Hors EMS, dans la population en général, c'est parfaitement impossible d'arriver à ce résultat-là.
J'ai donc de grosses réticences sur les deux premières invites, et je soutiendrai également le renvoi de cette proposition de résolution à la commission de gestion.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de résolution pose effectivement de bonnes questions. Il convient de les examiner à la commission de contrôle de gestion. Le MCG votera donc aussi le renvoi à cette commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Saudan pour une minute trente.
M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président. Nous sommes tous d'accord, je pense, sur le fait qu'il faut renvoyer cette proposition de résolution en commission pour y réfléchir à la pertinence de certaines invites. Concernant la première invite, la réponse est assez simple: le profil des personnes à risque, tant concernant les hospitalisations que - malheureusement - les décès, est extrêmement bien connu, et la réponse, ce sera la vaccination ! On va vacciner les populations à risque pour éviter la propagation du virus chez ces personnes. Je ne sais pas si cette invite est stigmatisante, mais en tout cas, la réponse est assez claire, c'est la seule qu'on puisse lui apporter - il s'agit de la vaccination. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Bertrand Buchs, je vous repasse la parole pour une minute quinze.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Pour revenir sur la stigmatisation des personnes à risque, j'aimerais dire que c'est vraiment difficile, on est sur la corde raide. A partir de plus de 80 ans, le taux de décès ressemble à celui de l'épidémie du virus Ebola, 30% à 40% de décès. On a donc tendance à isoler ces personnes pour leur bien, mais en fin de compte, en les isolant complètement et en les empêchant de voir leur famille, on obtient des résultats pires du point de vue psychologique. L'équilibre est très difficile à atteindre, il n'y a pas de bonne solution, je dirais. La bonne solution sera la vaccination, je rejoins M. Saudan. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Jacques Béné pour une minute cinquante.
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Nous ne nous opposerons pas au renvoi à la commission de... Ce n'est pas une commission de gestion, pour ceux qui ont dit «commission de gestion»; c'est «contrôle de gestion», parce que justement, ce n'est pas à elle de gérer les choses, mais de contrôler que la gestion soit faite de la meilleure manière possible.
Je veux bien que la meilleure réponse soit la vaccination. Mais aujourd'hui, il n'y a pas de vaccin ! Avant qu'on ait une troisième vague sans vaccin, je pense qu'il vaut la peine de réfléchir à ce qu'il faut faire pour une prise en charge. Il ne s'agit pas de stigmatiser une partie de la population par rapport à une autre, mais si arrive une troisième vague encore plus importante que la deuxième, il ne faudrait pas non plus qu'on se retrouve à devoir faire des choix à l'hôpital. On sait qu'éthiquement parlant, c'est très difficile de devoir choisir qui on soigne et qui on ne soigne pas; c'est là qu'il y aurait alors une stigmatisation. Je parle donc d'une prise en charge des populations en amont, ce qui ne veut pas dire qu'on doive confiner des personnes âgées: je pense simplement à une aide à domicile un peu plus importante pour les courses, etc.; des communes aussi ont mis en place certaines actions. C'est dans ce sens que je pense que cette première invite est intéressante.
C'est bien volontiers que nous traiterons de tout cela à la commission de contrôle de gestion, si c'est votre souhait. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole échoit à Mme la députée Danièle Magnin pour deux minutes trente.
Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie beaucoup, Monsieur le président. Nous nous trouvons dans une période de pandémie, mais ce n'est ni la première ni la dernière que nous traverserons. Ça implique que nous devrions changer certaines habitudes, appliquer de nouvelles méthodes, ce qui correspond à la deuxième invite de ce texte: «établir un tableau des comportements individuels participant à la propagation du virus, et y apporter des réponses constructives et ciblées». C'est essentiel, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est tellement essentiel !
Je vous donne un seul exemple: je veux sortir de chez moi pour aller déposer ma poubelle dans le conteneur, une chose toute simple que chacun fait presque tous les jours. Suivant le type d'ascenseur, il faut l'ouvrir; quand on arrive à la porte de l'immeuble, à nouveau, il faut mettre sa main sur la poignée, parce qu'elle ne va pas s'ouvrir toute seule; après, il faut ouvrir le local à poubelles, et enfin, il faut soulever le couvercle, parce que la plupart du temps, ces conteneurs ont un couvercle fermé, que ce soient ceux pour le papier, pour les déchets normaux, pour le compost.
Ce sont de petits détails, mais il y en a par centaines, pour lesquels, à l'avenir, il faudra prendre des précautions pour ne pas se retrouver avec une propagation des virus aussi facile. On a parlé des transports publics tout à l'heure, c'est la même chose, il faut que les gens s'habituent à porter des gants, à ne pas se postillonner sur la figure les uns les autres, etc. Le MCG soutiendra donc avec plaisir cette proposition de résolution.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix le renvoi de ce texte à la commission de contrôle de gestion.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 939 à la commission de contrôle de gestion est adopté par 81 oui contre 10 non.