République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 novembre 2020 à 16h20
2e législature - 3e année - 7e session - 38e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h20, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assistent à la séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Mauro Poggia et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Antonio Hodgers et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Jean Batou, Christian Bavarel, Emmanuel Deonna, Jean-Luc Forni, Adrien Genecand, Yves de Matteis, Alessandra Oriolo, Charles Selleger, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Sophie Desbiolles, Joëlle Fiss, Badia Luthi, Xavier Magnin, Patrick Malek-Asghar, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Esther Schaufelberger.
Communications de la présidence
Le président. J'ai deux communications à vous transmettre. D'abord, lors du traitement tout à l'heure aux extraits du PL 12775-A, l'article 2 souligné «Clause d'urgence» a recueilli lors du vote 49 oui et 11 abstentions. L'article 70, alinéa 1, de notre constitution stipule que la clause d'urgence doit recueillir au moins la majorité des votes des membres du Grand Conseil, soit 51 voix, en plus de la majorité des deux tiers - qui elle a été acquise lors de ce vote. La clause d'urgence n'a donc pas été adoptée, puisqu'elle n'a pas obtenu 51 voix.
Débat sur le PL 12775-A: Séance du vendredi 27 novembre 2020 à 14h
Le président. Par ailleurs, nous avons appris aujourd'hui le décès de la grand-mère de notre collègue Adrienne Sordet. Nous lui présentons nos sincères condoléances et l'assurons de notre sympathie.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
Le président. Nous reprenons le traitement des urgences et du paquet «Soutien aux commerces / à l'économie» avec la M 2702. Je passe la parole à M. le député Christo Ivanov, qui la demande.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Est-ce que vous pouvez juste nous rappeler quel projet de loi n'a pas obtenu les 51 voix requises pour le vote de la clause d'urgence, s'il vous plaît ?
Le président. Bien sûr ! Il s'agit du projet de loi... (Un instant s'écoule.) Il s'agit du PL 12775-A; il y avait deux projets de lois pour les fondations communales.
M. Christo Ivanov. Parfait. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Avant de céder le micro à Mme Delphine Bachmann, je vous rappelle les temps de parole restants puisque nous avons commencé hier le traitement de ce paquet, pour lequel cent quatre-vingts minutes étaient à disposition. Il reste actuellement neuf minutes vingt-quatre à Ensemble à Gauche, onze minutes trente-trois au parti socialiste, quatorze minutes trente aux Verts, dix minutes trente-huit au PDC, six minutes trente et une au PLR, onze minutes à l'UDC et treize minutes quarante-six au MCG. Voilà donc le programme pour traiter les prochains objets de ce paquet ! La parole est maintenant à Mme Delphine Bachmann, auteure de la M 2702.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce texte touche au prélèvement de la taxe professionnelle communale pour l'année 2020. Peut-être faut-il rappeler ici que la taxe professionnelle, historiquement, est toujours reliée à une activité lucrative. La crise économique découlant de l'épidémie aura des répercussions dramatiques pour les emplois et pour l'économie genevoise; s'il faut bien évidemment des solutions à long terme, il faut également, dans ce contexte, pouvoir proposer des solutions à court terme. De par leur rapidité, leur simplicité et leur efficacité, celles-ci doivent permettre de soulager certains acteurs de la vie économique parmi les plus frappés. Il s'agit ici des entreprises actives dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration ainsi que des petits commerçants, à l'exclusion des surfaces de vente qui n'ont pas eu besoin de fermer.
L'une des préoccupations majeures pour ces petites entreprises et ces indépendants a trait à la taxe professionnelle. Celle-ci est perçue, je le rappelle, sur la base de la moyenne du chiffre d'affaires de l'entreprise durant les deux dernières années, et en fonction également du loyer et du nombre d'employés - autant de critères qui ne prennent malheureusement pas en compte la situation financière du contribuable aujourd'hui. Nos acteurs économiques supportent donc un impôt calculé non seulement sur des bases antérieures, qui plus est sans rapport avec les pertes essuyées depuis le mois de février 2020, et cela aggrave notamment les problèmes de liquidités.
La présente proposition de motion invite le Conseil d'Etat à exempter de la taxe professionnelle 2020 les groupes professionnels de l'hôtellerie, de la restauration ainsi que du commerce de détail, et à procéder, pour la taxe professionnelle 2021, à une évaluation de l'économie genevoise et des impacts de la pandémie sur elle à rendre au Grand Conseil sous forme d'un rapport divers. Il convient de rappeler ici que quand bien même la taxe professionnelle est prélevée par les communes, plus précisément par certaines d'entre elles, son principe et ses modalités sont prévus dans une loi cantonale. Le texte que nous avons déposé n'est pas un projet de loi mais une motion qui demande à l'exécutif de réfléchir à cette suspension.
Je rappelle que cette motion concerne exclusivement des secteurs très touchés. La mise en oeuvre de cet objet n'aura pas d'incidence financière au niveau cantonal mais au niveau communal. Ce texte a été soumis à différents magistrats communaux avec, il est vrai, des réactions diverses. Je sais que le «lobby communal», entre guillemets, est présent dans ce parlement au travers notamment des partis qui ont des élus dans les communes et qu'il est toujours difficile de leur demander de faire un effort supplémentaire. Je rappelle toutefois que nous nous apprêtons, la semaine prochaine, à voter peut-être un budget au déficit de 840 millions et que l'on sait d'ores et déjà que les comptes du canton pour 2020 seront extrêmement négatifs. Il nous semble, au sein du parti démocrate-chrétien, qu'on pourrait également demander aux communes de participer à l'effort. Je constate aussi qu'en vertu de notre vote du projet de loi sur le sans-abrisme hier soir, le canton soulagera financièrement les communes de cette tâche.
Ce que nous demandons aujourd'hui, c'est que les secteurs particulièrement touchés bénéficient d'une suspension unique de la taxe professionnelle pour 2020. Je rappelle par ailleurs que le canton a non seulement autorisé les communes à avoir un budget négatif dans le cadre de la RFFA, mais que cela a été étendu, à l'automne, au contexte de la crise sanitaire. Nous vous remercions donc par avance de soutenir ce texte qui vise à demander aux communes de faire aussi un effort pour soulager les petits commerçants, les restaurateurs et le secteur de l'hôtellerie d'une charge financière qui va d'autant plus peser cette année qu'ils n'auront pas pu exploiter pleinement leur entreprise.
Vous noterez que c'est une motion et non un projet de loi: le Conseil d'Etat pourrait engager un dialogue avec les communes sur la meilleure manière de procéder. Peut-être qu'il ne faut pas une suspension, mais plutôt une forme de pot commun, disons, ou autre chose, défini avec les communes. Mais nous estimons que la taxe professionnelle 2020 doit au moins pouvoir être remise en question au vu de la crise économique que nous traversons. Nous vous remercions d'avance du soutien que vous réserverez à cette proposition de motion.
M. Stéphane Florey (UDC). Cette motion est fort intéressante et aurait l'avantage d'aller dans le bon sens. Elle ne va simplement pas assez loin sur le principe - l'UDC a toujours revendiqué l'abolition définitive de cette taxe, quelles qu'en soient les conséquences pour les communes. Mais cet objet pose à l'heure actuelle deux problèmes essentiels: premièrement, la plupart des communes qui ont déjà voté leur budget sont quasiment toutes déficitaires en raison de la RFFA et de son entrée en vigueur. Si vous leur coupez encore la taxe professionnelle, ça va accentuer ces déficits. Il faudrait donc voir si elles ont les capacités, malgré l'autorisation qui leur a été accordée d'avoir des budgets déficitaires, d'absorber ces pertes supplémentaires. Je pense surtout à la Ville de Genève puisque c'est sans doute elle qui est principalement intéressée à cette taxe.
Le deuxième problème, et tous les groupes aiment bien le rappeler, c'est pour ça que je vous rends un peu la pareille: il faut peut-être consulter les communes avant toute chose parce qu'on touche là clairement à leur autonomie ! C'est pour ça que j'insiste là-dessus; vous me l'avez vous-mêmes et à plusieurs reprises rétorqué dans le cadre de nos débats, et cette fois, je vous renvoie la balle. Pour ces deux raisons, l'UDC veut bien étudier cet objet mais propose un renvoi en commission pour une étude sérieuse sur cette problématique. Je vous remercie. (Remarque.) Un renvoi à la commission fiscale, bien sûr !
M. Rémy Pagani (EAG). D'abord quelques chiffres: il faut savoir que cette taxe professionnelle ramène 110 millions dans les caisses de la Ville de Genève et que celle-ci, avec la baisse des impôts sur les bénéfices des entreprises, a déjà 70 millions en moins dans son budget - un peu plus que ces 70 millions. Au total, cela fait quasiment - soyons larges - 200 millions de moins dans un budget de 1,2 milliard. C'est considérable pour la Ville de Genève. (Brouhaha.) Je pense qu'il lui sera impossible d'assumer cette charge, tout comme d'ailleurs aux autres communes, les grandes communes urbaines: c'est une charge impossible, d'autant plus qu'elles seront obligées de revenir à l'équilibre dans les quatre années ou, si on augmente le délai, dans les cinq ou six éventuellement - c'est mission impossible. (Brouhaha.) L'autre argument à donner... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! Je m'excuse, mais c'est impossible de parler !
Une voix. Chut !
Le président. Oui, Monsieur Pagani, faites la police dans votre groupe ! (Rire.)
M. Rémy Pagani. Oui, mais c'est...
Le président. Vous avez raison: je vous soutiens !
Une voix. Ce sont les femmes !
Une autre voix. Chut !
M. Rémy Pagani. Mais rajoutez-en encore !
Le président. Continuez, Monsieur Pagani.
M. Rémy Pagani. Merci beaucoup. J'ai malheureusement perdu le fil, mais toujours est-il que si on se dit que ça va soulager les petites et moyennes entreprises, il faut savoir que la majorité des entreprises qui paient cette taxe professionnelle - elle s'élève à 110 millions pour la Ville et concerne également d'autres communes - sont des multinationales qui ont fait des bénéfices extraordinaires pendant le covid. Extraordinaires, Mesdames et Messieurs ! Si je comprends l'objectif d'alléger la charge de l'Etat de Genève, la cible est complètement loupée et nous nous opposerons donc formellement à cet objet et même à son renvoi en commission. La proposition de motion part d'une bonne intention mais elle n'est pas du tout réaliste dans les faits. Je vous remercie de votre attention, et je remercie le groupe d'avoir fait silence.
M. Christo Ivanov (UDC). J'enlève mon masque. Mon préopinant Rémy Pagani l'a dit, la Ville de Genève serait fortement impactée par cette motion relative à la taxe professionnelle, qui représente effectivement 110 millions, alors que le budget annoncé pour 2021 est d'ores et déjà déficitaire de 49 millions. Il est impératif d'auditionner aussi bien la Ville de Genève qu'un représentant des communes genevoises parce que je pense que des communes comme Meyrin, Vernier ou Le Grand-Saconnex seraient également fortement impactées. Un renvoi à la commission fiscale me paraît de ce fait une évidence pour qu'ensuite nous décidions du sort de cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste est favorable au renvoi en commission, mais quant au fond du texte, il n'est pas favorable à celui-ci. Ça peut toutefois être intéressant d'avoir des chiffres en commission. Il est en tout cas nécessaire, pour la forme - et c'est même une obligation légale - d'entendre les communes si nous légiférons sur une quelconque modification de leur fiscalité ayant un impact en matière de recettes fiscales. L'ACG pourrait faire recours si nous décidions ce soir de voter cette motion sur le siège et si le Conseil d'Etat l'appliquait par la suite sans que les communes soient consultées.
Un élément supplémentaire, et je rejoins là M. Ivanov, c'est que les communes les plus touchées par la crise du covid semblent être les mêmes que celles pour qui les recettes liées à la taxe professionnelle sont les plus indispensables afin de financer les prestations publiques. On pense notamment à la Ville de Genève, mais aussi aux grandes communes suburbaines qui verraient leurs recettes diminuer. Ensuite, la motion ne fait pas mention de l'ensemble des personnes morales qui seraient exemptées de la perception de cette taxe, mais cite uniquement les secteurs de l'hôtellerie-restauration et du commerce de détail. Il serait important de chiffrer le manque à gagner que cela entraînerait pour ces communes.
Et puis, dernier aspect, Mme Bachmann a mentionné qu'il est important de demander aux communes de faire un effort et de faire preuve de solidarité au vu de cette crise. Là encore, on touche au même problème ! Les grandes communes suburbaines et la Ville de Genève fournissent des efforts en matière notamment de prestations sociales et tentent au maximum de faire face à la crise. Peut-être pouvons-nous par contre nous interroger sur les plus petites communes, beaucoup plus fortunées, qui réalisent des boni chaque année. Ces boni ne servent ni à rembourser leur dette ni à amortir plus vite des investissements: non, non, ces communes accumulent en fin de compte une fortune. C'est donc plutôt vers elles qu'il faudrait se tourner pour leur demander de faire preuve d'une plus grande solidarité.
Ces mêmes communes ne perçoivent d'ailleurs pas la taxe professionnelle ! L'enjeu est vraiment là, et il faudrait dès lors forcer ces communes à percevoir la taxe professionnelle et faire en sorte que la somme perçue parte au canton. Ce serait un geste beaucoup plus solidaire pour faire face à la crise que nous traversons plutôt que d'imposer aux communes les plus grandes mais peut-être aussi les plus pauvres du canton de ne pas percevoir ces recettes qui sont pourtant importantes pour leur politique sociale. Ce sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste votera en tout cas en défaveur de cette motion, mais sans être opposé à ce que l'objet soit renvoyé en commission si une majorité du parlement le souhaite.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je repasse la parole à Mme la députée Delphine Bachmann, qui va s'exprimer sur le temps de son groupe.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Je pense que la majorité des 100 millions cités pour la Ville de Genève provient des banques et non des petits commerçants, et puis ce ne sont pas quatre mais huit années de marge. Je rappelle par ailleurs qu'on ne parle pas de toucher le budget 2021 ! On parle de renoncer à la taxe pour 2020 et donc de potentiellement aggraver les comptes des communes de cette année-là - exactement comme nous aggravons les nôtres au travers des soutiens que nous accordons dans ce parlement et qui sont certainement justifiés. Pour une touche historique, je rappelle que cette taxe avait été mise en place en 1805 pour payer les troupes napoléoniennes ! Il me semble donc qu'on pourrait se moderniser un tout petit peu, même s'il s'agit avant tout ici de proposer une aide concrète pour 2020 et non de revenir sur le principe de la taxe professionnelle - cela devrait effectivement faire l'objet d'un autre texte et être discuté plus longuement.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il me semble que dans le cadre des discussions relatives à l'imposition des entreprises, un accord était intervenu pour geler les différents objets à la commission fiscale pendant la période RFFA - jusqu'au «retour à l'équilibre», entre guillemets. Je pense par conséquent qu'il ne serait pas opportun de toucher à la taxe professionnelle aujourd'hui. Nous n'accepterons donc pas cette motion, nous la refuserons, ainsi que son renvoi en commission. Il faut bien relever que les communes seraient effectivement impactées, mais il faut aussi savoir que l'essentiel de la taxe professionnelle est payé par les grandes sociétés: les sociétés de services, les multinationales, les banques, les assurances paient plus de 90% de la taxe ! Le reste, ce sont les PME. Vous voulez exonérer les PME en 2020; vous allez les exonérer de 200 francs, 300 francs, 400 francs - ce n'est ni ce qui va les sauver ni ce qui va les tuer. Finalement, cet objet est probablement très inopérant.
Il y a une possibilité, j'ai d'ailleurs déposé un projet de loi dans ce sens, mais il est gelé à la commission fiscale: augmenter le forfait de déduction pour justement épargner ces petites entreprises - ces PME, ces petits commerçants. Le forfait est actuellement à 170 francs et si le montant de votre taxe est de 200 francs, on va lui soustraire 170 francs et vous ne paierez que 30 francs. On pourrait par conséquent augmenter ce forfait, mais tout ça a été gelé à la commission fiscale dans le cadre de la RFFA et la discussion est de ce fait bloquée. Je pense donc que cette motion est totalement à côté de la plaque: elle ne pourrait pas, si elle était mise en oeuvre, donner un coup de pouce aux PME, et en conséquence nous ne l'accepterons pas. Nous la refuserons et nous refuserons également le renvoi en commission. Merci.
M. Vincent Subilia (PLR). Le PLR considère et a considéré de tout temps, tant au niveau de sa section Ville que de la faîtière cantonale, que cet impôt est profondément inique. La taxe professionnelle, dont les ramifications historiques ont été rappelées à juste titre par la députée Bachmann - de même que l'impôt pour la défense, devenu l'IFD - alourdit indûment la charge des entreprises et péjore notre attractivité; à ce titre, il n'a pas de raison d'être. Cela étant, nous comprenons bien les arguments qui viennent d'être évoqués et le respect de la parole donnée s'agissant de la RFFA.
Nous insistons encore une fois sur le fait qu'il ne s'agit pas de mettre en péril l'édifice de prospérité genevois et ses dispositions fiscales, mais d'adopter une mesure qui s'inscrit dans l'arsenal de celles qui sont nécessaires: cette bouffée d'oxygène permettrait à des pans d'activité très sévèrement affectés par la pandémie de négocier au mieux ce trou d'air. C'est donc à ce titre que le PLR accueillera favorablement cette motion: il considère qu'elle pourra être de nature, même si c'est dans une amplitude assez faible - homéopathique, disait M. Sormanni - à concourir à cet objectif qui nous unit ici, à savoir trouver des solutions pour nous prémunir d'une casse, et d'une casse sociale, encore bien trop forte.
Et puis s'agissant de la Ville, qui est effectivement la plus large bénéficiaire de cette taxe professionnelle, indue, ajouterai-je, j'observerai qu'une légère réduction des 100 millions dont elle bénéficie - un peu plus, comme le rappelait tout à l'heure M. Pagani - l'encouragerait peut-être à opérer certains arbitrages dans les dépenses somptuaires que l'on peut y constater. C'est d'ailleurs la discipline à laquelle tous les entrepreneurs doivent se plier au quotidien, en particulier en ces périodes difficiles. Encore une fois, le PLR soutiendra cette motion. Je vous remercie de votre attention.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, c'est effectivement un impôt inique. Pourquoi inique ? (Remarque.)
Une voix. Micro !
Une autre voix. On n'entend pas ! (Un instant s'écoule.)
M. Olivier Cerutti. Cette fois vous m'entendez ?
Des voix. Oui !
M. Olivier Cerutti. Merci, c'est gentil. Cet impôt est effectivement inique - pourquoi ? Parce qu'une taxe doit être appliquée à tous ! Or il y a aujourd'hui trop de catégories professionnelles qui y échappent. Si nous proposons cette solution, c'est qu'il est clair, à nos yeux, qu'il faut donner un petit coup de pouce et se rappeler que des gens rencontrent des difficultés, notamment de petites entreprises et des commerces.
Je félicite la Ville de Genève de renoncer à encaisser les loyers de l'ensemble de ses baux ! C'est bien, Mesdames et Messieurs ! Mais considérez deux commerçants: l'un est locataire de la Ville de Genève et n'a donc plus besoin de payer son loyer, tandis que celui d'à côté a pour bailleur un autre propriétaire et doit le payer. C'est une distorsion de concurrence ! Je préférerais quant à moi que la Ville de Genève offre la possibilité de faire une véritable déduction, notamment à travers la taxe professionnelle. Je vous remercie. (Remarque.)
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, on devine à travers les interventions récentes - les dernières - qu'il y a une attaque larvée contre la taxe professionnelle, que l'on qualifie d'inique; pour moi, elle ne l'est pas. Beaucoup de sociétés, d'entreprises, ne paient pas d'impôts en tant que personnes morales, et c'est normal parce qu'elles ne font pas de bénéfices. Cela dit, elles utilisent quand même les infrastructures communales et je ne considérerais donc pas que c'est une taxe inique. S'il se trouve que la formule actuelle est peut-être discutable, je ne remettrais toutefois pas directement en cause l'ensemble de la taxe professionnelle. Je veux bien en revoir les principes, mais sans la qualifier ainsi que vous l'avez fait.
S'agissant de la motion qui nous occupe, je considère que nous avons débattu pendant une bonne partie de la journée d'hier des aides à attribuer aux secteurs concernés par ce texte... (Remarque.) ...et je préfère qu'on parte sur cette voie-là, qui est objective... (Remarque.) ...plutôt que d'intervenir en aval par des déductions fiscales qui seront d'une façon ou d'une autre discutables. Certaines communes, on l'a dit, ne prélèvent pas de taxe professionnelle, dans les autres, les prélèvements sont plus ou moins élevés; il y a donc aussi une distorsion de la concurrence - peut-être pas dans la même commune mais entre communes, ce qui me pose également un peu un problème. Si nous sommes par conséquent plutôt contre ce texte, nous ne nous opposerons pas à un renvoi à la commission fiscale pour essayer de voir de façon un peu plus précise quels sont les chiffres qui se cachent derrière la motion. Je vous remercie.
M. Jean Burgermeister (EAG). En réalité, cette proposition de motion n'a pas beaucoup de sens puisqu'elle bénéficierait massivement aux grands groupes et non aux petites entreprises, encore moins - pas du tout - aux indépendants, alors que ce sont précisément les catégories les plus touchées par la crise. Elles ont besoin non pas de cette exemption un peu ridicule, mais d'aides concrètes et ciblées aux entreprises et en faveur des revenus des salariés et de l'ensemble des travailleurs, y compris des indépendants. Evidemment, la droite ne parle qu'un seul langage: celui de l'abattement fiscal. C'est pour ça qu'elle vient avec cette proposition aussi inefficace qu'absurde, qui aurait pour conséquence de réduire les possibilités de dépenses de la Ville - en pleine crise sociale, ce serait un vrai problème.
En réalité, il existe d'autres solutions pour aider les entreprises. Savez-vous que l'imputation de l'impôt sur le bénéfice à l'impôt sur le capital prévue dans la RFFA coûtera plus de 147 millions au canton en 2021, alors qu'elle sera de 25% seulement cette année-là ? Au lieu de multiplier les exemptions, le Conseil d'Etat aurait pu suspendre le processus d'imputation afin de dégager des dizaines de millions qui auraient permis d'apporter de véritables aides en faveur des indépendants, des petits commerçants et de l'ensemble des travailleuses et des travailleurs touchés par la crise ! D'autant plus que ç'aurait été fondamentalement juste puisque ce sont des entreprises qui font des bénéfices - des entreprises qui se portent donc bien - qui auraient participé à l'effort collectif pour aider celles qui se retrouvent dans de grandes difficultés.
M. Daniel Sormanni (MCG). Je voudrais quand même faire deux ou trois petites remarques, Monsieur le président - vous transmettrez à M. Cerutti. D'abord, toutes les entreprises, y compris les indépendants, paient la taxe professionnelle ou y sont en tout cas soumises. On espère qu'elles font leur déclaration chaque année; c'est une question d'équité et je pense que personne n'y échappe. Au final, vous voulez exonérer un certain nombre de petits commerces pour lesquels, je l'ai dit tout à l'heure, ce sera «peanuts» ! Ce n'est donc pas ça qui va les aider ! Je crois que ce qui le fera, ce sont les aides, en particulier celles que nous avons notamment votées hier, ainsi que le projet de loi du MCG pour soutenir tous ceux à qui jusqu'à présent les aides ont fait défaut.
Pour répondre encore à M. Olivier Cerutti - vous transmettrez, Monsieur le président - il n'y a pas d'iniquité par rapport au loyer: si la Ville de Genève a décidé d'exonérer ceux qui louent ses locaux, elle a également décidé de participer au troisième accord sur le logement. Dans ce cadre, l'Etat prend en charge 40% du loyer et 40% sont pris par le bailleur - pour autant qu'il accepte, parce qu'un certain nombre d'institutions n'a pas voulu le faire, je parle de grandes assurances notamment, qui ont refusé l'exonération. La Ville de Genève, de son côté, prendra en charge les 20% restants pour les entreprises dont le loyer est supérieur à 7000 francs et qui évidemment ont leurs locaux sur son territoire. Elle fait des efforts et elle a voté plusieurs millions à cet effet. De plus, un projet du MCG qui prévoit d'apporter une aide de 20 millions de francs aux petits commerçants à travers la Fondetec a été renvoyé à la commission des finances. Vous voyez donc qu'il n'y a pas d'iniquité dans le domaine ! C'est la raison pour laquelle je pense que cette motion, qui n'est finalement qu'un emplâtre sur une jambe de bois, n'est pas nécessaire, et je vous invite à la refuser.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion est évidemment très intéressante, parce que l'on sait que cette taxe est en partie une charge incompressible pour les entreprises; il faut pouvoir les en libérer, d'autant plus lorsqu'elles ne sont pas en mesure d'exploiter ou de faire du chiffre d'affaires. La forme retenue - une motion - ne me pose pas de problème, mais le Conseil d'Etat souhaiterait toutefois que le texte soit renvoyé à la commission fiscale, parce qu'il convient effectivement de consulter les communes. Si certaines ont fait d'elles-mêmes des propositions et suggéré de revoir cette taxe professionnelle, il s'agit pour d'autres de ressources absolument essentielles aux budgets communaux qui, vous l'imaginez bien, sont déjà ficelés pour l'année 2020. Il me semblerait par conséquent cohérent qu'une consultation des communes intervienne avant que le Conseil d'Etat soit appelé à entrer en jeu, faute de quoi celui-ci ne pourrait pas donner une suite favorable au texte. Je suggère donc, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, que ce texte fasse l'objet d'un renvoi à la commission fiscale, qui pourra le traiter, cas échéant, très rapidement, de façon que les obligations de part et d'autre soient respectées. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission fiscale que je soumets à votre vote.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2702 à la commission fiscale est rejeté par 50 non contre 29 oui et 3 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 2702 est rejetée par 46 non contre 36 oui et 1 abstention. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Nous passons à l'objet suivant, la M 2703. Je cède la parole au premier signataire, M. Vincent Subilia.
M. Vincent Subilia (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président, je m'autorise à reprendre la parole. Vous savez le PLR soucieux de l'efficience de ce plénum et vigilant quant à l'économicité de ses ressources - on vient d'en apporter la démonstration. A ce titre, j'ai le plaisir de vous annoncer ici que nous retirons la motion, devenue sans objet à la suite des décisions qui nous ont été communiquées ce mercredi par le Conseil d'Etat.
Permettez-moi toutefois, puisque la parole m'est donnée - mais je n'en abuserai pas - de dire un mot du combat mené par le PLR, parti des commerçants, avec d'autres, pour faire entendre sa voix dans ce débat qui nous paraissait essentiel. La mesure imposée à Genève était perçue comme une véritable distorsion en faveur, vous l'aurez compris, de nos voisins vaudois notamment, et le Conseil d'Etat en avait conscience puisqu'il a entendu les doléances exprimées; l'objectif est ainsi atteint. Une distorsion qui était d'autant plus manifeste que les commerçants, dans leur grande majorité, avaient massivement investi pour se doter de plans de protection dignes de ce nom et faisaient montre de toute la responsabilité que l'on peut attendre des acteurs économiques.
Nous nous réjouissons donc que la voix que nous avons portée ait été entendue et, à l'instar du gouvernement, nous appelons celles et ceux qui dès demain pourront retourner dans ces lieux de vie, mais non de contagion, que sont nos commerces à faire preuve de tout le sens civique et de la responsabilité qui incombe à chacun. Voilà, Monsieur le président, je terminerai en me réjouissant encore une fois que nous ayons été entendus sur ce dossier comme sur d'autres. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il est pris acte du retrait de cet objet.
La proposition de motion 2703 est retirée par ses auteurs.
Le président. Nous abordons maintenant la M 2710 et je passe la parole à son premier signataire, M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Comme nous l'avons déjà dit hier soir lors du débat sur le PL 12804, il est important que les commerces puissent étendre leurs heures d'ouverture. Je rappelle ici les deux raisons essentielles: parce que les mois de novembre et de décembre sont primordiaux pour ces commerces, mais également pour lisser le flux de clients. En élargissant les heures d'ouverture, on va effectivement lisser la clientèle sur une durée plus grande et il nous semble que c'est vraiment important par les temps qui courent. C'est aussi pour ça que nous avions déposé ces textes.
Nous demandions en outre de permettre d'ouvrir les dimanches. La loi fédérale ne le permet pas, mais l'idée était simplement de voir si on pouvait passer par voie d'arrêté ou si une dérogation était possible à ce niveau-là. D'après certaines informations, ce n'est malheureusement pas possible dans le contexte actuel. Comme le projet de loi va être travaillé lundi déjà à la commission de l'économie et qu'on a bien compris qu'une ouverture le dimanche n'était pas possible, le groupe UDC retire cette proposition de motion. Je vous remercie.
Une voix. Bravo.
Le président. Merci, Monsieur le député. Il est également pris acte du retrait de cet objet.
La proposition de motion 2710 est retirée par ses auteurs.
Le président. Nous passons à la M 2716. La parole va à M. Bertrand Buchs, premier signataire.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Si les débats que nous avons entre hier et aujourd'hui sont extrêmement intéressants - ils montrent que le parlement peut vraiment travailler de manière intelligente avec le Conseil d'Etat - ils révèlent néanmoins, et on l'a dit et répété, que les aides que nous allons octroyer ne sont pas suffisantes. Ça ne signifie pas que nous voudrions donner plus, mais la Confédération décide d'être un tout petit peu pingre et l'Etat de Genève, à cause de sa dette et de ses possibilités financières, est quand même très limité quant au niveau des soutiens qu'il peut apporter.
La deuxième vague de cette épidémie de covid a énormément fragilisé tant le tissu social que le tissu économique, et il n'est pas sûr, même avec les aides que nous avons votées pendant ces deux jours, que des entreprises saines, qui auparavant travaillaient tout à fait normalement, puissent repartir d'une façon correcte une fois que la crise sera terminée. On a vraiment besoin que notre économie puisse repartir immédiatement à la fin de la crise et qu'elle ne mette pas plusieurs mois, voire années, pour retrouver son rythme de croisière. Il faut par conséquent essayer de mobiliser tout l'argent qu'on peut.
Beaucoup de fondations ont déjà donné, notamment une dont on ne va pas citer le nom, qui a donné énormément d'argent pour des aides sociales. La Loterie romande a également donné beaucoup d'argent, mais on arrive au bout de ces possibilités. On peut s'arrêter en disant qu'on a fait ce qu'on pouvait mais qu'on n'a pas fait le 100% de ce qui est nécessaire, et alors à ce moment-là la subsidiarité rentre en compte. On pourrait imaginer que ceux qui n'ont pas souffert de la crise - parce qu'il y en a: des gens qui n'ont pas perdu d'argent, des gens qui ont continué à travailler et ont maintenu leur chiffre d'affaires - puissent participer d'une façon solidaire à un fonds qui serve à aider ceux qui n'ont malheureusement pas eu le choix de fermer ou de diminuer l'activité de leur commerce ou de leur entreprise.
Quand on décrète des fermetures - et ce sont des décisions nécessaires - il faudrait qu'on puisse dire aux gens qu'on va subventionner leur chiffre d'affaires pour qu'ils n'aient pas à licencier, pour qu'ils puissent payer leurs impôts et leurs charges. Malheureusement, nous n'en avons pas les moyens, et nous demandons donc à ceux qui ont eu la chance de ne pas perdre d'argent durant cette crise, ou qui en ont même gagné, de donner volontairement une somme d'argent qu'ils fixeront eux-mêmes pour aider ces entreprises ! Ça peut très bien marcher ou ne pas marcher, mais les quelques centaines de milliers de francs ou les quelques millions ou centaines de millions qu'on obtiendrait avec cette contribution volontaire seraient les bienvenus pour aider les entreprises et commerces qui souffrent énormément. Je vous demande par conséquent de voter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. le député Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Pardon, Monsieur le président, c'était sur le point précédent.
Le président. Très bien, la parole est maintenant à M. le député Pierre Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Je remercie le PDC de nous plonger dans quelque chose qui n'est pas sans évoquer les indulgences papales que nous avons connues en cas de crise. Vous savez, c'est le sacrement de pénitence: il faut donner - donner pour se faire pardonner ! Donner non pas sous la forme d'un don invisible à quelqu'un qu'on croise ou qu'on connaît, mais donner de manière officielle à l'Etat. En échange, l'Etat... Enfin, ce n'est évidemment plus comme avant, l'Etat est bien sûr laïc, mais l'Eglise catholique pourrait délivrer officiellement un certificat d'indulgence aux généreux donateurs. Je pense que ce projet est malheureusement incomplet parce qu'il a oublié cet élément essentiel, cet élément qu'est l'indulgence - qui va de pair avec la pénitence - qui devrait nous permettre de sortir de la crise. C'est une solution comme une autre; ce n'est peut-être pas celle que nous favorisons.
En réalité, je suis un peu surpris que cet objet ait été maintenu: je pensais qu'il serait retiré, comme les deux autres motions devenues inutiles. Ce texte aussi va devenir inutile puisque les propositions fiscales que nous allons faire vont instaurer une solidarité institutionnelle ! Vous savez, ce système où les plus riches contribuent au bien commun non par charité mais parce qu'il y a des règles, qui s'appliquent à toutes et à tous, en vertu desquelles certains contribuent au bien-être de tous parce qu'ils en ont les moyens. Cela non parce qu'ils sont généreux ou veulent s'acheter une place au paradis, mais simplement parce que dans notre république la loi s'applique à tous. Mais je vais quand même faire passer mon chapeau dans les rangs du PDC et chacun et chacune pourra contribuer à la bonne tenue de notre république. Je vous remercie.
M. Jean Romain (PLR). Le besoin d'aide est effectif et il n'est assurément pas nécessaire d'en convaincre le parlement. Il y a néanmoins deux obstacles à cette motion, qui part évidemment d'un tellement bon sentiment qu'on pourrait presque parler de dérive émotionnelle. Premièrement, pourquoi passer par le Grand Conseil ? Ce sont des fonds volontaires, uniques et privés qui sont demandés; pourquoi ne pas passer par une association privée qui pourrait récolter ces fonds et les redistribuer selon les besoins ?
Le deuxième obstacle, c'est qu'il s'agit au fond d'une aumône ! Une aumône que l'on ferait, comme ça, volontairement, à des personnes qui n'entendent pas recevoir de la pitié mais de la justice ! Les gens veulent travailler - ces gens-là paient des impôts lorsqu'ils travaillent et l'Etat doit maintenant faire ce qui lui incombe, et il a précisément commencé à le faire. Que serait un Etat qui accepterait une motion émotionnelle qui remplace le travail qui lui revient ?
Non, nous avons une institution étatique; cette institution étatique est bonne et fait ce qu'elle peut, mais c'est à elle de prendre en charge les difficultés. Et si nous devons faire l'aumône, comme peut-être à la fin de la messe nous faisions jadis la quête, eh bien la messe n'est pas dite ! M. Bayenet va sans doute nous proposer un codicille à cette messe, mais le PLR ne va pas suivre cette motion. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Effectivement, ce n'est pas à l'Etat de se substituer à la Chaîne du bonheur, de quémander auprès de ses citoyens et de faire l'aumône de la sorte. Maintenant, si des personnes veulent contribuer de manière volontaire, je les invite à payer leurs impôts en avance ! Vous avez la possibilité, selon l'administration fiscale, de payer en avance ce que vous voulez sur votre fortune jusqu'à 99 millions, sauf erreur. Et vous en retirerez un bon bénéfice puisque l'Etat vous versera des intérêts... (Exclamations. Commentaires.) Je pense que sur 99 millions, ça compense largement. (L'orateur rit.) Cela étant dit, si les gens ont les moyens, eh bien qu'ils paient en avance, mais on ne va pas réduire l'Etat à faire l'aumône de la sorte. Nous refuserons donc cette proposition de motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Bertrand Buchs, vous avez la parole mais vous parlez sur le temps de votre groupe.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. On prend vraiment des postures, dans la discussion ! On doit faire face à une situation exceptionnelle, une situation qu'on n'a jamais vue, on doit mobiliser des moyens mais l'Etat n'a pas les moyens de le faire ! Nous évoquerons, la semaine prochaine, un déficit budgétaire de près de 1 milliard: nous savons que nous n'avons pas les moyens ! Nous devrions avoir des moyens beaucoup plus grands pour aider les gens; on sait que la Confédération ne veut pas le faire !
Alors on adopte des postures: la gauche veut augmenter les impôts des plus riches, la droite ne veut pas augmenter les impôts. On adopte tous des postures et, en fin de compte, nous n'aiderons pas les gens qu'on veut aider. Tandis que le canton de Vaud met 155 millions sur la table, nous sommes quant à nous à 67 millions ! Vous aurez de la casse au niveau du tissu associatif et des entreprises - des entreprises vont faire faillite. Elles ne vont pas reprendre leur activité; même si nous avons voté des lois très utiles ces derniers temps, les aides ne sont pas assez élevées ! Elles ne sont pas suffisantes !
Alors il reste la solidarité - et je m'étonne que la gauche soit contre la solidarité ! Ça consiste tout bêtement à dire que les gens qui veulent mettre plus d'argent en donnent à l'Etat. Ce n'est pas une aumône, ce n'est pas une quête: je participe simplement, en tant que citoyen, à la solidarité parce que je n'ai pas eu de problème pendant cette crise ! Moi le premier: je n'ai pas perdu d'argent et je donnerai de l'argent à l'Etat s'il m'en demande parce que je n'en ai pas perdu ! D'accord ?!
Est-ce que vous avez tous des oursins dans la poche ? Au moment où on vous demande de faire un effort, de dire aux gens qui n'ont pas perdu d'argent, qui ont reçu leur salaire à 100%, qui ont eu tout... Non, non, non, on ne va pas aider; c'est l'Etat qui doit y pourvoir ! Mais l'Etat ne peut pas y pourvoir parce qu'il n'en a pas les moyens ! Alors faisons cet effort une fois dans notre vie - une telle situation se produit une fois par siècle - pour aider les entreprises et éviter qu'elles ferment ! Je vous remercie.
M. Patrick Dimier (MCG). Intéressant débat s'il en est. J'aimerais rappeler à tout le monde que nous luttons depuis un certain temps déjà, en nous plaignant d'une mauvaise application de l'article 99, alinéa 4, de la Constitution. De quoi traite cet article 99, alinéa 4, de la Constitution ? Il traite de la répartition du bénéfice de la BNS. Or deux tiers de ce bénéfice, texte constitutionnel à l'appui, doivent revenir aux cantons. Et qu'est-ce qu'on a eu l'année dernière ? 2 milliards sur un bénéfice de 54 milliards. On a donc effectivement un assez gros problème, mais peut-être que pour les marxistes et leurs camarades, ce n'est pas bien de demander de l'argent à la caisse fédérale - ça voudrait dire qu'on lui demande une indulgence ! Et en matière d'indulgence, il faut dire que le monde l'a été, indulgent, avec eux, puisqu'ils ont fait souffrir la moitié de la planète pendant septante ans.
Ce n'est donc pas de cette manière-là qu'on doit prendre les questions. Je pense que chacun doit faire à sa mesure, chacun doit contribuer comme il le peut. On a entendu plein de possibilités, jusqu'à faire des dons à l'Etat. J'ai entendu parler de générosité; il faut se souvenir qu'en pays calviniste, au moment du café, on vous demande si vous voulez du sucre ou du lait. La générosité n'est donc pas dans l'ADN des calvinistes.
Pour finir, j'aimerais juste rappeler qu'on peut vouloir tout et son contraire, mais lorsqu'il faut résoudre des problèmes aussi importants... (L'orateur fait une fausse liaison entre «aussi» et «importants». Remarque.) Aussi importants; merci pour la correction. J'ai évité de dire «conséquents», ce qui est une énorme faute de français qu'on fait tout le temps, vous compris ! Ce que je veux dire, c'est qu'on doit se rassembler et trouver les solutions ensemble; non pas les uns contre les autres mais ensemble - notre conseillère d'Etat l'a dit hier sur un autre sujet. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, M. Buchs - vous transmettrez, Monsieur le président - s'étonne que la gauche ne défende pas la solidarité. Mais ce que vous proposez, Monsieur Buchs, c'est un mécanisme de charité et non de solidarité. Vous reprenez en cela, vous faites vôtre, la maxime d'un de mes confrères, Me Bonnant, qui disait très clairement qu'il préfère la charité à la solidarité. C'est pourquoi je me suis un petit peu étonné du dédain entendu du côté du PLR et de l'UDC vis-à-vis de l'aumône, au vu des coupes qu'ont faites et continuent à faire ces partis. Et ils nous disent maintenant: «Ah, mais c'est la responsabilité de l'Etat !» Mais vous n'avez eu de cesse, Mesdames et Messieurs de la droite, PDC compris, d'assécher l'Etat depuis des années ! Alors ces postures, où sont-elles, Monsieur Buchs ? Je vous le demande - vous transmettrez, Monsieur le président.
Vous dites, Monsieur Buchs - vous transmettrez encore cela, Monsieur le président - que nous n'avons pas les moyens. Déclarer que l'Etat n'a pas les moyens, c'est aussi un des grands trucs de la droite depuis des années. Vous parlez des 150 millions qu'alloue l'Etat de Vaud; mais comment apparaissent ces 150 millions ? Ce n'est pas par magie ! Ce sont des choix de politique fiscale - ce sont vos choix de politique fiscale, Mesdames et Messieurs du PDC, du PLR, de l'UDC et du MCG - qui nous ont mis dans cette situation et qui font qu'il est maintenant si compliqué de donner les aides dont les entreprises mais aussi les travailleurs et les travailleuses de ce canton ont besoin !
La dernière chose que j'aimerais dire, M. Buchs a raison sur ce point, c'est que si certains perdent, d'autres ne perdent pas; certains, et certaines, gagnent même. Il y a donc une réflexion à mener sur la fiscalité, non seulement par rapport à la contribution des plus riches, mais également par rapport à celle des secteurs qui gagnent, par exemple celui de la livraison, mais aussi de la vente sur internet. Ces secteurs-là pourraient contribuer davantage, c'est vers eux que nous devons orienter notre réflexion et non vers le volontariat, comme le propose le PDC avec ce texte. Nous vous demandons par conséquent de le refuser. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je note que vous avez bien rempli la corbeille, que je transmets volontiers à M. Buchs. La parole est maintenant à M. le député Pablo Cruchon.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'aimerais rejoindre mon collègue Cyril Mizrahi dans la réponse au groupe PDC en disant que si nous n'avons pas les moyens, c'est évidemment du fait de choix politiques, qui par ailleurs, je le préciserai quand même, ont été soutenus par le parti socialiste pour le volet RFFA ! Ce petit détail méritait d'être signalé au passage, puisque la politique économique a été dictée par les partis gouvernementaux. Cela étant, c'est un vrai problème: nous n'avons pas de moyens pour répondre aux besoins urgents de la population ! Le PDC ainsi que les forces de droite ont systématiquement baissé les impôts et refusé les augmentations d'impôts, qui sont l'expression de la solidarité, d'une véritable solidarité ! Ce que propose cette motion, c'est de la charité, ce qui est complètement différent; je vous renvoie aux définitions. La solidarité s'organise au sein d'un Etat.
Au sujet des caisses fédérales et pour rebondir sur ce qu'un des collègues a déclaré: nous sommes très favorables au fait d'aller piocher dans les caisses fédérales ! Il n'y a pas de problème idéologique pour des néomarxistes, ainsi qu'on nous qualifie, à aller piocher dans l'argent de la BNS ou des caisses fédérales. Au contraire ! La Confédération devrait mettre cinq ou même dix milliards sur la table pour qu'on puisse répondre au besoin prépondérant de la population. Nous n'avons donc aucun problème avec ça.
De manière générale, je demande quand même à ce parlement de refuser ce texte, parce que nous avons une gestion pitoyable de cette crise - pitoyable déjà dans les actes du Conseil d'Etat, faisant de la situation à Genève la pire d'Europe. Il faudra faire la lumière là-dessus et nous y reviendrons. On nous a parlé de courage politique, mais j'aurais quant à moi préféré de l'efficacité pour éviter les morts. Nous avons surtout développé des mesures qui servent à préserver les infrastructures de l'économie, mais pas les salariés - au contraire. Au contraire: le PDC notamment est prêt à ouvrir les commerces, à étendre les horaires d'ouverture des magasins pour les caissières, qui sont au front. Voilà la solidarité du PDC !
J'aimerais enfin revenir sur l'ouverture étendue des magasins, puisque je n'ai pas pu m'exprimer aujourd'hui sur la question - je suis un peu déçu que l'UDC ait retiré sa motion, parce que je voulais aussi adresser mes critiques au gouvernement sur ce sujet. Si nous avons débattu hier de l'amendement PLR, qui visait évidemment à généraliser cette ouverture sur toute la semaine, M. Poggia est le premier à avoir ouvert le feu en étendant les horaires du samedi. Ce procédé est absolument inacceptable et contraire au droit supérieur puisqu'il n'a pas sérieusement consulté les travailleuses et les travailleurs de la branche. Il a consulté le syndicat au dernier moment et utilise la pandémie pour faire avancer l'agenda des grands groupes de la distribution afin de déréguler les horaires de travail. Vous me permettrez donc de conclure là-dessus: choisissons la solidarité, la défense des travailleurs et de la santé des gens avant la charité, l'argent des copains et des solutions complètement antisociales. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Pierre Bayenet, c'est à vous pour trente-sept secondes.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. C'est très court, Monsieur le président, mais je vais faire avec. L'Etat n'a pas les moyens: c'est un peu le leitmotiv évoqué par M. Bertrand Buchs et que l'on a beaucoup entendu aujourd'hui. J'aimerais rappeler que les inégalités sociales explosent depuis vingt ou trente ans et qu'il est vrai que l'Etat s'affaiblit. Alors qu'il avait autrefois des moyens, ce sont quelques personnes très fortunées, de grands groupes économiques qui ont désormais les moyens de diriger le monde à leur manière. Ils détruisent la démocratie en prenant par l'argent un pouvoir qui appartenait auparavant à l'Etat et ils dépossèdent le peuple de ce pouvoir. Alors qu'on vienne nous parler de charité...
Le président. Merci, Monsieur...
M. Pierre Bayenet. ...eh bien c'est un peu le sommet...
Le président. ...c'est terminé.
M. Pierre Bayenet. ...le point culminant de cet état de fait: on se rend compte que l'Etat abdique et s'en remet au privé pour faire fonctionner l'Etat social. C'est vraiment une vision du monde que nous rejetons de manière totale et définitive.
Le président. Merci beaucoup. La parole va maintenant à M. le député Sébastien Desfayes.
M. Sébastien Desfayes (PDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur certains propos tenus ici; finalement, mieux vaut entendre ça que d'être sourd, mais quand même ! Je commencerai par le député Jean Romain - Monsieur le président, vous n'avez pas besoin de transmettre: nonobstant son âge avancé, je crois qu'il est tout à fait capable de m'entendre.
Des voix. Oh !
M. Sébastien Desfayes. Il parlait de ses souvenirs, de ses lointains souvenirs de jeunesse quant à l'aumône. D'abord, ça ne s'appelle pas l'aumône mais l'offertoire, et ce n'est pas après mais pendant la messe. Jean Romain, Monsieur le député, vous pourriez donc aller à la messe avec votre cousin ou même avec votre frère: ça rafraîchirait ces souvenirs.
Mais trêve de plaisanterie ! J'ai aussi entendu un mépris hallucinant à l'égard de l'aumône. L'aumône est un des principes de la solidarité; pourquoi un tel mépris vis-à-vis de l'aumône ? On sait que sans les contributions ecclésiastiques, sans l'aumône, les Eglises et des associations caritatives comme Caritas ne pourraient pas subsister; elles ne pourraient pas remplir le rôle social qui est le leur. Pourquoi un tel mépris ?
Et puis j'ai entendu aussi l'éloge du canton de Vaud, je crois de la bouche du député Mizrahi, qui pourrait prendre des mesures alors que Genève n'en est pas capable. C'est juste ! C'est effectivement le cas, mais la question qu'il faut se poser, c'est pourquoi. Contrairement à ce qui a été avancé, ce n'est pas parce que Vaud aurait une politique fiscale plus lourde que Genève, bien au contraire - on sait très bien que ce n'est pas le cas. C'est tout simplement parce que ce canton, pendant les années de vaches grasses, a été beaucoup plus prudent en matière de dépenses publiques, en matière de politique budgétaire, ce qui lui permet aujourd'hui de faire face à la terrible situation que tous les cantons suisses traversent. Merci.
M. Pierre Eckert (Ve). Ce débat, Mesdames et Messieurs, chers collègues, me laisse un peu perplexe: le sujet a été fortement politisé. Il est clair qu'un certain nombre de fortunes se sont renforcées à travers la crise. Pas mal de personnes en ont bénéficié et ont augmenté à la fois leur revenu et leur fortune; nous avons discuté hier d'une imposition sur les fortunes supérieures à 2 millions qui n'a pas passé.
Je serai quant à moi un peu plus charitable vis-à-vis de la motion présentée par le PDC et je dirai: pourquoi pas ? On pourrait essayer - ce n'est pas forcément l'avis majoritaire au sein du groupe et nous laisserons la liberté de vote en fin de discussion; pourquoi ne pas essayer cette voie-là ?
Je ne dirais pas non plus que c'est de la charité, plutôt que ça ressemble à du mécénat. La différence avec le mécénat, c'est que le mécène choisit la personne qu'il a envie de soutenir, ce qui n'est pas le cas ici puisque l'argent récolté passerait par la FAE, la Fondation d'aide aux entreprises. Celle-ci le redistribuerait en fonction de ses propres critères habituels; bien entendu, nous, les Verts, aimerions qu'on soutienne essentiellement les entreprises actives dans la transition écologique, sociale et énergétique. D'une façon ou d'une autre, donc, pourquoi pas: je demande à voir si le mécanisme peut fonctionner. Comme je vous l'ai dit, il peut y avoir un certain scepticisme, mais je pense qu'il faudrait tenter de temps en temps des initiatives un peu novatrices. Voilà, je m'arrête ici puisque j'ai déjà indiqué comment le groupe votera.
M. François Baertschi (MCG). En fait, cette motion demande aux particuliers genevois de se substituer à la Confédération, qui ne paie pas ce qu'elle doit ! Est-ce que c'est vraiment le rôle des particuliers de payer, de se substituer à la Confédération, de faire l'aumône, comme certains l'ont dit ? Est-ce qu'il leur incombe de faire des contributions volontaires alors que la Confédération refuse de verser les contributions suffisantes qu'elle devrait allouer à Genève mais aussi à la Suisse romande ? Il faut voir que la Suisse romande et Genève en particulier sont dans une situation critique, difficile. Cette situation n'est pas due aux qualités ou aux défauts de Genève, mais principalement à des mécanismes de l'épidémie que nous avons de la peine à déterminer.
J'entendais encore aujourd'hui certains vanter à la radio la méthode zurichoise; les Zurichois sont en effet plus malins que nous pour nous escroquer, pour nous arnaquer au niveau fiscal, au niveau de la péréquation intercantonale, pour prendre les enveloppes fédérales. Oui, ils sont très forts, et les Vaudois également ! Comme disait le député Desfayes - vous transmettrez, Monsieur le président - les Vaudois sont très forts pour nous piquer la substance économique: pendant longtemps, ils n'ont montré aucune solidarité. Bon, les choses ont changé et ils font maintenant parfois preuve d'une solidarité à géométrie variable: ils nous soutiennent donc dans certains cas, mais malheureusement pas suffisamment. La triste réalité, c'est qu'ils nous laissent le plus souvent tomber.
Pourquoi ne pas avoir des contributions volontaires ? Il n'y a besoin ni d'une motion ni d'une loi pour que cela se fasse. Mais si c'est pour payer ce que la Confédération refuse de nous allouer, alors c'est un très très mauvais signal que nous aurons beaucoup de peine à suivre. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Patrick Saudan. Monsieur Patrick Saudan, vous avez neuf minutes de temps de parole à disposition pour l'ensemble des objets, pour une intervention limitée à sept minutes. C'est à vous.
M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président, ce sera amplement suffisant. Vous transmettrez à M. Cruchon, qui hier soir déjà a évoqué des milliers de morts et qui aujourd'hui parle de faire le bilan de cette deuxième vague et d'en chercher les responsabilités, qu'il ne faut pas caricaturer ce débat. Lors de la première vague, Mesdames et Messieurs les députés, il y a eu 144 morts aux HUG attribués au covid. Lors de cette deuxième vague, nous en sommes actuellement - hier à midi - à 191 décès. Nous sommes donc très loin des milliers de morts évoqués par M. Cruchon ! Le gros problème de la pandémie du covid, c'est l'engorgement des structures sanitaires. Mais ces structures sanitaires ont tenu le coup, et la mortalité à Genève est égale ou même inférieure à celle de beaucoup d'endroits en Europe.
Ensuite, s'agissant de cette motion, on peut se gausser des propositions du PDC, mais il y a une réalité qui est très claire: le secteur privé est sinistré suite à cette pandémie. La fonction publique, même si certains ont beaucoup travaillé, est quant à elle préservée. Qui faut-il défendre ? C'est une question que je pose à Ensemble à Gauche. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. le député Pablo Cruchon... Non, vous n'avez plus de temps de parole; nous sommes désolés, Monsieur Pablo Cruchon. Je cède le micro à M. le député Jean Romain.
M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, je ne vais pas entrer dans tous les détails de l'offertoire, mais c'est la partie de la messe qui précède l'offrande du pain et du vin - je reviendrai sur ces deux substances. M. Desfayes est sans doute très jeune et sa fréquentation de la messe relève vraisemblablement d'un très très lointain passé; il ne se le rappelle pas. On ne va pas en vouloir à quelqu'un du centre qui a abandonné le «C» ! (Rires.)
M. Desfayes n'a pas la mémoire assez aiguisée. Le pain et le vin: mais le pain est celui que chacun tente de gagner à la sueur de son travail ! C'est ce que nous devons faire ici et il n'est pas besoin d'une motion-charité pour aider ces gens: l'Etat y pourvoira, ainsi que la réouverture de leurs magasins. Quant au vin, chers collègues, je suggère à Sébastien Desfayes de ne pas trop en abuser lorsqu'il prend la parole pour défendre cette aumône. Non, il s'agit tout simplement de passer le chapeau après le tour de piste de M. Desfayes ! Eh bien ce soir, chers collègues, je ne lui jetterai aucune aumône !
M. Cyril Mizrahi (S). Je voudrais revenir très rapidement sur deux éléments. Tout d'abord, sur une réflexion que m'inspire la remarque de Pierre Eckert par rapport au mécénat - une réflexion que je me suis faite en lisant cette proposition de motion. C'est quand même de la charité; et même si M. Desfayes nous a fait tout à l'heure l'éloge de l'aumône, il s'agit néanmoins d'une aumône bien sélective ! En effet, qui soutient-on ? De nouveau, ce sont uniquement les entreprises. Nous avons vu à travers les différents votes qu'on n'hésite pas à voter la clause d'urgence pour les entreprises, tandis que pour les travailleurs et les travailleuses qui sont dans le besoin, on se contente de renvoyer la chose en commission. Peut-être qu'après encore un autre référendum et encore un autre passage en plénière - ou plutôt l'inverse - le peuple pourra se prononcer dans une année; c'est ce qui va se passer pour les travailleurs et travailleuses précaires. Ce traitement différencié se retrouve dans les aides de l'Etat et jusque dans l'aumône, fût-elle positive, que nous propose ici le PDC.
J'aimerais également répondre, et je terminerai par là, à M. Saudan qui nous dit que la fonction publique est préservée. Mais c'est vraiment insultant, ce que vous dites ! Il y a des services complètement sinistrés, par exemple le SPAd, qu'on essaie de relever, parce qu'ils croulent sous le poids des dossiers ! Pourquoi ? A cause de la pénurie que vous avez organisée depuis des années ! Comment peut-on nous dire ici que ces personnes sont préservées, alors qu'elles renoncent aux mécanismes salariaux pour qu'on puisse ouvrir des postes afin de soulager un tout petit peu la charge de travail et assurer que l'Etat fonctionne ! Même aujourd'hui, à l'heure où nous voyons que le rôle de l'Etat est essentiel, même aujourd'hui, vous venez encore nous dire que les fonctionnaires ont les doigts de pied en éventail ? Merci.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le débat est intéressant; j'ai l'impression qu'on a touché quelque chose de sensible avec notre motion, sinon le débat n'aurait pas été aussi long. Mais je demande aux gens de sortir de leurs postures et de réfléchir différemment: c'est maintenant qu'on a besoin d'argent, pas dans une année ! Et puis, si on soutient les entreprises, les PME et les commerces, c'est que ce sont eux qui emploient des gens: s'ils ferment, il y aura des licenciements ! S'il y a des licenciements, eh bien des personnes n'auront plus de travail. Et si des entreprises en bonne santé doivent quand même fermer par manque de liquidités, on va perdre des emplois, alors que ce sont des emplois qu'on n'aurait pas dû perdre !
C'est donc tout bête: il s'agit de se demander ce qu'on fait pour passer à travers cette crise. En dehors de toutes nos postures, que fait-on afin d'avoir assez d'argent pour passer à travers cette crise ? Notre motion n'oblige personne à donner de l'argent, personne ! Voilà, vous faites ce que vous voulez, mais j'ai l'impression que certains paniquent parce qu'ils se disent: ouh là là, moi, j'ai gardé mon salaire et on va me demander un peu de sous alors que je ne veux pas en donner ! Mais c'est quoi, cette solidarité ? C'est quoi, cette solidarité ? Et soutenir que Berne doit donner de l'argent parce qu'on n'en a pas, je vous répondrai oui ! Mais c'est la faiblesse insigne de nos représentants qui fait qu'on n'a jamais rien de Berne ! Genève n'existe pas à Berne ! Genève n'existe pas et n'a jamais existé parce qu'on n'a jamais été bons à Berne ! Mettez-vous ça dans la tête, sinon vous n'obtiendrez pas de l'argent de Berne ! Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole échoit à M. le député Serge Hiltpold pour une minute trente-neuf.
M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je reviens quand même sur les déclarations de M. Mizrahi: c'est vraiment affligeant ! Son constat par rapport à la fonction publique, que je respecte, nonobstant, est affligeant: 8% d'augmentation de la population et 7% du nombre de fonctionnaires. Je ne crois pas que c'est une pénurie organisée, franchement ! Franchement, c'est indécent !
Ensuite, ce qui me choque le plus dans cette discussion, c'est qu'on avait réussi jusqu'ici à trouver une certaine ligne de conduite, une certaine courtoisie dans les débats. Je pensais qu'une partie des socialistes avaient compris qu'il n'y a pas d'une part l'entreprise, une coquille vide, et de l'autre les gens - les employés et les travailleurs - qui sont à côté de l'entreprise, n'en font pas partie. A la commission de l'économie, les commissaires socialistes l'ont bien compris ! Mais là, Monsieur Mizrahi, je ne comprends pas votre discours ! Vous mettez l'entreprise d'un côté et les collaborateurs, les employés de l'autre, alors que c'est la même entité ! Il y a là un élément que je ne comprends pas.
S'agissant maintenant de l'aumône ou du temps que l'on consacre aux autres, je crois que la plus belle chose que vous pouvez faire, c'est de consacrer du temps aux autres. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On ne parle pas là d'argent mais d'un investissement personnel duquel vous ne pouvez pas vous défausser. Pour répondre à M. Buchs, je ne pense pas, en ce qui me concerne, que c'est à l'Etat de mettre en place une structure de dons privés. On fait tous des dons privés, mais en toute discrétion; c'est peut-être un côté parpaillot, protestant, mais quand je donne, je n'aime pas que ça se sache ! Alors je n'ai pas besoin de l'Etat pour justifier ce que je fais !
Le président. Merci.
M. Serge Hiltpold. Voilà, je pense que c'est assez. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). Après ce débat enrichissant sur l'aumône, il me semble qu'en une période où on aime féminiser tous les mots, il est peut-être utile de revenir sur l'aumônière. A l'époque médiévale, c'était le nom d'un buffet, soit d'un meuble dans lequel étaient rangées, serrées, correctement organisées les provisions qu'on donnait aux nécessiteux. Alors c'est peut-être elle qu'on devrait ouvrir !
Pour revenir sur ce qu'a dit M. Mizrahi en mentionnant le SPAd, je trouve qu'il y a des choses qu'on ne doit pas faire ! Comme utiliser l'exemple d'un service totalement désorganisé - totalement désorganisé: pour rappel, ce service avait 27 000 factures de personnes sous curatelle en retard, non pas parce qu'on a privé le SPAd de collaborateurs, mais parce que le service était totalement désorganisé. Aujourd'hui, grâce notamment à M. Apothéloz, il va se restructurer et se réorganiser. Je trouve néanmoins vraiment très incorrect d'utiliser un service qui a dysfonctionné pour justifier quelque chose que nous avions voté l'année dernière - et, sauf erreur de ma part, les socialistes n'étaient pas étrangers à cette idée-là. Merci beaucoup.
M. Patrick Saudan (HP). Très brièvement, parce que ce débat est un peu stérile: Monsieur le président, vous transmettrez à M. Mizrahi qu'il n'y a eu, à ma connaissance, aucune suppression d'emploi dans la fonction publique ni de baisse de revenus chez les fonctionnaires. Je crois que c'est un constat partagé par tout le monde, et c'est ce que j'entendais en évoquant une fonction publique préservée. D'un point de vue plus général, je pense que nos débats devraient maintenant plutôt s'orienter sur la manière d'amoindrir, en 2021, l'impact économique de la troisième vague: celle-ci est malheureusement inéluctable. Merci.
M. Cyril Mizrahi (S). Très rapidement, pour répondre à mes deux préopinants: pourquoi les services sont-ils désorganisés ? Peut-être parce que l'absentéisme explose. Et pourquoi l'absentéisme explose-t-il ? Parce que les personnes ont trop de dossiers. Et pourquoi les personnes ont-elles trop de dossiers ? Mais parce que vous avez refusé les postes ! Par exemple, pour le budget 2020, vous avez refusé tous les postes ! Vous en avez quand même accepté quelques-uns ultérieurement: vous avez fait un peu l'aumône à la commission des finances, parce que c'est vrai que c'est beaucoup plus démocratique de décider à quinze que de décider au sein du parlement ! Voilà comment les choses se sont passées.
Monsieur Hiltpold, vous me parlez de courtoisie; pardon, M. Hiltpold me parle de courtoisie - comme ça, ça vous évitera d'avoir à transmettre, Monsieur le président - et me dit en même temps que mes propos sont indécents. Est-ce que vous êtes plus courtois que les autres, Monsieur Hiltpold ? J'en doute. En réalité, Monsieur Hiltpold, je vais vous dire - vous transmettrez, Monsieur le président, s'il vous plaît - nous, les socialistes, nous n'opposons pas les entreprises et les travailleurs et travailleuses. Nous voulons aider les deux et nous avons voté le soutien aux entreprises, nous avons voté un soutien immédiat ! Alors ce n'est pas nous qui en oublions une partie: c'est vous qui pensez que les entreprises sont des coquilles vides, qu'il n'y a pas des gens qui travaillent dedans et qu'on n'a pas besoin d'aider et de protéger ces gens ! Et c'est ça qui est indécent ! Je vous remercie.
M. Serge Hiltpold (PLR). Je remercie M. Mizrahi pour ses propos bienveillants et son altruisme. Je voudrais juste lui rappeler qu'en ce qui me concerne, nous sommes entrepreneurs depuis quatre générations et que nous avons toujours respecté nos collaborateurs, qui font partie de notre famille. Je mentionnerai qu'il n'y a pas eu une seule plainte au fil de nos quatre générations, pas une seule personne, dans notre entreprise, qui se soit plainte de ses conditions. Merci.
Le président. Merci. «Ite, missa est», ce qui signifie dans ce contexte que la parole n'est plus demandée. Mesdames et Messieurs, je vous propose de passer au vote de prise en considération de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la proposition de motion 2716 est rejetée par 70 non contre 18 oui et 3 abstentions.
Le président. Nous faisons une pause de vingt minutes et reprendrons nos travaux à 18h.
La séance est levée à 17h40.